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Christian Delacampagne : « une théorie magico-religieuse »

Publié par La Rédaction20 mai 2009

Christian Delacampagne : « une théorie magico-religieuse »
En hommage à Christian Delacampagne, disparu il y a deux ans aujourd'hui, nous reproduisons un court extrait de son livre, Islam et Occident : les raisons d'un conflit (PUF, coll. Intervention philosophique, 2003), consacré à la théorie du complot :

Cette théorie – dont les mécanisme ont été pour la première fois démontés par Léon Poliakov dans son livre La causalité diabolique (1) – revient à trouver un coupable derrière tout ce qui arrive. Autrement dit, à expliquer tout ce qui va mal dans le monde (car les bonnes choses n’ont guère besoin d’explication) par la volonté maléfique d’un agent ou d’un groupe d’agents cachés.

(…) Historiquement, la théorie du complot n’est pas une théorie scientifique. C’est une théorie magico-religieuse. Elle plonge ses origines dans la lutte entreprise, à partir du XIVe siècle, par l’Eglise catholique contre la sorcellerie, et est donc tout aussi fausse que la croyance en la sorcellerie elle-même – le problème étant qu’il reste impossible de convaincre de leur erreur ceux qui son persuadés, comme l’étaient les Inquisiteurs, qu’un démon invisible peut s’emparer d’un esprit humain, ou même revêtir forme humaine pour entretenir avec des femmes un commerce charnel...

Au fil des siècles, et après avoir servi à persécuter successivement sorcières, juifs, francs-maçons et jésuites, la théorie du complot s’est fixée de manière élective sur des groupes condamnés – par la réprobation dont ils étaient en permanence victimes – à vivre cachés. Anarchistes d’abord, socialistes révolutionnaires ensuite, sont ainsi devenus, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’une de ses cibles préférées, notamment en Russie.

(1) Dans ses Mémoires (Paris, Jacques Grancher, 1999, p. 263), Poliakov explique que le point de départ de son travail lui fut fourni par une remarque fortuite d’Albert Einstein à un déjeuner chez son ami Harry Kessler en avril 1927, lors d’une discussion sur l’astrologie. « Les démons sont partout », observa Einstein, avant d’ajouter : « Il est probable que la croyance en l’action des démons est la racine de notre concept de causalité. » On ne saurait surestimer la pertinence de cette remarque, non seulement pour l’analyse de la causalité physique, mais aussi pour toute réflexion sur la causalité historique.

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Christian Delacampagne : « une théorie magico-religieuse »
En hommage à Christian Delacampagne, disparu il y a deux ans aujourd'hui, nous reproduisons un court extrait de son livre, Islam et Occident : les raisons d'un conflit (PUF, coll. Intervention philosophique, 2003), consacré à la théorie du complot :

Cette théorie – dont les mécanisme ont été pour la première fois démontés par Léon Poliakov dans son livre La causalité diabolique (1) – revient à trouver un coupable derrière tout ce qui arrive. Autrement dit, à expliquer tout ce qui va mal dans le monde (car les bonnes choses n’ont guère besoin d’explication) par la volonté maléfique d’un agent ou d’un groupe d’agents cachés.

(…) Historiquement, la théorie du complot n’est pas une théorie scientifique. C’est une théorie magico-religieuse. Elle plonge ses origines dans la lutte entreprise, à partir du XIVe siècle, par l’Eglise catholique contre la sorcellerie, et est donc tout aussi fausse que la croyance en la sorcellerie elle-même – le problème étant qu’il reste impossible de convaincre de leur erreur ceux qui son persuadés, comme l’étaient les Inquisiteurs, qu’un démon invisible peut s’emparer d’un esprit humain, ou même revêtir forme humaine pour entretenir avec des femmes un commerce charnel...

Au fil des siècles, et après avoir servi à persécuter successivement sorcières, juifs, francs-maçons et jésuites, la théorie du complot s’est fixée de manière élective sur des groupes condamnés – par la réprobation dont ils étaient en permanence victimes – à vivre cachés. Anarchistes d’abord, socialistes révolutionnaires ensuite, sont ainsi devenus, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’une de ses cibles préférées, notamment en Russie.

(1) Dans ses Mémoires (Paris, Jacques Grancher, 1999, p. 263), Poliakov explique que le point de départ de son travail lui fut fourni par une remarque fortuite d’Albert Einstein à un déjeuner chez son ami Harry Kessler en avril 1927, lors d’une discussion sur l’astrologie. « Les démons sont partout », observa Einstein, avant d’ajouter : « Il est probable que la croyance en l’action des démons est la racine de notre concept de causalité. » On ne saurait surestimer la pertinence de cette remarque, non seulement pour l’analyse de la causalité physique, mais aussi pour toute réflexion sur la causalité historique.

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