Depuis plusieurs mois, la ligne éditoriale d’Alohanews évolue. Sous prétexte de couvrir l'actualité dramatique du Proche-Orient, la chaîne aux 253 000 abonnés accueille désormais des figures plus que compromises avec le complotisme, l'antisémitisme et l'extrême droite. L'objectif : faire toujours plus d'audience.
Barbe grisonnante lui donnant des airs de vieux sage, drapeau camerounais cousu sur la manche, regard espiègle... Dieudonné fait face à son interlocuteur. Lorsqu'on lui demande son avis sur Freeze Corleone, ce rappeur qui revendique arriver « déterminé comme Adolf dans les années 30 » et affirme n’en avoir « rien à foutre de la Shoah », le polémiste multi-condamné ne botte pas en touche. Au contraire : « C’est mon petit frère [...] Je suis fier de lui et 100 % solidaire », assume-t-il sans détour. Un silence s’installe. Pas de relance, pas de contradiction. Juste un enchaînement vers la suite de l'entretien.
Disons le d'emblée, cette scène ne s'est pas déroulée sur le plateau de TV Libertés, à l'antenne de Radio Courtoisie ou dans les colonnes de Rivarol. Non, ce 8 septembre 2023, l'humoriste était l'invité exceptionnel de Nikita Imambajev, le fondateur du média belge Alohanews, pour le premier épisode d'un nouveau format : « CANCEL ».
Fondé en 2013, Alohanews se fait vite une place parmi les médias rap de référence. À travers des interviews, des reportages et des analyses plutôt fines, la chaîne explore les liens entre musique et société. Ici, pas de promotion standardisée, mais une volonté de décortiquer les textes, d’interroger les références et d’explorer la portée idéologique des discours artistiques. Dans cet espace, les artistes se livrent souvent avec plus de liberté qu’ailleurs, évoquant leur parcours, leurs influences mais aussi leur vision du monde.
De Damso à SCH, en passant par Kaaris, Koba LaD, Médine, Kery James ou encore Philippe Katerine et Pomme, le casting − prestigieux ! − des invités témoigne du succès du média. Pourtant, depuis plus d’un an, Alohanews semble s'être éloigné de sa ligne éditoriale. Les rappeurs ont peu à peu été remplacés par des polémistes et influenceurs réunis autour d'une même thématique : l'actualité dramatique au Proche-Orient.
Le 10 février 2024, quelques mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le média publie une mise au point : « Alohanews, média de culture populaire estampillé rap, a choisi de faire un virage au vu de l'urgence historique : offrir à notre public, des entretiens détaillés et des angles différents sur le conflit en cours à Gaza. » Désormais, Alohanews consacrera une grande partie de son activité à dénoncer le sort réservé aux Palestiniens et « le génocide à Gaza ».
Officiellement, ce changement de ligne se veut pacifiste et engagé, en accord avec ce que le média présente comme l’ADN du rap : « Résister, chercher la vérité et prendre la parole pour un monde plus juste. » Mais le choix des invités interroge. Au micro de Nikita Imambajev se succèdent des personnalités hautement controversées comme le politologue François Burgat, le fondateur du site Islam & Info Elias d'Imzalène, le soralien Youssef Hindi, le militant panafricaniste Kemi Seba, son avocat Juan Branco, l’islamologue Tariq Ramadan, l'ancien des renseignements suisses Jacques Baud, le patron du site Investig'Action Michel Collon ou encore le susmentionné Dieudonné. Quitte à ce que l’adhésion aux thèses les plus douteuses devienne le nouveau ciment éditorial d'Alohanews. Et qu'émerge une question : comment en est-on arrivé là ?
En 2020, la chaîne avait déjà suscité une vive polémique en publiant un entretien avec le rappeur d'extrême droite Kroc Blanc. Cette démarche, qui « n’a pas été comprise par certaines personnes », a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux ainsi que l’incompréhension d'une partie des spécialistes du rap francophone. Un « moment pivot » particulièrement mal vécu par Nikita Imambajev qui commence à développer « une petite dent contre l'intelligentsia du rap et la gauche parisienne », racontent ceux qui l'ont connu à cette époque. Reste que la causerie en compagnie de Kroc Blanc est un véritable succès d'audience : plus de 500 000 vues ! Un exploit que le trentenaire entend bien réitérer.
En février 2023, plusieurs mois avant le début de la guerre au Proche-Orient, la première interview du militant racialiste et conspirationniste Kemi Seba dépasse, elle aussi, les 500 000 vues. L’agitateur pro-Kremlin est devenu un habitué de la chaîne sur laquelle il se rendra en mars et octobre 2024. Il y déploie un discours imprégné de sous-entendus antisémites. Il explique par exemple que « le Hip-Hop est tenu par des gens précis […] qui sont très friands de génocider des gens », reprenant un trope classique des théories du complot sur une supposée domination juive dans l'industrie culturelle. Une habitude pour l'influenceur panafricaniste : Kemi Seba a été condamné à de multiples reprises pour incitations à la haine raciale ainsi que pour ses propos négationnistes et antisémites. Pourtant, face à Nikita Imambajev, il nie toute violence ou propos antisémites, évoquant une persécution orchestrée par une « machine médiatique et politique gérée par les mêmes » qu'il compare à un « sida médiatique ».
Pour Nikita Imambajev, l’équation devient évidente : plus l’invité est clivant, plus l’audience grimpe. Une « obsession pour les vues » corroborée par d’anciens proches du jeune journaliste qui décrivent un virage dicté avant tout par une quête de visibilité. Dans cette optique, le conflit israélo-palestinien est l'occasion rêvée d’élargir la surface médiatique d'Alohanews. Une stratégie qui s'accompagne d'un glissement idéologique de plus en plus marqué.
C’est en septembre 2024 que le média franchit un nouveau cap en accueillant Youssef Hindi, auteur publié par Kontre Kulture, la maison d’édition liée à Alain Soral. Un pédigree opportunément oublié par Nikita Imambajev qui élève le conférencier soralien au rang d'« historien des religions » et promeut son ouvrage Comprendre le conflit israélo-palestinien, sans mentionner ses accointances avec la mouvance soralienne.
Lors de cet échange, Youssef Hindi diffuse, comme à son habitude, des discours complotistes teintés d’antisémitisme, de transphobie et d’homophobie. Il affirme que « ceux qui financent les réseaux LGBT font partie de l’oligarchie anglo-américaine, israélo… euh judéo-protestante… » et suggère que George Soros instrumentaliserait les manifestations pro-palestiniennes en les mêlant aux mouvements LGBT pour en « vider la substance ». Hindi poursuit en affirmant que « les mouvements LGBT et féministes ont été portés par des gens issus de la haute bourgeoisie protestante et juive réformée », les accusant de vouloir « normaliser non seulement l’homosexualité, mais aussi le transsexualisme, jusqu’au changement de sexe des enfants ». Et va jusqu'à qualifier l’Ancien Testament de « socle » commun aux « génocides » américain et israélien.
Cette rhétorique complotiste, on la retrouve dans la bouche de Juan Branco. L’avocat et essayiste, mis en examen pour viol depuis 2021, exploite la tribune offerte par Alohanews pour décrédibiliser les accusations portées contre lui et assimile son inculpation à une tentative d'élimination politique : « L'utilisation des mêmes instruments : le viol, l'antisémitisme… tout ce qui, en fait, va toucher à quelque chose de si cardinal… Personne ne peut accepter l'existence d’un viol et donc personne ne peut tolérer qu’un violeur ait une influence politique quelconque. C’est l’instrument parfait pour essayer d’éteindre un opposant politique. »
En face, Nikita Imambajev reste silencieux et n'apporte aucune contradiction à ses interlocuteurs. Absence de recul ou complaisance assumée ? Son positionnement interroge. Qui est-il ? Et quel rôle joue-t-il réellement dans la diffusion de ces idées ?
Né en Ouzbékistan, Nikita Imambajev arrive en France à l'âge de dix ans. Diplômé en relations internationales à l’Université catholique de Louvain, il consacre son mémoire de 2015 à l’étude des dynamiques identitaires des combattants occidentaux de l’État islamique. La même année, il publie un article sur l’antisémitisme dans le monde musulman, où il identifie quatre axes pouvant favoriser l’antisémitisme, parmi lesquels « l’anti-judéité liée au religieux » et « le stéréotype du Juif dominant le monde ». Des discours qui contrastent fortement avec les propos tenus par les invités d’Alohanews dix ans plus tard….
À la tête d’Alohanews, Nikita Imambajev revendique une approche alternative du journalisme, « convaincu que le regard d'un jeune banlieusard sur le monde peut être une alternative ». Dès les débuts d'Alohanews, il invite des personnalités progressistes, des intellectuels de gauche ou issus de la pensée décoloniale. Le média revendique son indépendance, mettant en avant la parole des quartiers et des mouvements sociaux. Lors des législatives anticipées de juillet 2024, il se réjouira publiquement de la percée du Nouveau Front Populaire (NFP).
Mais paralèllement, Imambajev entretient une proximité avec des figures controversées de la complosphère. Dès 2013, il signe un premier article pour Investig’Action, média fondé par Michel Collon qu’il interviewera à plusieurs reprises sur Alohanews.
Sur son compte personnel ou celui d’Alohanews, Nikita Imambajev n’hésite pas à relayer ou propager des idées flirtant avec le conspirationnisme. Le 15 septembre 2024 il partage une image du livre L’État profond français édité par la maison conspirationniste KA’Éditions et écrit par Claude Janvier et François Lagarde. Dans cet ouvrage, les auteurs dénoncent ce qu’ils perçoivent comme « l’emprise néfaste d’une hyperclasse transnationale et apatride », incarnée par une « élite mondialiste déviante » dont l’objectif serait « d’éliminer les cultures, les religions, les coutumes et les frontières nationales afin d’homogénéiser les peuples de la Terre » (sic). Ils soutiennent également que les mouvements antifas seraient « financés et sponsorisés par George Soros » et avancent que l’invasion militaire de l'Ukraine par la Russie en 2022 visait en réalité à « protéger les habitants du Donbass » − un élément de langage de la propagande russe.
En février 2025, Imambajev relaie sur les réseaux la fausse information selon laquelle les otages israéliens du Hamas auraient été bien traités pendant leur détention.
Autant d'éléments qui auraient pu dissuader Louis Boyard et Thomas Portes de se rendre sur cette chaîne. Les deux députés LFI y ont respectivement accordé un entretien le 26 mars 2023, un mois après la publication de l'interview de Kemi Seba, et le 15 septembre 2024, c'est-à-dire après les interviews de Juan Branco, Tariq Ramadan, Michel Collon, Jacques Baud et Dieudonné.
Que viennent faire des élus de la République sur une chaîne qui déroule le tapis rouge à des personnalités sulfureuses associées à l’antisémitisme, au complotisme et à l’extrême droite ? Questionnés par Conspiracy Watch, Thomas Portes et Louis Boyard n'ont pas souhaité nous répondre. Nikita Imambajev non plus.
(Un article de Laura Spatzierer et Victor Mottin)
Barbe grisonnante lui donnant des airs de vieux sage, drapeau camerounais cousu sur la manche, regard espiègle... Dieudonné fait face à son interlocuteur. Lorsqu'on lui demande son avis sur Freeze Corleone, ce rappeur qui revendique arriver « déterminé comme Adolf dans les années 30 » et affirme n’en avoir « rien à foutre de la Shoah », le polémiste multi-condamné ne botte pas en touche. Au contraire : « C’est mon petit frère [...] Je suis fier de lui et 100 % solidaire », assume-t-il sans détour. Un silence s’installe. Pas de relance, pas de contradiction. Juste un enchaînement vers la suite de l'entretien.
Disons le d'emblée, cette scène ne s'est pas déroulée sur le plateau de TV Libertés, à l'antenne de Radio Courtoisie ou dans les colonnes de Rivarol. Non, ce 8 septembre 2023, l'humoriste était l'invité exceptionnel de Nikita Imambajev, le fondateur du média belge Alohanews, pour le premier épisode d'un nouveau format : « CANCEL ».
Fondé en 2013, Alohanews se fait vite une place parmi les médias rap de référence. À travers des interviews, des reportages et des analyses plutôt fines, la chaîne explore les liens entre musique et société. Ici, pas de promotion standardisée, mais une volonté de décortiquer les textes, d’interroger les références et d’explorer la portée idéologique des discours artistiques. Dans cet espace, les artistes se livrent souvent avec plus de liberté qu’ailleurs, évoquant leur parcours, leurs influences mais aussi leur vision du monde.
De Damso à SCH, en passant par Kaaris, Koba LaD, Médine, Kery James ou encore Philippe Katerine et Pomme, le casting − prestigieux ! − des invités témoigne du succès du média. Pourtant, depuis plus d’un an, Alohanews semble s'être éloigné de sa ligne éditoriale. Les rappeurs ont peu à peu été remplacés par des polémistes et influenceurs réunis autour d'une même thématique : l'actualité dramatique au Proche-Orient.
Le 10 février 2024, quelques mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le média publie une mise au point : « Alohanews, média de culture populaire estampillé rap, a choisi de faire un virage au vu de l'urgence historique : offrir à notre public, des entretiens détaillés et des angles différents sur le conflit en cours à Gaza. » Désormais, Alohanews consacrera une grande partie de son activité à dénoncer le sort réservé aux Palestiniens et « le génocide à Gaza ».
Officiellement, ce changement de ligne se veut pacifiste et engagé, en accord avec ce que le média présente comme l’ADN du rap : « Résister, chercher la vérité et prendre la parole pour un monde plus juste. » Mais le choix des invités interroge. Au micro de Nikita Imambajev se succèdent des personnalités hautement controversées comme le politologue François Burgat, le fondateur du site Islam & Info Elias d'Imzalène, le soralien Youssef Hindi, le militant panafricaniste Kemi Seba, son avocat Juan Branco, l’islamologue Tariq Ramadan, l'ancien des renseignements suisses Jacques Baud, le patron du site Investig'Action Michel Collon ou encore le susmentionné Dieudonné. Quitte à ce que l’adhésion aux thèses les plus douteuses devienne le nouveau ciment éditorial d'Alohanews. Et qu'émerge une question : comment en est-on arrivé là ?
En 2020, la chaîne avait déjà suscité une vive polémique en publiant un entretien avec le rappeur d'extrême droite Kroc Blanc. Cette démarche, qui « n’a pas été comprise par certaines personnes », a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux ainsi que l’incompréhension d'une partie des spécialistes du rap francophone. Un « moment pivot » particulièrement mal vécu par Nikita Imambajev qui commence à développer « une petite dent contre l'intelligentsia du rap et la gauche parisienne », racontent ceux qui l'ont connu à cette époque. Reste que la causerie en compagnie de Kroc Blanc est un véritable succès d'audience : plus de 500 000 vues ! Un exploit que le trentenaire entend bien réitérer.
En février 2023, plusieurs mois avant le début de la guerre au Proche-Orient, la première interview du militant racialiste et conspirationniste Kemi Seba dépasse, elle aussi, les 500 000 vues. L’agitateur pro-Kremlin est devenu un habitué de la chaîne sur laquelle il se rendra en mars et octobre 2024. Il y déploie un discours imprégné de sous-entendus antisémites. Il explique par exemple que « le Hip-Hop est tenu par des gens précis […] qui sont très friands de génocider des gens », reprenant un trope classique des théories du complot sur une supposée domination juive dans l'industrie culturelle. Une habitude pour l'influenceur panafricaniste : Kemi Seba a été condamné à de multiples reprises pour incitations à la haine raciale ainsi que pour ses propos négationnistes et antisémites. Pourtant, face à Nikita Imambajev, il nie toute violence ou propos antisémites, évoquant une persécution orchestrée par une « machine médiatique et politique gérée par les mêmes » qu'il compare à un « sida médiatique ».
Pour Nikita Imambajev, l’équation devient évidente : plus l’invité est clivant, plus l’audience grimpe. Une « obsession pour les vues » corroborée par d’anciens proches du jeune journaliste qui décrivent un virage dicté avant tout par une quête de visibilité. Dans cette optique, le conflit israélo-palestinien est l'occasion rêvée d’élargir la surface médiatique d'Alohanews. Une stratégie qui s'accompagne d'un glissement idéologique de plus en plus marqué.
C’est en septembre 2024 que le média franchit un nouveau cap en accueillant Youssef Hindi, auteur publié par Kontre Kulture, la maison d’édition liée à Alain Soral. Un pédigree opportunément oublié par Nikita Imambajev qui élève le conférencier soralien au rang d'« historien des religions » et promeut son ouvrage Comprendre le conflit israélo-palestinien, sans mentionner ses accointances avec la mouvance soralienne.
Lors de cet échange, Youssef Hindi diffuse, comme à son habitude, des discours complotistes teintés d’antisémitisme, de transphobie et d’homophobie. Il affirme que « ceux qui financent les réseaux LGBT font partie de l’oligarchie anglo-américaine, israélo… euh judéo-protestante… » et suggère que George Soros instrumentaliserait les manifestations pro-palestiniennes en les mêlant aux mouvements LGBT pour en « vider la substance ». Hindi poursuit en affirmant que « les mouvements LGBT et féministes ont été portés par des gens issus de la haute bourgeoisie protestante et juive réformée », les accusant de vouloir « normaliser non seulement l’homosexualité, mais aussi le transsexualisme, jusqu’au changement de sexe des enfants ». Et va jusqu'à qualifier l’Ancien Testament de « socle » commun aux « génocides » américain et israélien.
Cette rhétorique complotiste, on la retrouve dans la bouche de Juan Branco. L’avocat et essayiste, mis en examen pour viol depuis 2021, exploite la tribune offerte par Alohanews pour décrédibiliser les accusations portées contre lui et assimile son inculpation à une tentative d'élimination politique : « L'utilisation des mêmes instruments : le viol, l'antisémitisme… tout ce qui, en fait, va toucher à quelque chose de si cardinal… Personne ne peut accepter l'existence d’un viol et donc personne ne peut tolérer qu’un violeur ait une influence politique quelconque. C’est l’instrument parfait pour essayer d’éteindre un opposant politique. »
En face, Nikita Imambajev reste silencieux et n'apporte aucune contradiction à ses interlocuteurs. Absence de recul ou complaisance assumée ? Son positionnement interroge. Qui est-il ? Et quel rôle joue-t-il réellement dans la diffusion de ces idées ?
Né en Ouzbékistan, Nikita Imambajev arrive en France à l'âge de dix ans. Diplômé en relations internationales à l’Université catholique de Louvain, il consacre son mémoire de 2015 à l’étude des dynamiques identitaires des combattants occidentaux de l’État islamique. La même année, il publie un article sur l’antisémitisme dans le monde musulman, où il identifie quatre axes pouvant favoriser l’antisémitisme, parmi lesquels « l’anti-judéité liée au religieux » et « le stéréotype du Juif dominant le monde ». Des discours qui contrastent fortement avec les propos tenus par les invités d’Alohanews dix ans plus tard….
À la tête d’Alohanews, Nikita Imambajev revendique une approche alternative du journalisme, « convaincu que le regard d'un jeune banlieusard sur le monde peut être une alternative ». Dès les débuts d'Alohanews, il invite des personnalités progressistes, des intellectuels de gauche ou issus de la pensée décoloniale. Le média revendique son indépendance, mettant en avant la parole des quartiers et des mouvements sociaux. Lors des législatives anticipées de juillet 2024, il se réjouira publiquement de la percée du Nouveau Front Populaire (NFP).
Mais paralèllement, Imambajev entretient une proximité avec des figures controversées de la complosphère. Dès 2013, il signe un premier article pour Investig’Action, média fondé par Michel Collon qu’il interviewera à plusieurs reprises sur Alohanews.
Sur son compte personnel ou celui d’Alohanews, Nikita Imambajev n’hésite pas à relayer ou propager des idées flirtant avec le conspirationnisme. Le 15 septembre 2024 il partage une image du livre L’État profond français édité par la maison conspirationniste KA’Éditions et écrit par Claude Janvier et François Lagarde. Dans cet ouvrage, les auteurs dénoncent ce qu’ils perçoivent comme « l’emprise néfaste d’une hyperclasse transnationale et apatride », incarnée par une « élite mondialiste déviante » dont l’objectif serait « d’éliminer les cultures, les religions, les coutumes et les frontières nationales afin d’homogénéiser les peuples de la Terre » (sic). Ils soutiennent également que les mouvements antifas seraient « financés et sponsorisés par George Soros » et avancent que l’invasion militaire de l'Ukraine par la Russie en 2022 visait en réalité à « protéger les habitants du Donbass » − un élément de langage de la propagande russe.
En février 2025, Imambajev relaie sur les réseaux la fausse information selon laquelle les otages israéliens du Hamas auraient été bien traités pendant leur détention.
Autant d'éléments qui auraient pu dissuader Louis Boyard et Thomas Portes de se rendre sur cette chaîne. Les deux députés LFI y ont respectivement accordé un entretien le 26 mars 2023, un mois après la publication de l'interview de Kemi Seba, et le 15 septembre 2024, c'est-à-dire après les interviews de Juan Branco, Tariq Ramadan, Michel Collon, Jacques Baud et Dieudonné.
Que viennent faire des élus de la République sur une chaîne qui déroule le tapis rouge à des personnalités sulfureuses associées à l’antisémitisme, au complotisme et à l’extrême droite ? Questionnés par Conspiracy Watch, Thomas Portes et Louis Boyard n'ont pas souhaité nous répondre. Nikita Imambajev non plus.
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