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Naomi Wolf, Ebola et l'Etat islamique : chronique d'une dérive conspirationniste

Publié par Bertrand Maury12 octobre 2014, ,

Quelle mouche a bien pu piquer Naomi Wolf ?

Quelle mouche a bien pu piquer Naomi Wolf ? Au début du mois, cette activiste et journaliste américaine, auteure d’un essai remarqué sur « la dictature de la beauté » publié en 1990 (The Beauty Myth), a provoqué l’indignation des journalistes et semé la consternation dans les milieux progressistes en publiant sur son compte Facebook une série de messages délirants.

Dans l’un de ces posts, effacé par la suite, elle s’interrogeait sur l’authenticité des vidéos de décapitation des otages américains et britanniques diffusées par l’Etat islamique. Wolf y insinuait que les victimes et leurs familles seraient les acteurs d’une supercherie montée de toutes pièces par le gouvernement américain : « On n’a besoin que de cinq personnes pour mettre en scène un événement comme celui-là – deux pour faire les "parents" – deux pour poser pour les caméras… un déguisé en ninja… et un pour contacter les médias qui ne s’embêtent pas à vérifier le moins du monde qui sont ces quatre autres personnes… » Face aux réactions hostiles de ses confrères journalistes, elle a supprimé plusieurs de ses messages... non sans accuser au passage le New York Times de se rendre complice de la mise en scène.

Dans une autre intervention, elle a suggéré que la décision d'envoyer 3000 soldats américains en Afrique de l’Ouest n’aurait pas pour objectif d’aider à lutter contre la propagation du virus Ebola mais, au contraire, de l’importer sur le sol américain afin de justifier des mesures d’urgence à caractère militaire à l’encontre de la population américaine !

Wolf a aussi prétendu que le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse avait été truqué et mis en cause l’intégrité de la commission électorale écossaise.

Depuis lors, elle se défend, toujours sur sa page Facebook, d’avoir versé dans le conspirationnisme – qu’elle avait pourtant dénoncé naguère – au motif qu’on l’aurait mal comprise et qu’elle ne faisait qu’émettre de simples hypothèses.

Son principal argument pour remettre en cause la véracité des décapitations est que ces vidéos n’émaneraient que d’une seule source sur YouTube. C’est faire peu de cas d’une douzaine de sources différentes qui ont attesté ces crimes - dont les pouvoirs syriens et iraniens, peu suspects de sympathies pro-américaines - et des revendications de l’Etat islamique lui-même. C’est aussi peu se soucier du témoignage des proches de James Foley – ou des autres victimes – qui savent très bien, comme le souligne Max Fischer sur le site Vox, que sa famille n’aurait pas pu jouer la comédie.

Militante influente de la cause féministe outre-Atlantique, Naomi Wolf travailla comme conseillère pour les campagnes présidentielles de Bill Clinton en 1996 et d’Al Gore en 2000. En outre elle fut, jusqu’en 2005, mariée à l’une des plumes de Clinton, David Shipley, ce qui lui a permis de faire valoir son expérience des arcanes de la politique. Cependant, sa vision du monde s’est considérablement radicalisée sous l’Administration Bush. Ainsi en 2007, dans un essai intitulé The End of America: Letter of Warning to a Young Patriot, elle n’hésitait pas à user d’analogies douteuses, comparant la situation des Etats-Unis après le 11-Septembre avec la montée des régimes totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres.

Lors de la campagne présidentielle de 2008, bien que toujours proche du Parti Démocrate, Naomi Wolf avait participé à une marche de soutien à Ron Paul, alors candidat aux primaires du Parti Républicain. Si elle s’était finalement ralliée à Obama, elle s’en était éloignée par la suite, à l’instar d’une partie de l’extrême-gauche américaine. Aujourd’hui, elle continue de proclamer que les Etats-Unis sont en train de se transformer en une sorte de dictature fasciste et semble s’être, de nouveau, rapprochée de Ron Paul – dont certaines thèses ne sont pas si éloignées des siennes – puisqu’elle est intervenue, début 2014, à une conférence organisée par les Libertariens.

Les inclinations complotistes de Naomi Wolf se sont également manifestées durant le mouvement Occupy Wall Street. Dans une série d’articles publiés en novembre 2011 par le Guardian, elle affirmait que la répression du mouvement était le fruit d’une conspiration du Département de la Sécurité intérieure, orchestrée par les agences fédérales et mise en œuvre par les maires à travers tous les Etats-Unis, le tout sous les ordres d’un groupe de congressistes affiliés aux banques et avec l’approbation de la Maison-Blanche. Le journal Mother Jones, qui a couvert avec empathie le mouvement Occupy Wall Street, a mené l’enquête et étudié les documents. Sans nier une surveillance accrue du FBI et des forces de police sur les manifestants, il a réduit à néant les allégations de Wolf.

En 2013, Naomi Wolf a une nouvelle fois franchi les frontières du ridicule. Dans une note postée sur sa page Facebook, cette ardente défenseure de Julian Assange – elle n’a pas hésité à ironiser sur les accusations d’agression sexuelle dont l’Australien fait l’objet en Suède – soupçonnait Edward Snowden et sa petite amie d'être rien moins que des agents doubles dépêchés par le gouvernement américain dans le cadre d’une conspiration fasciste aux accents orwelliens. Un épisode qui montre que Naomi Wolf pousse la critique jusqu’à douter des sources d’un journal, le Guardian, auquel pourtant elle collabore. Sur le site The Daily Beast, Michael Moynihan rappelle que cette militante de la première heure du « journalisme citoyen » se montre moins regardante sur ses propres sources en postant régulièrement sur son compte Facebook des articles émanant de Globalresearch.ca (version anglophone de Mondialisation.ca, le site conspirationniste de Michel Chossudovsky), du site officiel iranien Press TV ou du site d’extrême droite Veterans Today.

Il ne nous appartient pas ici de juger les travaux de Naomi Wolf sur la sexualité féminine. Mais il est permis de s’interroger sur ses motivations lorsque, en contradiction avec ses prises de position féministes, elle prend la défense des codes vestimentaires que les intégristes musulmans entendent imposer aux femmes. Victime de son prisme idéologique, elle est devenue inaudible pour toute une partie de ceux qui ont pu suivre son parcours au cours des vingt dernières années et qui ne peuvent que déplorer son mépris des réalités historiques. Naomi Wolf, dont la famille paternelle, d’origine juive, a été décimée par les nazis, accuse constamment les Etats-Unis de sombrer dans le « fascisme ».

Interpellée par la police en 2011 lors d’une manifestation pour Occupy Wall Street, elle a été relâchée au bout d’une demi-heure.

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Quelle mouche a bien pu piquer Naomi Wolf ? Au début du mois, cette activiste et journaliste américaine, auteure d’un essai remarqué sur « la dictature de la beauté » publié en 1990 (The Beauty Myth), a provoqué l’indignation des journalistes et semé la consternation dans les milieux progressistes en publiant sur son compte Facebook une série de messages délirants.

Dans l’un de ces posts, effacé par la suite, elle s’interrogeait sur l’authenticité des vidéos de décapitation des otages américains et britanniques diffusées par l’Etat islamique. Wolf y insinuait que les victimes et leurs familles seraient les acteurs d’une supercherie montée de toutes pièces par le gouvernement américain : « On n’a besoin que de cinq personnes pour mettre en scène un événement comme celui-là – deux pour faire les "parents" – deux pour poser pour les caméras… un déguisé en ninja… et un pour contacter les médias qui ne s’embêtent pas à vérifier le moins du monde qui sont ces quatre autres personnes… » Face aux réactions hostiles de ses confrères journalistes, elle a supprimé plusieurs de ses messages... non sans accuser au passage le New York Times de se rendre complice de la mise en scène.

Dans une autre intervention, elle a suggéré que la décision d'envoyer 3000 soldats américains en Afrique de l’Ouest n’aurait pas pour objectif d’aider à lutter contre la propagation du virus Ebola mais, au contraire, de l’importer sur le sol américain afin de justifier des mesures d’urgence à caractère militaire à l’encontre de la population américaine !

Wolf a aussi prétendu que le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse avait été truqué et mis en cause l’intégrité de la commission électorale écossaise.

Depuis lors, elle se défend, toujours sur sa page Facebook, d’avoir versé dans le conspirationnisme – qu’elle avait pourtant dénoncé naguère – au motif qu’on l’aurait mal comprise et qu’elle ne faisait qu’émettre de simples hypothèses.

Son principal argument pour remettre en cause la véracité des décapitations est que ces vidéos n’émaneraient que d’une seule source sur YouTube. C’est faire peu de cas d’une douzaine de sources différentes qui ont attesté ces crimes - dont les pouvoirs syriens et iraniens, peu suspects de sympathies pro-américaines - et des revendications de l’Etat islamique lui-même. C’est aussi peu se soucier du témoignage des proches de James Foley – ou des autres victimes – qui savent très bien, comme le souligne Max Fischer sur le site Vox, que sa famille n’aurait pas pu jouer la comédie.

Militante influente de la cause féministe outre-Atlantique, Naomi Wolf travailla comme conseillère pour les campagnes présidentielles de Bill Clinton en 1996 et d’Al Gore en 2000. En outre elle fut, jusqu’en 2005, mariée à l’une des plumes de Clinton, David Shipley, ce qui lui a permis de faire valoir son expérience des arcanes de la politique. Cependant, sa vision du monde s’est considérablement radicalisée sous l’Administration Bush. Ainsi en 2007, dans un essai intitulé The End of America: Letter of Warning to a Young Patriot, elle n’hésitait pas à user d’analogies douteuses, comparant la situation des Etats-Unis après le 11-Septembre avec la montée des régimes totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres.

Lors de la campagne présidentielle de 2008, bien que toujours proche du Parti Démocrate, Naomi Wolf avait participé à une marche de soutien à Ron Paul, alors candidat aux primaires du Parti Républicain. Si elle s’était finalement ralliée à Obama, elle s’en était éloignée par la suite, à l’instar d’une partie de l’extrême-gauche américaine. Aujourd’hui, elle continue de proclamer que les Etats-Unis sont en train de se transformer en une sorte de dictature fasciste et semble s’être, de nouveau, rapprochée de Ron Paul – dont certaines thèses ne sont pas si éloignées des siennes – puisqu’elle est intervenue, début 2014, à une conférence organisée par les Libertariens.

Les inclinations complotistes de Naomi Wolf se sont également manifestées durant le mouvement Occupy Wall Street. Dans une série d’articles publiés en novembre 2011 par le Guardian, elle affirmait que la répression du mouvement était le fruit d’une conspiration du Département de la Sécurité intérieure, orchestrée par les agences fédérales et mise en œuvre par les maires à travers tous les Etats-Unis, le tout sous les ordres d’un groupe de congressistes affiliés aux banques et avec l’approbation de la Maison-Blanche. Le journal Mother Jones, qui a couvert avec empathie le mouvement Occupy Wall Street, a mené l’enquête et étudié les documents. Sans nier une surveillance accrue du FBI et des forces de police sur les manifestants, il a réduit à néant les allégations de Wolf.

En 2013, Naomi Wolf a une nouvelle fois franchi les frontières du ridicule. Dans une note postée sur sa page Facebook, cette ardente défenseure de Julian Assange – elle n’a pas hésité à ironiser sur les accusations d’agression sexuelle dont l’Australien fait l’objet en Suède – soupçonnait Edward Snowden et sa petite amie d'être rien moins que des agents doubles dépêchés par le gouvernement américain dans le cadre d’une conspiration fasciste aux accents orwelliens. Un épisode qui montre que Naomi Wolf pousse la critique jusqu’à douter des sources d’un journal, le Guardian, auquel pourtant elle collabore. Sur le site The Daily Beast, Michael Moynihan rappelle que cette militante de la première heure du « journalisme citoyen » se montre moins regardante sur ses propres sources en postant régulièrement sur son compte Facebook des articles émanant de Globalresearch.ca (version anglophone de Mondialisation.ca, le site conspirationniste de Michel Chossudovsky), du site officiel iranien Press TV ou du site d’extrême droite Veterans Today.

Il ne nous appartient pas ici de juger les travaux de Naomi Wolf sur la sexualité féminine. Mais il est permis de s’interroger sur ses motivations lorsque, en contradiction avec ses prises de position féministes, elle prend la défense des codes vestimentaires que les intégristes musulmans entendent imposer aux femmes. Victime de son prisme idéologique, elle est devenue inaudible pour toute une partie de ceux qui ont pu suivre son parcours au cours des vingt dernières années et qui ne peuvent que déplorer son mépris des réalités historiques. Naomi Wolf, dont la famille paternelle, d’origine juive, a été décimée par les nazis, accuse constamment les Etats-Unis de sombrer dans le « fascisme ».

Interpellée par la police en 2011 lors d’une manifestation pour Occupy Wall Street, elle a été relâchée au bout d’une demi-heure.

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à propos de l'auteur
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Bertrand Maury
Collaborateur de longue date de Conspiracy Watch, Bertrand Maury est l’un des plus fins connaisseurs francophones des théories du complot autour de l’assassinat de John F. Kennedy. Son intérêt pour le phénomène conspirationniste remonte aux années 1980.
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