Conspiracy Watch : On lit depuis plusieurs jours sur le web complotiste et les réseaux sociaux qu'une revue scientifique affirme que les tours du World Trade Center ont fait l'objet d'une démolition contrôlée. Qu'en est-il réellement ?
Jérôme Quirant : Il s'agit d'un article publié dans Europhysics News, un magazine scientifique édité par la European Physical Society. Les éditeurs du magazine l’affirment sans ambages en chapô de l’article : « Cette publication est un peu différente de nos habituels articles purement scientifiques, en ce sens qu'elle donne lieu à quelques spéculations. […] Le contenu de cet article est de la responsabilité des auteurs ». Et c’est exactement cela : une succession de spéculations, de conjectures, mais rien d’étayé sur le plan scientifique.
C. W. : Qui sont les auteurs de cette "étude" ?
J. Q. : On retrouve les chefs de file habituels du 9/11 Truth Movement comme Steven E. Jones ou Tony Szamboti, qui ne sont pas spécialistes de calcul de structure de bâtiment qui constitue pourtant l’essentiel de l’article, auxquels s’est ajouté pour le coup un vrai spécialiste du domaine, Robert Korol. Retraité depuis de nombreuses années (ses derniers articles datent de la fin des années 90), ce scientifique est engagé de longue date dans le Truth Movement mais n’a rien produit à ce jour qui démontrerait en quoi les explications produites par la communauté scientifique seraient erronées. Sa seule tentative en 2011, plus de dix ans après son départ en retraite, s’est soldée par un article qui est un non-sens scientifique total par rapport au problème posé (cf. l’analyse que j’avais pu en faire à l’époque).
J. Q. : De nouveau ? Rien. On se trouve face à un recyclage de vieillies lubies maintes fois démontées.
Dans un premier temps, les auteurs tentent d’expliquer pourquoi les bâtiments résistent aux charges qui leur sont appliquées, même en cas d’incendie. Ils rappellent alors que les concepteurs avaient prévu que les Tours jumelles résistent au crash d’un avion (c’est vrai et elles y ont justement bien résisté… dans un premier temps). Mais ils oublient le principal : les effets du feu, avec des protections incendies amoindries par le crash (flocage et sprinklers), avaient été largement sous-estimés. Partant de là, ils tentent de faire croire que seule une démolition contrôlée aurait pu anéantir les tours.
Pour le bâtiment n°7, les auteurs semblent s’étonner que le responsable de l’enquête ait déclaré qu’il ne savait pas expliquer ce qui s’était passé… alors que les études venaient à peine de commencer ! Ils suggèrent ensuite qu’il y aurait eu des erreurs rédhibitoires dans l’analyse conduite par le NIST, mais sans fournir d’élément probant. Cette analyse est pourtant limpide et convaincante pour qui connaît un minimum le calcul de structure.
Pour les Tours jumelles, on retrouve la litanie de questions habituelles auxquelles il a été répondu des dizaines de fois :
- Pourquoi l’ensemble de l’effondrement n’a pas été analysé ? Parce qu’une fois amorcé, il était impossible qu’il s’arrête.
- Pourquoi ne note-t-on pas d’à-coups dans les vitesses d’effondrement ? Parce que l’énergie acquise par les blocs en mouvement était largement supérieure à ce que les étages inférieurs pouvaient absorber. Les calculs cités en référence par les auteurs comme « démonstration » sont faux et inexploitables (voir ici).
- Pourquoi a-t-on trouvé de la thermite dans les décombres ? Non, il n’a pas été retrouvé de thermite dans les décombres et, là aussi, l’article cité en référence a été prouvé être une tromperie de haut vol (voir là).
J’avoue être impressionné par le culot des auteurs, capables de bâtir une démonstration se référant à des articles dont ils savent qu’ils ont été réfutés de A à Z. Cela frise l’escroquerie. Mais ce qui est encore plus grave, c’est que les éditeurs n’aient pas daigné vérifier la pertinence de ces références et de la démonstration. Malgré le chapô, c’est une faute professionnelle.
J. Q. : Non. La mécanique des effondrements a été décrite et elle ne souffre, dans ses grandes lignes, d’aucune contestation de la part de la communauté scientifique. D’ailleurs il n’y a pas de « version officielle ». Il y a une version scientifique qui explique l’effondrement des tours et elle reste réputée valable jusqu’à preuve (scientifique) du contraire.
La seule démonstration pleinement réussie par les leaders du Truth Movement depuis 15 ans, c’est celle de leur méconnaissance criarde des notions élémentaires du calcul de structure. Dommage car, depuis le temps, ils auraient pu se mettre à la page…
Pour avoir un aperçu de l'avis de spécialistes du domaine, on pourra se référer au dossier de la revue SPS consacré au sujet.
Voir aussi :
* Jérôme Quirant : « Quelques gouttes d’eau dans un océan »
* Jérôme Quirant, 11 septembre et théories du complot ou le conspirationnisme à l'épreuve de la science, Book-e-Book, 2010.
Conspiracy Watch : On lit depuis plusieurs jours sur le web complotiste et les réseaux sociaux qu'une revue scientifique affirme que les tours du World Trade Center ont fait l'objet d'une démolition contrôlée. Qu'en est-il réellement ?
Jérôme Quirant : Il s'agit d'un article publié dans Europhysics News, un magazine scientifique édité par la European Physical Society. Les éditeurs du magazine l’affirment sans ambages en chapô de l’article : « Cette publication est un peu différente de nos habituels articles purement scientifiques, en ce sens qu'elle donne lieu à quelques spéculations. […] Le contenu de cet article est de la responsabilité des auteurs ». Et c’est exactement cela : une succession de spéculations, de conjectures, mais rien d’étayé sur le plan scientifique.
C. W. : Qui sont les auteurs de cette "étude" ?
J. Q. : On retrouve les chefs de file habituels du 9/11 Truth Movement comme Steven E. Jones ou Tony Szamboti, qui ne sont pas spécialistes de calcul de structure de bâtiment qui constitue pourtant l’essentiel de l’article, auxquels s’est ajouté pour le coup un vrai spécialiste du domaine, Robert Korol. Retraité depuis de nombreuses années (ses derniers articles datent de la fin des années 90), ce scientifique est engagé de longue date dans le Truth Movement mais n’a rien produit à ce jour qui démontrerait en quoi les explications produites par la communauté scientifique seraient erronées. Sa seule tentative en 2011, plus de dix ans après son départ en retraite, s’est soldée par un article qui est un non-sens scientifique total par rapport au problème posé (cf. l’analyse que j’avais pu en faire à l’époque).
J. Q. : De nouveau ? Rien. On se trouve face à un recyclage de vieillies lubies maintes fois démontées.
Dans un premier temps, les auteurs tentent d’expliquer pourquoi les bâtiments résistent aux charges qui leur sont appliquées, même en cas d’incendie. Ils rappellent alors que les concepteurs avaient prévu que les Tours jumelles résistent au crash d’un avion (c’est vrai et elles y ont justement bien résisté… dans un premier temps). Mais ils oublient le principal : les effets du feu, avec des protections incendies amoindries par le crash (flocage et sprinklers), avaient été largement sous-estimés. Partant de là, ils tentent de faire croire que seule une démolition contrôlée aurait pu anéantir les tours.
Pour le bâtiment n°7, les auteurs semblent s’étonner que le responsable de l’enquête ait déclaré qu’il ne savait pas expliquer ce qui s’était passé… alors que les études venaient à peine de commencer ! Ils suggèrent ensuite qu’il y aurait eu des erreurs rédhibitoires dans l’analyse conduite par le NIST, mais sans fournir d’élément probant. Cette analyse est pourtant limpide et convaincante pour qui connaît un minimum le calcul de structure.
Pour les Tours jumelles, on retrouve la litanie de questions habituelles auxquelles il a été répondu des dizaines de fois :
- Pourquoi l’ensemble de l’effondrement n’a pas été analysé ? Parce qu’une fois amorcé, il était impossible qu’il s’arrête.
- Pourquoi ne note-t-on pas d’à-coups dans les vitesses d’effondrement ? Parce que l’énergie acquise par les blocs en mouvement était largement supérieure à ce que les étages inférieurs pouvaient absorber. Les calculs cités en référence par les auteurs comme « démonstration » sont faux et inexploitables (voir ici).
- Pourquoi a-t-on trouvé de la thermite dans les décombres ? Non, il n’a pas été retrouvé de thermite dans les décombres et, là aussi, l’article cité en référence a été prouvé être une tromperie de haut vol (voir là).
J’avoue être impressionné par le culot des auteurs, capables de bâtir une démonstration se référant à des articles dont ils savent qu’ils ont été réfutés de A à Z. Cela frise l’escroquerie. Mais ce qui est encore plus grave, c’est que les éditeurs n’aient pas daigné vérifier la pertinence de ces références et de la démonstration. Malgré le chapô, c’est une faute professionnelle.
J. Q. : Non. La mécanique des effondrements a été décrite et elle ne souffre, dans ses grandes lignes, d’aucune contestation de la part de la communauté scientifique. D’ailleurs il n’y a pas de « version officielle ». Il y a une version scientifique qui explique l’effondrement des tours et elle reste réputée valable jusqu’à preuve (scientifique) du contraire.
La seule démonstration pleinement réussie par les leaders du Truth Movement depuis 15 ans, c’est celle de leur méconnaissance criarde des notions élémentaires du calcul de structure. Dommage car, depuis le temps, ils auraient pu se mettre à la page…
Pour avoir un aperçu de l'avis de spécialistes du domaine, on pourra se référer au dossier de la revue SPS consacré au sujet.
Voir aussi :
* Jérôme Quirant : « Quelques gouttes d’eau dans un océan »
* Jérôme Quirant, 11 septembre et théories du complot ou le conspirationnisme à l'épreuve de la science, Book-e-Book, 2010.
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