Comment des rappeurs dont plusieurs morceaux sont ouvertement conspirationnistes ont-ils pu être récompensés par le plus prestigieux prix musical d’Allemagne ?
Ce sont deux phrases issues de l’album Jung, brutal, gutaussehend 3 (« Jeune, brutal et beau gosse 3 ») des rappeurs Farid Bang et Kollegah, qui ont déclenché la polémique outre-Rhin. Le premier se vante dans un morceau d’avoir un « corps plus dessiné que ceux des internés d’Auschwitz », tandis que le second promet de « commettre à nouveau un Holocauste » contre ses concurrents.
À sa sortie en décembre 2017, l’album ne fut que peu commenté et son retentissement se cantonna aux fans du duo, un public majoritairement adolescent.
La presse spécialisée le jugea par ailleurs de plutôt mauvaise qualité : Skinny, le critique de l’album sur le site de référence rap.de, remarque les deux phrases et estime que ces provocations de mauvais goût ne sont là que pour essayer de « sauver la face » en dépassant finalement de manière assez convenue les limites de la bienséance.
La polémique démarre véritablement le 12 avril dernier lorsque les nominations pour le prix Echo – l’équivalent des Victoires de la Musique en Allemagne – sont rendues publiques : l’album se retrouve automatiquement récompensé du fait de ses 250 000 exemplaires vendus et de ses millions d’écoutes en streaming. La charge est lancée par des grands titres de presse demandant l’exclusion des deux rappeurs de la compétition pour leurs sorties jugées antisémites.
Liberté d'expression, bon goût, second degré... et ligne rouge
Les deux rappeurs se défendent en rappelant que le comité d’éthique fédérale supervisant le contenu des œuvres mis en circulation n’a pas jugé son contenu comme dépassant les limites de la liberté d’expression garantie à tout citoyen outre-Rhin. En effet, aucune de ces deux phrases ne rentre en contradiction flagrante avec la loi allemande qui, à l’instar de la législation française, condamne la négation, l’approbation et la minimisation de la Shoah.
Le mauvais goût n’est pas, du reste, l’apanage du rap allemand. Faut-il rappeler le succès en France du groupe Sexion d’assaut qui, au-delà de son nom faisant référence à la SA nazie (Sturmabteilung), a dû à plusieurs reprises s’excuser de ses dérapages homophobes ?
Comme le rappelle l’éditorialiste de Die Welt, Dennis Sand, l’outrance est une composante essentielle du rap. Selon lui, le rap ne peut pas être interprété au premier degré.
La levée de bouclier face à ces punchlines tendancieuses pose donc la question du fossé qui existe entre ce que la loi autorise et la sensibilité de l’espace public à certains sujets. Si parodier la personne du Führer n’est plus un tabou en Allemagne depuis au moins une décennie, comme l’illustrent les sketchs de Jan Böhmermann sur ZDF Neo ou le succès de Er ist wieder da [Il est de retour] de Timur Vermes, la polémique autour des deux rappeurs semble montrer que la dérision sur la Shoah constitue toujours une ligne rouge dans le pays.
Il est par ailleurs remarquable que, des deux phrases incriminées, c’est celle sur le corps des prisonniers d’Auschwitz qui a de loin le plus marqué l’opinion et provoqué le plus de réactions ; en particulier celle, indignée, de la survivante de la Shoah, Esther Bajano, dans les pages du Bild Zeitung, qui a contraint Farid Bang à lui présenter de timides excuses, sans pour autant manquer de rappeler que ses innombrables auditeurs n’avaient en rien trouvé cette phrase choquante ou incitant à la haine.
Une défense populiste et un discours conspirationniste
S’il est certes de bon aloi de tolérer un certain « droit à l’outrance » en art, le duo de rappeurs semble largement en abuser. Comme le montre Jens-Christian Rabe dans un édito de la Süddeutsche Zeitung, les mécanismes de leur rhétorique de défense ont tout du populisme : puisqu’une supposée majorité silencieuse, sous-représentée dans les médias mainstream – à savoir leurs fans très actifs et avec lesquels ils sont en contact soutenus sur les réseaux sociaux –, ne voit « aucun problème » dans leurs injures antisémites, homophobes ou sexistes, c’est que « le problème » vient bien en réalité de ceux qui les attaquent.
C’est ainsi qu’ils ne prétendent pas seulement user d’une liberté qui est garantie à chacun, mais seraient en quelque sorte, tout du moins à les en croire, les « porte-voix » des « condamnés au silence » par les « puissances occultes ». De plus, ils se posent en véritables professeurs d’histoire « alternative » pour « les masses » tandis que Felix Blume, alias « Kollegah », exacerbe encore la confusion en entretenant volontairement l'ambiguïté entre sa personnalité propre et son double maléfique, le personnage qu’il incarne dans ses textes.
Aux accusations d’antisémitisme, Kollegah se contente de répondre en partageant sur sa page Facebook le message envoyé par l’un de ses fans se présentant comme juif et trouvant la polémique non avenue... Il va jusqu’à inviter ses fans juifs à ses concerts gratuitement, à vie, avec rencontre en backstage à la clé. Car, sans pour autant adopter le même vocabulaire qu’Alain Soral en France, Kollegah prétend lui aussi faire la différence entre les « Juifs du quotidien » et « les autres » : ceux du « complot ».
Une œuvre truffée d'allusions antisémites et antimaçonniques
L’univers que Kollegah a installé dans ses clips et ses textes est en effet truffé de références à la sous-culture conspirationniste contemporaine. Les allusions antisémites et antimaçonniques y sont fréquentes, la fascination pour l'ésotérisme, évidente, la dénonciation d'élites prétendument satanistes omniprésentes. Ainsi, en 2013 déjà, le rappeur reprenait à son compte les plus grosses « ficelles » de la théorie du complot dans son titre « N.W.O. » (pour « New World Order ») : il y est notamment question de présidents à la botte d’une « puissante minorité » et de guerres « sous le regard satisfait de l’œil omniscient »…
Converti à l’islam, prônant un rapprochement entre les chrétiens et les musulmans par leurs interprétations fondamentalistes communes, le rappeur s’évertue à publier un certain nombre de vidéos sur YouTube pour partager sa compréhension du Coran et des Évangiles, fait la promotion de sa vision de la religion et revendique son désaccord avec… la théorie de l’évolution.
Dans son titre « Apokalypse », sorti en 2016, Kollegah promeut une conception de l’histoire de l’humanité particulièrement manichéenne : il n'hésite pas à s’auto-portraiturer en combattant du Bien, en lutte contre un démon arborant un anneau gravé d’une étoile à six branches responsable des guerres, de la misère et du réchauffement climatique. La bataille finale a lieu dans une banque où la « Tête du Démon », le visage dissimulé sous des bandages, affronte Kollegah. À l'issue de la « victoire du Bien », les bouddhistes, les musulmans et les chrétiens peuvent enfin reconstruire un monde en paix, sans crime, sur les ruines de celui contrôlé par la magie noire des « Illuminati » depuis la chute de Babylone. Le texte finit en apothéose sur un autodafé de livres à l’« aura noire » sur les places des villages, pour que jamais « le Mal » ne revienne.
La fin de l’impunité pour les propos haineux en Allemagne ?
Alors même que les quelques extraits cités et commentés ici ne laissent finalement que peu de place au doute quant à la nature résolument complotiste et antisémite des textes de Kollegah, comment expliquer que le scandale n’explose et ne prenne cette ampleur qu’aujourd’hui, au sujet de punchlines pourtant plus difficilement condamnables, et alors que jusqu’ici les associations juives et de défense des droit – devrait-on dire de la « dignité » – des femmes et des homosexuels, se sentaient bien seules dans leur combat ? Cela tient sans doute à une combinaison de plusieurs facteurs.
Ainsi, un débat identique à celui qui a lieu actuellement en France sur le « nouvel antisémitisme », issu du radicalisme islamiste, a cours aujourd’hui en Allemagne. Suite à la diffusion récente d'images de l’attaque à coups de ceinture d’un jeune homme portant la kippa à Berlin par un réfugié originaire de Syrie, la question d’un « antisémitisme importé » des pays arabes ne peut plus être occultée. La Chancelière Angela Merkel comme les plus hauts responsables allemands sont forcés de reconnaître clairement cette nouvelle donnée dans la problématique de l’accueil des réfugiés. Il apparaît nécessaire de revoir les méthodes de qualification des actes et délits antisémites en vigueur : jusqu’ici, tous les délits de cette nature étaient automatiquement imputés à l'extrême-droite.
Reste que, si ce débat n'est pas directement en lien avec l’affaire Kollegah et Farid Bang, le tollé provoqué par cette agression aura certainement nourri indirectement la polémique sur l’attribution du prix Echo le jour même du souvenir de l’Holocauste en Israël. La question est désormais posée par de nombreux intellectuels, de grands titres de presse et même par la ministre fédérale de la justice, Katarina Barley : l’antisémitisme serait-il redevenu « salonfähig », autrement dit une opinion acceptable en société ?
Débattre ou sanctionner ?
Le discours révolté et combatif de Campino, chanteur du célèbre groupe punk « Die Toten Hosen », lors de l’ultime cérémonie Echo est également une clef pour comprendre la nature du scandale en cours : la présence de contenus sexistes, homophobes, antisémites et plus largement d’extrême-droite en compétition est pour lui une honte. Mais Campino invoque l'urgence de débattre plutôt que de boycotter, refuse de laisser les auteurs de propos injurieux se poser en victimes et défend une liberté d’expression et un droit à la provocation qui ne soient pas des alibis à la haine.
Difficile de ne pas se demander si l’ampleur du scandale ne serait pas une nouvelle manifestation de l’époque ouverte par le mouvement #MeToo. Plusieurs lauréats du label Echo – dont Daniel Barenboim et Renaud Capucon sont les exemples les mieux connus du public français – ont rejoint Campino dans son combat en annonçant leur intention de rendre les récompenses qu’ils avaient obtenues. Car au-delà des cas Kollegah et Farid Bang, c’est le système qui les laisse prospérer qui est mis en cause : les organisateurs du prix, les distributeurs et l’industrie du disque elle-même. Le 24 avril dernier, une plainte a été déposée contre les deux rappeurs, ainsi que contre le président du puissant Bertelsmann Music Group qui les distribuait encore récemment.
Ce sont deux phrases issues de l’album Jung, brutal, gutaussehend 3 (« Jeune, brutal et beau gosse 3 ») des rappeurs Farid Bang et Kollegah, qui ont déclenché la polémique outre-Rhin. Le premier se vante dans un morceau d’avoir un « corps plus dessiné que ceux des internés d’Auschwitz », tandis que le second promet de « commettre à nouveau un Holocauste » contre ses concurrents.
À sa sortie en décembre 2017, l’album ne fut que peu commenté et son retentissement se cantonna aux fans du duo, un public majoritairement adolescent.
La presse spécialisée le jugea par ailleurs de plutôt mauvaise qualité : Skinny, le critique de l’album sur le site de référence rap.de, remarque les deux phrases et estime que ces provocations de mauvais goût ne sont là que pour essayer de « sauver la face » en dépassant finalement de manière assez convenue les limites de la bienséance.
La polémique démarre véritablement le 12 avril dernier lorsque les nominations pour le prix Echo – l’équivalent des Victoires de la Musique en Allemagne – sont rendues publiques : l’album se retrouve automatiquement récompensé du fait de ses 250 000 exemplaires vendus et de ses millions d’écoutes en streaming. La charge est lancée par des grands titres de presse demandant l’exclusion des deux rappeurs de la compétition pour leurs sorties jugées antisémites.
Liberté d'expression, bon goût, second degré... et ligne rouge
Les deux rappeurs se défendent en rappelant que le comité d’éthique fédérale supervisant le contenu des œuvres mis en circulation n’a pas jugé son contenu comme dépassant les limites de la liberté d’expression garantie à tout citoyen outre-Rhin. En effet, aucune de ces deux phrases ne rentre en contradiction flagrante avec la loi allemande qui, à l’instar de la législation française, condamne la négation, l’approbation et la minimisation de la Shoah.
Le mauvais goût n’est pas, du reste, l’apanage du rap allemand. Faut-il rappeler le succès en France du groupe Sexion d’assaut qui, au-delà de son nom faisant référence à la SA nazie (Sturmabteilung), a dû à plusieurs reprises s’excuser de ses dérapages homophobes ?
Comme le rappelle l’éditorialiste de Die Welt, Dennis Sand, l’outrance est une composante essentielle du rap. Selon lui, le rap ne peut pas être interprété au premier degré.
La levée de bouclier face à ces punchlines tendancieuses pose donc la question du fossé qui existe entre ce que la loi autorise et la sensibilité de l’espace public à certains sujets. Si parodier la personne du Führer n’est plus un tabou en Allemagne depuis au moins une décennie, comme l’illustrent les sketchs de Jan Böhmermann sur ZDF Neo ou le succès de Er ist wieder da [Il est de retour] de Timur Vermes, la polémique autour des deux rappeurs semble montrer que la dérision sur la Shoah constitue toujours une ligne rouge dans le pays.
Il est par ailleurs remarquable que, des deux phrases incriminées, c’est celle sur le corps des prisonniers d’Auschwitz qui a de loin le plus marqué l’opinion et provoqué le plus de réactions ; en particulier celle, indignée, de la survivante de la Shoah, Esther Bajano, dans les pages du Bild Zeitung, qui a contraint Farid Bang à lui présenter de timides excuses, sans pour autant manquer de rappeler que ses innombrables auditeurs n’avaient en rien trouvé cette phrase choquante ou incitant à la haine.
Une défense populiste et un discours conspirationniste
S’il est certes de bon aloi de tolérer un certain « droit à l’outrance » en art, le duo de rappeurs semble largement en abuser. Comme le montre Jens-Christian Rabe dans un édito de la Süddeutsche Zeitung, les mécanismes de leur rhétorique de défense ont tout du populisme : puisqu’une supposée majorité silencieuse, sous-représentée dans les médias mainstream – à savoir leurs fans très actifs et avec lesquels ils sont en contact soutenus sur les réseaux sociaux –, ne voit « aucun problème » dans leurs injures antisémites, homophobes ou sexistes, c’est que « le problème » vient bien en réalité de ceux qui les attaquent.
C’est ainsi qu’ils ne prétendent pas seulement user d’une liberté qui est garantie à chacun, mais seraient en quelque sorte, tout du moins à les en croire, les « porte-voix » des « condamnés au silence » par les « puissances occultes ». De plus, ils se posent en véritables professeurs d’histoire « alternative » pour « les masses » tandis que Felix Blume, alias « Kollegah », exacerbe encore la confusion en entretenant volontairement l'ambiguïté entre sa personnalité propre et son double maléfique, le personnage qu’il incarne dans ses textes.
Aux accusations d’antisémitisme, Kollegah se contente de répondre en partageant sur sa page Facebook le message envoyé par l’un de ses fans se présentant comme juif et trouvant la polémique non avenue... Il va jusqu’à inviter ses fans juifs à ses concerts gratuitement, à vie, avec rencontre en backstage à la clé. Car, sans pour autant adopter le même vocabulaire qu’Alain Soral en France, Kollegah prétend lui aussi faire la différence entre les « Juifs du quotidien » et « les autres » : ceux du « complot ».
Une œuvre truffée d'allusions antisémites et antimaçonniques
L’univers que Kollegah a installé dans ses clips et ses textes est en effet truffé de références à la sous-culture conspirationniste contemporaine. Les allusions antisémites et antimaçonniques y sont fréquentes, la fascination pour l'ésotérisme, évidente, la dénonciation d'élites prétendument satanistes omniprésentes. Ainsi, en 2013 déjà, le rappeur reprenait à son compte les plus grosses « ficelles » de la théorie du complot dans son titre « N.W.O. » (pour « New World Order ») : il y est notamment question de présidents à la botte d’une « puissante minorité » et de guerres « sous le regard satisfait de l’œil omniscient »…
Converti à l’islam, prônant un rapprochement entre les chrétiens et les musulmans par leurs interprétations fondamentalistes communes, le rappeur s’évertue à publier un certain nombre de vidéos sur YouTube pour partager sa compréhension du Coran et des Évangiles, fait la promotion de sa vision de la religion et revendique son désaccord avec… la théorie de l’évolution.
Dans son titre « Apokalypse », sorti en 2016, Kollegah promeut une conception de l’histoire de l’humanité particulièrement manichéenne : il n'hésite pas à s’auto-portraiturer en combattant du Bien, en lutte contre un démon arborant un anneau gravé d’une étoile à six branches responsable des guerres, de la misère et du réchauffement climatique. La bataille finale a lieu dans une banque où la « Tête du Démon », le visage dissimulé sous des bandages, affronte Kollegah. À l'issue de la « victoire du Bien », les bouddhistes, les musulmans et les chrétiens peuvent enfin reconstruire un monde en paix, sans crime, sur les ruines de celui contrôlé par la magie noire des « Illuminati » depuis la chute de Babylone. Le texte finit en apothéose sur un autodafé de livres à l’« aura noire » sur les places des villages, pour que jamais « le Mal » ne revienne.
La fin de l’impunité pour les propos haineux en Allemagne ?
Alors même que les quelques extraits cités et commentés ici ne laissent finalement que peu de place au doute quant à la nature résolument complotiste et antisémite des textes de Kollegah, comment expliquer que le scandale n’explose et ne prenne cette ampleur qu’aujourd’hui, au sujet de punchlines pourtant plus difficilement condamnables, et alors que jusqu’ici les associations juives et de défense des droit – devrait-on dire de la « dignité » – des femmes et des homosexuels, se sentaient bien seules dans leur combat ? Cela tient sans doute à une combinaison de plusieurs facteurs.
Ainsi, un débat identique à celui qui a lieu actuellement en France sur le « nouvel antisémitisme », issu du radicalisme islamiste, a cours aujourd’hui en Allemagne. Suite à la diffusion récente d'images de l’attaque à coups de ceinture d’un jeune homme portant la kippa à Berlin par un réfugié originaire de Syrie, la question d’un « antisémitisme importé » des pays arabes ne peut plus être occultée. La Chancelière Angela Merkel comme les plus hauts responsables allemands sont forcés de reconnaître clairement cette nouvelle donnée dans la problématique de l’accueil des réfugiés. Il apparaît nécessaire de revoir les méthodes de qualification des actes et délits antisémites en vigueur : jusqu’ici, tous les délits de cette nature étaient automatiquement imputés à l'extrême-droite.
Reste que, si ce débat n'est pas directement en lien avec l’affaire Kollegah et Farid Bang, le tollé provoqué par cette agression aura certainement nourri indirectement la polémique sur l’attribution du prix Echo le jour même du souvenir de l’Holocauste en Israël. La question est désormais posée par de nombreux intellectuels, de grands titres de presse et même par la ministre fédérale de la justice, Katarina Barley : l’antisémitisme serait-il redevenu « salonfähig », autrement dit une opinion acceptable en société ?
Débattre ou sanctionner ?
Le discours révolté et combatif de Campino, chanteur du célèbre groupe punk « Die Toten Hosen », lors de l’ultime cérémonie Echo est également une clef pour comprendre la nature du scandale en cours : la présence de contenus sexistes, homophobes, antisémites et plus largement d’extrême-droite en compétition est pour lui une honte. Mais Campino invoque l'urgence de débattre plutôt que de boycotter, refuse de laisser les auteurs de propos injurieux se poser en victimes et défend une liberté d’expression et un droit à la provocation qui ne soient pas des alibis à la haine.
Difficile de ne pas se demander si l’ampleur du scandale ne serait pas une nouvelle manifestation de l’époque ouverte par le mouvement #MeToo. Plusieurs lauréats du label Echo – dont Daniel Barenboim et Renaud Capucon sont les exemples les mieux connus du public français – ont rejoint Campino dans son combat en annonçant leur intention de rendre les récompenses qu’ils avaient obtenues. Car au-delà des cas Kollegah et Farid Bang, c’est le système qui les laisse prospérer qui est mis en cause : les organisateurs du prix, les distributeurs et l’industrie du disque elle-même. Le 24 avril dernier, une plainte a été déposée contre les deux rappeurs, ainsi que contre le président du puissant Bertelsmann Music Group qui les distribuait encore récemment.
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