« False flag », « opération planifiée », « Nouvel Ordre Mondial »... La mécanique conspirationniste s'est mise en branle automatiquement...
Samedi 7 octobre, cinquante ans jour pour jour après la guerre du Kippour, le Hamas a lancé par surprise une vaste offensive terroriste contre Israël et sa population civile. Le mouvement islamiste palestinien, qui contrôle la Bande de Gaza depuis 2007, a massacré indistinctement des centaines d'Israéliens et en a enlevé plusieurs dizaines, parmi lesquels des enfants, des femmes et des personnes âgées. Rapidement comparée au 11-Septembre, l'attaque constitue le meurtre de masse antijuif le plus important depuis la Shoah selon l'historienne américaine Deborah Lipstadt. Il a entraîné un siège complet de Gaza par les forces armées israéliennes.
L'événement n'a pas manqué d'exciter la complosphère : « false flag », « opération planifiée », « Nouvel Ordre Mondial »... La mécanique conspirationniste s'est mise en branle automatiquement, bien aidée par les failles de modération des réseaux sociaux. Tour d'horizon.
« Personne ne me fera croire que l'armée la plus renseignée au monde dans le pays le plus surveillé au monde avec des hommes en arme à chaque coin de rue, ont pu laisser passer des hommes en armes qui ne se cachaient pas et en nombre. » Pour Silvano Trotta, comme pour une écrasante majorité des acteurs de la complosphère francophone, la sidération face à la brutalité des exactions commises par le Hamas a laissé place à la suspicion.
Pour A.D.N.M, nouveau nom des DéQodeurs, tout aurait été délibérément orchestré par le gouvernement israélien pour mettre en oeuvre « le plan de "Grand Israël" ».
« Les événements qui se déroulent en Israël sont un faux drapeau. Comment pouvez-vous être aussi stupide pour croire que le Hamas a la capacité d'envahir Israël par terre, par air et par mer, s'interroge ainsi sur X (ex-Twitter) le compte complotiste Black Bond PTV (23 373 abonnés). Il n'y a aucune chance que des palestiniens l'aient envahi par terre, par air et par mer. Soit ils ont laissé faire, soit ils ont fait en sorte que cela se produise. » L'expression « faux drapeau » (ou false flag) désigne le fait de perpétrer un acte répréhensible en en faisant porter la responsabilité à d'autres afin de disposer d'un prétexte permettant de justifier des représailles à leur encontre. Dans la culture conspirationniste, le terme est régulièrement utilisé après chaque attentat afin d'instiller l'idée que le terrorisme est fabriqué par le propre gouvernement du pays visé.
Israël aurait délibérément laissé se produire l'attaque du 7 octobre dernier, voire l'aurait délibérément organisée de sa propre initiative. On retrouve ici les fameux arguments « LIHOP » (pour « Let It Happen On Purpose ») et « MIHOP » (pour « Make It Happen On Purpose »), des classiques de la rhétorique conspirationniste sur les attaques terroristes utilisés systématiquement depuis les attentats du 11-Septembre.
Efrat Fenigson, une podcasteuse et activiste antivax israélienne qui cumule 79 000 abonnés sur X, a publié le jour même sur YouTube une vidéo de quelques minutes en anglais dans laquelle elle déclare : « Si j'étais une théoricienne du complot, je dirais que cela ressemble au travail de l'État profond ». Des propos largement repris sur les réseaux sociaux et partagés notamment par Christine Deviers-Joncour, ancienne maîtresse de Roland Dumas condamnée dans les années 1990 pour « recel d'abus de biens sociaux » et reconvertie depuis dans le complotisme sur Telegram.
« Tu crois vraiment qu'une pseudo-armée comme le Hamas peut venir défoncer le dôme de fer ou rentrer comme ça tranquille dans Israël ? […] Donc, si une pseudo armée arrive à balancer 5000 roquettes, à attaquer simultanément par voie terrestre, maritime et aérienne, bah c'est qu'ils les ont laissé faire […] parce que ca crée un casus belli pour pouvoir raser Gaza » illustre le tiktokeur Valérian Ronzeau, jamais en reste pour surfer sur les actualités morbides (le mois dernier, il expliquait par exemple que le séisme au Maroc avait été « provoqué »).
Même son de cloche sur X, où certains, comme le compte « Laure Gonlézamarres » n'hésitent pas à spéculer sur « une attaque commanditée par Israël qui servira de prétexte à se débarrasser une bonne fois pour toute de la Palestine ».
L'analogie avec les attaques du 11-Septembre s'est imposée aussi naturellement que rapidement. Ceux pour qui le 11 septembre 2001 était un « inside job » ont tôt fait de plaquer sur l'attaque du 7-Octobre la même grille d'interprétation complotiste. L'hebdomadaire antisémite Rivarol émet ainsi l'hypothèse qu'on a « laissé faire les assaillants pour mieux massacrer par la suite les Palestiniens, dans une sorte de 11-septembre bis ».
Jérémie Mercier, qui disserte habituellement sur les « arnaques » que représenteraient le sida, le cancer ou les virus, s'est lui aussi laissé aller à quelques comparaisons malheureuses :
« Bataclan 2015 : ne pas intervenir et laisser les otages de la salle de concert se faire tirer dessus comme des lapins, afin de justifier un n-ième état d'urgence. Israël 2023 : laisser faire les combattants du Hamas pour ensuite justifier une guerre totale. Mêmes outils ! »
Un constat partagé par le chirurgien antivax Eric Loridan.
Les propagandistes pro-Kremlin ne sont pas en reste. « L'énième tentative de la Cabale de déclencher une Troisième Guerre Mondiale en Ukraine ayant échoué, ils tentent maintenant de provoquer une nouvelle guerre mondiale en déclenchant un conflit en Israël » peut-on lire sur le compte Telegram d'Exoconscience.com (15 000 abonnés). Le conférencier conspirationniste Michel Collon a diffusé quant à lui un mème reprenant les codes graphiques de l'extrême droite et véhiculant l'idée que la solidarité à l'égard de l'Ukraine ou d'Israël n'avait pas d'autre motif qu'une simple « propagande médiatique ».
Dans un registre similaire, de nombreux complotistes considèrent que les attaques du Hamas – ainsi que la riposte israélienne – font partie d'un plan plus large visant à mettre en place la « grande réinitialisation » ou Great Reset. C'est notamment le cas de Marc Gabriel Draghi. Ce juriste « passionné par la question monétaire » a son interprétation bien à lui du conflit en cours :
« Le #GrandIsraël est lié au #GreatReset au #GrandRécit et en définitive à l'instauration du #NouvelOrdreMondial . Si vous êtes patriotes, vous ne pouvez pas occulter le problème #Israël . Derrière lui se cache le projet de disparition des #Nations . »
Et conclut, dans un post teinté d'antisémitisme :
« Notre Golem présidentiel va désormais tweeter toutes les heures en soutien avec #Israël ! Au cas où nous n'aurions toujours pas compris #qui gouverne la #France et l' #Occident »
Samedi 7 octobre, cinquante ans jour pour jour après la guerre du Kippour, le Hamas a lancé par surprise une vaste offensive terroriste contre Israël et sa population civile. Le mouvement islamiste palestinien, qui contrôle la Bande de Gaza depuis 2007, a massacré indistinctement des centaines d'Israéliens et en a enlevé plusieurs dizaines, parmi lesquels des enfants, des femmes et des personnes âgées. Rapidement comparée au 11-Septembre, l'attaque constitue le meurtre de masse antijuif le plus important depuis la Shoah selon l'historienne américaine Deborah Lipstadt. Il a entraîné un siège complet de Gaza par les forces armées israéliennes.
L'événement n'a pas manqué d'exciter la complosphère : « false flag », « opération planifiée », « Nouvel Ordre Mondial »... La mécanique conspirationniste s'est mise en branle automatiquement, bien aidée par les failles de modération des réseaux sociaux. Tour d'horizon.
« Personne ne me fera croire que l'armée la plus renseignée au monde dans le pays le plus surveillé au monde avec des hommes en arme à chaque coin de rue, ont pu laisser passer des hommes en armes qui ne se cachaient pas et en nombre. » Pour Silvano Trotta, comme pour une écrasante majorité des acteurs de la complosphère francophone, la sidération face à la brutalité des exactions commises par le Hamas a laissé place à la suspicion.
Pour A.D.N.M, nouveau nom des DéQodeurs, tout aurait été délibérément orchestré par le gouvernement israélien pour mettre en oeuvre « le plan de "Grand Israël" ».
« Les événements qui se déroulent en Israël sont un faux drapeau. Comment pouvez-vous être aussi stupide pour croire que le Hamas a la capacité d'envahir Israël par terre, par air et par mer, s'interroge ainsi sur X (ex-Twitter) le compte complotiste Black Bond PTV (23 373 abonnés). Il n'y a aucune chance que des palestiniens l'aient envahi par terre, par air et par mer. Soit ils ont laissé faire, soit ils ont fait en sorte que cela se produise. » L'expression « faux drapeau » (ou false flag) désigne le fait de perpétrer un acte répréhensible en en faisant porter la responsabilité à d'autres afin de disposer d'un prétexte permettant de justifier des représailles à leur encontre. Dans la culture conspirationniste, le terme est régulièrement utilisé après chaque attentat afin d'instiller l'idée que le terrorisme est fabriqué par le propre gouvernement du pays visé.
Israël aurait délibérément laissé se produire l'attaque du 7 octobre dernier, voire l'aurait délibérément organisée de sa propre initiative. On retrouve ici les fameux arguments « LIHOP » (pour « Let It Happen On Purpose ») et « MIHOP » (pour « Make It Happen On Purpose »), des classiques de la rhétorique conspirationniste sur les attaques terroristes utilisés systématiquement depuis les attentats du 11-Septembre.
Efrat Fenigson, une podcasteuse et activiste antivax israélienne qui cumule 79 000 abonnés sur X, a publié le jour même sur YouTube une vidéo de quelques minutes en anglais dans laquelle elle déclare : « Si j'étais une théoricienne du complot, je dirais que cela ressemble au travail de l'État profond ». Des propos largement repris sur les réseaux sociaux et partagés notamment par Christine Deviers-Joncour, ancienne maîtresse de Roland Dumas condamnée dans les années 1990 pour « recel d'abus de biens sociaux » et reconvertie depuis dans le complotisme sur Telegram.
« Tu crois vraiment qu'une pseudo-armée comme le Hamas peut venir défoncer le dôme de fer ou rentrer comme ça tranquille dans Israël ? […] Donc, si une pseudo armée arrive à balancer 5000 roquettes, à attaquer simultanément par voie terrestre, maritime et aérienne, bah c'est qu'ils les ont laissé faire […] parce que ca crée un casus belli pour pouvoir raser Gaza » illustre le tiktokeur Valérian Ronzeau, jamais en reste pour surfer sur les actualités morbides (le mois dernier, il expliquait par exemple que le séisme au Maroc avait été « provoqué »).
Même son de cloche sur X, où certains, comme le compte « Laure Gonlézamarres » n'hésitent pas à spéculer sur « une attaque commanditée par Israël qui servira de prétexte à se débarrasser une bonne fois pour toute de la Palestine ».
L'analogie avec les attaques du 11-Septembre s'est imposée aussi naturellement que rapidement. Ceux pour qui le 11 septembre 2001 était un « inside job » ont tôt fait de plaquer sur l'attaque du 7-Octobre la même grille d'interprétation complotiste. L'hebdomadaire antisémite Rivarol émet ainsi l'hypothèse qu'on a « laissé faire les assaillants pour mieux massacrer par la suite les Palestiniens, dans une sorte de 11-septembre bis ».
Jérémie Mercier, qui disserte habituellement sur les « arnaques » que représenteraient le sida, le cancer ou les virus, s'est lui aussi laissé aller à quelques comparaisons malheureuses :
« Bataclan 2015 : ne pas intervenir et laisser les otages de la salle de concert se faire tirer dessus comme des lapins, afin de justifier un n-ième état d'urgence. Israël 2023 : laisser faire les combattants du Hamas pour ensuite justifier une guerre totale. Mêmes outils ! »
Un constat partagé par le chirurgien antivax Eric Loridan.
Les propagandistes pro-Kremlin ne sont pas en reste. « L'énième tentative de la Cabale de déclencher une Troisième Guerre Mondiale en Ukraine ayant échoué, ils tentent maintenant de provoquer une nouvelle guerre mondiale en déclenchant un conflit en Israël » peut-on lire sur le compte Telegram d'Exoconscience.com (15 000 abonnés). Le conférencier conspirationniste Michel Collon a diffusé quant à lui un mème reprenant les codes graphiques de l'extrême droite et véhiculant l'idée que la solidarité à l'égard de l'Ukraine ou d'Israël n'avait pas d'autre motif qu'une simple « propagande médiatique ».
Dans un registre similaire, de nombreux complotistes considèrent que les attaques du Hamas – ainsi que la riposte israélienne – font partie d'un plan plus large visant à mettre en place la « grande réinitialisation » ou Great Reset. C'est notamment le cas de Marc Gabriel Draghi. Ce juriste « passionné par la question monétaire » a son interprétation bien à lui du conflit en cours :
« Le #GrandIsraël est lié au #GreatReset au #GrandRécit et en définitive à l'instauration du #NouvelOrdreMondial . Si vous êtes patriotes, vous ne pouvez pas occulter le problème #Israël . Derrière lui se cache le projet de disparition des #Nations . »
Et conclut, dans un post teinté d'antisémitisme :
« Notre Golem présidentiel va désormais tweeter toutes les heures en soutien avec #Israël ! Au cas où nous n'aurions toujours pas compris #qui gouverne la #France et l' #Occident »
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