Consistant à mettre en cause le droit de l'État d’Israël à exister en tant qu’État des Juifs, l'antisionisme s'oppose au droit du peuple juif à l'auto-détermination. Il s'accompagne généralement du refus de considérer qu'il existe un peuple juif ayant, à ce titre, le droit de choisir librement son destin dans le cadre d'un État-nation souverain. Ainsi, la diabolisation du sionisme, par exemple en l'assimilant à une forme de racisme (comme le faisait une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée en 1975 puis révoquée en 1991) relève de l'antisionisme.
L'antisionisme vise moins ce que fait Israël que ce qu'est Israël. Il doit ainsi être distingué de la critique, la réprobation ou la condamnation d'une ou de politiques mises en oeuvre par l'État d’Israël – il n'existe d'ailleurs aucun mot autonome servant à désigner la critique spécifique de tel ou tel aspect des politiques mises en oeuvre par d'autres États dans le monde. L'antisionisme ne se résume pas non plus au simple fait de ne pas adhérer au sionisme (on parlerait alors plutôt d'« a-sionisme »). Comme l'explique Meïr Waintrater, président de la section française de JCall, « le discours antisioniste se présente d’abord comme une critique systématique de l’État d’Israël [...], le mot "sionisme" étant censé résumer tout ce qui rend Israël intrinsèquement haïssable. L’antisionisme ainsi conçu ne vise pas plus le sionisme que l’antisémitisme ne vise les sémites ; il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’une opération lexicale visant à faire passer une pulsion agressive pour un réflexe de défense. »
Historiquement, dans la période qui précède la création de l'État d'Israël en 1948, l'antisionisme a d'abord consisté en une attitude de rejet à l'égard du projet sioniste. En ce sens, on peut distinguer un antisionisme juif, d'inspiration religieuse (émanant principalement des milieux orthodoxes qui considèrent que le « retour à Sion » doit être précédé de la venue du Messie) ou politique (dans ses versions aussi bien socialiste qu'assimilationniste), et un antisionisme de facture conspirationniste relevant pour l'essentiel d'un élargissement de la rhétorique antisémite à de nouveaux objets : le mouvement sioniste, puis l'État d'Israël. Ainsi, quelques mois seulement après le premier congrès sioniste de Bâle (1897), la Civilta Cattolica, revue jésuite à l'époque très imprégnée d'antisémitisme, projette sur le mouvement sioniste naissant des thèmes d'accusation classiquement antijuifs. De la même manière, le faux antisémite connu sous le nom de Protocoles des Sages de Sion a régulièrement été présenté par ses commentateurs comme les minutes de réunions secrètes tenues lors du congrès sioniste de Bâle (1897). Il est également paru en 1924 sous le titre de Protocoles sionistes.
Dans un texte paru sous le titre « Un autre automne allemand », l'historien Moishe Postone formule le problème que constitue la résurgence d'un antisémitisme de gauche sous les habits de l'antisionisme :
« Je pense qu’il est politiquement important que le plus de monde possible à gauche prenne au sérieux les expressions d’antisémitisme qui se sont répandues parmi des groupes qui se considèrent comme anti-impérialistes. Peut-être cela peut aussi amener à une longue et tardive clarification théorique. La question n’est pas que l’on puisse ou non critiquer des politiques israéliennes. Les politiques israéliennes devraient être critiquées, particulièrement celles qui ont visé à saper n’importe quelle possibilité de créer un État palestinien viable en Cisjordanie et à Gaza. Cependant, la critique du "sionisme" répandue dans beaucoup de cercles anti-impérialistes va au-delà d’une critique des politiques israéliennes. Elle attribue à Israël et aux "sionistes" une malveillance unique et une puissance globale de conspirateur.
Israël n’est pas critiqué comme d’autres pays sont critiqués – mais comme l’incarnation de ce qui est profondément et fondamentalement le Mal. Bref, la représentation d’Israël et des "sionistes" pour cette forme d’"anti-impérialisme", d’"anti-sionisme", est essentiellement la même que celle des Juifs dans l’antisémitisme virulent qui a trouvé son expression la plus pure dans le nazisme. Dans les deux cas, "la solution" est la même – l’élimination au nom de l’émancipation ».
Pour aller plus loin :
(Dernière mise à jour le 06/05/2024)
Consistant à mettre en cause le droit de l'État d’Israël à exister en tant qu’État des Juifs, l'antisionisme s'oppose au droit du peuple juif à l'auto-détermination. Il s'accompagne généralement du refus de considérer qu'il existe un peuple juif ayant, à ce titre, le droit de choisir librement son destin dans le cadre d'un État-nation souverain. Ainsi, la diabolisation du sionisme, par exemple en l'assimilant à une forme de racisme (comme le faisait une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée en 1975 puis révoquée en 1991) relève de l'antisionisme.
L'antisionisme vise moins ce que fait Israël que ce qu'est Israël. Il doit ainsi être distingué de la critique, la réprobation ou la condamnation d'une ou de politiques mises en oeuvre par l'État d’Israël – il n'existe d'ailleurs aucun mot autonome servant à désigner la critique spécifique de tel ou tel aspect des politiques mises en oeuvre par d'autres États dans le monde. L'antisionisme ne se résume pas non plus au simple fait de ne pas adhérer au sionisme (on parlerait alors plutôt d'« a-sionisme »). Comme l'explique Meïr Waintrater, président de la section française de JCall, « le discours antisioniste se présente d’abord comme une critique systématique de l’État d’Israël [...], le mot "sionisme" étant censé résumer tout ce qui rend Israël intrinsèquement haïssable. L’antisionisme ainsi conçu ne vise pas plus le sionisme que l’antisémitisme ne vise les sémites ; il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’une opération lexicale visant à faire passer une pulsion agressive pour un réflexe de défense. »
Historiquement, dans la période qui précède la création de l'État d'Israël en 1948, l'antisionisme a d'abord consisté en une attitude de rejet à l'égard du projet sioniste. En ce sens, on peut distinguer un antisionisme juif, d'inspiration religieuse (émanant principalement des milieux orthodoxes qui considèrent que le « retour à Sion » doit être précédé de la venue du Messie) ou politique (dans ses versions aussi bien socialiste qu'assimilationniste), et un antisionisme de facture conspirationniste relevant pour l'essentiel d'un élargissement de la rhétorique antisémite à de nouveaux objets : le mouvement sioniste, puis l'État d'Israël. Ainsi, quelques mois seulement après le premier congrès sioniste de Bâle (1897), la Civilta Cattolica, revue jésuite à l'époque très imprégnée d'antisémitisme, projette sur le mouvement sioniste naissant des thèmes d'accusation classiquement antijuifs. De la même manière, le faux antisémite connu sous le nom de Protocoles des Sages de Sion a régulièrement été présenté par ses commentateurs comme les minutes de réunions secrètes tenues lors du congrès sioniste de Bâle (1897). Il est également paru en 1924 sous le titre de Protocoles sionistes.
Dans un texte paru sous le titre « Un autre automne allemand », l'historien Moishe Postone formule le problème que constitue la résurgence d'un antisémitisme de gauche sous les habits de l'antisionisme :
« Je pense qu’il est politiquement important que le plus de monde possible à gauche prenne au sérieux les expressions d’antisémitisme qui se sont répandues parmi des groupes qui se considèrent comme anti-impérialistes. Peut-être cela peut aussi amener à une longue et tardive clarification théorique. La question n’est pas que l’on puisse ou non critiquer des politiques israéliennes. Les politiques israéliennes devraient être critiquées, particulièrement celles qui ont visé à saper n’importe quelle possibilité de créer un État palestinien viable en Cisjordanie et à Gaza. Cependant, la critique du "sionisme" répandue dans beaucoup de cercles anti-impérialistes va au-delà d’une critique des politiques israéliennes. Elle attribue à Israël et aux "sionistes" une malveillance unique et une puissance globale de conspirateur.
Israël n’est pas critiqué comme d’autres pays sont critiqués – mais comme l’incarnation de ce qui est profondément et fondamentalement le Mal. Bref, la représentation d’Israël et des "sionistes" pour cette forme d’"anti-impérialisme", d’"anti-sionisme", est essentiellement la même que celle des Juifs dans l’antisémitisme virulent qui a trouvé son expression la plus pure dans le nazisme. Dans les deux cas, "la solution" est la même – l’élimination au nom de l’émancipation ».
Pour aller plus loin :
(Dernière mise à jour le 06/05/2024)
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