Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Caroline Fourest, les obsédés du complot et l'inquiétante obsession de Pascal Boniface

Publié par Rudy Reichstadt13 février 2013,

Dans une tribune publiée lundi, Pascal Boniface reprochait à Caroline Fourest d'user de méthodes douteuses dans un documentaire diffusé sur France 5, "les obsédés du complot". Rudy Reichstadt, fondateur du site Conspiracy Watch, y est également cité et souhaite répondre à la sortie du directeur de l'Iris.

Diffusé la semaine dernière sur France 5, le documentaire de Caroline Fourest sur les "obsédés du complot", premier volet d’une série de quatre films sur les "réseaux de l’extrême", a suscité, comme on pouvait s’y attendre, l'ire unanime de tout ce qu'Internet compte de conspirationnistes. Chose rare, les critiques et les tentatives d’intimidation ont commencé plusieurs jours avant la diffusion du film. L’ambassadeur d’Iran en personne s’est même fendu d’un courrier en recommandé au président de France Télévisions pour le faire déprogrammer !

Plus troublante, la sortie de Pascal Boniface mise en ligne lundi 11 février sur Le Plus du Nouvel Obs. Pascal Boniface a-t-il voulu saisir l’occasion – une de plus – de poursuivre son interminable règlement de comptes avec Caroline Fourest ? S’est-il senti visé par un documentaire qui, du reste, ne parle pas une seule fois de lui ? Ou a-t-il, précisément, été déçu de ne pas y figurer ?

Une attaque inepte

Toujours est-il que Pascal Boniface a cru devoir, deux jours avant la diffusion du film de Caroline Fourest, se répandre sur les réseaux sociaux en écrivant que cette dernière était "elle-même obsédée par le complot des islamistes contre la France" !

Comment répondre à l’ineptie d’une telle attaque ? Pour en prendre toute la mesure, on peut se reporter à l’interview que Caroline Fourest m’a accordée il y a trois ans, lorsque Riposte Laïque, un site proche de l’extrême droite identitaire, la présentait comme une « fonctionnaire d’Eurabia » et l’accusait de complicité avec les islamistes.

Mais ce n’est pas tout car Pascal Boniface – à propos duquel je n’ai pas souvenir d’avoir jamais écrit la moindre ligne – me met ensuite personnellement en cause.

Il se trouve en effet que Caroline Fourest m’a interviewé pour son documentaire (la petite heure et demie pendant laquelle nous nous sommes rencontrés pour tourner cette séquence est d’ailleurs ma seule contribution au film). Elle m’a interviewé en ma qualité d’animateur de Conspiracy Watch, un site que j’ai fondé en 2007 de ma propre initiative, dont je suis le seul maître à bord et dont je ne retire aucune rétribution.

Caroline Fourest a également interviewé les journalistes Jean Guisnel (Le Point) et Fabrice Arfi (Mediapart) ou le politologue Bertrand Badie. Boniface tait complètement leur participation au film. Il indique cependant « qu’il n’aurait pas été inutile pour l'information du public de préciser [que je suis] également collaborateur à la revue "ProChoix" que dirige Caroline Fourest ».

J’ai effectivement écrit des textes pour ProChoix, sur des sujets divers. Comme j’en ai écrit pour d’autres revues ou sites internet. Mais en quoi ma participation à ProChoix, que personne ne cherche à dissimuler – sauf peut-être dans l’esprit de Pascal Boniface –, est-elle de nature à éclairer le sujet du documentaire de Caroline Fourest ? En quoi rend-elle mon témoignage suspect ?

Il faut lire la phrase qui suit pour comprendre où veut apparemment en venir Pascal Boniface : « un rapide coup d'œil sur le site de Conspiracy Watch confirme que ce site est principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne. » D’ailleurs, la théorie du complot dénoncée par Caroline Fourest n’est-elle pas « toujours centrée contre ceux qui mettent en cause les politiques américaine et israélienne » comme il l’explique quelques lignes plus haut ?

CQFD. A mots couverts, Boniface insinue que, si Caroline Fourest a réalisé un documentaire sur les obsédés du complot, c’est parce qu’elle roule secrètement pour « l’alliance américano-israélienne » !

Au-delà de la dimension comique du propos, qui trahit les obsessions bien réelles de Pascal Boniface, le procès d’intention qui m’est fait – à savoir que Conspiracy Watch serait « principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne » – est assez inquiétant. Surtout venant d’un auteur qui ne manque pas une occasion de se plaindre d’être victime lui-même des pires procès d’intention.

Un tel procédé est inquiétant car il signifie que Pascal Boniface est capable de se forger une opinion sur un site qui existe depuis cinq ans et compte près d’un millier de publications en « un rapide coup d’œil » – comme il l’écrit lui-même. Il est inquiétant car il signifie que Pascal Boniface confond la défense de la politique de l’Etat d’Israël avec la critique de fantasmes conspirationnistes aux remugles antisémites.

Que Pascal Boniface se rassure : ni Caroline Fourest ni moi ne l’avons attendu pour user de notre droit à critiquer ce qu’il appelle « la politique israélienne ». Je ne l’ai pas attendu, en particulier, pour critiquer la théorie du complot sur la mort de Mohamed Al Dura et je crois même être l’un de ceux qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour mettre à jour l’inanité des arguments conspirationnistes accusant Charles Enderlin d’avoir couvert une prétendue « mise en scène ».

Quant à Caroline Fourest, elle a consacré l’un des épisodes de sa série documentaire à ceux qui tentent d’importer le conflit israélo-palestinien en France, n’épargnant ni les « antisionistes » radicaux ni leurs rivaux mimétiques comme la LDJ, un groupe pro-israélien d’extrême droite.

Au fond, il semble que, pour Pascal Boniface, le problème est que ni Caroline Fourest ni moi ne nous levons chaque matin en nous demandant de quelle manière nous allons pouvoir critiquer la politique israélienne. Que voulez-vous : à chacun ses marottes !

Mais le plus préoccupant dans cette attaque est peut-être que Pascal Boniface reprend à son compte un reproche qui ne m’a jamais été adressé jusqu’alors que par des obsédés de la théorie du complot.

Je veux donc le dire très clairement, sans autre argument que ma bonne foi et en comptant sur la bonne foi de ceux qui voudront bien se rendre sur mon site pour se faire une idée par eux-mêmes : il est non seulement faux mais aussi absurde de prétendre que Conspiracy Watch est principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne.

En revanche, s’il s’agit de dire que je critique les fantasmes complotistes, je plaide coupable. On objectera que la critique des théories du complot visant Israël occupe une place non négligeable sur Conspiracy Watch. C’est exact. Mais cela est le reflet de ce que produit la complosphère. C’est un fait que les théories du complot prenant pour cible les Juifs et leurs avatars, qui s’attaquent à « l’axe américano-sioniste » comme disent Dieudonné ou Thierry Meyssan, sont, de très loin, surreprésentées dans la somme des mystifications que le web conspirationniste charrie quotidiennement.

J’aimerais qu’il en aille autrement mais c’est ainsi. Si Pascal Boniface s’intéressait sérieusement aux formes contemporaines du conspirationnisme, comme phénomène social et comme fait politique, il finirait par dresser le même constat.

La critique des théories du complot antijuives relève de la préoccupation que tout démocrate devrait partager face à la persistance de l’imaginaire antisémite et au recyclage, sous les oripeaux de « l’antisionisme », de ses thèmes les plus éculés. Je me désole que Pascal Boniface ait choisi de prêter le renfort de sa voix à toutes celles, marginales mais très bruyantes, qui alimentent et banalisent ce genre de propagande.

 

(Tribune publiée sur Le Plus du Nouvel Obs le 13 février 2013)

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Dans une tribune publiée lundi, Pascal Boniface reprochait à Caroline Fourest d'user de méthodes douteuses dans un documentaire diffusé sur France 5, "les obsédés du complot". Rudy Reichstadt, fondateur du site Conspiracy Watch, y est également cité et souhaite répondre à la sortie du directeur de l'Iris.

Diffusé la semaine dernière sur France 5, le documentaire de Caroline Fourest sur les "obsédés du complot", premier volet d’une série de quatre films sur les "réseaux de l’extrême", a suscité, comme on pouvait s’y attendre, l'ire unanime de tout ce qu'Internet compte de conspirationnistes. Chose rare, les critiques et les tentatives d’intimidation ont commencé plusieurs jours avant la diffusion du film. L’ambassadeur d’Iran en personne s’est même fendu d’un courrier en recommandé au président de France Télévisions pour le faire déprogrammer !

Plus troublante, la sortie de Pascal Boniface mise en ligne lundi 11 février sur Le Plus du Nouvel Obs. Pascal Boniface a-t-il voulu saisir l’occasion – une de plus – de poursuivre son interminable règlement de comptes avec Caroline Fourest ? S’est-il senti visé par un documentaire qui, du reste, ne parle pas une seule fois de lui ? Ou a-t-il, précisément, été déçu de ne pas y figurer ?

Une attaque inepte

Toujours est-il que Pascal Boniface a cru devoir, deux jours avant la diffusion du film de Caroline Fourest, se répandre sur les réseaux sociaux en écrivant que cette dernière était "elle-même obsédée par le complot des islamistes contre la France" !

Comment répondre à l’ineptie d’une telle attaque ? Pour en prendre toute la mesure, on peut se reporter à l’interview que Caroline Fourest m’a accordée il y a trois ans, lorsque Riposte Laïque, un site proche de l’extrême droite identitaire, la présentait comme une « fonctionnaire d’Eurabia » et l’accusait de complicité avec les islamistes.

Mais ce n’est pas tout car Pascal Boniface – à propos duquel je n’ai pas souvenir d’avoir jamais écrit la moindre ligne – me met ensuite personnellement en cause.

Il se trouve en effet que Caroline Fourest m’a interviewé pour son documentaire (la petite heure et demie pendant laquelle nous nous sommes rencontrés pour tourner cette séquence est d’ailleurs ma seule contribution au film). Elle m’a interviewé en ma qualité d’animateur de Conspiracy Watch, un site que j’ai fondé en 2007 de ma propre initiative, dont je suis le seul maître à bord et dont je ne retire aucune rétribution.

Caroline Fourest a également interviewé les journalistes Jean Guisnel (Le Point) et Fabrice Arfi (Mediapart) ou le politologue Bertrand Badie. Boniface tait complètement leur participation au film. Il indique cependant « qu’il n’aurait pas été inutile pour l'information du public de préciser [que je suis] également collaborateur à la revue "ProChoix" que dirige Caroline Fourest ».

J’ai effectivement écrit des textes pour ProChoix, sur des sujets divers. Comme j’en ai écrit pour d’autres revues ou sites internet. Mais en quoi ma participation à ProChoix, que personne ne cherche à dissimuler – sauf peut-être dans l’esprit de Pascal Boniface –, est-elle de nature à éclairer le sujet du documentaire de Caroline Fourest ? En quoi rend-elle mon témoignage suspect ?

Il faut lire la phrase qui suit pour comprendre où veut apparemment en venir Pascal Boniface : « un rapide coup d'œil sur le site de Conspiracy Watch confirme que ce site est principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne. » D’ailleurs, la théorie du complot dénoncée par Caroline Fourest n’est-elle pas « toujours centrée contre ceux qui mettent en cause les politiques américaine et israélienne » comme il l’explique quelques lignes plus haut ?

CQFD. A mots couverts, Boniface insinue que, si Caroline Fourest a réalisé un documentaire sur les obsédés du complot, c’est parce qu’elle roule secrètement pour « l’alliance américano-israélienne » !

Au-delà de la dimension comique du propos, qui trahit les obsessions bien réelles de Pascal Boniface, le procès d’intention qui m’est fait – à savoir que Conspiracy Watch serait « principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne » – est assez inquiétant. Surtout venant d’un auteur qui ne manque pas une occasion de se plaindre d’être victime lui-même des pires procès d’intention.

Un tel procédé est inquiétant car il signifie que Pascal Boniface est capable de se forger une opinion sur un site qui existe depuis cinq ans et compte près d’un millier de publications en « un rapide coup d’œil » – comme il l’écrit lui-même. Il est inquiétant car il signifie que Pascal Boniface confond la défense de la politique de l’Etat d’Israël avec la critique de fantasmes conspirationnistes aux remugles antisémites.

Que Pascal Boniface se rassure : ni Caroline Fourest ni moi ne l’avons attendu pour user de notre droit à critiquer ce qu’il appelle « la politique israélienne ». Je ne l’ai pas attendu, en particulier, pour critiquer la théorie du complot sur la mort de Mohamed Al Dura et je crois même être l’un de ceux qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour mettre à jour l’inanité des arguments conspirationnistes accusant Charles Enderlin d’avoir couvert une prétendue « mise en scène ».

Quant à Caroline Fourest, elle a consacré l’un des épisodes de sa série documentaire à ceux qui tentent d’importer le conflit israélo-palestinien en France, n’épargnant ni les « antisionistes » radicaux ni leurs rivaux mimétiques comme la LDJ, un groupe pro-israélien d’extrême droite.

Au fond, il semble que, pour Pascal Boniface, le problème est que ni Caroline Fourest ni moi ne nous levons chaque matin en nous demandant de quelle manière nous allons pouvoir critiquer la politique israélienne. Que voulez-vous : à chacun ses marottes !

Mais le plus préoccupant dans cette attaque est peut-être que Pascal Boniface reprend à son compte un reproche qui ne m’a jamais été adressé jusqu’alors que par des obsédés de la théorie du complot.

Je veux donc le dire très clairement, sans autre argument que ma bonne foi et en comptant sur la bonne foi de ceux qui voudront bien se rendre sur mon site pour se faire une idée par eux-mêmes : il est non seulement faux mais aussi absurde de prétendre que Conspiracy Watch est principalement consacré à la dénonciation des critiques de la politique israélienne.

En revanche, s’il s’agit de dire que je critique les fantasmes complotistes, je plaide coupable. On objectera que la critique des théories du complot visant Israël occupe une place non négligeable sur Conspiracy Watch. C’est exact. Mais cela est le reflet de ce que produit la complosphère. C’est un fait que les théories du complot prenant pour cible les Juifs et leurs avatars, qui s’attaquent à « l’axe américano-sioniste » comme disent Dieudonné ou Thierry Meyssan, sont, de très loin, surreprésentées dans la somme des mystifications que le web conspirationniste charrie quotidiennement.

J’aimerais qu’il en aille autrement mais c’est ainsi. Si Pascal Boniface s’intéressait sérieusement aux formes contemporaines du conspirationnisme, comme phénomène social et comme fait politique, il finirait par dresser le même constat.

La critique des théories du complot antijuives relève de la préoccupation que tout démocrate devrait partager face à la persistance de l’imaginaire antisémite et au recyclage, sous les oripeaux de « l’antisionisme », de ses thèmes les plus éculés. Je me désole que Pascal Boniface ait choisi de prêter le renfort de sa voix à toutes celles, marginales mais très bruyantes, qui alimentent et banalisent ce genre de propagande.

 

(Tribune publiée sur Le Plus du Nouvel Obs le 13 février 2013)

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à propos de l'auteur
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Rudy Reichstadt
Directeur de Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt est expert associé à la Fondation Jean-Jaurès et chroniqueur pour l'hebdomadaire Franc-Tireur. Co-auteur du film documentaire « Complotisme : les alibis de la terreur », il a publié chez Grasset L'Opium des imbéciles. Essai sur la question complotiste (2019) et Au cœur du complot (2023) et a co-dirigé Histoire politique de l'antisémitisme en France. De 1967 à nos jours, chez Robert Laffont (2024). Il a également participé à l'élaboration du rapport « Les Lumières à l’ère numérique » dans le cadre de la commission Bronner (2022). Depuis 2021, il co-anime le podcast « Complorama » sur France Info.
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