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Assassinat de Malcolm X : sa famille dénonce un complot… et sombre dans le complotisme

Publié par Nicolas Bernard18 novembre 2024, ,

La famille de Malcolm X accuse le FBI, la CIA, le Ministère de la Justice et la police de New York d’avoir comploté son assassinat en 1965. Au risque de céder aux sirènes du complotisme.

Montage CW.

« J’ai toujours été convaincu que je périrais dans la violence, relatait Malcolm X dans son autobiographie. J’ai fait tout mon possible pour m’y préparer. » Mots prophétiques : le 21 février 1965, alors qu’il s’apprêtait à prononcer un discours dans une salle de théâtre de New York, le célèbre militant s’effondrait sous vingt-et une balles tirées par plusieurs assassins, afro-américains comme lui. La fin d’une vie, le début d’une affaire à rebondissements où l'incertitude persiste, ce qui fait le lit des allégations complotistes.

Dernière péripétie en date : le 15 novembre 2024, la famille de Malcolm X, assistée par l'avocat Benjamin Crump (qui s’est spécialisé dans les affaires de violences policières), réclament une indemnité de 100 millions de dollars au gouvernement américain, au Ministère de la Justice, au FBI, à la CIA et à la police de New York, accusés d'avoir joué un rôle dans l'assassinat. Mais son dossier est-il solide, ou ne se révèle-t-il qu’une resucée conspirationniste ?

Malcolm X, un mort en sursis

Malcolm X ne manquait pas d’ennemis, comme l’atteste son parcours. Né Malcolm Little en 1925, il avait débuté comme délinquant avant d’être transfiguré par son expérience carcérale, abandonnant son patronyme « d’esclave » pour celui de « X », s’engageant simultanément en politique. Longtemps figure charismatique du mouvement suprématiste et musulman afro-américain « Nation of Islam », il l’avait quitté avec fracas en 1964, se rapprochant de mouvements de droits civiques non-violents, tels que celui conduit par Martin Luther King.

Ce faisant, il s’était attiré l’hostilité, non seulement du FBI d’Edgar Hoover, qui le surveillait, mais également de « Nation of Islam », dont plusieurs cadres le menaçaient plus ou moins ouvertement de mort : projet d’attentat à la voiture piégée en février 1964, incendie de sa maison le 14 février 1965, sans parler de plusieurs allusions à sa décapitation prochaine

Malgré ces éléments, l’enquête policière sur le meurtre de Malcolm X ne brille pas par sa rigueur. L’un des assassins, Thomas Hagan (alias Mujahid Abdul Halim), membre de « Nation of Islam », est effectivement interpellé et avoue sa participation. Deux autres membres de cette organisation, Norman Butler (alias Muhammad Abdul Aziz) et Thomas Johnson (alias Khalil Islam), sont également reconnus coupables de l’assassinat en 1966, mais seront innocentés en... 2021, grâce à une nouvelle investigation relancée à la suite du succès d’un documentaire Netflix ! Thomas Hagan, du reste, n’avait cessé de nier leur complicité.

Entre-temps, les incertitudes que la première enquête n’avait pas dissipées ont généré des théories complotistes incriminant, comme toujours, le FBI et/ou la CIA. Le 21 février 2021, coup de théâtre : les proches d’un ancien inspecteur de la police new-yorkaise, Raymond Wood, publient une lettre posthume par laquelle ce dernier aurait incriminé sa hiérarchie, ainsi que le FBI. Plus précisément, Wood aurait prêté la main à une provocation policière conduisant à l’arrestation de deux membres de la garde rapprochée de Malcolm X peu avant l’attentat, affaiblissant sa sécurité et facilitant ainsi la mission des tueurs. Des allégations prétendument étayées en février 2024 par les deux militants victimes de ce coup monté.

Affaire non classée

Mais à lire ces diverses déclarations, force est de constater leur fragilité. Particulièrement tardives, elles consistent, pour l’essentiel, en un échafaudage de suppositions, selon lesquelles le FBI et la police de New York auraient surtout laissé se commettre le meurtre, sans qu’émerge l’identité du ou des commanditaires. La lettre posthume de Raymond Wood, véritable socle du dossier présenté par Benjamin Crump, apparaît elle-même suspecte : la fille du défunt policier l’a dénoncée comme un faux, et des historiens ont mis en cause la crédibilité de ses assertions.

Et pour cause : au-delà des invraisemblances de cette lettre (qui va jusqu’à attribuer à Wood un grade erroné dans la police new-yorkaise), il est établi que c’est bel et bien Malcolm X lui-même qui a réduit sa sécurité, de crainte de dissuader les gens d’assister à ses meetings. Notamment, rappelle le Washington Post, il avait ordonné à son équipe de ne pas porter d'armes et de ne fouiller personne à l’entrée de la salle de théâtre où il allait être assassiné. Bref, les éventuels conspirateurs n’avaient nul besoin de monter le stratagème passablement compliqué décrit par la lettre attribuée à Raymond Wood…

A ce jour, le mystère reste entier. Si les véritables responsables de l’attentat sont vraisemblablement à rechercher du côté de « Nation of Islam », l’interrogation demeure : les tueurs ont-ils été excités par le climat de haine que propageaient les dirigeants de l’organisation à l’encontre de Malcolm X, ou ont-ils obéi à un ordre en bonne et due forme ? Pour ne citer que lui, Louis Farrakhan, l’un des prédicateurs de « Nation of Islam » (qu’il dirigera à compter de 1978), avait dit de Malcolm X qu’il « mérite la mort » moins de deux mois avant son assassinat, des mots qu’il condamnera publiquement en 2000.

Ce qui soulève une autre question : le FBI et la police de New York, qui avaient infiltré « Nation of Islam », ont-ils su qu’un attentat se tramait ? En l’état actuel des sources, impossible de trancher. En ce sens, la plainte déposée par la famille de Malcolm X, loin de jeter un nouvel éclairage sur ce dossier, est susceptible de l’obscurcir davantage. Complotisme et vérité historique ne font jamais bon ménage.

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Montage CW.

« J’ai toujours été convaincu que je périrais dans la violence, relatait Malcolm X dans son autobiographie. J’ai fait tout mon possible pour m’y préparer. » Mots prophétiques : le 21 février 1965, alors qu’il s’apprêtait à prononcer un discours dans une salle de théâtre de New York, le célèbre militant s’effondrait sous vingt-et une balles tirées par plusieurs assassins, afro-américains comme lui. La fin d’une vie, le début d’une affaire à rebondissements où l'incertitude persiste, ce qui fait le lit des allégations complotistes.

Dernière péripétie en date : le 15 novembre 2024, la famille de Malcolm X, assistée par l'avocat Benjamin Crump (qui s’est spécialisé dans les affaires de violences policières), réclament une indemnité de 100 millions de dollars au gouvernement américain, au Ministère de la Justice, au FBI, à la CIA et à la police de New York, accusés d'avoir joué un rôle dans l'assassinat. Mais son dossier est-il solide, ou ne se révèle-t-il qu’une resucée conspirationniste ?

Malcolm X, un mort en sursis

Malcolm X ne manquait pas d’ennemis, comme l’atteste son parcours. Né Malcolm Little en 1925, il avait débuté comme délinquant avant d’être transfiguré par son expérience carcérale, abandonnant son patronyme « d’esclave » pour celui de « X », s’engageant simultanément en politique. Longtemps figure charismatique du mouvement suprématiste et musulman afro-américain « Nation of Islam », il l’avait quitté avec fracas en 1964, se rapprochant de mouvements de droits civiques non-violents, tels que celui conduit par Martin Luther King.

Ce faisant, il s’était attiré l’hostilité, non seulement du FBI d’Edgar Hoover, qui le surveillait, mais également de « Nation of Islam », dont plusieurs cadres le menaçaient plus ou moins ouvertement de mort : projet d’attentat à la voiture piégée en février 1964, incendie de sa maison le 14 février 1965, sans parler de plusieurs allusions à sa décapitation prochaine

Malgré ces éléments, l’enquête policière sur le meurtre de Malcolm X ne brille pas par sa rigueur. L’un des assassins, Thomas Hagan (alias Mujahid Abdul Halim), membre de « Nation of Islam », est effectivement interpellé et avoue sa participation. Deux autres membres de cette organisation, Norman Butler (alias Muhammad Abdul Aziz) et Thomas Johnson (alias Khalil Islam), sont également reconnus coupables de l’assassinat en 1966, mais seront innocentés en... 2021, grâce à une nouvelle investigation relancée à la suite du succès d’un documentaire Netflix ! Thomas Hagan, du reste, n’avait cessé de nier leur complicité.

Entre-temps, les incertitudes que la première enquête n’avait pas dissipées ont généré des théories complotistes incriminant, comme toujours, le FBI et/ou la CIA. Le 21 février 2021, coup de théâtre : les proches d’un ancien inspecteur de la police new-yorkaise, Raymond Wood, publient une lettre posthume par laquelle ce dernier aurait incriminé sa hiérarchie, ainsi que le FBI. Plus précisément, Wood aurait prêté la main à une provocation policière conduisant à l’arrestation de deux membres de la garde rapprochée de Malcolm X peu avant l’attentat, affaiblissant sa sécurité et facilitant ainsi la mission des tueurs. Des allégations prétendument étayées en février 2024 par les deux militants victimes de ce coup monté.

Affaire non classée

Mais à lire ces diverses déclarations, force est de constater leur fragilité. Particulièrement tardives, elles consistent, pour l’essentiel, en un échafaudage de suppositions, selon lesquelles le FBI et la police de New York auraient surtout laissé se commettre le meurtre, sans qu’émerge l’identité du ou des commanditaires. La lettre posthume de Raymond Wood, véritable socle du dossier présenté par Benjamin Crump, apparaît elle-même suspecte : la fille du défunt policier l’a dénoncée comme un faux, et des historiens ont mis en cause la crédibilité de ses assertions.

Et pour cause : au-delà des invraisemblances de cette lettre (qui va jusqu’à attribuer à Wood un grade erroné dans la police new-yorkaise), il est établi que c’est bel et bien Malcolm X lui-même qui a réduit sa sécurité, de crainte de dissuader les gens d’assister à ses meetings. Notamment, rappelle le Washington Post, il avait ordonné à son équipe de ne pas porter d'armes et de ne fouiller personne à l’entrée de la salle de théâtre où il allait être assassiné. Bref, les éventuels conspirateurs n’avaient nul besoin de monter le stratagème passablement compliqué décrit par la lettre attribuée à Raymond Wood…

A ce jour, le mystère reste entier. Si les véritables responsables de l’attentat sont vraisemblablement à rechercher du côté de « Nation of Islam », l’interrogation demeure : les tueurs ont-ils été excités par le climat de haine que propageaient les dirigeants de l’organisation à l’encontre de Malcolm X, ou ont-ils obéi à un ordre en bonne et due forme ? Pour ne citer que lui, Louis Farrakhan, l’un des prédicateurs de « Nation of Islam » (qu’il dirigera à compter de 1978), avait dit de Malcolm X qu’il « mérite la mort » moins de deux mois avant son assassinat, des mots qu’il condamnera publiquement en 2000.

Ce qui soulève une autre question : le FBI et la police de New York, qui avaient infiltré « Nation of Islam », ont-ils su qu’un attentat se tramait ? En l’état actuel des sources, impossible de trancher. En ce sens, la plainte déposée par la famille de Malcolm X, loin de jeter un nouvel éclairage sur ce dossier, est susceptible de l’obscurcir davantage. Complotisme et vérité historique ne font jamais bon ménage.

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à propos de l'auteur
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Nicolas Bernard
Nicolas Bernard, avocat, contribue régulièrement à Conspiracy Watch depuis 2017. Il co-anime avec Gilles Karmasyn le site Pratique de l’Histoire et Dévoiements négationnistes (PHDN.org). Il est également l’auteur, aux éditions Tallandier, de La Guerre germano-soviétique (« Texto », 2020), de La Guerre du Pacifique (« Texto », 2019) et de Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944. Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie (2024).
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