Le 20 février 2014, une unité des Berkout, les forces spéciales ukrainiennes, abattait plusieurs dizaines de manifestants hostiles à la politique du président Viktor Ianoukovitch. A l'époque, plusieurs sites complotistes ou pro-Kremlin avaient tenté de la disculper, affirmant que les civils avaient en réalité été tués par des anti-Ianoukovitch dans le cadre d'une opération sous faux drapeau...
C'était il y a dix ans. Le jeudi 20 février 2014, l'Ukraine s'apprête à vivre l'épisode le plus sanglant depuis le déclenchement de la Révolution de Maïdan. A Kiev, sur la place de l'Indépendance, épicentre de la contestation populaire, des manifestants favorables à un rapprochement avec l'Union européenne et hostiles à un gouvernement aligné sur Moscou font face à la police. Les affrontement sont extrêmement violents et de nombreux coups de feu sont tirés. Des snipers sont filmés, abattant des civils par dizaines. A la fin de la journée, les corps de 48 manifestants et quatre policiers jonchent les rues de la capitale ukrainienne. Le lendemain, le président Viktor Ianoukovitch fuit vers l'Est. Dans la foulée, il est destitué par le Parlement ukrainien. En guise de réponse, l'armée russe envahit puis annexe la Crimée.
Cette journée du 20 février 2014 a choqué le monde entier. Sur place, les militants en deuil accusent, vidéos à l'appui, des membres d'une unité des Berkout − des forces spéciales faisant office de police anti-émeute − qui semblaient avoir pris des positions de tir derrière une barricade de la rue Instytutska, le lieu du carnage. Deux mois plus tard, en avril, une enquête est ouverte pour faire la lumière sur les homicides du 20 février. Mais, la plupart des membres de cette unité ont fui en Russie, à l'exception de cinq membres arrêtés puis jugés en octobre 2023 (nous y reviendrons).
Difficile de nier l'évidence. Pourtant, un contre-récit visant à laver de tout soupçon le président ukrainien et à justifier l'intervention de Moscou en Crimée se met rapidement en place, orchestré en partie par les médias et les sphères pro-Kremlin. Très vite, ils parviennent à semer le doute sur l'identité de ceux qui ont tiré sur les civils le 20 février 2014.
Viktor Ianoukovitch en personne ira jusqu'à alléguer que « les meurtres faisaient partie d'une "provocation planifiée" et d'une "pseudo-opération" menée par les manifestants eux-mêmes, un complot soutenu par les États-Unis visant à l'écarter du pouvoir », comme le résume le New York Times en 2018, dans une longue enquête sur le sujet. « Des sources pro-russes sont allées encore plus loin, note le journal américain, en avançant l'idée que les meurtres du 20 février étaient une opération "sous faux drapeau" menée par des tireurs d'élite associés aux manifestants, ou des mercenaires géorgiens, qui auraient tiré depuis des bâtiments situés à proximité. »
Quelques mois auparavant, en décembre 2017, le Washington Post révélait que le GRU, le renseignement militaire russe, s'était « lancé dans une opération d'influence secrète [contre] le nouveau gouvernement de Kiev et les manifestants pro-occidentaux ». L 'objectif ? Influencer « les principaux décideurs et le grand public afin d'ouvrir la voie à l'action militaire russe qui a été lancée le 27 février avec la prise du parlement de Crimée », notamment en créant de faux comptes sur les réseaux sociaux qui ont martelé que le soulèvement du Maïdan était un « coup d'État » perpétré par des « nationalistes armés ».
Au début du mois de mars 2014, quelques jours après la journée du 20 février, la chaîne d'information du Kremlin Russia Today (RT) diffuse l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée entre Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission européenne, et le ministre des Affaires étrangères estonien, Urmas Paet. Se basant sur le témoignage d’une médecin rencontrée à Kiev, ce dernier estime « qu’il est de plus en plus évident que derrière les snipers, ce n’était pas Ianoukovitch mais quelqu’un de la nouvelle coalition ».
Il va sans dire que la complosphère internationale a fait son miel de ces propos. Dix ans plus tard, elle continue à adhérer aux récits prémâchés par le Kremlin sur la guerre en Ukraine. En 2014, le site d’Aymeric Chauprade, Realpolitik.tv, n’hésite pas à affirmer que « les snipers appartenaient à la coalition anti-Ianoukovitch ». De son côté, l’animateur du site conspirationniste Investig’Action, Michel Collon, écrit : « Les nouveaux gouvernants ont sans doute organisé eux-mêmes les tirs de snipers qui ont massacré opposants et policiers ». Le Réseau Voltaire de Thierry Meyssan explique quant à lui qu’il nous l’avait bien dit : « Le Réseau Voltaire a souligné, dès le début des affrontements, que de mystérieux snipers tirant à la fois sur la foule et la police, ont été identiquement observés dans chaque "révolution colorée" ou "printemps arabe" depuis 1989 ».
Fin avril 2014, nouveau rebondissement. La chaîne publique allemande ARD publie une enquête contestant « la version officielle de la tuerie de Maïdan » et affirme que « des tirs semblaient venir non pas des snipers du pouvoir prorusse, mais de l’hôtel Ukrayina où se trouvait le QG de l’opposition », rapporte Le Nouvel Obs. Pour étayer ses propos, l'ARD souligne, entre autres, l'absence de transparence du nouveau gouvernement ukrainien dans le déroulé de l'enquête et avance que des balles seraient venues frapper des manifestants par derrière. Relayée sur le site de France Info, cette enquête permettrait, selon la chaîne publique française, d'attester de « la présence d'au moins deux équipes de snipers », l'une « constituée de policiers », la composition de la seconde « située dans les étages supérieurs de l'hôtel Ukrayina, le quartier général de l'opposition », restant « à déterminer ».
Le reportage allemand est, sans surprise, relayé au sein de la complosphère francophone (par exemple sur Égalité & Réconciliation [archive]), principalement via le site Les-Crises.fr, d'Olivier Berruyer, qui en assure la traduction en langue française. Bien que l'enquête de l'ARD n'apporte pas de réponse concernant l'identité de ce deuxième groupe de snipers, cela n'empêche pas le site AgoraVox d'affirmer que « la version des putschistes, qui alimente les positions américaines et européennes, s’effondre ». Et de conclure, sans sourciller : « La présomption de coup d’Etat se renforce donc ».
D'après nos recherches, aucune contre-enquête n'a contredit les informations apportées par l'ARD. Faut-il pour autant en conclure que les Berkout n'ont pas tiré dans la foule et que la révolution de Maïdan était, comme aime à le penser la complosphère, un « coup d'État » ?
En 2017, un nouvel élément vient alimenter les hypothèses complotistes. La chaîne italienne Canale 5, détenue par Silvio Berlusconi, diffuse un documentaire où sont interviewés trois hommes, présentés comme des tireurs d'élite Géorgiens, qui auraient participé au massacre du 20 février. Ils expliquent avoir suivi les consignes de leaders de l'opposition ukrainienne. Traduit en français par Les-Crises.fr (encore !), la vidéo est massivement partagée dans les sphères pro-russes et complotistes.
Sur Médias-presse.infos, on exhulte :
« Cet abominable coup d’État opéré au cœur de l’Europe contre des Européens est emblématique de la façon d’opérer de la CIA, de l’équipe Soros et de leurs affidés […]. Les manifestants chauffés à blanc contre Ianoukovytch sur la place Maïdan par des agitateurs étrangers rémunérés, n’ont pas été épargnés, bien au contraire, le but était de se servir de leur indignation habilement ciblée pour mettre la main sur le pays. C’est aussi ainsi qu’ils ont procédé avec les printemps arabes et ainsi que les Américains s’apprêtent une fois encore à reprendre l’avantage en Syrie. »
Sauf que la BBC, ainsi que d'autres médias, ont relevé par la suite plusieurs éléments fallacieux dans ce reportage. En outre, il apparaît que l'un des trois tireurs présentés dans le documentaire était en prison en 2014 et n'a été libéré que le 14 août, soit six mois après les événements. Quant aux deux autres Géorgiens du reportage italien, il n'existe aucune image prouvant qu'ils étaient effectivement à Kiev pendant les manifestations de Maïdan. Dans une longue enquête consacrée à ce documentaire et publiée dans le média allemand Tagesschau, la journaliste spécialiste de l'Europe de l'Est Silvia Stöber conclut qu'« en y regardant de plus près, on s'aperçoit que c'est faux ». Une « belle escroquerie » abonde le journaliste Benoît Vitkine, lauréat du prix Albert Londres et spécialiste des pays de l’ex-URSS et de l’Europe de l'Est.
En mai 2018, sur la base des vidéos filmés par les manifestants, des rapports d'autopsie, des analyses balistiques et des vidéos des caméras de surveillance, le New York Times diffuse une vidéo analysant la mort d'Ihor Dmytriv, un avocat de 30 ans, mort le 20 février d'un tir de sniper provenant, selon la vidéo, des barricades derrières lesquelles était retranchée une unité de la police ukrainienne.
Le 18 octobre 2023, le tribunal du district de Sviatoshynskyi à Kiev a prononcé des peines à l'encontre des cinq officiers des Berkout accusés de la fusillade de la rue Instytutska le 20 février 2014. Comme le rappelle la presse ukrainienne, « il convient de noter que l'affaire n'était pas censée se limiter à cinq accusés. L'enquête soupçonnait 26 agents des Berkout qui se trouvaient dans la rue Instytutska avec des armes le 20 février 2014. Cependant, à la veille de la détention, 20 agents des forces de l'ordre, ainsi que le commandant de la force de police spéciale Berkout, Serhiy Kusiuk, ont fui en Russie. »
De plus, en 2019, la cour d'appel a modifié la mesure de contrainte avant le procès pour les accusés et les a libérés avant d'annoncer qu'ils étaient transférés dans le cadre d'un échange de prisonniers avec la Russie. Deux des cinq accusés sont, par la suite, retournés en Ukraine pour être jugés. Les trois autres l'ont été par contumace.
Les trois accusés qui sont retournés en Russie dans le cadre de l'échange de prisonniers ont été condamnés à des peines de prison et démis de leurs fonctions. Les deux autres, présents le jour de l'audience, ont été acquittés – en partie – par le tribunal. Un verdict décevant pour les familles des victimes. Certaines ont déclaré leur intention de faire appel.
Yevhenia Zakrevska, avocate représentant les familles des « Héros de la Centurie céleste » (nom donné aux 104 manifestants décédés lors du mouvement Euromaïdan entre décembre 2013 et février 2014), a quant à elle déclaré : « Nous avons clairement établi l'absence de toute force tierce lors des événements du 20 février. Nous n'avons établi aucun tir contre les manifestants provenant de nos positions ou inversement, nous n'avons établi aucune blessure ni aucun meurtre en provenance de l'hôtel Ukrayina. Nous avons contesté l'existence de tireurs d'élite géorgiens, américains, lituaniens, russes et autres dans l'hôtel Ukrayina ou à proximité. C'est très triste à admettre, mais 48 citoyens ukrainiens ont été tués par des policiers ukrainiens. »
C'était il y a dix ans. Le jeudi 20 février 2014, l'Ukraine s'apprête à vivre l'épisode le plus sanglant depuis le déclenchement de la Révolution de Maïdan. A Kiev, sur la place de l'Indépendance, épicentre de la contestation populaire, des manifestants favorables à un rapprochement avec l'Union européenne et hostiles à un gouvernement aligné sur Moscou font face à la police. Les affrontement sont extrêmement violents et de nombreux coups de feu sont tirés. Des snipers sont filmés, abattant des civils par dizaines. A la fin de la journée, les corps de 48 manifestants et quatre policiers jonchent les rues de la capitale ukrainienne. Le lendemain, le président Viktor Ianoukovitch fuit vers l'Est. Dans la foulée, il est destitué par le Parlement ukrainien. En guise de réponse, l'armée russe envahit puis annexe la Crimée.
Cette journée du 20 février 2014 a choqué le monde entier. Sur place, les militants en deuil accusent, vidéos à l'appui, des membres d'une unité des Berkout − des forces spéciales faisant office de police anti-émeute − qui semblaient avoir pris des positions de tir derrière une barricade de la rue Instytutska, le lieu du carnage. Deux mois plus tard, en avril, une enquête est ouverte pour faire la lumière sur les homicides du 20 février. Mais, la plupart des membres de cette unité ont fui en Russie, à l'exception de cinq membres arrêtés puis jugés en octobre 2023 (nous y reviendrons).
Difficile de nier l'évidence. Pourtant, un contre-récit visant à laver de tout soupçon le président ukrainien et à justifier l'intervention de Moscou en Crimée se met rapidement en place, orchestré en partie par les médias et les sphères pro-Kremlin. Très vite, ils parviennent à semer le doute sur l'identité de ceux qui ont tiré sur les civils le 20 février 2014.
Viktor Ianoukovitch en personne ira jusqu'à alléguer que « les meurtres faisaient partie d'une "provocation planifiée" et d'une "pseudo-opération" menée par les manifestants eux-mêmes, un complot soutenu par les États-Unis visant à l'écarter du pouvoir », comme le résume le New York Times en 2018, dans une longue enquête sur le sujet. « Des sources pro-russes sont allées encore plus loin, note le journal américain, en avançant l'idée que les meurtres du 20 février étaient une opération "sous faux drapeau" menée par des tireurs d'élite associés aux manifestants, ou des mercenaires géorgiens, qui auraient tiré depuis des bâtiments situés à proximité. »
Quelques mois auparavant, en décembre 2017, le Washington Post révélait que le GRU, le renseignement militaire russe, s'était « lancé dans une opération d'influence secrète [contre] le nouveau gouvernement de Kiev et les manifestants pro-occidentaux ». L 'objectif ? Influencer « les principaux décideurs et le grand public afin d'ouvrir la voie à l'action militaire russe qui a été lancée le 27 février avec la prise du parlement de Crimée », notamment en créant de faux comptes sur les réseaux sociaux qui ont martelé que le soulèvement du Maïdan était un « coup d'État » perpétré par des « nationalistes armés ».
Au début du mois de mars 2014, quelques jours après la journée du 20 février, la chaîne d'information du Kremlin Russia Today (RT) diffuse l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée entre Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission européenne, et le ministre des Affaires étrangères estonien, Urmas Paet. Se basant sur le témoignage d’une médecin rencontrée à Kiev, ce dernier estime « qu’il est de plus en plus évident que derrière les snipers, ce n’était pas Ianoukovitch mais quelqu’un de la nouvelle coalition ».
Il va sans dire que la complosphère internationale a fait son miel de ces propos. Dix ans plus tard, elle continue à adhérer aux récits prémâchés par le Kremlin sur la guerre en Ukraine. En 2014, le site d’Aymeric Chauprade, Realpolitik.tv, n’hésite pas à affirmer que « les snipers appartenaient à la coalition anti-Ianoukovitch ». De son côté, l’animateur du site conspirationniste Investig’Action, Michel Collon, écrit : « Les nouveaux gouvernants ont sans doute organisé eux-mêmes les tirs de snipers qui ont massacré opposants et policiers ». Le Réseau Voltaire de Thierry Meyssan explique quant à lui qu’il nous l’avait bien dit : « Le Réseau Voltaire a souligné, dès le début des affrontements, que de mystérieux snipers tirant à la fois sur la foule et la police, ont été identiquement observés dans chaque "révolution colorée" ou "printemps arabe" depuis 1989 ».
Fin avril 2014, nouveau rebondissement. La chaîne publique allemande ARD publie une enquête contestant « la version officielle de la tuerie de Maïdan » et affirme que « des tirs semblaient venir non pas des snipers du pouvoir prorusse, mais de l’hôtel Ukrayina où se trouvait le QG de l’opposition », rapporte Le Nouvel Obs. Pour étayer ses propos, l'ARD souligne, entre autres, l'absence de transparence du nouveau gouvernement ukrainien dans le déroulé de l'enquête et avance que des balles seraient venues frapper des manifestants par derrière. Relayée sur le site de France Info, cette enquête permettrait, selon la chaîne publique française, d'attester de « la présence d'au moins deux équipes de snipers », l'une « constituée de policiers », la composition de la seconde « située dans les étages supérieurs de l'hôtel Ukrayina, le quartier général de l'opposition », restant « à déterminer ».
Le reportage allemand est, sans surprise, relayé au sein de la complosphère francophone (par exemple sur Égalité & Réconciliation [archive]), principalement via le site Les-Crises.fr, d'Olivier Berruyer, qui en assure la traduction en langue française. Bien que l'enquête de l'ARD n'apporte pas de réponse concernant l'identité de ce deuxième groupe de snipers, cela n'empêche pas le site AgoraVox d'affirmer que « la version des putschistes, qui alimente les positions américaines et européennes, s’effondre ». Et de conclure, sans sourciller : « La présomption de coup d’Etat se renforce donc ».
D'après nos recherches, aucune contre-enquête n'a contredit les informations apportées par l'ARD. Faut-il pour autant en conclure que les Berkout n'ont pas tiré dans la foule et que la révolution de Maïdan était, comme aime à le penser la complosphère, un « coup d'État » ?
En 2017, un nouvel élément vient alimenter les hypothèses complotistes. La chaîne italienne Canale 5, détenue par Silvio Berlusconi, diffuse un documentaire où sont interviewés trois hommes, présentés comme des tireurs d'élite Géorgiens, qui auraient participé au massacre du 20 février. Ils expliquent avoir suivi les consignes de leaders de l'opposition ukrainienne. Traduit en français par Les-Crises.fr (encore !), la vidéo est massivement partagée dans les sphères pro-russes et complotistes.
Sur Médias-presse.infos, on exhulte :
« Cet abominable coup d’État opéré au cœur de l’Europe contre des Européens est emblématique de la façon d’opérer de la CIA, de l’équipe Soros et de leurs affidés […]. Les manifestants chauffés à blanc contre Ianoukovytch sur la place Maïdan par des agitateurs étrangers rémunérés, n’ont pas été épargnés, bien au contraire, le but était de se servir de leur indignation habilement ciblée pour mettre la main sur le pays. C’est aussi ainsi qu’ils ont procédé avec les printemps arabes et ainsi que les Américains s’apprêtent une fois encore à reprendre l’avantage en Syrie. »
Sauf que la BBC, ainsi que d'autres médias, ont relevé par la suite plusieurs éléments fallacieux dans ce reportage. En outre, il apparaît que l'un des trois tireurs présentés dans le documentaire était en prison en 2014 et n'a été libéré que le 14 août, soit six mois après les événements. Quant aux deux autres Géorgiens du reportage italien, il n'existe aucune image prouvant qu'ils étaient effectivement à Kiev pendant les manifestations de Maïdan. Dans une longue enquête consacrée à ce documentaire et publiée dans le média allemand Tagesschau, la journaliste spécialiste de l'Europe de l'Est Silvia Stöber conclut qu'« en y regardant de plus près, on s'aperçoit que c'est faux ». Une « belle escroquerie » abonde le journaliste Benoît Vitkine, lauréat du prix Albert Londres et spécialiste des pays de l’ex-URSS et de l’Europe de l'Est.
En mai 2018, sur la base des vidéos filmés par les manifestants, des rapports d'autopsie, des analyses balistiques et des vidéos des caméras de surveillance, le New York Times diffuse une vidéo analysant la mort d'Ihor Dmytriv, un avocat de 30 ans, mort le 20 février d'un tir de sniper provenant, selon la vidéo, des barricades derrières lesquelles était retranchée une unité de la police ukrainienne.
Le 18 octobre 2023, le tribunal du district de Sviatoshynskyi à Kiev a prononcé des peines à l'encontre des cinq officiers des Berkout accusés de la fusillade de la rue Instytutska le 20 février 2014. Comme le rappelle la presse ukrainienne, « il convient de noter que l'affaire n'était pas censée se limiter à cinq accusés. L'enquête soupçonnait 26 agents des Berkout qui se trouvaient dans la rue Instytutska avec des armes le 20 février 2014. Cependant, à la veille de la détention, 20 agents des forces de l'ordre, ainsi que le commandant de la force de police spéciale Berkout, Serhiy Kusiuk, ont fui en Russie. »
De plus, en 2019, la cour d'appel a modifié la mesure de contrainte avant le procès pour les accusés et les a libérés avant d'annoncer qu'ils étaient transférés dans le cadre d'un échange de prisonniers avec la Russie. Deux des cinq accusés sont, par la suite, retournés en Ukraine pour être jugés. Les trois autres l'ont été par contumace.
Les trois accusés qui sont retournés en Russie dans le cadre de l'échange de prisonniers ont été condamnés à des peines de prison et démis de leurs fonctions. Les deux autres, présents le jour de l'audience, ont été acquittés – en partie – par le tribunal. Un verdict décevant pour les familles des victimes. Certaines ont déclaré leur intention de faire appel.
Yevhenia Zakrevska, avocate représentant les familles des « Héros de la Centurie céleste » (nom donné aux 104 manifestants décédés lors du mouvement Euromaïdan entre décembre 2013 et février 2014), a quant à elle déclaré : « Nous avons clairement établi l'absence de toute force tierce lors des événements du 20 février. Nous n'avons établi aucun tir contre les manifestants provenant de nos positions ou inversement, nous n'avons établi aucune blessure ni aucun meurtre en provenance de l'hôtel Ukrayina. Nous avons contesté l'existence de tireurs d'élite géorgiens, américains, lituaniens, russes et autres dans l'hôtel Ukrayina ou à proximité. C'est très triste à admettre, mais 48 citoyens ukrainiens ont été tués par des policiers ukrainiens. »
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