Ce week-end se tient à la Bourse du Travail de Saint-Denis un événement intitulé « Bandung du Nord, vers une Internationale Décoloniale ». Au risque de cautionner des personnalités qui se sont déjà illustrées en matière de complotisme et d'antisémitisme ?
Le comité organisateur de Bandung du Nord annonce la tenue, du 4 au 6 mai 2018, de « la première conférence internationale de personnes de couleur » pour traiter des « questions concernant les "non-blancs" vivant dans le nord global ». Son ambition ? Créer une « Internationale Décoloniale qui scellerait une alliance politique entre les mouvements décoloniaux d'Occident ».
Au total, pas moins de 40 orateurs devraient se relayer tout au long du week-end sous la houlette de quatre « parrains » : Angela Davis et Fred Hampton Jr., figures mythiques des Black Panthers, l'Irakien Muntadhar al-Zaidi, connu depuis 2008 pour avoir lancé ses chaussures sur le président américain George W. Bush lors d’une conférence de presse, et l'indépendantiste guadeloupéen Élie Domota que l'on a récemment vu fraterniser avec le militant « panafricaniste » et complotiste Kemi Seba.
Comme le note le site Ikhwan Info, l’événement a pour but de rassembler « les mouvances indigéniste et islamiste (tendance Frères musulmans et Hezbollah) » dans une perspective « décoloniale ».
Lire, sur le site de la Fondation Jean-Jaurès : « Radiographie de la mouvance décoloniale : entre influence culturelle et tentations politiques »
Ce n'est pas la première fois que l'héritage de la conférence intercontinentale organisée dans la ville indonésienne de Bandung en 1955 est revendiqué. En 2005, l'auteur conspirationniste Thierry Meyssan avait été à l'initiative d'une conférence « anti-impérialiste », Axis for Peace, se réclamant explicitement du mouvement des non-alignés et de la conférence de Bandung.
Sur le programme de l'événement de ce week-end, on reconnaît les noms de militants du Parti des Indigènes de la République (PIR) et d'un porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), mais aussi plusieurs signataires d'un texte de soutien à Tariq Ramadan – écroué depuis plusieurs semaines pour des accusations de viols – comme Ismahane Chouder, Sihame Assbague. Mireille Fanon-Mendès France, Ramón Grosfoguel, ou Aminata Traoré. Avec, en gage de crédibilité, la présence de plusieurs universitaires tels que Ludivine Bantigny, Nacira Guénif-Souilamas ou Françoise Vergès. La journaliste Rokhaya Diallo animera également une table-ronde. Au risque de véhiculer une vision racialiste de la société et de cautionner des personnalités qui se sont déjà illustrées en matière de complotisme ?
« Discuter avec Ben Laden »
L'événement met en effet en avant la porte-parole du PIR, Houria Bouteldja, pour qui « les juifs sont [...] les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe ». Interviendront également le sociologue Saïd Bouamama, proche de la mouvance indigéniste et chroniqueur régulier du site Investig'Action de Michel Collon (participant d’Axis for Peace) ainsi que Youssef Boussoumah, qui s'était illustré en décembre 2016 en suggérant que l'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie était « une commande de l'Otan ».
Mais c'est surtout la présence du Belge Nordine Saidi qui interroge. Membre fondateur du Mouvement Citoyen Palestine (2002), du parti EGALITE (2009) et de Bruxelles Panthères (2012), Saidi se définit comme un « animateur social et militant anticolonialiste ». Il est aussi, selon le site du Centre communautaire laïc juif (CCLJ), « l'un des soutiens le plus actifs de Dieudonné en Belgique ». Nombre de ses engagements et déclarations attestent en effet de ses accointances avec la mouvance conspirationniste la plus radicale. Proche du PIR, Nordine Saidi s'est illustré par son refus de condamner les attentats terroristes. En mai 2009, il déclare :
« Je comprends les attentats suicides ou terroristes sans nécessairement les justifier. En tout cas, je m’interdis de condamner des faits sans parler des causes. Oui, je refuse de condamner des attentats terroristes ! Pour avoir un débat serein sur les attentats suicides, il faut pouvoir parler du pourquoi de ces actes en Palestine ou ailleurs car ce ne sont pas les Palestiniens qui possèdent 200 têtes nucléaires, des chars militaires et des avions F16 mais bien Israël et c’est l’Etat d’Israël qui pratique une politique terroriste et raciste contre la population palestinienne. […] Si on veut éviter les attentats, il faudra un moment accepter de discuter même avec Ben Laden ».
Dans la même veine, il publie en mai 2015 un tweet (ci-contre) suggérant que les services secrets israéliens sont « derrière les attentats de Charlie Hebdo ».
Quelques mois plus tard, il publie sur son compte Facebook une photo de lui posant avec un couteau devant un drapeau palestinien. Le cliché est accompagné d'un commentaire dans lequel il prend clairement parti contre la non-violence, justifiant la vague d'attentats au couteau qui frappait alors les Israéliens, civils comme militaires.
En novembre 2009, Nordine Saidi a été exclu du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (MRAX) en raison de la présence sur son blog de textes « glissant vers l’antisémitisme et le négationnisme » selon le conseil d'administration de l'association antiraciste belge. Il apparaît peu après dans la liste des signataires de la pétition « pour l’abrogation de la loi Gayssot et la libération de Vincent Reynouard » lancée à l’initiative de Paul-Éric Blanrue et Jean Bricmont en août 2010. Son nom y côtoie, entre autres, ceux d'Alain Soral (Égalité & Réconciliaton), de l’ancien collaborateur et milicien François Brigneau, de Jérôme Bourbon (directeur du journal d'extrême droite Rivarol) ou encore de Dieudonné M’Bala M’Bala.
Nordin Saidi a d'ailleurs organisé un débat sur le thème « Est-il permis de débattre avec Dieudonné ? » le 30 mars 2012 à Bruxelles en présence du réalisateur du documentaire, Olivier Mukuna... lui aussi signataire de la pétition pour la libération du négationniste Vincent Reynouard – le réalisateur belge a d'ailleurs été récompensé en 2009 par une « quenelle d'or » !
Nordine Saidi était, en 2014, le premier suppléant à la Région de Bruxelles sur la liste du parti ISLAM (pour « Intégrité, Solidarité, Liberté, Authenticité et Moralité »), une formation un temps ralliée par l'ex-député d'extrême droite Laurent Louis poursuivi aujourd’hui – une nouvelle fois – pour antisémitisme et négationnisme. Récemment, le fondateur et actuel trésorier du parti, Redouane Ahrouch, expliquait que son mouvement visait à aboutir à l'instauration d'un Etat islamique en Belgique et souhaitait que, dans les transports publics, « les hommes montent à l'avant et les femmes à l'arrière ».
Le programme de Bandung du Nord ne prévoit cependant pas de table-ronde sur la non-mixité dans les bus.
Ce week-end se tient à la Bourse du Travail de Saint-Denis un événement intitulé « Bandung du Nord, vers une Internationale Décoloniale ». Au risque de cautionner des personnalités qui se sont déjà illustrées en matière de complotisme et d'antisémitisme ?
Le comité organisateur de Bandung du Nord annonce la tenue, du 4 au 6 mai 2018, de « la première conférence internationale de personnes de couleur » pour traiter des « questions concernant les "non-blancs" vivant dans le nord global ». Son ambition ? Créer une « Internationale Décoloniale qui scellerait une alliance politique entre les mouvements décoloniaux d'Occident ».
Au total, pas moins de 40 orateurs devraient se relayer tout au long du week-end sous la houlette de quatre « parrains » : Angela Davis et Fred Hampton Jr., figures mythiques des Black Panthers, l'Irakien Muntadhar al-Zaidi, connu depuis 2008 pour avoir lancé ses chaussures sur le président américain George W. Bush lors d’une conférence de presse, et l'indépendantiste guadeloupéen Élie Domota que l'on a récemment vu fraterniser avec le militant « panafricaniste » et complotiste Kemi Seba.
Comme le note le site Ikhwan Info, l’événement a pour but de rassembler « les mouvances indigéniste et islamiste (tendance Frères musulmans et Hezbollah) » dans une perspective « décoloniale ».
Lire, sur le site de la Fondation Jean-Jaurès : « Radiographie de la mouvance décoloniale : entre influence culturelle et tentations politiques »
Ce n'est pas la première fois que l'héritage de la conférence intercontinentale organisée dans la ville indonésienne de Bandung en 1955 est revendiqué. En 2005, l'auteur conspirationniste Thierry Meyssan avait été à l'initiative d'une conférence « anti-impérialiste », Axis for Peace, se réclamant explicitement du mouvement des non-alignés et de la conférence de Bandung.
Sur le programme de l'événement de ce week-end, on reconnaît les noms de militants du Parti des Indigènes de la République (PIR) et d'un porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), mais aussi plusieurs signataires d'un texte de soutien à Tariq Ramadan – écroué depuis plusieurs semaines pour des accusations de viols – comme Ismahane Chouder, Sihame Assbague. Mireille Fanon-Mendès France, Ramón Grosfoguel, ou Aminata Traoré. Avec, en gage de crédibilité, la présence de plusieurs universitaires tels que Ludivine Bantigny, Nacira Guénif-Souilamas ou Françoise Vergès. La journaliste Rokhaya Diallo animera également une table-ronde. Au risque de véhiculer une vision racialiste de la société et de cautionner des personnalités qui se sont déjà illustrées en matière de complotisme ?
« Discuter avec Ben Laden »
L'événement met en effet en avant la porte-parole du PIR, Houria Bouteldja, pour qui « les juifs sont [...] les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe ». Interviendront également le sociologue Saïd Bouamama, proche de la mouvance indigéniste et chroniqueur régulier du site Investig'Action de Michel Collon (participant d’Axis for Peace) ainsi que Youssef Boussoumah, qui s'était illustré en décembre 2016 en suggérant que l'assassinat de l'ambassadeur de Russie en Turquie était « une commande de l'Otan ».
Mais c'est surtout la présence du Belge Nordine Saidi qui interroge. Membre fondateur du Mouvement Citoyen Palestine (2002), du parti EGALITE (2009) et de Bruxelles Panthères (2012), Saidi se définit comme un « animateur social et militant anticolonialiste ». Il est aussi, selon le site du Centre communautaire laïc juif (CCLJ), « l'un des soutiens le plus actifs de Dieudonné en Belgique ». Nombre de ses engagements et déclarations attestent en effet de ses accointances avec la mouvance conspirationniste la plus radicale. Proche du PIR, Nordine Saidi s'est illustré par son refus de condamner les attentats terroristes. En mai 2009, il déclare :
« Je comprends les attentats suicides ou terroristes sans nécessairement les justifier. En tout cas, je m’interdis de condamner des faits sans parler des causes. Oui, je refuse de condamner des attentats terroristes ! Pour avoir un débat serein sur les attentats suicides, il faut pouvoir parler du pourquoi de ces actes en Palestine ou ailleurs car ce ne sont pas les Palestiniens qui possèdent 200 têtes nucléaires, des chars militaires et des avions F16 mais bien Israël et c’est l’Etat d’Israël qui pratique une politique terroriste et raciste contre la population palestinienne. […] Si on veut éviter les attentats, il faudra un moment accepter de discuter même avec Ben Laden ».
Quelques mois plus tard, il publie sur son compte Facebook une photo de lui posant avec un couteau devant un drapeau palestinien. Le cliché est accompagné d'un commentaire dans lequel il prend clairement parti contre la non-violence, justifiant la vague d'attentats au couteau qui frappait alors les Israéliens, civils comme militaires.
En novembre 2009, Nordine Saidi a été exclu du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (MRAX) en raison de la présence sur son blog de textes « glissant vers l’antisémitisme et le négationnisme » selon le conseil d'administration de l'association antiraciste belge. Il apparaît peu après dans la liste des signataires de la pétition « pour l’abrogation de la loi Gayssot et la libération de Vincent Reynouard » lancée à l’initiative de Paul-Éric Blanrue et Jean Bricmont en août 2010. Son nom y côtoie, entre autres, ceux d'Alain Soral (Égalité & Réconciliaton), de l’ancien collaborateur et milicien François Brigneau, de Jérôme Bourbon (directeur du journal d'extrême droite Rivarol) ou encore de Dieudonné M’Bala M’Bala.
Nordin Saidi a d'ailleurs organisé un débat sur le thème « Est-il permis de débattre avec Dieudonné ? » le 30 mars 2012 à Bruxelles en présence du réalisateur du documentaire, Olivier Mukuna... lui aussi signataire de la pétition pour la libération du négationniste Vincent Reynouard – le réalisateur belge a d'ailleurs été récompensé en 2009 par une « quenelle d'or » !
Nordine Saidi était, en 2014, le premier suppléant à la Région de Bruxelles sur la liste du parti ISLAM (pour « Intégrité, Solidarité, Liberté, Authenticité et Moralité »), une formation un temps ralliée par l'ex-député d'extrême droite Laurent Louis poursuivi aujourd’hui – une nouvelle fois – pour antisémitisme et négationnisme. Récemment, le fondateur et actuel trésorier du parti, Redouane Ahrouch, expliquait que son mouvement visait à aboutir à l'instauration d'un Etat islamique en Belgique et souhaitait que, dans les transports publics, « les hommes montent à l'avant et les femmes à l'arrière ».
Le programme de Bandung du Nord ne prévoit cependant pas de table-ronde sur la non-mixité dans les bus.
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