« Philadelphie », le groupuscule sectaire auquel aurait participé Xavier Dupont de Ligonnès, prônait une vision du monde mêlant « références à Satan et "complot judéo-maçonnique" ».
« Philadelphie », le groupuscule sectaire auquel aurait participé Xavier Dupont de Ligonnès, prônait une vision du monde mêlant « références à Satan et "complot judéo-maçonnique" ». C'est ce qu'a révélé Le Parisien dans son édition d'hier.
Animé par la propre mère du fugitif (soupçonné du meurtre de sa femme et de ses quatre enfants, Dupont de Ligonnès est en fuite depuis le 15 avril dernier), le « groupe de prière » avait une singulière manière de présenter à ses membres l'histoire des deux derniers siècles :
« Dans un fascicule de 19 pages remis aux membres [du groupuscule], la religion catholique est décrite comme "une synagogue de Satan" dirigée par un "pouvoir occulte aux mains des juifs talmudistes". Le premier succès de ce "complot luciférien" n’est autre que l’avènement de "la Révolution française et ses valeurs maçonniques". Dans ce combat entre le bien et le mal, la "victoire de l’ennemi" est annoncée en 1962, 1995, et 1999. Trois années durant lesquelles les membres de Philadelphie se sont réunis en Bretagne pour attendre l’apocalypse. »
Historiquement, la thèse selon laquelle la Révolution française serait le produit d’un complot maçonnique et anti-chrétien est apparue sous la plume de John Robison (Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, 1797) puis de l’Abbé Barruel (Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1798).
Quant à la « Synagogue de Satan », il s’agit, explique l’historien Jean-Philippe Schreiber sur le site de l’Université libre de Bruxelles, d’une « métaphore du lieu du secret des maçons et du lieu du pouvoir des Juifs ». Dans La Foire aux illuminés (Mille et une nuits, 2005), le politologue Pierre-André Taguieff rappelle qu'on en trouve la première occurrence dans le livre de François-Xavier Gautrelet, La Franc-Maçonnerie et la Révolution (1872). Elle apparaît surtout dans l'encyclique Etsi multa luctuosa du pape Pie IX, en 1873, avant d'être reprise et développée par Léon XIII dans l’encyclique Humanum Genus (1884). Mais c'est Mgr Meurin qui popularisera l'expression en en faisant le titre d'un de ses ouvrages (La Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan) publié en 1893, véritable best-seller de l'époque, traduit dans plusieurs langues.
Selon le chercheur Emmanuel Kreis, spécialiste des théories du « complot judéo-maçonnique » (Ecole pratique des hautes études), le livre de Mgr Meurin est le premier « à présenter un exposé en apparence construit et érudit visant à montrer non seulement la domination juive sur les loges – bien d’autres l’ont fait avant lui –, mais également l’origine judaïque de la franc-maçonnerie. Les juifs sont présentés comme étant les chefs des sociétés secrètes et les instigateurs de toutes les révolutions depuis l’Antiquité ».
Véritable lieu commun de la littérature complotiste anti-« judéo-maçonnique », l’expression « Synagogue de Satan » a également servi de titres à au moins deux ouvrages antisémites contemporains, celui de Ashahed Muhammad (2005), membre de la Nation of Islam (avec un avant-propos de Malik Zulu Shabazz du New Black Panther Party), et celui d’Andrew Carrington Hitchcock (édité en 2007 par le révérend américain Texe Marrs).
Pour aller plus loin :
« Philadelphie », le groupuscule sectaire auquel aurait participé Xavier Dupont de Ligonnès, prônait une vision du monde mêlant « références à Satan et "complot judéo-maçonnique" ». C'est ce qu'a révélé Le Parisien dans son édition d'hier.
Animé par la propre mère du fugitif (soupçonné du meurtre de sa femme et de ses quatre enfants, Dupont de Ligonnès est en fuite depuis le 15 avril dernier), le « groupe de prière » avait une singulière manière de présenter à ses membres l'histoire des deux derniers siècles :
« Dans un fascicule de 19 pages remis aux membres [du groupuscule], la religion catholique est décrite comme "une synagogue de Satan" dirigée par un "pouvoir occulte aux mains des juifs talmudistes". Le premier succès de ce "complot luciférien" n’est autre que l’avènement de "la Révolution française et ses valeurs maçonniques". Dans ce combat entre le bien et le mal, la "victoire de l’ennemi" est annoncée en 1962, 1995, et 1999. Trois années durant lesquelles les membres de Philadelphie se sont réunis en Bretagne pour attendre l’apocalypse. »
Historiquement, la thèse selon laquelle la Révolution française serait le produit d’un complot maçonnique et anti-chrétien est apparue sous la plume de John Robison (Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, 1797) puis de l’Abbé Barruel (Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, 1798).
Quant à la « Synagogue de Satan », il s’agit, explique l’historien Jean-Philippe Schreiber sur le site de l’Université libre de Bruxelles, d’une « métaphore du lieu du secret des maçons et du lieu du pouvoir des Juifs ». Dans La Foire aux illuminés (Mille et une nuits, 2005), le politologue Pierre-André Taguieff rappelle qu'on en trouve la première occurrence dans le livre de François-Xavier Gautrelet, La Franc-Maçonnerie et la Révolution (1872). Elle apparaît surtout dans l'encyclique Etsi multa luctuosa du pape Pie IX, en 1873, avant d'être reprise et développée par Léon XIII dans l’encyclique Humanum Genus (1884). Mais c'est Mgr Meurin qui popularisera l'expression en en faisant le titre d'un de ses ouvrages (La Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan) publié en 1893, véritable best-seller de l'époque, traduit dans plusieurs langues.
Selon le chercheur Emmanuel Kreis, spécialiste des théories du « complot judéo-maçonnique » (Ecole pratique des hautes études), le livre de Mgr Meurin est le premier « à présenter un exposé en apparence construit et érudit visant à montrer non seulement la domination juive sur les loges – bien d’autres l’ont fait avant lui –, mais également l’origine judaïque de la franc-maçonnerie. Les juifs sont présentés comme étant les chefs des sociétés secrètes et les instigateurs de toutes les révolutions depuis l’Antiquité ».
Véritable lieu commun de la littérature complotiste anti-« judéo-maçonnique », l’expression « Synagogue de Satan » a également servi de titres à au moins deux ouvrages antisémites contemporains, celui de Ashahed Muhammad (2005), membre de la Nation of Islam (avec un avant-propos de Malik Zulu Shabazz du New Black Panther Party), et celui d’Andrew Carrington Hitchcock (édité en 2007 par le révérend américain Texe Marrs).
Pour aller plus loin :
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