En partenariat avec le magazine L'Histoire, Conspiracy Watch vous propose de (re-)découvrir l'interview - d'une saisissante actualité - que Marcel Gauchet, l'un des plus importants penseurs contemporains de la philosophie politique, avait accordé à Éric Vigne et Michel Winock en 2006.
Pour Mathias Girel, maître de conférences à l’Ecole normale supérieure, il ne faut pas négliger, parmi les manières de répondre aux théories du complot, celle, modeste, consistant à comparer les raisonnements conspirationnistes aux pratiques traditionnelles de production des connaissances - qui, elles, ont fait leurs preuves.
Le discours conspirationniste n’est pas un discours archaïque, une survivance du passé ou de la pensée sauvage, mais bien au contraire une forme de discours politique qui repose sur la volonté de politiser un certain nombre de questions.
Peu de noms auront, autant que celui de l'historien Raoul Giradet (1917-2013), marqué les débuts de la réflexion politologique sur le conspirationnisme. Paru en 1986, "Mythes et mythologies politiques" (Seuil, coll. Points/Histoire) fait partie de ces ouvrages pionniers qui sont cités quasi-systématiquement dans la littérature savante sur le sujet.
Là où nous voyons des êtres faibles et désarmés, le génocidaire voit les représentants d'une puissance occulte qui menace la société tout entière. Le tueur a donc, à la fois, la certitude d'accomplir son devoir civique et le sentiment d'agir en légitime défense. S'il se laissait aller à la pitié envers les enfants qu'il est chargé de tuer, il mettrait en danger son pays, sa famille, ses propres enfants.
« S’il a fallu l’intervention du peuple pour que cet avènement soit possible, c’est qu’il était empêché, et qu’il reste menacé par un contre-pouvoir quasiment plus puissant que le pouvoir, et qui est celui du complot. Le complot recompose ainsi l’idée d’un pouvoir absolu, abandonné par le pouvoir démocratique. »
En 1745, Voltaire avait déjà compris l'essence des théories du complot, « ces accusations sans preuves, dont les historiens se plaisent à noircir leurs ouvrages »...
Lectures erronées, contresens, méconnaissances des règles de la démarche scientifique, plagiats... : à l'heure où n'importe qui peut énoncer n'importe quoi sans aucun contrôle, sans aucune contrainte, et sans aucun risque, faut-il accepter comme une fatalité la disqualification de toute visée scientifique ?
Pour Paul Zawadzki, l’affaissement des grands mythes complotistes et des grandes religions séculières n’empêche nullement un engouement contemporain pour différentes formes de théories du complot.