Mais commençons par le commencement.
La Poste israélienne (Doar Israël) a, comme un certain nombre de ses homologues dans le monde, le besoin de renflouer ses caisses. D’où cette idée déjà ancienne, et pas vraiment originale: proposer au public, moyennant finances, l’impression de timbres personnalisés. Ce service s’appelle «Mon timbre» (en hébreu: Haboul Sheli) et il est offert sur le site internet de la Poste israélienne.
C’est très simple, et cela peut même s’effectuer en ligne. Vous transmettez à la Poste une illustration de votre choix. Vous déterminez la quantité, vous payez le prix correspondant. Et, clic, votre timbre part à la fabrication.
Si vous vous contentez d’une ou deux planches de douze timbres chacune, il vous en coûtera 37 shekels (6,70 euros) la planche. Au-delà de 50 planches, le prix unitaire descend à 30 shekels (5,50 euros). Ce n’est pas très cher, et cela peut faire un beau cadeau (1).
Cerise sur le gâteau, les timbres ainsi fabriqués peuvent servir à l’envoi de lettres à l’intérieur d’Israël. Pour cela, le timbre personnalisé est associé, depuis 2003, à un timbre standard agrémenté de l’inscription Mazal Tov («Bonne chance») et de l’image d’un paquet-cadeau, puisque c’est en général pour fêter un heureux événement (naissance, bar-mitsva, mariage, anniversaire) que l’on commande ce genre de timbre. Le timbre standard, à la différence du timbre personnalisé, porte les inscriptions légales qui permettent de le coller sur une enveloppe pour expédier celle-ci, porteuse d’une invitation ou de l’annonce d’une bonne nouvelle, à des amis ou connaissances. Bref, de la convivialité pour les Israéliens et des bonnes affaires pour leur Poste nationale.
Un Israélien d’origine française, nommé Sylvain Semhoun, a voulu mettre cette initiative commerciale au service de ses convictions politiques. Il a donc commandé un timbre ayant pour motif… le portrait de Nicolas Sarkozy.
Le bénéficiaire de ce geste de sympathie était-il informé de l’hommage qui lui était ainsi rendu? À l’avance, certainement pas, d’autant qu’à notre connaissance M. Semhoun n’a aucun titre officiel pour représenter en Israël l’UMP ou son président. Après coup, il est probable que le timbre a été adressé à Nicolas Sarkozy pour son anniversaire, mais on ne sait pas s’il l’a réellement vu. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un épisode qui n’a pas suscité en Israël un émoi particulier. Pour dire les choses crûment: à peu près personne n’en a entendu parler.
D’autre part, il va de soi – faut-il le préciser? – qu’en raison de la nature purement commerciale du service «Mon timbre», ni la Poste israélienne, ni à plus forte raison l’État d’Israël, n’a de responsabilité dans l’édition d’un pareil timbre. Mais cela n’empêcha pas les fantasmes de proliférer, comme on le verra dans la suite de cet article.
Le 25 février, une reproduction du timbre à l’effigie de M. Sarkozy fut ajoutée, sans doute par son auteur, dans l’«album photo» du site internet francophone israélien Terredisrael, avec en légende l’indication du téléphone de M. Semhoun pour qui voudrait acheter le timbre.
Mais l’album photo de Terredisrael comprend des centaines de photos prises par des internautes, dont la plupart ont pour sujets des paysages d’Israël. C’est dire que, là encore, le timbre-souvenir à l’effigie de M. Sarkozy créé par M. Semhoun n’a pas été l’événement du siècle. En fait, la chose aurait pu rester à jamais limitée au cercle des amis et connaissances de M. Semhoun.
Mais, le 1er mars 2007, l’agence d’informations israélienne francophone Guysen diffusa un article qui faisait état de ce timbre, dont elle venait d’apprendre l’existence. L’article attira, à son tour, l’attention d’un site internet français nommé La Banlieue S’exprime (LBS).
Un drôle de site, au demeurant, né dans la mouvance Dieudonné et dont le responsable, Ahmed Moualek, a suivi la même trajectoire que Dieudonné, jusques et y compris le ralliement à l’extrême droite (2). Et là, soudain, l’innocente gaminerie de Sylvain Semhoun revêt une dimension cosmique.
Le jour même, le 1er mars donc, LBS répercute l’information de Guysen, en ces termes: «Un appel est lancé aux Français juifs de voter pour la candidature de Nicolas Sarkozy pour le bien d’Israël». Le forum de LBS reçoit aussitôt un déluge de messages indignés – par exemple celui-ci, daté du 2 mars, dont la logique n’échappera à personne: «Ce timbre est une honte aussi bien qu’une trahison et prouve une chose: tous les Israéliens sont appelés à voter Sarkozy, autrement, pourquoi serait-il imprimé principalement en hébreu?».
Pourquoi, en effet? Le 3 mars 2007, c’est la «maison-mère» des sites pro-Dieudonné, Les Ogres, qui reprend le flambeau. L’annonce qu’il existe «un timbre “Sarkozy” en Israël» y est assortie de considérations rédigées dans le style quelque peu… timbré qui caractérise certains des responsables de ce site. Extrait: «Le sionisme militant possède une organisation de propagande qui asservit un État tout entier: absolutisme. Le sionisme militant aime l’union sacrée, il lui faut et un Dieu et des Héros: totémisme. La participation de Sarkozy comme Noble et Juste de l’Empire fait ni plus ni moins des sujets du royaume d’Israël, des serfs. Par ailleurs, coller un timbre est un rite culturel, auquel on se soumet. Si nous savons tous qu’il faut faire des efforts pour atteindre un but, nous savons tous aussi en nous-mêmes qu’il n’y a pas de mystère dans le fait que Sarkozy soit adulé par la poste israélienne.»
Et, là aussi, les commentaires fusent sur le forum du site.
Le 4 mars, un contributeur annonce que < span style="font-style:italic">«le timbre est vendu 30 shekels».
En réalité, nous l’avons vu, le prix de 30 shekels est celui d’une planche de douze timbres lorsqu’on en commande plus de 50 à la fois. On ne sait d’ailleurs pas où ce fidèle des Ogres a trouvé le prix de 30 shekels, car il ne figure pas dans l’article de Guysen – ni, évidemment, sur le timbre lui-même. Mais l’intervention suscite le commentaire d’un autre fidèle des Ogres: «Comme qui dirait 30 piastres monnayés par Judas pour la peau de Jésus de Nazareth! C’est bizarre!». Cet internaute-là a de drôles de références.
On ne compte plus, dès lors, les internautes qui croient dur comme fer que les auteurs des Protocoles des Postes de Sion ont diffusé une consigne de vote. Des ex-gauchistes ralliés à l’extrême droite, on passe bientôt aux fascistes purs et durs, pour qui le complot ne fait pas l’ombre d’un doute. Ainsi, le site Altermedia, dont la graphie gothique indique bien l’inspiration (sous-titre: «Nouvelles mondiales pour des personnes d’ascendance européenne»), claironne: «Un timbre à l’effigie de Sarko en Israël». Novopress, un organe de la droite de l’extrême droite qui exprime de longue date sa connivence avec Dieudonné et Kémi Séba, surenchérit: «Un timbre à l’effigie de Nicolas Sarkozy a été édité en Israël et est maintenant disponible dans tous les bureaux de poste».
Les antisionistes fanatiques d’EuroPalestine ne pouvaient manquer d’être de la fête. Leur titre est identique, à deux lettres près, à celui d’Altermedia: «Un timbre à l’effigie de Sarkozy en Israël». Pour faire bonne mesure, ils ont ajouté un point d’exclamation. Sur le site Palestine-Solidarité, un certain Robert Thompson, «avocat honoraire au Barreau de Boulogne-sur-Mer», publie une Lettre ouverte à Madame Ségolène Royal où l’on peut lire: «L’État sioniste célèbre déjà, par le moyen de l’émission d’un timbre à son effigie, assorti de félicitations, un de vos adversaires, que ce même État décrit souvent comme son candidat naturel dans notre élection».
Toujours sur internet, le site ouvertement nazi Stormfront (des intervenants y illustrent leurs contributions d’une croix gammée) contient d’intéressants commentaires sur l’«affaire». L’un souligne la proximité idéologique avec «le site d’immigrés» LBS ; un autre se réjouit (avec, au passage, une petite faute d’orthographe) de «cette nouvelle» qui prouve la «justesse» de l’analyse des antisémites.
De l’internet on passe bientôt à la presse écrite. Le 8 mars, dans l’hebdomadaire altermondialiste Politis, le chroniqueur Bernard Langlois (dont la réputation n’est plus à faire) ponctue une diatribe contre Nicolas Sarkozy par l’annonce que «la poste de cet État (l’État d’Israël, ndlr), qui sait distinguer ses vrais amis, vient de sortir un timbre à son effigie!».
Le 12 mars (donc, après avoir pris le temps de la réflexion), le quotidien communiste L’Humanité recopie à son tour le titre inventé par d’autres: «Un timbre à l’effigie de Sarkozy en Israël». La journaliste, Marie Barbier, commence par écrire que cette information qui «court depuis plusieurs jours sur la Toile» a «des allures de canular tant elle paraît improbable». Mais elle aggrave son cas en affirmant que, «vérification prise (sic)», il n’y a «nulle plaisanterie à l’horizon» et que «depuis fin janvier, les Israéliens disposent effectivement d’un timbre à l’effigie de Nicolas Sarkozy».
La passion de nos confrères de L’Humanité pour la «vérification» ne leur a manifestement pas permis de découvrir ce qu’en deux minutes un bon journaliste aurait pu apprendre, à savoir que tout un chacun peut éditer, dans des circonstances analogues, un timbre israélien à l’effigie de n’importe qui.
Il suffit pour cela d’ignorer, comme l’a fait M. Semhoun, la clause restrictive quant à l’identité de la personne représentée qui figure sur le site internet de la Poste israélienne.
Par exemple, les admirateurs israéliens de Marie-George Buffet, candidate du PCF à la présidentielle, ont encore le temps de lui offrir un timbre israélien à son effigie.
Notes :
(1) NDLR: Claude Wainstain a récemment présenté, dans sa rubrique philatélique de L’Arche, un exemple très familial d’une initiative analogue, qui provenait en l’occurrence d’une société américaine.
(2) M. Moualek a fait partie, cet automne, d’un voyage au Liban, aux côtés de Dieudonné, Alain Soral et Thierry Meyssan. Un voyage dont il s’est dit avec insistance qu’il avait été organisé par l’extrême droite et qu’il s’inscrivait dans un mouvement de ralliement dont l’épisode le plus spectaculaire fut l’apparition, à visage découvert, d’Alain Soral dans l’équipe de campagne de Jean-Marie Le Pen. Pour sa part, Ahmed Moualek a publié sur son site internet (LBS) une interview complaisante du président du Front national.
Le 16 mars 2007, le site LBS publiait (non pas dans le cadre d’un forum, mais dans sa partie proprement rédactionnelle), un article où l’on pouvait lire ces propos dénués de toute ambiguïté: «Tous les jours que Dieu fait, on nous bassine avec la misère des Juifs, considérez, je vous prie la patience de Dieu qui, il y a 2000 ans, fut condamné à la crucifixion par ces mêmes Juifs. Mais revenons aux misères de notre époque, l’occupation israélienne en Palestine où la torture et la désespérance est le quotidien d’un peuple asphyxié. Aucun média chapeauté par les Juifs sionistes du PS, UMP et UDF, n’en parle chez nous. Préférez-vous l’Irak, déchirée par la guerre menée par les États-Unis où le lobby juif est très puissant, qui chaque jour apporte son lot de morts, ils sont arabes. (…) Aucun politique n’est sincère hormis Monsieur Le Pen qui va conduire avec nous ce combat pour la liberté. Pourquoi cet homme, dont je ne partage pas les idées, simplement parce qu’il ne fait pas partie du système instauré voilà plus de 2000 ans par les Pharisiens avides d’argent et de pouvoir.»
Source : L’Arche , n° 588, avril 2007.
Mais commençons par le commencement.
La Poste israélienne (Doar Israël) a, comme un certain nombre de ses homologues dans le monde, le besoin de renflouer ses caisses. D’où cette idée déjà ancienne, et pas vraiment originale: proposer au public, moyennant finances, l’impression de timbres personnalisés. Ce service s’appelle «Mon timbre» (en hébreu: Haboul Sheli) et il est offert sur le site internet de la Poste israélienne.
C’est très simple, et cela peut même s’effectuer en ligne. Vous transmettez à la Poste une illustration de votre choix. Vous déterminez la quantité, vous payez le prix correspondant. Et, clic, votre timbre part à la fabrication.
Si vous vous contentez d’une ou deux planches de douze timbres chacune, il vous en coûtera 37 shekels (6,70 euros) la planche. Au-delà de 50 planches, le prix unitaire descend à 30 shekels (5,50 euros). Ce n’est pas très cher, et cela peut faire un beau cadeau (1).
Cerise sur le gâteau, les timbres ainsi fabriqués peuvent servir à l’envoi de lettres à l’intérieur d’Israël. Pour cela, le timbre personnalisé est associé, depuis 2003, à un timbre standard agrémenté de l’inscription Mazal Tov («Bonne chance») et de l’image d’un paquet-cadeau, puisque c’est en général pour fêter un heureux événement (naissance, bar-mitsva, mariage, anniversaire) que l’on commande ce genre de timbre. Le timbre standard, à la différence du timbre personnalisé, porte les inscriptions légales qui permettent de le coller sur une enveloppe pour expédier celle-ci, porteuse d’une invitation ou de l’annonce d’une bonne nouvelle, à des amis ou connaissances. Bref, de la convivialité pour les Israéliens et des bonnes affaires pour leur Poste nationale.
Un Israélien d’origine française, nommé Sylvain Semhoun, a voulu mettre cette initiative commerciale au service de ses convictions politiques. Il a donc commandé un timbre ayant pour motif… le portrait de Nicolas Sarkozy.
Le bénéficiaire de ce geste de sympathie était-il informé de l’hommage qui lui était ainsi rendu? À l’avance, certainement pas, d’autant qu’à notre connaissance M. Semhoun n’a aucun titre officiel pour représenter en Israël l’UMP ou son président. Après coup, il est probable que le timbre a été adressé à Nicolas Sarkozy pour son anniversaire, mais on ne sait pas s’il l’a réellement vu. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un épisode qui n’a pas suscité en Israël un émoi particulier. Pour dire les choses crûment: à peu près personne n’en a entendu parler.
D’autre part, il va de soi – faut-il le préciser? – qu’en raison de la nature purement commerciale du service «Mon timbre», ni la Poste israélienne, ni à plus forte raison l’État d’Israël, n’a de responsabilité dans l’édition d’un pareil timbre. Mais cela n’empêcha pas les fantasmes de proliférer, comme on le verra dans la suite de cet article.
Le 25 février, une reproduction du timbre à l’effigie de M. Sarkozy fut ajoutée, sans doute par son auteur, dans l’«album photo» du site internet francophone israélien Terredisrael, avec en légende l’indication du téléphone de M. Semhoun pour qui voudrait acheter le timbre.
Mais l’album photo de Terredisrael comprend des centaines de photos prises par des internautes, dont la plupart ont pour sujets des paysages d’Israël. C’est dire que, là encore, le timbre-souvenir à l’effigie de M. Sarkozy créé par M. Semhoun n’a pas été l’événement du siècle. En fait, la chose aurait pu rester à jamais limitée au cercle des amis et connaissances de M. Semhoun.
Mais, le 1er mars 2007, l’agence d’informations israélienne francophone Guysen diffusa un article qui faisait état de ce timbre, dont elle venait d’apprendre l’existence. L’article attira, à son tour, l’attention d’un site internet français nommé La Banlieue S’exprime (LBS).
Un drôle de site, au demeurant, né dans la mouvance Dieudonné et dont le responsable, Ahmed Moualek, a suivi la même trajectoire que Dieudonné, jusques et y compris le ralliement à l’extrême droite (2). Et là, soudain, l’innocente gaminerie de Sylvain Semhoun revêt une dimension cosmique.
Le jour même, le 1er mars donc, LBS répercute l’information de Guysen, en ces termes: «Un appel est lancé aux Français juifs de voter pour la candidature de Nicolas Sarkozy pour le bien d’Israël». Le forum de LBS reçoit aussitôt un déluge de messages indignés – par exemple celui-ci, daté du 2 mars, dont la logique n’échappera à personne: «Ce timbre est une honte aussi bien qu’une trahison et prouve une chose: tous les Israéliens sont appelés à voter Sarkozy, autrement, pourquoi serait-il imprimé principalement en hébreu?».
Pourquoi, en effet? Le 3 mars 2007, c’est la «maison-mère» des sites pro-Dieudonné, Les Ogres, qui reprend le flambeau. L’annonce qu’il existe «un timbre “Sarkozy” en Israël» y est assortie de considérations rédigées dans le style quelque peu… timbré qui caractérise certains des responsables de ce site. Extrait: «Le sionisme militant possède une organisation de propagande qui asservit un État tout entier: absolutisme. Le sionisme militant aime l’union sacrée, il lui faut et un Dieu et des Héros: totémisme. La participation de Sarkozy comme Noble et Juste de l’Empire fait ni plus ni moins des sujets du royaume d’Israël, des serfs. Par ailleurs, coller un timbre est un rite culturel, auquel on se soumet. Si nous savons tous qu’il faut faire des efforts pour atteindre un but, nous savons tous aussi en nous-mêmes qu’il n’y a pas de mystère dans le fait que Sarkozy soit adulé par la poste israélienne.»
Et, là aussi, les commentaires fusent sur le forum du site.
Le 4 mars, un contributeur annonce que < span style="font-style:italic">«le timbre est vendu 30 shekels».
En réalité, nous l’avons vu, le prix de 30 shekels est celui d’une planche de douze timbres lorsqu’on en commande plus de 50 à la fois. On ne sait d’ailleurs pas où ce fidèle des Ogres a trouvé le prix de 30 shekels, car il ne figure pas dans l’article de Guysen – ni, évidemment, sur le timbre lui-même. Mais l’intervention suscite le commentaire d’un autre fidèle des Ogres: «Comme qui dirait 30 piastres monnayés par Judas pour la peau de Jésus de Nazareth! C’est bizarre!». Cet internaute-là a de drôles de références.
On ne compte plus, dès lors, les internautes qui croient dur comme fer que les auteurs des Protocoles des Postes de Sion ont diffusé une consigne de vote. Des ex-gauchistes ralliés à l’extrême droite, on passe bientôt aux fascistes purs et durs, pour qui le complot ne fait pas l’ombre d’un doute. Ainsi, le site Altermedia, dont la graphie gothique indique bien l’inspiration (sous-titre: «Nouvelles mondiales pour des personnes d’ascendance européenne»), claironne: «Un timbre à l’effigie de Sarko en Israël». Novopress, un organe de la droite de l’extrême droite qui exprime de longue date sa connivence avec Dieudonné et Kémi Séba, surenchérit: «Un timbre à l’effigie de Nicolas Sarkozy a été édité en Israël et est maintenant disponible dans tous les bureaux de poste».
Les antisionistes fanatiques d’EuroPalestine ne pouvaient manquer d’être de la fête. Leur titre est identique, à deux lettres près, à celui d’Altermedia: «Un timbre à l’effigie de Sarkozy en Israël». Pour faire bonne mesure, ils ont ajouté un point d’exclamation. Sur le site Palestine-Solidarité, un certain Robert Thompson, «avocat honoraire au Barreau de Boulogne-sur-Mer», publie une Lettre ouverte à Madame Ségolène Royal où l’on peut lire: «L’État sioniste célèbre déjà, par le moyen de l’émission d’un timbre à son effigie, assorti de félicitations, un de vos adversaires, que ce même État décrit souvent comme son candidat naturel dans notre élection».
Toujours sur internet, le site ouvertement nazi Stormfront (des intervenants y illustrent leurs contributions d’une croix gammée) contient d’intéressants commentaires sur l’«affaire». L’un souligne la proximité idéologique avec «le site d’immigrés» LBS ; un autre se réjouit (avec, au passage, une petite faute d’orthographe) de «cette nouvelle» qui prouve la «justesse» de l’analyse des antisémites.
De l’internet on passe bientôt à la presse écrite. Le 8 mars, dans l’hebdomadaire altermondialiste Politis, le chroniqueur Bernard Langlois (dont la réputation n’est plus à faire) ponctue une diatribe contre Nicolas Sarkozy par l’annonce que «la poste de cet État (l’État d’Israël, ndlr), qui sait distinguer ses vrais amis, vient de sortir un timbre à son effigie!».
Le 12 mars (donc, après avoir pris le temps de la réflexion), le quotidien communiste L’Humanité recopie à son tour le titre inventé par d’autres: «Un timbre à l’effigie de Sarkozy en Israël». La journaliste, Marie Barbier, commence par écrire que cette information qui «court depuis plusieurs jours sur la Toile» a «des allures de canular tant elle paraît improbable». Mais elle aggrave son cas en affirmant que, «vérification prise (sic)», il n’y a «nulle plaisanterie à l’horizon» et que «depuis fin janvier, les Israéliens disposent effectivement d’un timbre à l’effigie de Nicolas Sarkozy».
La passion de nos confrères de L’Humanité pour la «vérification» ne leur a manifestement pas permis de découvrir ce qu’en deux minutes un bon journaliste aurait pu apprendre, à savoir que tout un chacun peut éditer, dans des circonstances analogues, un timbre israélien à l’effigie de n’importe qui.
Il suffit pour cela d’ignorer, comme l’a fait M. Semhoun, la clause restrictive quant à l’identité de la personne représentée qui figure sur le site internet de la Poste israélienne.
Par exemple, les admirateurs israéliens de Marie-George Buffet, candidate du PCF à la présidentielle, ont encore le temps de lui offrir un timbre israélien à son effigie.
Notes :
(1) NDLR: Claude Wainstain a récemment présenté, dans sa rubrique philatélique de L’Arche, un exemple très familial d’une initiative analogue, qui provenait en l’occurrence d’une société américaine.
(2) M. Moualek a fait partie, cet automne, d’un voyage au Liban, aux côtés de Dieudonné, Alain Soral et Thierry Meyssan. Un voyage dont il s’est dit avec insistance qu’il avait été organisé par l’extrême droite et qu’il s’inscrivait dans un mouvement de ralliement dont l’épisode le plus spectaculaire fut l’apparition, à visage découvert, d’Alain Soral dans l’équipe de campagne de Jean-Marie Le Pen. Pour sa part, Ahmed Moualek a publié sur son site internet (LBS) une interview complaisante du président du Front national.
Le 16 mars 2007, le site LBS publiait (non pas dans le cadre d’un forum, mais dans sa partie proprement rédactionnelle), un article où l’on pouvait lire ces propos dénués de toute ambiguïté: «Tous les jours que Dieu fait, on nous bassine avec la misère des Juifs, considérez, je vous prie la patience de Dieu qui, il y a 2000 ans, fut condamné à la crucifixion par ces mêmes Juifs. Mais revenons aux misères de notre époque, l’occupation israélienne en Palestine où la torture et la désespérance est le quotidien d’un peuple asphyxié. Aucun média chapeauté par les Juifs sionistes du PS, UMP et UDF, n’en parle chez nous. Préférez-vous l’Irak, déchirée par la guerre menée par les États-Unis où le lobby juif est très puissant, qui chaque jour apporte son lot de morts, ils sont arabes. (…) Aucun politique n’est sincère hormis Monsieur Le Pen qui va conduire avec nous ce combat pour la liberté. Pourquoi cet homme, dont je ne partage pas les idées, simplement parce qu’il ne fait pas partie du système instauré voilà plus de 2000 ans par les Pharisiens avides d’argent et de pouvoir.»
Source : L’Arche , n° 588, avril 2007.
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