Les théories conspirationnistes s'épanouissent cependant avec la Révolution. On avait accusé le roi et la Cour d'avoir spéculé sur les grains et organisé la famine. A partir de 1789, de part et d'autre, les fantasmes paranoïaques se multiplient. Saint-Just voit partout la main de l'étranger, anglais ou autrichien. Gassicourt fait des descendants imaginaires des templiers les instigateurs secrets de la Révolution. Barruel triomphe en faisant des loges maçonniques le ferment décisif de la révolte. D'autres en cherchent les racines chez les Illuminés de Bavière, chez les magiciens ou même chez les démonolâtres. L'Eglise catholique encourage tout au long du XIXe siècle la diabolisation de la franc-maçonnerie, avec par exemple Mgr de Ségur (fils aîné de la comtesse), qui imagine, au-delà des loges maçonniques, l'existence d'arrière-loges de Carbonari décidées à détruire le catholicisme. Bientôt, avec la montée de l'antisémitisme, c'est la thèse de la conspiration judéo-maçonnique qui fait florès. On relie même templiers, francs-maçons et juifs, estampillés « maîtres secrets du monde ». On multiplie les faux, comme le Discours du rabbin, l'équivalent des libelles d'antan contre les Jésuites. Drumont dénonce « la France juive », d'autres s'en prennent à l'occultisme, au satanisme, au socialisme (naturellement issus du complot judéo-maçonnique). Avec la bataille de la laïcité, le complotisme devient même un sujet de débats houleux au Palais-Bourbon. On y mêle toujours l'argent de l'étranger et, de plus en plus, le « complot socialiste et anarchiste ». Le pire est cependant atteint avec le trop fameux Protocole des sages de Sion, un faux fabriqué par la police tsariste, diffusé aux Etats-Unis par Henry Ford, qui sera au coeur de la propagande nazie et qui connaît encore aujourd'hui le plus grand succès au Moyen-Orient. De nos jours, les clubs internationaux, les rencontres institutionnelles entre puissants (Trilatérale, Bilderberg), les réseaux de la Nomenklatura prolongent ces thématiques qui ont pour caractéristique de transformer fantasmes et crédulité en succès commerciaux, en vecteurs d'intolérance et en croyances fort peu démocratiques.
1. « Les puissances de l'ombre », textes présentés par Emmanuel Kreis, CNRS Editions, 305 pages, 22 euros.
Source : Le Point.fr, 14 mai 2009.
Les théories conspirationnistes s'épanouissent cependant avec la Révolution. On avait accusé le roi et la Cour d'avoir spéculé sur les grains et organisé la famine. A partir de 1789, de part et d'autre, les fantasmes paranoïaques se multiplient. Saint-Just voit partout la main de l'étranger, anglais ou autrichien. Gassicourt fait des descendants imaginaires des templiers les instigateurs secrets de la Révolution. Barruel triomphe en faisant des loges maçonniques le ferment décisif de la révolte. D'autres en cherchent les racines chez les Illuminés de Bavière, chez les magiciens ou même chez les démonolâtres. L'Eglise catholique encourage tout au long du XIXe siècle la diabolisation de la franc-maçonnerie, avec par exemple Mgr de Ségur (fils aîné de la comtesse), qui imagine, au-delà des loges maçonniques, l'existence d'arrière-loges de Carbonari décidées à détruire le catholicisme. Bientôt, avec la montée de l'antisémitisme, c'est la thèse de la conspiration judéo-maçonnique qui fait florès. On relie même templiers, francs-maçons et juifs, estampillés « maîtres secrets du monde ». On multiplie les faux, comme le Discours du rabbin, l'équivalent des libelles d'antan contre les Jésuites. Drumont dénonce « la France juive », d'autres s'en prennent à l'occultisme, au satanisme, au socialisme (naturellement issus du complot judéo-maçonnique). Avec la bataille de la laïcité, le complotisme devient même un sujet de débats houleux au Palais-Bourbon. On y mêle toujours l'argent de l'étranger et, de plus en plus, le « complot socialiste et anarchiste ». Le pire est cependant atteint avec le trop fameux Protocole des sages de Sion, un faux fabriqué par la police tsariste, diffusé aux Etats-Unis par Henry Ford, qui sera au coeur de la propagande nazie et qui connaît encore aujourd'hui le plus grand succès au Moyen-Orient. De nos jours, les clubs internationaux, les rencontres institutionnelles entre puissants (Trilatérale, Bilderberg), les réseaux de la Nomenklatura prolongent ces thématiques qui ont pour caractéristique de transformer fantasmes et crédulité en succès commerciaux, en vecteurs d'intolérance et en croyances fort peu démocratiques.
1. « Les puissances de l'ombre », textes présentés par Emmanuel Kreis, CNRS Editions, 305 pages, 22 euros.
Source : Le Point.fr, 14 mai 2009.
Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.