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Antisémitisme : c'est celui qui le nie qui l'est

Publié par Marcel Waintrater26 septembre 2018

M. Corbyn ne se contente pas de se décerner à lui-même un satisfecit catégorique (« Je ne suis pas antisémite »). Il procède, par le fait même, à un blanchiment systématique de ce qui lui est reproché dans ce domaine. Puisqu’il n’est, à l’en croire, nullement antisémite, rien de ce qui lui a été reproché n’est antisémite, donc n’importe quel citoyen peut agir de même.

Fresque murale de Mear One (détail) dénonçant le "Nouvel Ordre Mondial".

En règle générale, je ne crois pas que l’on ait le droit de traiter une personne d’« antisémite » (ou de raciste, de xénophobe, etc.), comme s’il s’agissait là d’une caractéristique irrémédiablement enracinée sinon innée. On doit condamner des paroles et des actes antisémites (ou racistes, etc.), et demander des comptes à leurs auteurs. C’est seulement si ces derniers persévèrent dans leur comportement, soit en assumant soit en niant sa dimension antisémite (etc.), que l’on peut « essentialiser » la critique portée sur eux et les définir comme antisémites (ou racistes, ou xénophobes, etc.).

À cet égard, il semble que Jeremy Corbyn soit en train de franchir le Rubicon de l’antisémitisme, au-delà duquel nous ne pourrons plus décemment lui accorder le bénéfice du doute. Ainsi qu’on peut en juger par ses propos récents (voir la transcription intégrale de son interview du 23 septembre à la BBC), le chef du Parti travailliste britannique reconnaît avoir dit et fait des choses qu’il n’aurait pas dû dire ni faire ; poussé dans ses derniers retranchements, il concède parfois qu’il aurait dû s’en abstenir ; mais à aucun moment – j’insiste : à aucun moment – il n’admet que ces paroles et ces actes aient été en quoi que ce fût entachés d’antisémitisme. D’ailleurs, ne cesse-t-il de répéter, « je ne suis pas raciste, je ne suis pas antisémite ».

Par exemple, avoir approuvé et défendu une peinture murale (ci-dessus) où des banquiers au nez crochu dominent le monde, cela est aux yeux de M. Corbyn une peccadille. Il concède que le visuel était critiquable, mais il ne juge pas avoir mal agi en le soutenant car c’était pour une bonne cause. D’ailleurs, ajoute-t-il assez lamentablement, la caricature n’était pas vraiment antisémite puisqu’elle s’en prenait aussi aux francs-maçons.

De même, on sait que M. Corbyn a déclaré en public que les « sionistes » ne comprennent pas « l’ironie anglaise » – ce que l’interviewer de la BBC définit, non sans ironie, comme « A strange thing to say ». Mais c’était, explique maintenant le leader travailliste, pour défendre les Palestiniens… Non seulement il refuse de s’excuser, mais il ne comprend pas pourquoi de nombreux Juifs au sein de son parti ont été profondément affectés par cet écart verbal.

Le déni est ici bien plus qu’un facteur aggravant : il exprime une volonté de modifier les normes éthiques de la vie sociale, en légitimant par avance des comportements fautifs voire criminels. M. Corbyn ne se contente pas de se décerner à lui-même un satisfecit catégorique (« Je ne suis pas antisémite »). Il procède, par le fait même, à un blanchiment systématique de ce qui lui est reproché dans ce domaine. Puisqu’il n’est, à l’en croire, nullement antisémite, rien de ce qui lui a été reproché n’est antisémite, donc n’importe quel citoyen peut agir de même.

Croyez-vous que seul le Royaume-Uni soit concerné ?

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M. Corbyn ne se contente pas de se décerner à lui-même un satisfecit catégorique (« Je ne suis pas antisémite »). Il procède, par le fait même, à un blanchiment systématique de ce qui lui est reproché dans ce domaine. Puisqu’il n’est, à l’en croire, nullement antisémite, rien de ce qui lui a été reproché n’est antisémite, donc n’importe quel citoyen peut agir de même.

Fresque murale de Mear One (détail) dénonçant le "Nouvel Ordre Mondial".

En règle générale, je ne crois pas que l’on ait le droit de traiter une personne d’« antisémite » (ou de raciste, de xénophobe, etc.), comme s’il s’agissait là d’une caractéristique irrémédiablement enracinée sinon innée. On doit condamner des paroles et des actes antisémites (ou racistes, etc.), et demander des comptes à leurs auteurs. C’est seulement si ces derniers persévèrent dans leur comportement, soit en assumant soit en niant sa dimension antisémite (etc.), que l’on peut « essentialiser » la critique portée sur eux et les définir comme antisémites (ou racistes, ou xénophobes, etc.).

À cet égard, il semble que Jeremy Corbyn soit en train de franchir le Rubicon de l’antisémitisme, au-delà duquel nous ne pourrons plus décemment lui accorder le bénéfice du doute. Ainsi qu’on peut en juger par ses propos récents (voir la transcription intégrale de son interview du 23 septembre à la BBC), le chef du Parti travailliste britannique reconnaît avoir dit et fait des choses qu’il n’aurait pas dû dire ni faire ; poussé dans ses derniers retranchements, il concède parfois qu’il aurait dû s’en abstenir ; mais à aucun moment – j’insiste : à aucun moment – il n’admet que ces paroles et ces actes aient été en quoi que ce fût entachés d’antisémitisme. D’ailleurs, ne cesse-t-il de répéter, « je ne suis pas raciste, je ne suis pas antisémite ».

Par exemple, avoir approuvé et défendu une peinture murale (ci-dessus) où des banquiers au nez crochu dominent le monde, cela est aux yeux de M. Corbyn une peccadille. Il concède que le visuel était critiquable, mais il ne juge pas avoir mal agi en le soutenant car c’était pour une bonne cause. D’ailleurs, ajoute-t-il assez lamentablement, la caricature n’était pas vraiment antisémite puisqu’elle s’en prenait aussi aux francs-maçons.

De même, on sait que M. Corbyn a déclaré en public que les « sionistes » ne comprennent pas « l’ironie anglaise » – ce que l’interviewer de la BBC définit, non sans ironie, comme « A strange thing to say ». Mais c’était, explique maintenant le leader travailliste, pour défendre les Palestiniens… Non seulement il refuse de s’excuser, mais il ne comprend pas pourquoi de nombreux Juifs au sein de son parti ont été profondément affectés par cet écart verbal.

Le déni est ici bien plus qu’un facteur aggravant : il exprime une volonté de modifier les normes éthiques de la vie sociale, en légitimant par avance des comportements fautifs voire criminels. M. Corbyn ne se contente pas de se décerner à lui-même un satisfecit catégorique (« Je ne suis pas antisémite »). Il procède, par le fait même, à un blanchiment systématique de ce qui lui est reproché dans ce domaine. Puisqu’il n’est, à l’en croire, nullement antisémite, rien de ce qui lui a été reproché n’est antisémite, donc n’importe quel citoyen peut agir de même.

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à propos de l'auteur
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Marcel Waintrater
Membre du bureau de JCall en France, ancien directeur de L'Arche, le mensuel du judaïsme français.
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