Ardisson ne s’était jamais vraiment exprimé sur le fond de l’affaire. C’est désormais chose faite. Le 12 janvier dernier, invité de l’émission de Guillaume Durand, « Face aux Français », diffusée sur France 2, il a confié ses doutes sur le 11-Septembre.
La découverte du passeport de Mohammed Atta, chef du commando terroriste et pilote du Vol 11 d’American Airlines, paraît difficile à avaler. Surtout lorsqu’on nous dit qu’il a été retrouvé intact, sur le haut d’un tas de gravas à Ground Zero malgré le crash de l’avion, l’incendie qui s’en est suivi et l’effondrement final des Twin Towers. L’« histoire du passeport magique », réputé « indestructible », a suscité de nombreux sarcasmes. Pour beaucoup, la découverte « miraculeuse » des papiers d’identité appartenant aux pirates de l’air relèverait d’une manipulation soigneusement mise en scène, destinée à arranger les affaires de ceux qui voulaient faire porter le chapeau à Al-Qaïda. Et comment, en effet, ne pas être troublé lorsqu’on nous présente les choses ainsi ? Le problème, c’est que les choses ne se sont pas déroulées ainsi (1).
Thierry Ardisson a raison sur un point : un passeport d’un des pirates de l’air a effectivement été retrouvé au World Trade Center. Mais l'animateur est mal informé.
Surtout, ledit passeport n’a pas été retrouvé « au sommet d'une pile de gravas » ou, comme le prétend – encore une fois à tort – l'humoriste Jean-Marie Bigard dans une vidéo consacrée à ce sujet, dans un immense tas de poussière, mais dans la rue, après que les avions ont percuté les tours mais avant – la précision a son importance – que celles-ci ne s’effondrent.
En réalité, le passeport retrouvé appartenait à Satam al Suqami, l’un des cinq pirates de l’air qui a détourné le vol 11 d’American Airlines. Il a été versé comme pièce à conviction lors de l’instruction du procès de Zacarias Moussaoui. Selon le rapport officiel de la Commission d’enquête sur le 11-Septembre, ce passeport a été ramassé par un passant un peu avant que les tours du WTC ne s’effondrent et confié à un inspecteur de la police de New-York du nom de Yuk H. Chin, qui l’a lui-même ensuite remis personnellement au FBI (3).
Près de dix ans après les attentats du 11-Septembre, pas un seul auteur conspirationniste, aux Etats-Unis ou dans le reste du monde, n’a cherché à contacter l’inspecteur Yuk H. Chin et à l’interviewer afin d’obtenir des précisions sur les circonstances dans lesquelles ce document lui a été remis. La confusion qui pouvait régner alors aux pieds des tours en flammes pourrait expliquer la raison pour laquelle il n’a pas relevé l’identité du passant en question, mais jusqu’à présent, aucun « chercheur de Vérité » autoproclamé n’a essayé de le joindre pour lui poser la question. De sorte que rien, en l’état, ne permet d’affirmer que ce policier new-yorkais aurait menti ou ferait partie du « Grand Complot ».
Quant au mobile, il est loin d’apparaître clairement : pourquoi aurait-on fabriqué un faux passeport, alors même que le nom de Satam al Suqami était de toutes façons inscrit en toutes lettres sur la liste des passagers du vol ?
Le fait sur lequel aucun des partisans de la thèse complotiste ne s’attarde est qu’entre le moment où les avions se sont écrasés dans les tours et celui où elles se sont effondrées, le sol des rues en contrebas du World Trade Center était jonché de débris issus des immeubles mais aussi des avions qui venaient de s’y cracher, comme on peut le constater sur ces photos. Sur l’une d’elles, on aperçoit ainsi deux hommes en train d’examiner un bout de siège provenant de l’avion qui a percuté la tour Nord du WTC.
Des gilets de sauvetage et des parties de sièges de l’avion ont par ailleurs été retrouvés sur les toits d’immeubles en contrebas comme le Bankers Trust ou le One Liberty Plaza.
De même, de nombreux débris et affaires appartenant aux passagers du Vol 93 de la United Airlines, qui s’est écrasé dans un champ à Shanksville, en Pennsylvanie, ont été retrouvés (4) : des documents appartenant à CeeCee Lyles, le permis de conduire de John Talignani, mais aussi le passeport du pirate de l’air Saeed al-Ghamdi et une partie de celui de son complice Ziad Jarrah.
Une carte d'étudiant saoudienne établie au nom de Majed Moqed, l’un des pirates de l’air du vol 77 d'American Airlines, a enfin été retrouvée dans les décombres du Pentagone… de même, ici encore, que plusieurs autres effets personnels appartenant aux passagers.
Evidemment, de telles découvertes ne lassent pas d’étonner. Personne ne s’attendait à ce que l’on retrouve autant d’objets, parfois intacts. Peut-être, tout simplement, parce qu’avant le 11-Septembre, personne ne s’attendait au 11-Septembre.
Notes :
(1) David Ray Griffin, un professeur de théologie américain reconverti dans l’écriture d’ouvrages conspirationnistes et le consulting, soutient par exemple dans le texte de l’une de ses conférences intitulée “ 9/11: The Myth and the Reality ”, que « le passeport de l’un des preneurs d’otages du Vol 11 aurait été retrouvé dans les décombres » et aurait « survécu à l’incendie provoqué par le crash sur la tour Nord ».
(2) Le quotidien britannique The Guardian avait repris cette information erronée dans son édition du 19 mars 2002 et contribué à lui donner un certain crédit.
(3) La note 109 du rapport (p. 40) explique : “ The passport was recovered by NYPD Detective Yuk H. Chin from a male passerby in a business suit, about 30 years old. The passerby left before being identified, while debris was falling from WTC 2. The tower collapsed shortly thereafter. The detective then gave the passport to the FBI on 9/11. See FBI report, interview of Detective Chin, Sept. 12, 2001. ”
(4) Lire par exemple Steve Levin, “ Flight 93 victims' effects to go back to families ”, Post-Gazette, 30 décembre 2001.
Ardisson ne s’était jamais vraiment exprimé sur le fond de l’affaire. C’est désormais chose faite. Le 12 janvier dernier, invité de l’émission de Guillaume Durand, « Face aux Français », diffusée sur France 2, il a confié ses doutes sur le 11-Septembre.
La découverte du passeport de Mohammed Atta, chef du commando terroriste et pilote du Vol 11 d’American Airlines, paraît difficile à avaler. Surtout lorsqu’on nous dit qu’il a été retrouvé intact, sur le haut d’un tas de gravas à Ground Zero malgré le crash de l’avion, l’incendie qui s’en est suivi et l’effondrement final des Twin Towers. L’« histoire du passeport magique », réputé « indestructible », a suscité de nombreux sarcasmes. Pour beaucoup, la découverte « miraculeuse » des papiers d’identité appartenant aux pirates de l’air relèverait d’une manipulation soigneusement mise en scène, destinée à arranger les affaires de ceux qui voulaient faire porter le chapeau à Al-Qaïda. Et comment, en effet, ne pas être troublé lorsqu’on nous présente les choses ainsi ? Le problème, c’est que les choses ne se sont pas déroulées ainsi (1).
Thierry Ardisson a raison sur un point : un passeport d’un des pirates de l’air a effectivement été retrouvé au World Trade Center. Mais l'animateur est mal informé.
Surtout, ledit passeport n’a pas été retrouvé « au sommet d'une pile de gravas » ou, comme le prétend – encore une fois à tort – l'humoriste Jean-Marie Bigard dans une vidéo consacrée à ce sujet, dans un immense tas de poussière, mais dans la rue, après que les avions ont percuté les tours mais avant – la précision a son importance – que celles-ci ne s’effondrent.
En réalité, le passeport retrouvé appartenait à Satam al Suqami, l’un des cinq pirates de l’air qui a détourné le vol 11 d’American Airlines. Il a été versé comme pièce à conviction lors de l’instruction du procès de Zacarias Moussaoui. Selon le rapport officiel de la Commission d’enquête sur le 11-Septembre, ce passeport a été ramassé par un passant un peu avant que les tours du WTC ne s’effondrent et confié à un inspecteur de la police de New-York du nom de Yuk H. Chin, qui l’a lui-même ensuite remis personnellement au FBI (3).
Près de dix ans après les attentats du 11-Septembre, pas un seul auteur conspirationniste, aux Etats-Unis ou dans le reste du monde, n’a cherché à contacter l’inspecteur Yuk H. Chin et à l’interviewer afin d’obtenir des précisions sur les circonstances dans lesquelles ce document lui a été remis. La confusion qui pouvait régner alors aux pieds des tours en flammes pourrait expliquer la raison pour laquelle il n’a pas relevé l’identité du passant en question, mais jusqu’à présent, aucun « chercheur de Vérité » autoproclamé n’a essayé de le joindre pour lui poser la question. De sorte que rien, en l’état, ne permet d’affirmer que ce policier new-yorkais aurait menti ou ferait partie du « Grand Complot ».
Quant au mobile, il est loin d’apparaître clairement : pourquoi aurait-on fabriqué un faux passeport, alors même que le nom de Satam al Suqami était de toutes façons inscrit en toutes lettres sur la liste des passagers du vol ?
Le fait sur lequel aucun des partisans de la thèse complotiste ne s’attarde est qu’entre le moment où les avions se sont écrasés dans les tours et celui où elles se sont effondrées, le sol des rues en contrebas du World Trade Center était jonché de débris issus des immeubles mais aussi des avions qui venaient de s’y cracher, comme on peut le constater sur ces photos. Sur l’une d’elles, on aperçoit ainsi deux hommes en train d’examiner un bout de siège provenant de l’avion qui a percuté la tour Nord du WTC.
Des gilets de sauvetage et des parties de sièges de l’avion ont par ailleurs été retrouvés sur les toits d’immeubles en contrebas comme le Bankers Trust ou le One Liberty Plaza.
De même, de nombreux débris et affaires appartenant aux passagers du Vol 93 de la United Airlines, qui s’est écrasé dans un champ à Shanksville, en Pennsylvanie, ont été retrouvés (4) : des documents appartenant à CeeCee Lyles, le permis de conduire de John Talignani, mais aussi le passeport du pirate de l’air Saeed al-Ghamdi et une partie de celui de son complice Ziad Jarrah.
Une carte d'étudiant saoudienne établie au nom de Majed Moqed, l’un des pirates de l’air du vol 77 d'American Airlines, a enfin été retrouvée dans les décombres du Pentagone… de même, ici encore, que plusieurs autres effets personnels appartenant aux passagers.
Evidemment, de telles découvertes ne lassent pas d’étonner. Personne ne s’attendait à ce que l’on retrouve autant d’objets, parfois intacts. Peut-être, tout simplement, parce qu’avant le 11-Septembre, personne ne s’attendait au 11-Septembre.
Notes :
(1) David Ray Griffin, un professeur de théologie américain reconverti dans l’écriture d’ouvrages conspirationnistes et le consulting, soutient par exemple dans le texte de l’une de ses conférences intitulée “ 9/11: The Myth and the Reality ”, que « le passeport de l’un des preneurs d’otages du Vol 11 aurait été retrouvé dans les décombres » et aurait « survécu à l’incendie provoqué par le crash sur la tour Nord ».
(2) Le quotidien britannique The Guardian avait repris cette information erronée dans son édition du 19 mars 2002 et contribué à lui donner un certain crédit.
(3) La note 109 du rapport (p. 40) explique : “ The passport was recovered by NYPD Detective Yuk H. Chin from a male passerby in a business suit, about 30 years old. The passerby left before being identified, while debris was falling from WTC 2. The tower collapsed shortly thereafter. The detective then gave the passport to the FBI on 9/11. See FBI report, interview of Detective Chin, Sept. 12, 2001. ”
(4) Lire par exemple Steve Levin, “ Flight 93 victims' effects to go back to families ”, Post-Gazette, 30 décembre 2001.
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