Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Les Protocoles des Oligarques de Sion s'invitent dans vos médias préférés

Publié par La Rédaction30 mai 2013,

Télérama, Libération, Le Nouvel Obs, Le Point, Le Figaro, Europe 1, Ouest-France, TF1, Première, Allociné, Evene (1)... Aucun de ces médias n’est complotiste ou d'extrême droite. Pourtant, tous assurent depuis la semaine dernière à leur insu la promotion sur leurs sites du dernier film de Béatrice Pignède : «L’Oligarchie et le Sionisme».

Brisons immédiatement le suspense : ce documentaire prétendument «indépendant» (il est distribué par la même officine iranienne qui a produit l’année dernière le film de Dieudonné, «L’Antisémite») ne donne pas dans la subtilité. Infiltrés dans tous les pays occidentaux, les «réseaux sionistes» actionneraient partout les leviers de pouvoir pour imposer leur loi et mettre en œuvre leur plan de domination, le «Nouvel Ordre Mondial». Le «Sionisme», idéologie mortifère par laquelle l’«Oligarchie» étendrait son règne sur le monde, s’emploierait en effet à exploiter les événements de la Seconde Guerre mondiale à des fins politiques en jouant cyniquement sur la mauvaise conscience des Européens et en interdisant toute discussion libre sur la réalité de la Shoah. Avant-poste de cet impérialisme prédateur, l’Etat d’Israël menacerait à lui seul l’équilibre de la planète.

«L’Oligarchie et le Sionisme» fait intervenir à leur insu quelques-uns de ceux qui sont censés incarner l’élite honnie : Jacques Attali, Bernard Henri Lévy, Barack Obama… Mais ce sont les interviews de personnalités bien connues de la complosphère qui donnent au documentaire son fil conducteur : Thierry Meyssan, Alain Soral, Jacob Cohen, Gilad Atzmon ou encore Webster Tarpley.

Les vulgates anticapitaliste (la condamnation des «banksters», de Wall Street, de la «spéculation financière»...) et populiste (les «élites mondialisées», «l'oligarchie»...) n'ont d’autre fonction ici que de faire passer en contrebande un discours complotiste radical. Reposant tout entier sur une reformulation syncrétique du mythe du complot juif mondial (avec l’euphémisation qui convient à la sensibilité de l’époque : on ne dira pas «juif» mais «sioniste»), le film de Béatrice Pignède va au-devant du procès en antisémitisme qui pourrait lui être fait en faisant intervenir des auteurs d’origine juive et/ou de nationalité israélienne comme Jacob Cohen et Gilad Atzmon, déjà cités, mais aussi et surtout Shlomo Sand, l’auteur du best-seller Comment le peuple juif fut inventé ? (Fayard, 2008).

Qu’on ne s’y trompe pas : l'«antisionisme» revendiqué par Béatrice Pignède n’a rien à voir avec la critique d'une politique conjoncturelle, celle des gouvernements qui ont pu se succéder à la tête de l’Etat d’Israël. Il ne relève pas d’un anticolonialisme que satisferait le retrait d'Israël des territoires occupés à l’issue de la guerre des Six Jours et la création d’un Etat palestinien. Il ne procède pas non plus d’un internationalisme qui tiendrait en suspicion, par principe, tout mouvement national d'où qu'il vienne. L’antisionisme revendiqué ici va au-delà de la contestation de la légitimité de l'Etat d'Israël. Il fantasme l’existence d’un «pouvoir sioniste mondial» qui constituerait le seul obstacle à la paix dans le monde et à la réconciliation de l’humanité avec elle-même.

Cet antisionisme métaphysique, démonologique, ne prétend pas combattre un mouvement national - le sionisme - envisagé dans la diversité de ses expressions historiques, mais une hydre maléfique qui tire les ficelles du monde en coulisses. Projetant sur les «Sionistes» les traditionnels stéréotypes négatifs prêtés aux Juifs – réputés «riches», «cosmopolites», «élitistes», «ethnocentristes», «subversifs», «intrigants», «belliqueux»… –, cet antisionisme est-il autre chose qu’un antisémitisme par procuration ? Et qu'il se trouve des personnalités juives pour y apporter leur caution doit-il étonner ?

Béatrice Pignède ne fait nullement mystère de son adhésion à la thèse d'un complot «sioniste» mondial. C’est ainsi que l’année dernière, elle relayait sur sa page Facebook un schéma présentant le «Lobby sioniste israélien» comme le grand tireur de ficelles des gouvernements occidentaux et de l’ONU, accompagné d’un commentaire en anglais commençant par ces mots : «Le Sionisme est la principale cause des guerres et des meurtres».

Ancienne journaliste à l’émission «Arrêt sur images» (elle a réalisé un documentaire avec Daniel Schneidermann en 2000), Béatrice Pignède évolue depuis une dizaine d'années dans la galaxie Meyssan-Dieudonné, mouvance interlope où fraternisent rouges-bruns, nostalgiques du IIIème Reich, agents d'influence du régime iranien et conspirationnistes hardcore à laquelle elle a d'ailleurs consacré en 2009 un documentaire en forme de réhabilitation («Sans forme de politesse : regard sur la mouvance Dieudonné»). Francesco Condemi, avec qui elle a réalisé près d’une dizaine de films et cofondé Clap36, sa boîte de production associative, s'était présenté aux élections européennes de 2009 sur la «Liste antisioniste» de Dieudonné, Alain Soral et Yahia Gouasmi. On retrouve comme membre d’honneur de Clap36 un autre candidat de la «Liste antisioniste», Christian Cotten, qui s’était fait remarquer en 2009 pour avoir accusé l’OMS de préparer une vaccination de masse forcée.C’est en compagnie de Robert Faurisson et Dieudonné que Béatrice Pignède s’est rendue en février 2012 au Festival international du film de Téhéran. Elle y présentait son précédent documentaire, «Main basse sur la mémoire», un réquisitoire dirigé contre la loi Gayssot réprimant le négationnisme et dans lequel elle interviewait Faurisson, complaisamment présenté comme «l'un des chefs de file du courant révisionniste» (2). Elle a pu croiser à cette occasion le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad : une rencontre immortalisée par un cliché mis en ligne fièrement sur le site de Clap36. En février 2013, Béatrice Pignède a renouvelé le voyage dans la capitale iranienne pour participer à la «3ème Conférence internationale sur l'Hollywoodisme» aux côtés, toujours, de Dieudonné, mais aussi de Thierry Meyssan, Francesco Condemi, Maria Poumier, Paul-Eric Blanrue et Thomas Werlet. C'est en compagnie de ce dernier, chef d'un groupuscule d'extrême droite radical, que la réalisatrice de «L'Oligarchie et le Sionisme» a été interviewée sur la chaîne d'Etat iranienne francophone Sahar TV. Elle y vante, sans rire, les mérites du modèle économique et social iranien avant de chanter les louanges de la Révolution islamique et de l’ayatollah Khomeiny.

Zéon, autre protagoniste de la galaxie Dieudonné, s'est illustré par une série de détournements et de dessins équivoques quand ils ne sont pas carrément antisémites. C'est lui qui a signé l’affiche du documentaire de Béatrice Pignède. Elle mérite à elle seule un décryptage tant elle condense les lieux communs de l'imaginaire conspirationniste contemporain le plus radical.

Le mot «SIONISME», écrit en lettres de sang dégoulinantes, et le monstre chimérique qui trône au centre du dessin évoquent un mauvais film d’horreur. Mi-squelette humain mi-araignée, la créature surmonte un globe terrestre en forme de puzzle qu'elle supplicie entre ses griffes qui sont comme autant de dards menaçants. Les doigts crochus de ses mains squelettiques ont arraché une pièce du puzzle, l'Etat d'Israël.

Le buste de la créature est vêtu d'un veston éraillé frappé d'une dizaine d'écussons. On reconnaît les emblèmes du Club Bilderberg, de l'AIPAC, de la banque Goldman Sachs, du Crif, de la banque Rothschild, du Council on Foreign Relations, du Mossad, de l'Otan, d'Al-Qaïda et du Qatar. Dans les bras du sinistre personnage repose une faux dont la lame est barrée du mot «SPECULATION». La tête, dont la mâchoire consiste en deux rangées horizontales de lingots d'or formant l'inscription «FEDERAL RESERVE», est coiffé d'un haut de forme, élimé lui aussi, entouré d'un drapeau israélien entremêlé avec l'inscription «Wall Street». La cavité nasale abrite une petite pyramide surmontée de l'Œil d'Horus (symbole du «Nouvel Ordre Mondial» dans la contre-culture complotiste). Les boutons de manchette, enfin, sont en or : l'équerre et le compas maçonniques à gauche, l'étoile de David à droite.

Du film d'horreur, façon Protocoles des Sages de Sion, on n'est finalement pas loin, l'affiche de «L’Oligarchie et le Sionisme» ne faisant que recycler un classique de la caricature antisémite.

Sur la complosphère, il se murmure déjà que le film de Béatrice Pignède fait l'objet de «pressions» visant à le censurer. En fait de censure, la bande annonce est disponible sur l'ensemble du Net depuis sa sortie le 22 mai dernier. Si «L'Oligarchie et le Sionisme» ne trouve pas de distributeur de poids, n'est-ce pas simplement parce que ses relents antisémites et paranoïaques le disqualifient irrémédiablement ?

Notes :
(1) Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L'Express, nous informe ce jour (31/05/2013) que la page consacrée à «L’Oligarchie et le Sionisme» sur le site de L’Express a été mise hors ligne et que la bande-annonce de ce film a été fournie par un flux automatique. Il conteste que son journal en ait «assuré la promotion». Eric Mettout estime par ailleurs qu'«il y a un monde entre faire notre travail d'information - qui consiste y compris à annoncer des événements, culturels notamment, dont nous ne partageons pas les valeurs - et "assurer la promotion". Là encore, et je parle pour le coup au nom de mes confrères qui, eux, n'ont peut-être pas eu notre réflexe, nous ne mettons pas le même sens sur les mots. Que je sache, le film n'a pas été interdit, il ne contrevient à aucune loi française et n'a pas même fait, si je ne m'abuse, l'objet d'une plainte quelconque». Dont acte. Conspiracy Watch avait tenté de joindre, en vain, la rédaction de L’Express les 21 et 22 mai dernier pour lui signaler la présence de cette page sur son site et lui demander quelles suites elle comptait donner à ce signalement. Le premier paragraphe de cet article a été légèrement modifié en conséquences (ajout de «à leur insu» ; mention dont l'absence, convenons-en, pouvait prêter à équivoque).
Renvoyant vers le présent texte, Rue89 a rapporté dans la soirée (31/05/2013) les propos de Florent Latrive, rédacteur en chef adjoint de Liberation.fr, confirmant qu'il s'agissait bien d’un problème «dans l’automatisme d’import de bande-annonces». «Dès qu’on s’en est rendu compte, on a tout supprimé dans la seconde et renforcé les procédures de validation».
(2) Faurisson n'est jamais présenté par Pignède comme un «négationniste». Les mots ont leur importance : ceux qui contestent l'existence des chambres à gaz homicides refusent en effet cette épithète, lui préférant celle de «révisionniste». Leur recherche de respectabilité et leur prétention à la scientificité les conduisent en effet à estimer qu'ils constituent une école historique à part entière en désaccord avec le courant historique dominant qu'ils qualifient d'«exterminationniste».

Voir aussi :
* Du « complot juif » au « complot sioniste » (1917-1939), par Georges Bensoussan.
* Les Amis du Monde diplomatique tentés par la théorie du complot ?

Dernière mise à jour : 31 mai 2013.

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Télérama, Libération, Le Nouvel Obs, Le Point, Le Figaro, Europe 1, Ouest-France, TF1, Première, Allociné, Evene (1)... Aucun de ces médias n’est complotiste ou d'extrême droite. Pourtant, tous assurent depuis la semaine dernière à leur insu la promotion sur leurs sites du dernier film de Béatrice Pignède : «L’Oligarchie et le Sionisme».

Brisons immédiatement le suspense : ce documentaire prétendument «indépendant» (il est distribué par la même officine iranienne qui a produit l’année dernière le film de Dieudonné, «L’Antisémite») ne donne pas dans la subtilité. Infiltrés dans tous les pays occidentaux, les «réseaux sionistes» actionneraient partout les leviers de pouvoir pour imposer leur loi et mettre en œuvre leur plan de domination, le «Nouvel Ordre Mondial». Le «Sionisme», idéologie mortifère par laquelle l’«Oligarchie» étendrait son règne sur le monde, s’emploierait en effet à exploiter les événements de la Seconde Guerre mondiale à des fins politiques en jouant cyniquement sur la mauvaise conscience des Européens et en interdisant toute discussion libre sur la réalité de la Shoah. Avant-poste de cet impérialisme prédateur, l’Etat d’Israël menacerait à lui seul l’équilibre de la planète.

«L’Oligarchie et le Sionisme» fait intervenir à leur insu quelques-uns de ceux qui sont censés incarner l’élite honnie : Jacques Attali, Bernard Henri Lévy, Barack Obama… Mais ce sont les interviews de personnalités bien connues de la complosphère qui donnent au documentaire son fil conducteur : Thierry Meyssan, Alain Soral, Jacob Cohen, Gilad Atzmon ou encore Webster Tarpley.

Les vulgates anticapitaliste (la condamnation des «banksters», de Wall Street, de la «spéculation financière»...) et populiste (les «élites mondialisées», «l'oligarchie»...) n'ont d’autre fonction ici que de faire passer en contrebande un discours complotiste radical. Reposant tout entier sur une reformulation syncrétique du mythe du complot juif mondial (avec l’euphémisation qui convient à la sensibilité de l’époque : on ne dira pas «juif» mais «sioniste»), le film de Béatrice Pignède va au-devant du procès en antisémitisme qui pourrait lui être fait en faisant intervenir des auteurs d’origine juive et/ou de nationalité israélienne comme Jacob Cohen et Gilad Atzmon, déjà cités, mais aussi et surtout Shlomo Sand, l’auteur du best-seller Comment le peuple juif fut inventé ? (Fayard, 2008).

Qu’on ne s’y trompe pas : l'«antisionisme» revendiqué par Béatrice Pignède n’a rien à voir avec la critique d'une politique conjoncturelle, celle des gouvernements qui ont pu se succéder à la tête de l’Etat d’Israël. Il ne relève pas d’un anticolonialisme que satisferait le retrait d'Israël des territoires occupés à l’issue de la guerre des Six Jours et la création d’un Etat palestinien. Il ne procède pas non plus d’un internationalisme qui tiendrait en suspicion, par principe, tout mouvement national d'où qu'il vienne. L’antisionisme revendiqué ici va au-delà de la contestation de la légitimité de l'Etat d'Israël. Il fantasme l’existence d’un «pouvoir sioniste mondial» qui constituerait le seul obstacle à la paix dans le monde et à la réconciliation de l’humanité avec elle-même.

Cet antisionisme métaphysique, démonologique, ne prétend pas combattre un mouvement national - le sionisme - envisagé dans la diversité de ses expressions historiques, mais une hydre maléfique qui tire les ficelles du monde en coulisses. Projetant sur les «Sionistes» les traditionnels stéréotypes négatifs prêtés aux Juifs – réputés «riches», «cosmopolites», «élitistes», «ethnocentristes», «subversifs», «intrigants», «belliqueux»… –, cet antisionisme est-il autre chose qu’un antisémitisme par procuration ? Et qu'il se trouve des personnalités juives pour y apporter leur caution doit-il étonner ?

Béatrice Pignède ne fait nullement mystère de son adhésion à la thèse d'un complot «sioniste» mondial. C’est ainsi que l’année dernière, elle relayait sur sa page Facebook un schéma présentant le «Lobby sioniste israélien» comme le grand tireur de ficelles des gouvernements occidentaux et de l’ONU, accompagné d’un commentaire en anglais commençant par ces mots : «Le Sionisme est la principale cause des guerres et des meurtres».

Ancienne journaliste à l’émission «Arrêt sur images» (elle a réalisé un documentaire avec Daniel Schneidermann en 2000), Béatrice Pignède évolue depuis une dizaine d'années dans la galaxie Meyssan-Dieudonné, mouvance interlope où fraternisent rouges-bruns, nostalgiques du IIIème Reich, agents d'influence du régime iranien et conspirationnistes hardcore à laquelle elle a d'ailleurs consacré en 2009 un documentaire en forme de réhabilitation («Sans forme de politesse : regard sur la mouvance Dieudonné»). Francesco Condemi, avec qui elle a réalisé près d’une dizaine de films et cofondé Clap36, sa boîte de production associative, s'était présenté aux élections européennes de 2009 sur la «Liste antisioniste» de Dieudonné, Alain Soral et Yahia Gouasmi. On retrouve comme membre d’honneur de Clap36 un autre candidat de la «Liste antisioniste», Christian Cotten, qui s’était fait remarquer en 2009 pour avoir accusé l’OMS de préparer une vaccination de masse forcée.C’est en compagnie de Robert Faurisson et Dieudonné que Béatrice Pignède s’est rendue en février 2012 au Festival international du film de Téhéran. Elle y présentait son précédent documentaire, «Main basse sur la mémoire», un réquisitoire dirigé contre la loi Gayssot réprimant le négationnisme et dans lequel elle interviewait Faurisson, complaisamment présenté comme «l'un des chefs de file du courant révisionniste» (2). Elle a pu croiser à cette occasion le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad : une rencontre immortalisée par un cliché mis en ligne fièrement sur le site de Clap36. En février 2013, Béatrice Pignède a renouvelé le voyage dans la capitale iranienne pour participer à la «3ème Conférence internationale sur l'Hollywoodisme» aux côtés, toujours, de Dieudonné, mais aussi de Thierry Meyssan, Francesco Condemi, Maria Poumier, Paul-Eric Blanrue et Thomas Werlet. C'est en compagnie de ce dernier, chef d'un groupuscule d'extrême droite radical, que la réalisatrice de «L'Oligarchie et le Sionisme» a été interviewée sur la chaîne d'Etat iranienne francophone Sahar TV. Elle y vante, sans rire, les mérites du modèle économique et social iranien avant de chanter les louanges de la Révolution islamique et de l’ayatollah Khomeiny.

Zéon, autre protagoniste de la galaxie Dieudonné, s'est illustré par une série de détournements et de dessins équivoques quand ils ne sont pas carrément antisémites. C'est lui qui a signé l’affiche du documentaire de Béatrice Pignède. Elle mérite à elle seule un décryptage tant elle condense les lieux communs de l'imaginaire conspirationniste contemporain le plus radical.

Le mot «SIONISME», écrit en lettres de sang dégoulinantes, et le monstre chimérique qui trône au centre du dessin évoquent un mauvais film d’horreur. Mi-squelette humain mi-araignée, la créature surmonte un globe terrestre en forme de puzzle qu'elle supplicie entre ses griffes qui sont comme autant de dards menaçants. Les doigts crochus de ses mains squelettiques ont arraché une pièce du puzzle, l'Etat d'Israël.

Le buste de la créature est vêtu d'un veston éraillé frappé d'une dizaine d'écussons. On reconnaît les emblèmes du Club Bilderberg, de l'AIPAC, de la banque Goldman Sachs, du Crif, de la banque Rothschild, du Council on Foreign Relations, du Mossad, de l'Otan, d'Al-Qaïda et du Qatar. Dans les bras du sinistre personnage repose une faux dont la lame est barrée du mot «SPECULATION». La tête, dont la mâchoire consiste en deux rangées horizontales de lingots d'or formant l'inscription «FEDERAL RESERVE», est coiffé d'un haut de forme, élimé lui aussi, entouré d'un drapeau israélien entremêlé avec l'inscription «Wall Street». La cavité nasale abrite une petite pyramide surmontée de l'Œil d'Horus (symbole du «Nouvel Ordre Mondial» dans la contre-culture complotiste). Les boutons de manchette, enfin, sont en or : l'équerre et le compas maçonniques à gauche, l'étoile de David à droite.

Du film d'horreur, façon Protocoles des Sages de Sion, on n'est finalement pas loin, l'affiche de «L’Oligarchie et le Sionisme» ne faisant que recycler un classique de la caricature antisémite.

Sur la complosphère, il se murmure déjà que le film de Béatrice Pignède fait l'objet de «pressions» visant à le censurer. En fait de censure, la bande annonce est disponible sur l'ensemble du Net depuis sa sortie le 22 mai dernier. Si «L'Oligarchie et le Sionisme» ne trouve pas de distributeur de poids, n'est-ce pas simplement parce que ses relents antisémites et paranoïaques le disqualifient irrémédiablement ?

Notes :
(1) Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L'Express, nous informe ce jour (31/05/2013) que la page consacrée à «L’Oligarchie et le Sionisme» sur le site de L’Express a été mise hors ligne et que la bande-annonce de ce film a été fournie par un flux automatique. Il conteste que son journal en ait «assuré la promotion». Eric Mettout estime par ailleurs qu'«il y a un monde entre faire notre travail d'information - qui consiste y compris à annoncer des événements, culturels notamment, dont nous ne partageons pas les valeurs - et "assurer la promotion". Là encore, et je parle pour le coup au nom de mes confrères qui, eux, n'ont peut-être pas eu notre réflexe, nous ne mettons pas le même sens sur les mots. Que je sache, le film n'a pas été interdit, il ne contrevient à aucune loi française et n'a pas même fait, si je ne m'abuse, l'objet d'une plainte quelconque». Dont acte. Conspiracy Watch avait tenté de joindre, en vain, la rédaction de L’Express les 21 et 22 mai dernier pour lui signaler la présence de cette page sur son site et lui demander quelles suites elle comptait donner à ce signalement. Le premier paragraphe de cet article a été légèrement modifié en conséquences (ajout de «à leur insu» ; mention dont l'absence, convenons-en, pouvait prêter à équivoque).
Renvoyant vers le présent texte, Rue89 a rapporté dans la soirée (31/05/2013) les propos de Florent Latrive, rédacteur en chef adjoint de Liberation.fr, confirmant qu'il s'agissait bien d’un problème «dans l’automatisme d’import de bande-annonces». «Dès qu’on s’en est rendu compte, on a tout supprimé dans la seconde et renforcé les procédures de validation».
(2) Faurisson n'est jamais présenté par Pignède comme un «négationniste». Les mots ont leur importance : ceux qui contestent l'existence des chambres à gaz homicides refusent en effet cette épithète, lui préférant celle de «révisionniste». Leur recherche de respectabilité et leur prétention à la scientificité les conduisent en effet à estimer qu'ils constituent une école historique à part entière en désaccord avec le courant historique dominant qu'ils qualifient d'«exterminationniste».

Voir aussi :
* Du « complot juif » au « complot sioniste » (1917-1939), par Georges Bensoussan.
* Les Amis du Monde diplomatique tentés par la théorie du complot ?

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