Le célèbre compositeur grec s'est ilustré ces dernières années par une succession de déclarations pour le moins inquiétantes sur les Juifs, la crise économique ou encore le 11-Septembre.
Icône de l’opposition à la dictature des colonels, proche de la gauche communiste grecque, Mikis Theodorakis est célèbre pour avoir composé les musiques des films Zorba le Grec (1964), Z (1969) ou l’hymne de la campagne de 1981 de François Mitterrand. Son œuvre, indissociable de son engagement politique, est connue mondialement. Mais Theodorakis s’est aussi ilustré ces dernières années par une succession de déclarations pour le moins inquiétantes sur les Juifs, la crise économique ou encore le 11-Septembre.
Le 3 février 2011, l’auteur-compositeur était invité sur la chaîne de télévision grecque HIGH. Dans un passage surréaliste, il confie à son interviewer, Georges Karabelias :
M. Theodorakis : Laissez-moi clarifier une chose : je suis antisémite.
G. Karabelias : Euh.. antisioniste…
M. Theodorakis : Oui, je suis antisémite et antisioniste. J’aime le peuple juif et j’ai vécu avec lui, mais les Américains juifs se cachent derrière tout, les attentats en Irak, les attaques économiques en Europe, en Amérique, en Asie, les Juifs américains sont derrière Bush, Clinton et derrière les banques. (…)
Dans la foulée, Theodorakis enfonce le clou en précisant que « tout ce qui arrive aujourd’hui dans le monde a un rapport avec les Sionistes » et que « les Juifs américains sont derrière la crise économique mondiale qui a aussi touché la Grèce ». Faisant référence à un serpent de mer diffusé dans les milieux nationalistes grecs (1), le compositeur grec ajoute que l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger aurait « donné l’ordre de détruire la culture grecque ».
« Je suis antisémite et antisioniste ». Aveu ou lapsus ? S’il ne nie pas avoir prononcé ces mots, Theodorakis plaide le malentendu. Dans un texte intitulé « Antisémitisme et Sionisme » publié sur son site web, Theodorakis écrit qu’il considère ceux qui le traitent d’antisémite comme de « répugnants vers de terre » avant de regretter immédiatement après « le rôle du lobby juif américain dans l’élaboration de la politique impérialiste des Etats-Unis ». « Mes adversaires, poursuit-il, se livrent à des actions qui me salissent en tant que personne et en tant que compositeur. Surtout en tant que compositeur puisque les Sionistes contrôlent 99 % de la vie musicale mondiale » (sic). Il conclut en condamnant « le lobby juif américain, tant pour son rôle leader dans les crimes de la machine de guerre américaine en Irak que pour ses plans visant à éliminer les Etats-nations, avec le but ultime d’établir la prédominance mondiale des colosses de la Banque financière entièrement contrôlés par lui ».
Les commentateurs les plus indulgents interprètent les propos de Theodorakis comme ceux d'un homme de 86 ans qui n'a plus vraiment toute sa tête. Toujours est-il que, pour confus qu’ils puissent être, ces mots sont ceux d’un militant toujours actif dans la vie politique grecque et aux facultés intellectuelles intactes, ceux d'un homme suffisamment alerte pour prononcer des discours publics et se lancer dans la création d’un mouvement « anti-rigueur » dont l’appel « Aux citoyens indignés de Grèce et d'Europe » a été largement relayé sur le web au printemps dernier (notamment sur le blog de Jean-Luc Mélenchon ou sur Marianne2.fr).
En effet, à l’exception de la presse écrite anglophone, les diatribes antisémites de Mikis Theodorakis semblent être passées totalement inaperçues, la version française de la fiche Wikipédia qui lui est consacrée ne mentionnant même pas l’existence d’une polémique sur le sujet. Elles ont pourtant conduit le Parlement autrichien à décider de rayer la « Trilogie de Mauthausen », oeuvre du compositeur grec, du programme de la dernière Journée de Commémoration de l’Holocauste à Vienne.
« Un petit peuple à la racine du Mal »
Les premiers dérapages de Theodorakis ne datent pas d’hier. Le 4 novembre 2003, lors d’une conférence de presse pour promouvoir l'un de ses livres, Theodorakis a ainsi accusé les Juifs d’être « à la racine du Mal » (2). Ses propos ayant provoqué un tollé (selon lui, ils auraient été mal interprétés, et ce « de façon totalement délibérée »), il a considéré comme calomnieuses, déjà, les accusations d'antisémitisme dont il a alors fait l'objet (3).
Mise à jour (04/03/2012) :
Le 16 février dernier, Mikis Theodorakis a mis en ligne sur son site un « appel à l’opinion publique internationale » dénonçant un « complot international » visant à détruire son pays et à « exterminer physiquement » les Grecs. Extraits :
« Un complot international est en cours, visant à mener à terme la destruction de mon pays. Les assaillants ont commencé en 1975, avec comme cible la culture grecque moderne, puis ils ont poursuivi la décomposition de notre histoire récente et de notre identité nationale et aujourd’hui ils essaient de nous exterminer physiquement par le chômage, la famine et la misère. Si le peuple grec ne se soulève pas pour les arrêter, le risque de disparition de la Grèce est bien réel. Je la vois arriver dans les dix prochaines années.
(…) Les cercles qui nous haïssent (grecs et étrangers) et qui sont les seuls responsables de la situation dramatique de notre pays, nous menacent et nous font du chantage, afin de pouvoir poursuivre leur œuvre destructrice, jusqu’à notre extinction définitive.
(…) A présent je consacre toutes mes forces à unir le peuple grec. J'essaie de le convaincre que la Troïka et le FMI ne sont pas une route à sens unique. Qu'il y a une autre solution : changer l’orientation de notre nation. Se tourner vers la Russie pour une coopération économique et la formation de partenariats qui nous aideront à mettre en valeur la richesse de notre pays en des termes favorables à notre intérêt national. Je propose de ne plus acheter du matériel militaire des Allemands et des Français. Nous allons tout faire pour que l'Allemagne nous paie les réparations de guerre dues.
(…) La seule force capable de faire ces changements révolutionnaires, c'est le peuple grec uni en un Front de Résistance et de Solidarité pour que la Troïka (FMI et banques européennes) soit chassée du pays. En parallèle, il faut considérer comme nuls tous ses actes illégaux (prêts, dettes, intérêts, impôts, achats de la richesse publique). Bien sûr, leurs partenaires grecs – qui ont déjà été condamnés dans l'esprit de notre peuple en tant que traîtres –, doivent être punis ».
Le précédent « appel » de Mikis Theodorakis, daté du 26 mai 2011, avait été relayé en France par les sites des journaux L’Humanité et Marianne.
Mise à jour (31/07/2012) :
Voir aussi :
Icône de l’opposition à la dictature des colonels, proche de la gauche communiste grecque, Mikis Theodorakis est célèbre pour avoir composé les musiques des films Zorba le Grec (1964), Z (1969) ou l’hymne de la campagne de 1981 de François Mitterrand. Son œuvre, indissociable de son engagement politique, est connue mondialement. Mais Theodorakis s’est aussi ilustré ces dernières années par une succession de déclarations pour le moins inquiétantes sur les Juifs, la crise économique ou encore le 11-Septembre.
Le 3 février 2011, l’auteur-compositeur était invité sur la chaîne de télévision grecque HIGH. Dans un passage surréaliste, il confie à son interviewer, Georges Karabelias :
M. Theodorakis : Laissez-moi clarifier une chose : je suis antisémite.
G. Karabelias : Euh.. antisioniste…
M. Theodorakis : Oui, je suis antisémite et antisioniste. J’aime le peuple juif et j’ai vécu avec lui, mais les Américains juifs se cachent derrière tout, les attentats en Irak, les attaques économiques en Europe, en Amérique, en Asie, les Juifs américains sont derrière Bush, Clinton et derrière les banques. (…)
Dans la foulée, Theodorakis enfonce le clou en précisant que « tout ce qui arrive aujourd’hui dans le monde a un rapport avec les Sionistes » et que « les Juifs américains sont derrière la crise économique mondiale qui a aussi touché la Grèce ». Faisant référence à un serpent de mer diffusé dans les milieux nationalistes grecs (1), le compositeur grec ajoute que l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger aurait « donné l’ordre de détruire la culture grecque ».
« Je suis antisémite et antisioniste ». Aveu ou lapsus ? S’il ne nie pas avoir prononcé ces mots, Theodorakis plaide le malentendu. Dans un texte intitulé « Antisémitisme et Sionisme » publié sur son site web, Theodorakis écrit qu’il considère ceux qui le traitent d’antisémite comme de « répugnants vers de terre » avant de regretter immédiatement après « le rôle du lobby juif américain dans l’élaboration de la politique impérialiste des Etats-Unis ». « Mes adversaires, poursuit-il, se livrent à des actions qui me salissent en tant que personne et en tant que compositeur. Surtout en tant que compositeur puisque les Sionistes contrôlent 99 % de la vie musicale mondiale » (sic). Il conclut en condamnant « le lobby juif américain, tant pour son rôle leader dans les crimes de la machine de guerre américaine en Irak que pour ses plans visant à éliminer les Etats-nations, avec le but ultime d’établir la prédominance mondiale des colosses de la Banque financière entièrement contrôlés par lui ».
Les commentateurs les plus indulgents interprètent les propos de Theodorakis comme ceux d'un homme de 86 ans qui n'a plus vraiment toute sa tête. Toujours est-il que, pour confus qu’ils puissent être, ces mots sont ceux d’un militant toujours actif dans la vie politique grecque et aux facultés intellectuelles intactes, ceux d'un homme suffisamment alerte pour prononcer des discours publics et se lancer dans la création d’un mouvement « anti-rigueur » dont l’appel « Aux citoyens indignés de Grèce et d'Europe » a été largement relayé sur le web au printemps dernier (notamment sur le blog de Jean-Luc Mélenchon ou sur Marianne2.fr).
En effet, à l’exception de la presse écrite anglophone, les diatribes antisémites de Mikis Theodorakis semblent être passées totalement inaperçues, la version française de la fiche Wikipédia qui lui est consacrée ne mentionnant même pas l’existence d’une polémique sur le sujet. Elles ont pourtant conduit le Parlement autrichien à décider de rayer la « Trilogie de Mauthausen », oeuvre du compositeur grec, du programme de la dernière Journée de Commémoration de l’Holocauste à Vienne.
« Un petit peuple à la racine du Mal »
Les premiers dérapages de Theodorakis ne datent pas d’hier. Le 4 novembre 2003, lors d’une conférence de presse pour promouvoir l'un de ses livres, Theodorakis a ainsi accusé les Juifs d’être « à la racine du Mal » (2). Ses propos ayant provoqué un tollé (selon lui, ils auraient été mal interprétés, et ce « de façon totalement délibérée »), il a considéré comme calomnieuses, déjà, les accusations d'antisémitisme dont il a alors fait l'objet (3).
Mise à jour (04/03/2012) :
Le 16 février dernier, Mikis Theodorakis a mis en ligne sur son site un « appel à l’opinion publique internationale » dénonçant un « complot international » visant à détruire son pays et à « exterminer physiquement » les Grecs. Extraits :
« Un complot international est en cours, visant à mener à terme la destruction de mon pays. Les assaillants ont commencé en 1975, avec comme cible la culture grecque moderne, puis ils ont poursuivi la décomposition de notre histoire récente et de notre identité nationale et aujourd’hui ils essaient de nous exterminer physiquement par le chômage, la famine et la misère. Si le peuple grec ne se soulève pas pour les arrêter, le risque de disparition de la Grèce est bien réel. Je la vois arriver dans les dix prochaines années.
(…) Les cercles qui nous haïssent (grecs et étrangers) et qui sont les seuls responsables de la situation dramatique de notre pays, nous menacent et nous font du chantage, afin de pouvoir poursuivre leur œuvre destructrice, jusqu’à notre extinction définitive.
(…) A présent je consacre toutes mes forces à unir le peuple grec. J'essaie de le convaincre que la Troïka et le FMI ne sont pas une route à sens unique. Qu'il y a une autre solution : changer l’orientation de notre nation. Se tourner vers la Russie pour une coopération économique et la formation de partenariats qui nous aideront à mettre en valeur la richesse de notre pays en des termes favorables à notre intérêt national. Je propose de ne plus acheter du matériel militaire des Allemands et des Français. Nous allons tout faire pour que l'Allemagne nous paie les réparations de guerre dues.
(…) La seule force capable de faire ces changements révolutionnaires, c'est le peuple grec uni en un Front de Résistance et de Solidarité pour que la Troïka (FMI et banques européennes) soit chassée du pays. En parallèle, il faut considérer comme nuls tous ses actes illégaux (prêts, dettes, intérêts, impôts, achats de la richesse publique). Bien sûr, leurs partenaires grecs – qui ont déjà été condamnés dans l'esprit de notre peuple en tant que traîtres –, doivent être punis ».
Le précédent « appel » de Mikis Theodorakis, daté du 26 mai 2011, avait été relayé en France par les sites des journaux L’Humanité et Marianne.
Mise à jour (31/07/2012) :
Voir aussi :
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