Figure incontournable des conspirationnistes du 11-Septembre, Steven Jones doit une grande partie de sa notoriété à la publication d’un texte, co-signé par le chimiste danois Niels Harrit, tentant de démontrer que des traces d'explosifs auraient été retrouvées dans les débris du World Trade Center. Dans les années 1980, le professeur Jones, physicien de formation, s’était improvisé archéologue pour essayer de prouver que Jésus-Christ a visité en personne le continent américain il y a 2000 ans. Proche du journaliste d’extrême droite Christopher Bollyn, Jones a par ailleurs fait part, l'année dernière, de son intérêt pour les chemtrails, autre grand mythe conspirationniste contemporain. Steven Jones vient de récidiver.
« Une autre [crise] à laquelle vous n'avez peut-être jamais songé et que je vais aborder maintenant est Haïti. Maintenant, vous ne pensez pas à Haïti comme à une "crise générée". Mais saviez-vous que d'énormes réserves de pétrole ont été découvertes dans la baie, précisément dans la zone de Port-au-Prince ? D'énormes réserves de pétrole signalées en 2008 et considérées comme étant encore plus importante que les réserves pétrolières du Venezuela, qui est l'un des plus grands producteurs de pétrole dans le monde. Là encore, s'agit-il d'une crise "naturelle", d'une crise "réelle" ? Ou s'agit-il d'une de ces "crises générées" à la Biden [l’actuel vice-président des Etats-Unis – NDLR] ? C'est ce que je vais aborder pendant l'heure qui vient. Je n'ai pas encore de réponse sûre pour le moment » (voir la vidéo ci-dessous à 8 min. 50 sec.).
Jones fait aussi référence à l’expression « generated crisis » (« crise générée »), utilisée par le colistier de Barack Obama, Joe Biden, lors d’un discours public prononcé à Seattle à deux semaines de la fin de la campagne présidentielle de 2008. La phrase de Biden, sortie de son contexte, avait été montée en épingle par une partie de la presse conservatrice américaine, de Fox News à The American Thinker, qui l’avait interprété comme l’annonce d’une manipulation future, allant jusqu’à prophétiser l’avènement d’une dictature communiste aux Etats-Unis (voir ici).
Quant aux fameuses « réserves pétrolières haïtiennes », Steven Jones s’appuie sur les propos loufoques de deux conférenciers haïtiens, Daniel Mathurin et son épouse Ginette Pérodin Mathurin, rapportés en janvier 2008 par le site MetropoleHaiti.com. Selon eux, Haïti regorgerait d'hydrocarbures : « Une piscine olympique comparée à un verre d’eau, voilà la comparaison pour montrer l’importance des gisements de pétrole haïtien comparés à ceux du Venezuela » ! Las, ces fabuleux gisements de pétrole auraient été secrètement préemptés par les Etats-Unis, qui les auraient déclaré « réserves stratégiques », motif pour lequel ils ne seraient pas exploités…
Depuis plusieurs années, des partisans du président haïtien déchu Jean-Bertrand Aristide, que les Etats-Unis avaient poussé à quitter le pouvoir en 2004, développent le thème d’une conspiration de multinationales américaines qui consisterait à dissimuler délibérément aux Haïtiens l’existence de leurs ressources pétrolières, les maintenant ainsi de force dans la misère et le dénuement. On comprend, dès lors, la raison pour laquelle le nom de Daniel Mathurin a fait le tour du web. Seul problème : rien n’indique que le docteur Mathurin ou son épouse soient qualifiés pour estimer la richesse en or noir du sous-sol haïtien.
Un article du journal haïtien Le Nouvelliste, daté du 17 mars 2008, dresse le compte-rendu d’une conférence à laquelle sont intervenus les époux Mathurin. Il indique que Daniel Mathurin est « médecin interniste » et qu’il se serait « rendu au Canada pour se perfectionner dans le domaine de la fusion nucléaire » (!). Selon la même source, son épouse « a étudié le génie civil à l’Université d’Etat d’Haïti ». L’article ne signale aucune compétence universitaire en géologie ou en sismologie. De la même manière, aucune trace ne peut être trouvée de la moindre publication dans une revue scientifique signée Daniel ou Ginette Mathurin, pourtant fréquemment présentés comme des spécialistes en géologie ou en sismologie. Le Nouvelliste précise simplement que les époux sont les auteurs d’un livre publié en 1994 et intitulé : Le rêve d'Albert Einstein et la super symétrie. A priori, peu de choses à voir avec la prospection pétrolière. Toujours est-il que Daniel Mathurin semble nourrir une véritable passion pour le fantastique, tendance éclectique. Le Nouvelliste écrit :
« Si les considérations du docteur Mathurin laissent de l'espace à de plus larges considérations linguistiques sur l'origine judaïque des langues de la région qui n'auraient aucun rapport à voir avec le continent africain, ses approches au sujet de Christophe Colomb qui connaissait d'où il venait, l'île de Bensalem, dans sa quête de la pierre philosophale ont trouvé l'approbation enthousiaste de l'assistance. (…) A la suite des données avancées par le docteur Mathurin sur la vraie signification de la pierre philosophale, une pile atomique très résistante à des impacts d'astéroïdes qui détruiraient la planète, des précisions ont été articulées sur les sites géologiques haïtiens contenant les richesses du sol qui peuvent produire un appareil supraconducteur pouvant protéger la planète des dangereuses collisions annoncées. A une question au sujet de savoir si l'homme peut réunir aussi le potentiel atomique d'un supraconducteur physique, le docteur Mathurin a avancé des données anatomiques et culturelles pour prouver que le corps humain détient aussi, dans des conditions idéales, les possibilités de télécommunication, de transportation et de défense atomique ».
Reste une question : en définitive, y a-t-il du pétrole à Haïti ? A la page 35 d’un document rédigé par les géologues du Bureau des Mines et de l’Energie de la République d’Haïti en août 2005, on lit : « en dépit de plusieurs campagnes de forages conduites entre 1945 et 1980 dans la plaine du Cul-de-Sac, la plaine de l'Artibonite, le Plateau Central et l'île de la Gonâve, aucun gisement de pétrole n'a été identifié. Cependant, des structures favorables existent. La plus importante est probablement le banc de Rochelois, haut fond du canal sud de la Gonâve qui se trouve en face de Miragoâne ».
Figure incontournable des conspirationnistes du 11-Septembre, Steven Jones doit une grande partie de sa notoriété à la publication d’un texte, co-signé par le chimiste danois Niels Harrit, tentant de démontrer que des traces d'explosifs auraient été retrouvées dans les débris du World Trade Center. Dans les années 1980, le professeur Jones, physicien de formation, s’était improvisé archéologue pour essayer de prouver que Jésus-Christ a visité en personne le continent américain il y a 2000 ans. Proche du journaliste d’extrême droite Christopher Bollyn, Jones a par ailleurs fait part, l'année dernière, de son intérêt pour les chemtrails, autre grand mythe conspirationniste contemporain. Steven Jones vient de récidiver.
« Une autre [crise] à laquelle vous n'avez peut-être jamais songé et que je vais aborder maintenant est Haïti. Maintenant, vous ne pensez pas à Haïti comme à une "crise générée". Mais saviez-vous que d'énormes réserves de pétrole ont été découvertes dans la baie, précisément dans la zone de Port-au-Prince ? D'énormes réserves de pétrole signalées en 2008 et considérées comme étant encore plus importante que les réserves pétrolières du Venezuela, qui est l'un des plus grands producteurs de pétrole dans le monde. Là encore, s'agit-il d'une crise "naturelle", d'une crise "réelle" ? Ou s'agit-il d'une de ces "crises générées" à la Biden [l’actuel vice-président des Etats-Unis – NDLR] ? C'est ce que je vais aborder pendant l'heure qui vient. Je n'ai pas encore de réponse sûre pour le moment » (voir la vidéo ci-dessous à 8 min. 50 sec.).
Jones fait aussi référence à l’expression « generated crisis » (« crise générée »), utilisée par le colistier de Barack Obama, Joe Biden, lors d’un discours public prononcé à Seattle à deux semaines de la fin de la campagne présidentielle de 2008. La phrase de Biden, sortie de son contexte, avait été montée en épingle par une partie de la presse conservatrice américaine, de Fox News à The American Thinker, qui l’avait interprété comme l’annonce d’une manipulation future, allant jusqu’à prophétiser l’avènement d’une dictature communiste aux Etats-Unis (voir ici).
Quant aux fameuses « réserves pétrolières haïtiennes », Steven Jones s’appuie sur les propos loufoques de deux conférenciers haïtiens, Daniel Mathurin et son épouse Ginette Pérodin Mathurin, rapportés en janvier 2008 par le site MetropoleHaiti.com. Selon eux, Haïti regorgerait d'hydrocarbures : « Une piscine olympique comparée à un verre d’eau, voilà la comparaison pour montrer l’importance des gisements de pétrole haïtien comparés à ceux du Venezuela » ! Las, ces fabuleux gisements de pétrole auraient été secrètement préemptés par les Etats-Unis, qui les auraient déclaré « réserves stratégiques », motif pour lequel ils ne seraient pas exploités…
Depuis plusieurs années, des partisans du président haïtien déchu Jean-Bertrand Aristide, que les Etats-Unis avaient poussé à quitter le pouvoir en 2004, développent le thème d’une conspiration de multinationales américaines qui consisterait à dissimuler délibérément aux Haïtiens l’existence de leurs ressources pétrolières, les maintenant ainsi de force dans la misère et le dénuement. On comprend, dès lors, la raison pour laquelle le nom de Daniel Mathurin a fait le tour du web. Seul problème : rien n’indique que le docteur Mathurin ou son épouse soient qualifiés pour estimer la richesse en or noir du sous-sol haïtien.
Un article du journal haïtien Le Nouvelliste, daté du 17 mars 2008, dresse le compte-rendu d’une conférence à laquelle sont intervenus les époux Mathurin. Il indique que Daniel Mathurin est « médecin interniste » et qu’il se serait « rendu au Canada pour se perfectionner dans le domaine de la fusion nucléaire » (!). Selon la même source, son épouse « a étudié le génie civil à l’Université d’Etat d’Haïti ». L’article ne signale aucune compétence universitaire en géologie ou en sismologie. De la même manière, aucune trace ne peut être trouvée de la moindre publication dans une revue scientifique signée Daniel ou Ginette Mathurin, pourtant fréquemment présentés comme des spécialistes en géologie ou en sismologie. Le Nouvelliste précise simplement que les époux sont les auteurs d’un livre publié en 1994 et intitulé : Le rêve d'Albert Einstein et la super symétrie. A priori, peu de choses à voir avec la prospection pétrolière. Toujours est-il que Daniel Mathurin semble nourrir une véritable passion pour le fantastique, tendance éclectique. Le Nouvelliste écrit :
« Si les considérations du docteur Mathurin laissent de l'espace à de plus larges considérations linguistiques sur l'origine judaïque des langues de la région qui n'auraient aucun rapport à voir avec le continent africain, ses approches au sujet de Christophe Colomb qui connaissait d'où il venait, l'île de Bensalem, dans sa quête de la pierre philosophale ont trouvé l'approbation enthousiaste de l'assistance. (…) A la suite des données avancées par le docteur Mathurin sur la vraie signification de la pierre philosophale, une pile atomique très résistante à des impacts d'astéroïdes qui détruiraient la planète, des précisions ont été articulées sur les sites géologiques haïtiens contenant les richesses du sol qui peuvent produire un appareil supraconducteur pouvant protéger la planète des dangereuses collisions annoncées. A une question au sujet de savoir si l'homme peut réunir aussi le potentiel atomique d'un supraconducteur physique, le docteur Mathurin a avancé des données anatomiques et culturelles pour prouver que le corps humain détient aussi, dans des conditions idéales, les possibilités de télécommunication, de transportation et de défense atomique ».
Reste une question : en définitive, y a-t-il du pétrole à Haïti ? A la page 35 d’un document rédigé par les géologues du Bureau des Mines et de l’Energie de la République d’Haïti en août 2005, on lit : « en dépit de plusieurs campagnes de forages conduites entre 1945 et 1980 dans la plaine du Cul-de-Sac, la plaine de l'Artibonite, le Plateau Central et l'île de la Gonâve, aucun gisement de pétrole n'a été identifié. Cependant, des structures favorables existent. La plus importante est probablement le banc de Rochelois, haut fond du canal sud de la Gonâve qui se trouve en face de Miragoâne ».
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