Fidel Castro promeut désormais le mythe du « Nouvel Ordre Mondial », une théorie du complot qui a fait son apparition au sein de la très anticommuniste John Birch Society…
Dans une série de textes publiés entre le 15 et le 18 août sur le site web du gouvernement de La Havane (ici, là et là) et repris dans Granma, l’organe officiel du Parti communiste cubain, Fidel Castro recommande la lecture de Los Secretos del Club Bilderger [Les Secrets du Club Bilderberg], le « fabuleux ouvrage » (sic) de l’auteur conspirationniste Daniel Estulin (voir Bilderberg 2010 : ce que vous ne lirez pas ailleurs). Disponibles en huit langues, ces « réflexions du compañero Fidel » consistent, pour l’essentiel, en la reproduction d’extraits entiers du livre d’Estulin, produit d’une collaboration de plus de dix ans avec Jim Tucker, du journal d’extrême droite American Free Press.
Castro cite également des extraits de The Satanic Roots of Rock [Les Racines sataniques du rock] de Donald Phau, l’un des membres de l’organisation politico-sectaire de Lyndon LaRouche, dans un passage où il fait des Beatles l’« arme secrète » d’une opération « bien planifiée et coordonnée ». Autre « source » mentionnée : Final Warning: A History of the New World Order [Avertissement final : une Histoire du Nouvel Ordre Mondial], de David A. Rivera. Ce livre, édité chez « Conspiracy » (2), se propose de retracer la généalogie d’un gouvernement mondial occulte mis en place par les « Illuminati », lesquels seraient les véritables instigateurs de la Révolution française… Plus loin, on lit que l’avènement du « Nouvel Ordre Mondial (…) signifiera la mort prématuré d’un peu plus de la moitié de la population », l’un des grands poncifs de la littérature conspirationniste (voir Le sida, la grippe aviaire, Henry Kissinger et la Torah).
Le mythe du « Nouvel Ordre Mondial » est né à la fin des années 1950 au sein de la droite américaine ultra-conservatrice avant de commencer à séduire, dans les années 1990, une partie de la gauche radicale. Les premiers à le diffuser étaient les anticommunistes viscéraux de la John Birch Society. Selon eux, le président Eisenhower était un agent soviétique et l’ONU travaillait secrètement à l’établissement d’un «gouvernement socialiste mondial».
Fidel Castro est loin d’en être à ses premiers dérapages conspirationnistes. En 2007, il avait publiquement pris partie en faveur de la théorie du complot sur les attentats du 11 septembre 2001 (3) tandis que la télévision cubaine avait diffusé un film faisant la part belle aux thèses révisionnistes de Thierry Meyssan, le président du Réseau Voltaire. Il y a quelques semaines, s’appuyant sur un texte de Wayne Madsen (voir « Wikileaks manipulé par la CIA » : décryptage d’une théorie du complot) et sur le site Global Research, de Michel Chossudovsky (lequel signe également des textes complotistes diffusés par le gouvernement vénézuélien), il expliquait que le torpillage de la corvette sud-coréenne Cheonan en mars dernier, attribuée à la marine de la Corée du Nord par une commission d’enquête internationale, était en réalité une opération « sous faux pavillon » montée par les services américains et visant à faire accuser le régime de Pyongyang (4).
En décernant un brevet de castrisme aux élucubrations de Meyssan, Madsen, Estulin, LaRouche et consorts, l’ancien leader révolutionnaire semble bien avoir définitivement sombré dans une paranoïa qui, on le sait, est toujours très prisée des vieux dictateurs.
Notes :
(1) La Deuxième Guerre mondiale aurait par exemple été « financée » par une « pieuvre ploutocratique » où l’on retrouverait les fondateurs du Bilderberg, les Rockefeller, la famille royale britannique et « l’establishment "libéral" de l’Est des Etats-Unis ». Du Vietnam aux Balkans et du Proche-Orient à l’Asie centrale, toutes les guerres auraient été programmées lors de réunions du Bilderberg. De même les attentats contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie (1998), pour lesquelles Oussama Ben Laden est inculpé, auraient été « l’œuvre du Mossad israélien ».
(2) Le livre, qui date de 2004, a été réédité cette année chez Progressive Press, un éditeur spécialisé dans les ouvrages à caractère conspirationniste et antisémite.
(3) « Quand on analyse l’impact d’avions semblables à ceux qui se sont précipités contre les tours et tombés par accident dans des villes très peuplées, on conclut qu’aucun appareil ne s’est écrasé sur le Pentagone et que seul un projectile a pu provoquer l’orifice rond causé par le prétendu avion » (in « L’Empire et le mensonge », Site officiel du gouvernement cubain, 11 septembre 2007). Deux ans plus tard, Castro écrivait : « Ceux qui ont peaufiné l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles ont été entraînés par les États-Unis. (…) C’est l’organisation Al Qaeda, financée par la CIA depuis 1979 et utilisée contre l’URSS pendant la Guerre froide, qui a ourdi cette attaque vingt-deux ans après. Il existe des faits obscurs qui n’ont pas encore été suffisamment éclaircis devant l’opinion publique internationale » (in « Puissé-je me tromper ! », Site officiel du gouvernement cubain, 24 août 2009).
(4) Cf. « L’Empire et le mensonge », Site officiel du gouvernement cubain, 3 juin 2010.
Dans une série de textes publiés entre le 15 et le 18 août sur le site web du gouvernement de La Havane (ici, là et là) et repris dans Granma, l’organe officiel du Parti communiste cubain, Fidel Castro recommande la lecture de Los Secretos del Club Bilderger [Les Secrets du Club Bilderberg], le « fabuleux ouvrage » (sic) de l’auteur conspirationniste Daniel Estulin (voir Bilderberg 2010 : ce que vous ne lirez pas ailleurs). Disponibles en huit langues, ces « réflexions du compañero Fidel » consistent, pour l’essentiel, en la reproduction d’extraits entiers du livre d’Estulin, produit d’une collaboration de plus de dix ans avec Jim Tucker, du journal d’extrême droite American Free Press.
Castro cite également des extraits de The Satanic Roots of Rock [Les Racines sataniques du rock] de Donald Phau, l’un des membres de l’organisation politico-sectaire de Lyndon LaRouche, dans un passage où il fait des Beatles l’« arme secrète » d’une opération « bien planifiée et coordonnée ». Autre « source » mentionnée : Final Warning: A History of the New World Order [Avertissement final : une Histoire du Nouvel Ordre Mondial], de David A. Rivera. Ce livre, édité chez « Conspiracy » (2), se propose de retracer la généalogie d’un gouvernement mondial occulte mis en place par les « Illuminati », lesquels seraient les véritables instigateurs de la Révolution française… Plus loin, on lit que l’avènement du « Nouvel Ordre Mondial (…) signifiera la mort prématuré d’un peu plus de la moitié de la population », l’un des grands poncifs de la littérature conspirationniste (voir Le sida, la grippe aviaire, Henry Kissinger et la Torah).
Le mythe du « Nouvel Ordre Mondial » est né à la fin des années 1950 au sein de la droite américaine ultra-conservatrice avant de commencer à séduire, dans les années 1990, une partie de la gauche radicale. Les premiers à le diffuser étaient les anticommunistes viscéraux de la John Birch Society. Selon eux, le président Eisenhower était un agent soviétique et l’ONU travaillait secrètement à l’établissement d’un «gouvernement socialiste mondial».
Fidel Castro est loin d’en être à ses premiers dérapages conspirationnistes. En 2007, il avait publiquement pris partie en faveur de la théorie du complot sur les attentats du 11 septembre 2001 (3) tandis que la télévision cubaine avait diffusé un film faisant la part belle aux thèses révisionnistes de Thierry Meyssan, le président du Réseau Voltaire. Il y a quelques semaines, s’appuyant sur un texte de Wayne Madsen (voir « Wikileaks manipulé par la CIA » : décryptage d’une théorie du complot) et sur le site Global Research, de Michel Chossudovsky (lequel signe également des textes complotistes diffusés par le gouvernement vénézuélien), il expliquait que le torpillage de la corvette sud-coréenne Cheonan en mars dernier, attribuée à la marine de la Corée du Nord par une commission d’enquête internationale, était en réalité une opération « sous faux pavillon » montée par les services américains et visant à faire accuser le régime de Pyongyang (4).
En décernant un brevet de castrisme aux élucubrations de Meyssan, Madsen, Estulin, LaRouche et consorts, l’ancien leader révolutionnaire semble bien avoir définitivement sombré dans une paranoïa qui, on le sait, est toujours très prisée des vieux dictateurs.
Notes :
(1) La Deuxième Guerre mondiale aurait par exemple été « financée » par une « pieuvre ploutocratique » où l’on retrouverait les fondateurs du Bilderberg, les Rockefeller, la famille royale britannique et « l’establishment "libéral" de l’Est des Etats-Unis ». Du Vietnam aux Balkans et du Proche-Orient à l’Asie centrale, toutes les guerres auraient été programmées lors de réunions du Bilderberg. De même les attentats contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie (1998), pour lesquelles Oussama Ben Laden est inculpé, auraient été « l’œuvre du Mossad israélien ».
(2) Le livre, qui date de 2004, a été réédité cette année chez Progressive Press, un éditeur spécialisé dans les ouvrages à caractère conspirationniste et antisémite.
(3) « Quand on analyse l’impact d’avions semblables à ceux qui se sont précipités contre les tours et tombés par accident dans des villes très peuplées, on conclut qu’aucun appareil ne s’est écrasé sur le Pentagone et que seul un projectile a pu provoquer l’orifice rond causé par le prétendu avion » (in « L’Empire et le mensonge », Site officiel du gouvernement cubain, 11 septembre 2007). Deux ans plus tard, Castro écrivait : « Ceux qui ont peaufiné l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles ont été entraînés par les États-Unis. (…) C’est l’organisation Al Qaeda, financée par la CIA depuis 1979 et utilisée contre l’URSS pendant la Guerre froide, qui a ourdi cette attaque vingt-deux ans après. Il existe des faits obscurs qui n’ont pas encore été suffisamment éclaircis devant l’opinion publique internationale » (in « Puissé-je me tromper ! », Site officiel du gouvernement cubain, 24 août 2009).
(4) Cf. « L’Empire et le mensonge », Site officiel du gouvernement cubain, 3 juin 2010.
Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.