« En privé, ils ne sont pas nombreux les responsables LR à croire à cette théorie à douze bandes », explique Thomas Legrand sur France Inter...
Ce complotisme est une ligne de défense désespérée, mais qui peut avoir son efficacité, tant les théories du complot sont populaires en ce moment. S’agissant du surgissement des affaires, le premier réflexe de bien des Français (mais aussi de certains journalistes, parmi ceux qui n’ont jamais fait d’enquêtes) s’exprime avec ce genre d’interrogations : « qui a bien pu vouloir nuire ? » ; « Qui a fait fuiter cette affaire ? » ; « qui manipule qui ? ». On peut être un fan de House of Cards (je le suis !) et considérer – quand même – que la plupart des affaires sortent parce que le secret, autour des puissants, (surtout quand ils se rapprochent des plus hautes fonctions) est partagé par beaucoup de monde et qu’il a donc toutes les chances d’être trahi par de simples rouages, beaucoup plus que du fait de complots ourdis en haut lieu.
Si François Fillon a mis en relation un homme d’affaire libanais avec Total et Vladimir Poutine pour 50.000 dollars, il y a assez de monde dans ce processus, donc au courant, pour que ce travail d’entremetteur tarifé sorte, pour qu’un journaliste curieux tombe dessus… pas par hasard, certes, mais sans qu’il s’agisse de l’œuvre d’un cabinet noir tapis au sous-sol de l’Elysée. Les principales fuites judiciaires, policières ou du monde des affaires, sont, le plus souvent, le fait d’individus, soit choqués, soit militants, soit intéressés plus que manipulés. La révélation d’affaires doit répondre à certaines règles (dont les journalistes professionnels sont garants, contrairement aux trolls des réseaux sociaux). Ces règles respectées, n’est-il pas normal que les citoyens sachent qu’un candidat est redevable d’un porteur de valise de la France-Afrique (l’affaire des costumes offerts), ou qu’il a monnayé au près d’un négociant en pipelines, sa bonne relation avec le président russe, à propos duquel il se montre –par ailleurs- le défenseur zélé, s’agissant de sa politique extérieure ?
L’affaire qui touche Bruno Leroux devrait convaincre tout le monde qu’il n’y a pas de complot contre François Fillon ?
Et bien non… c’est le propre du complotisme, réel ou simulé, que de prendre un élément qui démonte l’idée de la machination, pour, au contraire une confirmation du complot… et même de son incroyable subtilité. Certains tordent le raisonnement jusqu’à considérer que François Hollande aurait sacrifié son ministre de l’Intérieur, l’un de ses plus fidèles lieutenants, pour masquer le complot et faire ainsi perdre quelques points à François Fillon. Le communiqué du PS appelant, hier, le candidat Fillon à se retirer donnait aux promoteurs de la théorie du complot un argument supplémentaire ! En fait, en privé, ils ne sont pas nombreux les responsables LR – même proches du candidat – à croire à cette théorie à 12 bandes. Mais c’est sans doute, à un mois du 1er tour, la seule défense possible, aussi absurde soit-elle. Et je sens bien que certains de nos auditeurs se demandent si je ne fais pas preuve d’une grande naïveté ou si je ne fais pas partie de ce complot justement ! Avec vous Patrick. Et vous Dominique, Charline, Alexandra… peut-être même Marie-Pierre Planchon !
Source : France Inter, 23 mars 2017.
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