Ex-candidate du Green Party aux présidentielles américaines de 2008, Cynthia McKinney est aussi une figure incontournable du 9/11 Truth Movement. Peu connue en France, cette militante de 55 ans a pourtant une réputation sulfureuse outre-Atlantique. Elle a été récemment épinglée par le Southern Poverty Law Center pour son flirt poussé avec les milieux négationnistes.
9 octobre 2009. Le maire du 2ème Arrondissement de Paris accueille dans ses murs une conférence de presse de Cynthia McKinney. Rien d’exceptionnel à ce qu’un élu vert parisien reçoive la candidate du Green Party aux dernières élections présidentielles américaines. Comme son homologue héxagonal, le Green Party est signataire de la Charte des Verts mondiaux et partage ses préoccupations écologiques. Pourtant, Cynthia McKinney ne s’est pas attardée sur la protection de l’environnement ou le réchauffement climatique. Ce jour-là, cette ex-membre du Congrès est venue parler… du 11-Septembre. C’est d’ailleurs à l’initiative privée d’Alix Dreux-Boucard, alias AtMOH, fondateur et animateur du site conspirationniste ReOpen911, que la conférence a été organisée.
Certes, en matière de conspirationnisme, McKinney est loin d’en être à son premier coup d’essai. Chris Suellentrop, du magazine en ligne Slate.com, constatait en 2002 que « sur les dix années qu’elle a passées au Congrès, il est difficile d’en trouver une seule où elle ne s’est pas livré à des accusations bizarres ou à de folles théories du complot ». Nourrissant une défiance quasi-paranoïaque à l’égard des autorités fédérales, McKinney est par exemple persuadée que le programme Cointelpro (acronyme d’un programme du FBI mis en œuvre entre 1956 et 1971) est toujours en vigueur et qu’il ne serait pas étranger aux assassinats de JFK, Martin Luther King, Bob Kennedy ou du chanteur de rap Tupac Shakur. Elle a même commencé une thèse sur le sujet.
Il y a deux ans, en pleine campagne présidentielle, à Oakland, le fief historique des Black Panthers, McKinney cite des « témoignages » – anonymes, cela va sans dire – selon lesquels l’armée américaine aurait profité de la confusion régnant durant l’ouragan Katrina pour assassiner d’une balle dans la tête pas moins de 5 000 prisonniers avant de se débarrasser de leurs cadavres dans un marais de Louisiane… Des propos qui portent un grave coup à la crédibilité du Green Party et expliquent, peut-être, le pourcentage dérisoire des suffrages qui se sont portés sur la candidature McKinney : 0,12%. Un score très inférieur à celui de Ralph Nader. Inférieur également aux scores des deux autres « petits » candidats, Bob Barr et Chuck Baldwin.
McKinney professe un internationalisme consistant, pour l’essentiel, à accuser le gouvernement de son pays et l’Etat d’Israël d’être à l’origine de tous les maux de la planète. A contrario, elle excelle à prendre la défense des régimes les plus liberticides, pourvus qu’ils « résistent à l’Empire ». Ainsi McKinney n’hésite-t-elle pas à chanter les louanges du régime de Robert Mugabe au Zimbabwe ou à exalter la « résistance » du Hamas et du Hezbollah. Concernant le génocide rwandais, l’ancienne membre du Congrès américain partage les thèses très controversées d’un Pierre Péan ou d’un Charles Onana, dont elle a préfacé, l’année dernière, un livre intitulé : Ces tueurs tutsi au cœur de la tragédie congolaise. Pour elle, « ce qui s’est passé au Rwanda n’est pas un génocide planifié par les Hutu. C’est un changement de régime. Un coup d’Etat terroriste perpétré par Kagame avec l’aide de forces étrangères ».
McKinney a également relayé sans scrupule la théorie du complot selon laquelle les Etats-Unis dissimulerait au monde l’existence d’immenses réserves de pétrole au large des côtes d’Haïti, une richesse qu’ils convoiteraient depuis des décennies, privant ainsi scandaleusement le peuple haïtien de ses ressources naturelles. Cette intox a été propagée sur internet à partir d’une interview de deux conférenciers haïtiens, Ginette et Daniel Mathurin. Sans surprise, McKinney s’appuie sur les prétendues « recherches » de ce couple de scientifiques – dont aucun n’a la moindre qualification en matière de prospection pétrolière – dans un article mis en ligne récemment sur le site du Green Party, et dont ReOpen911 a gracieusement assuré la traduction en français.
McKinney assume. « Les Afro-Américains ont toujours su, a-t-elle un jour répondu à un journaliste du mensuel de gauche The Progressive, qu’un petit peu de paranoïa ne pouvait pas nous faire de mal ». Se comparant souvent à Rosa Parks, Cynthia McKinney se voit elle-même en martyr de la liberté d’expression, en pasionaria de la Vérité : « J’aurai probablement des problèmes pour ce que je viens de vous dire ce soir, confie-t-elle un soir d’été de l’année 2003, devant un parterre de fidèles d
e l’Eglise baptiste abyssinienne de Harlem. Mais ce ne sera pas la première fois que j’aurai des problèmes pour avoir dit la vérité. Et je continuerai à dire la vérité. Comme je l’ai déjà dit auparavant, je ne m’assiérai pas et je ne me tairai pas ».
Dans son ouvrage A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America (University of California Press, 2003), le politologue Michael Barkun classe Cynthia McKinney parmi ces « rebelles de la politique » dont les outrances s’inscrivent dans une stratégie du dérapage n’ayant d’autre fin que de faire parler d’eux. En 2002, quelques mois après ses premières philippiques conspirationnistes sur le 11-Septembre, elle perd le siège qu’elle occupait à la Chambre des représentants depuis 1993 à l’occasion d’une primaire démocrate. La candidate malheureuse explique sa défaite par l’hostilité des « médias » à son encontre. Son père, l’ancien représentant Bill McKinney, qui est aussi le plus proche conseiller politique de Cynthia, fait valoir une toute autre interprétation : la veille du scrutin, interrogé sur l’un des soutiens de sa fille, il incrimine « les Juifs [qui] ont acheté tout le monde », avant d’épeler chacune des lettres du mot « Jews » pour s’assurer que chacun comprenne clairement ce qu’il est en train de dire. Une déclaration que Cynthia McKinney n’a jamais cru devoir désavouer.
Malaise au sein du Parti démocrate. D’autant plus palpable que quelques mois plus tôt, le porte-plume de Cynthia McKinney, Raeed Tayeh, l’auteur de la plupart de ses discours à l’époque, avait déclaré à la presse que « l’occupation israélienne [devait] finir, y compris au Congrès ». Une déclaration plus qu’ambigüe, qui s’ajoute à la réputation déjà sulfureuse de Cynthia McKinney : dès 1994, la deuxième année de son mandat à la Chambre des représentants, McKinney avait refusé, au nom de la liberté d’expression, de voter une résolution condamnant les propos haineux d’un ténor de la Nation of Islam, Khalid Abdul Muhammad. Peu après, elle était apparue aux côtés du chef de ce mouvement, le prédicateur antisémite Louis Farrakhan, lors d’une conférence organisée à l’Université Howard.
Les violentes diatribes anti-israéliennes dans lesquelles se lance Cynthia McKinney lui valent une popularité réelle au sein de la communauté arabo-musulmane américaine, particulièrement sensible à la cause palestinienne. En 2002, le Washington Post révèle ainsi que les trois-quarts des fonds levés par McKinney pour sa campagne proviennent de donateurs issus de la communauté musulmane ne résidant même pas dans le 4ème district de l’Etat de Géorgie dans lequel elle se présentait.
McKinney retrouve momentanément son siège de représentante de l’Etat de Géorgie en 2004 mais le perd à nouveau aux primaires démocrates d’août 2006, un scrutin marqué par la révélation de la présence, au sein de l’équipe chargée de sa sécurité et jusque dans son QG de campagne, de membres du New Black Panther Party, organisation suprématiste noir ouvertement antisémite dirigé par Malik Zulu Shabazz. Les New Black Panthers sont une formation dissidente du Black Panther Party historique. A l’heure actuelle, leur représentant en France n’est autre que Kémi Séba, le très médiatique fondateur de la Tribu Ka.
Pour McKinney, l’explication de cette seconde défaite tient en deux mots : « lobby sioniste ». Le 14 août dernier, lors d’un dîner organisé par le Council on American-Islamic Relations (CAIR), elle expliquait ainsi que le « le lobby sioniste dresse sa tête hideuse dans bien trop de facettes de la vie de ce pays, en particulier dans la vie politique » (sic) et que « les sionistes [avaient] réussi à [la] mettre à la porte du Congrès à deux reprises » (voir la vidéo).
La mue de Cynthia McKinney s’est véritablement opérée au cours de ces dernières années. La décennie 2000-2010 l’a vu passer du respectable Parti démocrate – dont elle claqua la porte en 2007 – aux marges les plus nauséabondes de la scène politique américaine. Parallèlement à la fondation de son propre mouvement, « Dignity », sur le modèle de celui créé en Grande-Bretagne par son ami George Galloway, elle n’a eu de cesse de resserrer ses liens avec cette nébuleuse parfois qualifiée de « rouge-brune » où se croisent, se rencontrent et se mêlent militants pro-palestiniens radicaux, activistes islamistes, suprématistes noirs et racistes d’extrême droite.
En juin 2009, McKinney continue sa descente aux enfers. Elle est reçue à trois reprises dans l’émission de radio de Daryl Bradford Smith (ici, là et encore là). Elle le retrouve de nouveau le 14 janvier 2010, en compagnie d’Ognir cette fois-ci. Daryl Bradford Smith est un autre obsédé du complot juif. Son site web, où l’on trouve des interviews radio de David Pidcock, Israël Shamir et Eustace Mullins ainsi que les signatures de Christopher Bollyn et Eric Hufschmid (voir ici), fait la promotion des Protocoles des Sages de Sion – le célèbre faux antisémite –, du Juif International d’Henry Ford, ou encore de La Synagogue de Satan d’Andrew Carrington Hitchcock. On y trouve même des raretés comme la traduction d’un livre publié dans l’Allemagne hitlérienne sur la pratique du meurtre rituel chez les juifs ou encore un ouvrage de Leslie Fry intitulé La Guerre contre la Royauté du Christ, présentant le communisme comme un « complot judéo-bolchevique contre la Chrétienté »… Bref, la bibliothèque du parfait petit nazillon. La page d’accueil du site est bandée dans toute sa largeur par une phrase en majuscule indiquant : « LE MONDE DOIT DECLARER LA GUERRE A L’ETAT D’ISRAEL ! ».
L’interview avec McKinney prend un tour stupéfiant lorsque Daryl Bradford Smith suggère avec insistance que le Mossad est derrière les attentats du 11-Septembre et se met à citer plusieurs noms juifs – parmi lesquels ceux de Larry Silverstein (le propriétaire des immeubles du World Trade Centrer) et de Ari Fleischer (ancien porte-parole de la Maison Blanche sous Georges W. Bush) – avant de déclarer : « Tous ces gens, en fait, sont une cinquième colonne qui a envahi la structure de contrôle de notre gouvernement. Et ils sont fortement impliqués au Congrès, ils ont un contrôle complet de l’exécutif. Maintenant, comment est-ce que nous pouvons faire pour nous libérer de l’emprise de ce genre de gang criminel ? » Et Cynthia McKinney de répondre : « Eh bien… les gens doivent se lever ! L’une des choses que vous avez dite, je dois le dire, j’ai entendu un discours extraordinaire donné par Lord Levy, qui est, je crois, à la Chambre des Lords britannique. Et le langage qu’il a utilisé était absolument incroyable ! En gros, il a dit que seulement 3% des Israéliens ont voté pour la paix… il a parlé d’Israël comme d’un Etat indéfendable… En étant aux Etats-Unis, nous n’entendons jamais ce genre de discours. C’était un membre juif de la Chambre des Lords qui disait cela ».
« Je ne suis pas une conspirationniste ». C’est ce que Cynthia McKinney a déclaré devant la caméra de John-Paul Lepers lors de son dernier séjour parisien. McKinney est l’une des personnalités phares du 9/11 Truth Movement ; elle fréquente des antisémites notoires qui pensent que tous les maux de ce monde prennent leur source dans une vaste conspiration judéo-maçonnique ourdie depuis des siècles ; elle explique ses échecs électoraux par le pouvoir « impitoyable » du « lobby sioniste » ; elle considère que Barack Obama aspire à « créer un Etat policier » aux Etats-Unis (lire sa dernière déclaration)… Mais n’allez surtout pas dire à Cynthia McKinney qu’elle est une conspirationniste : elle croira que vous faites partie d’un complot visant à la discréditer.
Voir aussi, sur Conspiracy Watch :
Cynthia McKinney, Matthias Chang et les « créanciers de l’Ombre »
Kassovitz élude les sources très embarrassantes de Loose Change
9 octobre 2009. Le maire du 2ème Arrondissement de Paris accueille dans ses murs une conférence de presse de Cynthia McKinney. Rien d’exceptionnel à ce qu’un élu vert parisien reçoive la candidate du Green Party aux dernières élections présidentielles américaines. Comme son homologue héxagonal, le Green Party est signataire de la Charte des Verts mondiaux et partage ses préoccupations écologiques. Pourtant, Cynthia McKinney ne s’est pas attardée sur la protection de l’environnement ou le réchauffement climatique. Ce jour-là, cette ex-membre du Congrès est venue parler… du 11-Septembre. C’est d’ailleurs à l’initiative privée d’Alix Dreux-Boucard, alias AtMOH, fondateur et animateur du site conspirationniste ReOpen911, que la conférence a été organisée.
Certes, en matière de conspirationnisme, McKinney est loin d’en être à son premier coup d’essai. Chris Suellentrop, du magazine en ligne Slate.com, constatait en 2002 que « sur les dix années qu’elle a passées au Congrès, il est difficile d’en trouver une seule où elle ne s’est pas livré à des accusations bizarres ou à de folles théories du complot ». Nourrissant une défiance quasi-paranoïaque à l’égard des autorités fédérales, McKinney est par exemple persuadée que le programme Cointelpro (acronyme d’un programme du FBI mis en œuvre entre 1956 et 1971) est toujours en vigueur et qu’il ne serait pas étranger aux assassinats de JFK, Martin Luther King, Bob Kennedy ou du chanteur de rap Tupac Shakur. Elle a même commencé une thèse sur le sujet.
Il y a deux ans, en pleine campagne présidentielle, à Oakland, le fief historique des Black Panthers, McKinney cite des « témoignages » – anonymes, cela va sans dire – selon lesquels l’armée américaine aurait profité de la confusion régnant durant l’ouragan Katrina pour assassiner d’une balle dans la tête pas moins de 5 000 prisonniers avant de se débarrasser de leurs cadavres dans un marais de Louisiane… Des propos qui portent un grave coup à la crédibilité du Green Party et expliquent, peut-être, le pourcentage dérisoire des suffrages qui se sont portés sur la candidature McKinney : 0,12%. Un score très inférieur à celui de Ralph Nader. Inférieur également aux scores des deux autres « petits » candidats, Bob Barr et Chuck Baldwin.
McKinney professe un internationalisme consistant, pour l’essentiel, à accuser le gouvernement de son pays et l’Etat d’Israël d’être à l’origine de tous les maux de la planète. A contrario, elle excelle à prendre la défense des régimes les plus liberticides, pourvus qu’ils « résistent à l’Empire ». Ainsi McKinney n’hésite-t-elle pas à chanter les louanges du régime de Robert Mugabe au Zimbabwe ou à exalter la « résistance » du Hamas et du Hezbollah. Concernant le génocide rwandais, l’ancienne membre du Congrès américain partage les thèses très controversées d’un Pierre Péan ou d’un Charles Onana, dont elle a préfacé, l’année dernière, un livre intitulé : Ces tueurs tutsi au cœur de la tragédie congolaise. Pour elle, « ce qui s’est passé au Rwanda n’est pas un génocide planifié par les Hutu. C’est un changement de régime. Un coup d’Etat terroriste perpétré par Kagame avec l’aide de forces étrangères ».
McKinney a également relayé sans scrupule la théorie du complot selon laquelle les Etats-Unis dissimulerait au monde l’existence d’immenses réserves de pétrole au large des côtes d’Haïti, une richesse qu’ils convoiteraient depuis des décennies, privant ainsi scandaleusement le peuple haïtien de ses ressources naturelles. Cette intox a été propagée sur internet à partir d’une interview de deux conférenciers haïtiens, Ginette et Daniel Mathurin. Sans surprise, McKinney s’appuie sur les prétendues « recherches » de ce couple de scientifiques – dont aucun n’a la moindre qualification en matière de prospection pétrolière – dans un article mis en ligne récemment sur le site du Green Party, et dont ReOpen911 a gracieusement assuré la traduction en français.
McKinney assume. « Les Afro-Américains ont toujours su, a-t-elle un jour répondu à un journaliste du mensuel de gauche The Progressive, qu’un petit peu de paranoïa ne pouvait pas nous faire de mal ». Se comparant souvent à Rosa Parks, Cynthia McKinney se voit elle-même en martyr de la liberté d’expression, en pasionaria de la Vérité : « J’aurai probablement des problèmes pour ce que je viens de vous dire ce soir, confie-t-elle un soir d’été de l’année 2003, devant un parterre de fidèles d
e l’Eglise baptiste abyssinienne de Harlem. Mais ce ne sera pas la première fois que j’aurai des problèmes pour avoir dit la vérité. Et je continuerai à dire la vérité. Comme je l’ai déjà dit auparavant, je ne m’assiérai pas et je ne me tairai pas ».
Dans son ouvrage A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America (University of California Press, 2003), le politologue Michael Barkun classe Cynthia McKinney parmi ces « rebelles de la politique » dont les outrances s’inscrivent dans une stratégie du dérapage n’ayant d’autre fin que de faire parler d’eux. En 2002, quelques mois après ses premières philippiques conspirationnistes sur le 11-Septembre, elle perd le siège qu’elle occupait à la Chambre des représentants depuis 1993 à l’occasion d’une primaire démocrate. La candidate malheureuse explique sa défaite par l’hostilité des « médias » à son encontre. Son père, l’ancien représentant Bill McKinney, qui est aussi le plus proche conseiller politique de Cynthia, fait valoir une toute autre interprétation : la veille du scrutin, interrogé sur l’un des soutiens de sa fille, il incrimine « les Juifs [qui] ont acheté tout le monde », avant d’épeler chacune des lettres du mot « Jews » pour s’assurer que chacun comprenne clairement ce qu’il est en train de dire. Une déclaration que Cynthia McKinney n’a jamais cru devoir désavouer.
Malaise au sein du Parti démocrate. D’autant plus palpable que quelques mois plus tôt, le porte-plume de Cynthia McKinney, Raeed Tayeh, l’auteur de la plupart de ses discours à l’époque, avait déclaré à la presse que « l’occupation israélienne [devait] finir, y compris au Congrès ». Une déclaration plus qu’ambigüe, qui s’ajoute à la réputation déjà sulfureuse de Cynthia McKinney : dès 1994, la deuxième année de son mandat à la Chambre des représentants, McKinney avait refusé, au nom de la liberté d’expression, de voter une résolution condamnant les propos haineux d’un ténor de la Nation of Islam, Khalid Abdul Muhammad. Peu après, elle était apparue aux côtés du chef de ce mouvement, le prédicateur antisémite Louis Farrakhan, lors d’une conférence organisée à l’Université Howard.
Les violentes diatribes anti-israéliennes dans lesquelles se lance Cynthia McKinney lui valent une popularité réelle au sein de la communauté arabo-musulmane américaine, particulièrement sensible à la cause palestinienne. En 2002, le Washington Post révèle ainsi que les trois-quarts des fonds levés par McKinney pour sa campagne proviennent de donateurs issus de la communauté musulmane ne résidant même pas dans le 4ème district de l’Etat de Géorgie dans lequel elle se présentait.
McKinney retrouve momentanément son siège de représentante de l’Etat de Géorgie en 2004 mais le perd à nouveau aux primaires démocrates d’août 2006, un scrutin marqué par la révélation de la présence, au sein de l’équipe chargée de sa sécurité et jusque dans son QG de campagne, de membres du New Black Panther Party, organisation suprématiste noir ouvertement antisémite dirigé par Malik Zulu Shabazz. Les New Black Panthers sont une formation dissidente du Black Panther Party historique. A l’heure actuelle, leur représentant en France n’est autre que Kémi Séba, le très médiatique fondateur de la Tribu Ka.
Pour McKinney, l’explication de cette seconde défaite tient en deux mots : « lobby sioniste ». Le 14 août dernier, lors d’un dîner organisé par le Council on American-Islamic Relations (CAIR), elle expliquait ainsi que le « le lobby sioniste dresse sa tête hideuse dans bien trop de facettes de la vie de ce pays, en particulier dans la vie politique » (sic) et que « les sionistes [avaient] réussi à [la] mettre à la porte du Congrès à deux reprises » (voir la vidéo).
La mue de Cynthia McKinney s’est véritablement opérée au cours de ces dernières années. La décennie 2000-2010 l’a vu passer du respectable Parti démocrate – dont elle claqua la porte en 2007 – aux marges les plus nauséabondes de la scène politique américaine. Parallèlement à la fondation de son propre mouvement, « Dignity », sur le modèle de celui créé en Grande-Bretagne par son ami George Galloway, elle n’a eu de cesse de resserrer ses liens avec cette nébuleuse parfois qualifiée de « rouge-brune » où se croisent, se rencontrent et se mêlent militants pro-palestiniens radicaux, activistes islamistes, suprématistes noirs et racistes d’extrême droite.
En juin 2009, McKinney continue sa descente aux enfers. Elle est reçue à trois reprises dans l’émission de radio de Daryl Bradford Smith (ici, là et encore là). Elle le retrouve de nouveau le 14 janvier 2010, en compagnie d’Ognir cette fois-ci. Daryl Bradford Smith est un autre obsédé du complot juif. Son site web, où l’on trouve des interviews radio de David Pidcock, Israël Shamir et Eustace Mullins ainsi que les signatures de Christopher Bollyn et Eric Hufschmid (voir ici), fait la promotion des Protocoles des Sages de Sion – le célèbre faux antisémite –, du Juif International d’Henry Ford, ou encore de La Synagogue de Satan d’Andrew Carrington Hitchcock. On y trouve même des raretés comme la traduction d’un livre publié dans l’Allemagne hitlérienne sur la pratique du meurtre rituel chez les juifs ou encore un ouvrage de Leslie Fry intitulé La Guerre contre la Royauté du Christ, présentant le communisme comme un « complot judéo-bolchevique contre la Chrétienté »… Bref, la bibliothèque du parfait petit nazillon. La page d’accueil du site est bandée dans toute sa largeur par une phrase en majuscule indiquant : « LE MONDE DOIT DECLARER LA GUERRE A L’ETAT D’ISRAEL ! ».
L’interview avec McKinney prend un tour stupéfiant lorsque Daryl Bradford Smith suggère avec insistance que le Mossad est derrière les attentats du 11-Septembre et se met à citer plusieurs noms juifs – parmi lesquels ceux de Larry Silverstein (le propriétaire des immeubles du World Trade Centrer) et de Ari Fleischer (ancien porte-parole de la Maison Blanche sous Georges W. Bush) – avant de déclarer : « Tous ces gens, en fait, sont une cinquième colonne qui a envahi la structure de contrôle de notre gouvernement. Et ils sont fortement impliqués au Congrès, ils ont un contrôle complet de l’exécutif. Maintenant, comment est-ce que nous pouvons faire pour nous libérer de l’emprise de ce genre de gang criminel ? » Et Cynthia McKinney de répondre : « Eh bien… les gens doivent se lever ! L’une des choses que vous avez dite, je dois le dire, j’ai entendu un discours extraordinaire donné par Lord Levy, qui est, je crois, à la Chambre des Lords britannique. Et le langage qu’il a utilisé était absolument incroyable ! En gros, il a dit que seulement 3% des Israéliens ont voté pour la paix… il a parlé d’Israël comme d’un Etat indéfendable… En étant aux Etats-Unis, nous n’entendons jamais ce genre de discours. C’était un membre juif de la Chambre des Lords qui disait cela ».
« Je ne suis pas une conspirationniste ». C’est ce que Cynthia McKinney a déclaré devant la caméra de John-Paul Lepers lors de son dernier séjour parisien. McKinney est l’une des personnalités phares du 9/11 Truth Movement ; elle fréquente des antisémites notoires qui pensent que tous les maux de ce monde prennent leur source dans une vaste conspiration judéo-maçonnique ourdie depuis des siècles ; elle explique ses échecs électoraux par le pouvoir « impitoyable » du « lobby sioniste » ; elle considère que Barack Obama aspire à « créer un Etat policier » aux Etats-Unis (lire sa dernière déclaration)… Mais n’allez surtout pas dire à Cynthia McKinney qu’elle est une conspirationniste : elle croira que vous faites partie d’un complot visant à la discréditer.
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Cynthia McKinney, Matthias Chang et les « créanciers de l’Ombre »
Kassovitz élude les sources très embarrassantes de Loose Change
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