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Marine Le Pen et le « Léviathan mondialiste »

Publié par La Rédaction31 janvier 2012,

Marine Le Pen et le « Léviathan mondialiste »
Pour que vive la France. C’est le titre de l’ouvrage que publie aujourd’hui la présidente du Front national. Marine Le Pen y expose sa vision du monde en même temps qu’elle y désigne l’ennemi à abattre : le « mondialisme » qu’elle conçoit comme « une idéologie qui a pour trait principal de nier l'utilité des nations, leur adaptation au monde "postmoderne" et qui vise à façonner un nouvel homme sorte d'homo mondialisus, vivant hors sol, sans identité autre que celle du consommateur global ».

Mais pour la candidate du FN aux élections présidentielles, le « mondialisme » n’est pas seulement une idéologie. C’est, surtout le « projet » d’une « élite », d’une « oligarchie mondialisée » qui aurait sciemment précipité le monde dans la crise. La « crise, écrit-elle ainsi, n'en est pas une pour tout le monde, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle est programmée ! ».

Last but not least, Marine Le Pen dénonce un « Léviathan mondialiste », qu’elle dépeint comme « une sorte de conglomérat, de gouvernement global hors sol, qui dirigerait le monde, l'Union européenne et la France ». Un thème qui n’est pas sans faire échos à celui du « gouvernement mondial invisible » tel qu’il a pu être dénoncé dans une partie de l’extrême gauche, par le sociologue Pierre Bourdieu notamment.

Selon le politologue Jean-Yves Camus, « la dénonciation du mondialisme est un véritable marqueur idéologique de l'extrême droite. Ici, il est question d'un plan concerté avec une élite assez occulte à la manœuvre, composée de personnalités d'influence et de groupes transnationaux qui agissent au détriment du peuple ». Antimondialiste, « l’extrême droite [est] fière de l’être comme jamais, explique Pierre-André Taguieff, jubilant de voir une partie de l’opinion basculer dans ses idées reçues et ses fantasmes ».

Le thème du « complot mondialiste » est apparu dans la rhétorique du FN dans les années 1990, sous l’impulsion de Bruno Mégret (1). Depuis quelques années, à la faveur de la crise financière, ce thème conspirationniste, dont le journaliste Olivier Guland a montré il y a un peu plus de dix ans qu’il n’était qu’un avatar contemporain du vieux fantasme antisémite (2), a repris des couleurs.

« Contre le complot mondialiste »

En 2009, un homme d’une cinquantaine d’années, commerçant dans le Béarn, a adressé à des particuliers et diverses institutions 300 exemplaires d’un texte intitulé « La vérité face au complot mondialiste » dans lequel il affirmait : « Ce sont les juifs qui déclenchèrent les atrocités dont ils ont été victimes, après avoir favorisé la naissance des idéologies communiste et hitlérienne. Il leur fallait des martyrs pour sensibiliser les peuples et parvenir à imposer leurs lois et dominer le monde ».

Le Complot mondialiste est aussi le titre d’un ouvrage publié en 2009 de manière assez confidentielle sous la signature de Philippe Ploncard d'Assac. Ce neurochirurgien à la retraite, obsédé par le « complot judéo-maçonnique », est le fils – en même temps que l’héritier spirituel – du collaborationniste Jacques Ploncard d’Assac. Il donne désormais des conférences sur le 11-Septembre dans lesquelles il fait la promotion du site ReOpen911 après avoir prétendu que les Juifs ont été prévenus à l’avance des attentats.

Marine Le Pen et le « Léviathan mondialiste »
Mais c’est surtout Alain Soral qui a réactualisé le thème du complot mondialiste en en faisant l’axe central de son petit essai publié l’année dernière, Comprendre l’Empire. Sur fond, là encore, de théorie du complot juif, Soral y vilipende « les desseins maléfiques de l'oligarchie mondialiste », « l'Amérique impériale mondialiste des élites des côtes Est et Ouest, du New York de Wall Street et du Los Angeles d'Hollywood » ou encore la « collusion entre mondialistes de droite et internationalistes de gauche - en réalité tous cosmopolites ». Des mondialistes qui, selon Soral, « sont souvent issus, comme le démontre l'Histoire, de la même communauté... ».

Et la mondialisation ? Les tenants de la théorie du « complot mondialiste », tout à leurs lubies paranoïaques, passent à côté. Plutôt que de l’appréhender comme une réalité complexe, à la fois économique, politique, sociale, historique, ils la mythologisent. Ils en font, écrit Taguieff, « une entité mythique maléfique dont la destruction totale, au terme de la "lutte finale", est attendue comme un acte de délivrance ou de libération, voire de rédemption » (3).

Notes :
(1) Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg, « Brunot Mégret le technocrate », Le Monde Magazine, 23 juillet 2011, pp. 36-39. Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg ont co-écrit le webdocu « François Duprat, une histoire de l'extrême droite ».
(2) Olivier Guland, Le Pen, Mégret et les Juifs. L’obsession du complot mondialiste, La Découverte, 2000.
(3) Pierre-André Taguieff, « La pensée conspirationniste. Origines et nouveaux champs », in Emmanuelle Danblon & Loïc Nicolas (dir.)
, Les Rhétoriques de la conspiration, CNRS Éditions, 2010, pp. 279-321.

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Marine Le Pen et le « Léviathan mondialiste »
Pour que vive la France. C’est le titre de l’ouvrage que publie aujourd’hui la présidente du Front national. Marine Le Pen y expose sa vision du monde en même temps qu’elle y désigne l’ennemi à abattre : le « mondialisme » qu’elle conçoit comme « une idéologie qui a pour trait principal de nier l'utilité des nations, leur adaptation au monde "postmoderne" et qui vise à façonner un nouvel homme sorte d'homo mondialisus, vivant hors sol, sans identité autre que celle du consommateur global ».

Mais pour la candidate du FN aux élections présidentielles, le « mondialisme » n’est pas seulement une idéologie. C’est, surtout le « projet » d’une « élite », d’une « oligarchie mondialisée » qui aurait sciemment précipité le monde dans la crise. La « crise, écrit-elle ainsi, n'en est pas une pour tout le monde, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle est programmée ! ».

Last but not least, Marine Le Pen dénonce un « Léviathan mondialiste », qu’elle dépeint comme « une sorte de conglomérat, de gouvernement global hors sol, qui dirigerait le monde, l'Union européenne et la France ». Un thème qui n’est pas sans faire échos à celui du « gouvernement mondial invisible » tel qu’il a pu être dénoncé dans une partie de l’extrême gauche, par le sociologue Pierre Bourdieu notamment.

Selon le politologue Jean-Yves Camus, « la dénonciation du mondialisme est un véritable marqueur idéologique de l'extrême droite. Ici, il est question d'un plan concerté avec une élite assez occulte à la manœuvre, composée de personnalités d'influence et de groupes transnationaux qui agissent au détriment du peuple ». Antimondialiste, « l’extrême droite [est] fière de l’être comme jamais, explique Pierre-André Taguieff, jubilant de voir une partie de l’opinion basculer dans ses idées reçues et ses fantasmes ».

Le thème du « complot mondialiste » est apparu dans la rhétorique du FN dans les années 1990, sous l’impulsion de Bruno Mégret (1). Depuis quelques années, à la faveur de la crise financière, ce thème conspirationniste, dont le journaliste Olivier Guland a montré il y a un peu plus de dix ans qu’il n’était qu’un avatar contemporain du vieux fantasme antisémite (2), a repris des couleurs.

« Contre le complot mondialiste »

En 2009, un homme d’une cinquantaine d’années, commerçant dans le Béarn, a adressé à des particuliers et diverses institutions 300 exemplaires d’un texte intitulé « La vérité face au complot mondialiste » dans lequel il affirmait : « Ce sont les juifs qui déclenchèrent les atrocités dont ils ont été victimes, après avoir favorisé la naissance des idéologies communiste et hitlérienne. Il leur fallait des martyrs pour sensibiliser les peuples et parvenir à imposer leurs lois et dominer le monde ».

Le Complot mondialiste est aussi le titre d’un ouvrage publié en 2009 de manière assez confidentielle sous la signature de Philippe Ploncard d'Assac. Ce neurochirurgien à la retraite, obsédé par le « complot judéo-maçonnique », est le fils – en même temps que l’héritier spirituel – du collaborationniste Jacques Ploncard d’Assac. Il donne désormais des conférences sur le 11-Septembre dans lesquelles il fait la promotion du site ReOpen911 après avoir prétendu que les Juifs ont été prévenus à l’avance des attentats.

Marine Le Pen et le « Léviathan mondialiste »
Mais c’est surtout Alain Soral qui a réactualisé le thème du complot mondialiste en en faisant l’axe central de son petit essai publié l’année dernière, Comprendre l’Empire. Sur fond, là encore, de théorie du complot juif, Soral y vilipende « les desseins maléfiques de l'oligarchie mondialiste », « l'Amérique impériale mondialiste des élites des côtes Est et Ouest, du New York de Wall Street et du Los Angeles d'Hollywood » ou encore la « collusion entre mondialistes de droite et internationalistes de gauche - en réalité tous cosmopolites ». Des mondialistes qui, selon Soral, « sont souvent issus, comme le démontre l'Histoire, de la même communauté... ».

Et la mondialisation ? Les tenants de la théorie du « complot mondialiste », tout à leurs lubies paranoïaques, passent à côté. Plutôt que de l’appréhender comme une réalité complexe, à la fois économique, politique, sociale, historique, ils la mythologisent. Ils en font, écrit Taguieff, « une entité mythique maléfique dont la destruction totale, au terme de la "lutte finale", est attendue comme un acte de délivrance ou de libération, voire de rédemption » (3).

Notes :
(1) Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg, « Brunot Mégret le technocrate », Le Monde Magazine, 23 juillet 2011, pp. 36-39. Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg ont co-écrit le webdocu « François Duprat, une histoire de l'extrême droite ».
(2) Olivier Guland, Le Pen, Mégret et les Juifs. L’obsession du complot mondialiste, La Découverte, 2000.
(3) Pierre-André Taguieff, « La pensée conspirationniste. Origines et nouveaux champs », in Emmanuelle Danblon & Loïc Nicolas (dir.)
, Les Rhétoriques de la conspiration, CNRS Éditions, 2010, pp. 279-321.

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