Bonne nouvelle : les initiatives pédagogiques se multiplient pour contrer les théories du complot. Certains devraient pourtant être plus vigilants dans leur usage des sources...
Paul Moreira est l'initiateur d'un kit-vidéo pédagogique destiné à lutter contre les théories du complot dans les écoles et réalisé avec le soutien de l'Education nationale et de France Télévisions. Rien d'étonnant à cela puisque Paul Moreira est un journaliste d'investigation connu pour son travail d'enquête et son engagement pour la liberté d'expression. Seulement voilà : récemment, il a été au cœur d'une intense controverse autour de son film « Ukraine : les masques de la révolution ».
Le documentaire de Paul Moreira a suscité de nombreuses critiques aussi bien de la part de ses confrères que de celle des universitaires experts de l’Ukraine déplorant les « points aveugles » d'une analyse reprenant « la rhétorique habituelle des médias russes alignés sur le discours poutinien ». Le film, qui suggère que les milices d'extrême droite ukrainiennes furent le vecteur principal du mouvement Euromaïdan ayant conduit au renversement de Viktor Ianoukovitch sur fond de manipulations américaines, a d'ailleurs été salué par le site de Russia Today, la très conspirationniste chaîne de télévision du Kremlin.
Un groupe de 18 journalistes, qui ont tous travaillé sur le terrain en Ukraine, a même adressé une lettre ouverte à Paul Moreira. Les signataires y indiquent avoir été « choqués » par ce documentaire à cause notamment d’une « absence de mise en perspective d’une question complexe » et de la « confusion (…) entretenue par une série d’erreurs factuelles, des informations non recoupées, mais aussi des raccourcis et des manipulations de montage ». « Nous sommes inquiets de constater que Paul Moreira reproduit un phénomène qu’il prétend dénoncer dans un entretien publié dans l’Humanité : écrire une histoire "en noir et blanc" ». Lourde charge à l’encontre d’un journaliste qui entend combattre les théories du complot et argue, dans une longue réponse adressée à deux universitaires spécialistes de l’Ukraine, Anna Colin Lebedev, chercheuse au Centre d'Etudes des Mondes Russe, Caucasien et Centre-Européen (CERCEC EHESS) et Ioulia Shukan, maître de conférences à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense, qu'il essaie simplement « d'établir les faits » :
« On omet, explique-t-il. Pas parce qu'on est menteur, mais parce qu'on est pétri de bonnes intentions. Ne jamais oublier : de ces renoncements, naissent les pires théories du complot ».
Lors de son passage au Grand journal de Canal+, Il soulignera qu'un des dangers de la théorie du complot est justement le fait qu’« Internet met sur le même plan des investigateurs sérieux et d'autres nettement moins sérieux ».
Problème : pour répondre aux critiques de spécialistes et chercheurs, Paul Moreira cite notamment comme source le blog d'Olivier Berruyer, les-crises.fr, un site extrêmement partial sur la crise russo-ukrainienne et qui évolue notoirement... dans la mouvance conspirationniste. Lorsque les journalistes professionnels se laissent intoxiquer par les désinformateurs qui pullulent sur le Net, comment renouer la confiance avec le public ?
Voir aussi :
Bonne nouvelle : les initiatives pédagogiques se multiplient pour contrer les théories du complot. Certains devraient pourtant être plus vigilants dans leur usage des sources...
Le documentaire de Paul Moreira a suscité de nombreuses critiques aussi bien de la part de ses confrères que de celle des universitaires experts de l’Ukraine déplorant les « points aveugles » d'une analyse reprenant « la rhétorique habituelle des médias russes alignés sur le discours poutinien ». Le film, qui suggère que les milices d'extrême droite ukrainiennes furent le vecteur principal du mouvement Euromaïdan ayant conduit au renversement de Viktor Ianoukovitch sur fond de manipulations américaines, a d'ailleurs été salué par le site de Russia Today, la très conspirationniste chaîne de télévision du Kremlin.
Un groupe de 18 journalistes, qui ont tous travaillé sur le terrain en Ukraine, a même adressé une lettre ouverte à Paul Moreira. Les signataires y indiquent avoir été « choqués » par ce documentaire à cause notamment d’une « absence de mise en perspective d’une question complexe » et de la « confusion (…) entretenue par une série d’erreurs factuelles, des informations non recoupées, mais aussi des raccourcis et des manipulations de montage ». « Nous sommes inquiets de constater que Paul Moreira reproduit un phénomène qu’il prétend dénoncer dans un entretien publié dans l’Humanité : écrire une histoire "en noir et blanc" ». Lourde charge à l’encontre d’un journaliste qui entend combattre les théories du complot et argue, dans une longue réponse adressée à deux universitaires spécialistes de l’Ukraine, Anna Colin Lebedev, chercheuse au Centre d'Etudes des Mondes Russe, Caucasien et Centre-Européen (CERCEC EHESS) et Ioulia Shukan, maître de conférences à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense, qu'il essaie simplement « d'établir les faits » :
« On omet, explique-t-il. Pas parce qu'on est menteur, mais parce qu'on est pétri de bonnes intentions. Ne jamais oublier : de ces renoncements, naissent les pires théories du complot ».
Lors de son passage au Grand journal de Canal+, Il soulignera qu'un des dangers de la théorie du complot est justement le fait qu’« Internet met sur le même plan des investigateurs sérieux et d'autres nettement moins sérieux ».
Problème : pour répondre aux critiques de spécialistes et chercheurs, Paul Moreira cite notamment comme source le blog d'Olivier Berruyer, les-crises.fr, un site extrêmement partial sur la crise russo-ukrainienne et qui évolue notoirement... dans la mouvance conspirationniste. Lorsque les journalistes professionnels se laissent intoxiquer par les désinformateurs qui pullulent sur le Net, comment renouer la confiance avec le public ?
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