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"Complotisme" : quelques remarques sur la querelle opposant Bernard Cazeneuve et Libération

Publié par La Rédaction21 juillet 2016,

Dans une enquête publiée aujourd’hui, Libération accuse le ministre de l’Intérieur d’avoir menti s’agissant de la sécurisation de la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet dernier. Riposte immédiate de Bernard Cazeneuve : Libération utilise des «procédés qui empruntent aux ressorts du complotisme» et cherche à l’atteindre «dans sa réputation». Dans un édito en forme de «c’est celui qui dit qui l’est», Johan Hufnagel, directeur délégué de Libération, suggère que c’est Bernard Cazeneuve qui est victime d’«une poussée de complotisme».

Première observation : on peut regretter que le ministre de l’Intérieur ne se soit pas abstenu d’user du terme «complotisme» sans préciser la différence de nature qu’il peut y avoir entre un journal comme Libération et les médias authentiquement complotistes qui prolifèrent sur la Toile. Surtout dans un moment où la prévention «des risques d'emprise complotiste» est constitutive des actions que le Gouvernement cherche à mettre en oeuvre pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme.

Remarquons cependant que Bernard Cazeneuve n’accuse pas la rédaction de Libération d’être complotiste, comme le suggère le titre de l’édito de Johan Hufnagel. Dans un contexte où Libération lui reproche rien moins que d’avoir diffusé «un mensonge», de surcroît en une de son édition, le locataire de la place Beauvau a cru devoir dénoncer des «procédés qui empruntent aux ressorts du complotisme», ce qui n’est pas exactement la même chose que de mettre sur le même plan Libération et, mettons, Egalité & Réconciliation.

Le ministre a également laissé entendre que Libération était partie prenante «de campagnes politiques ou de presse qui visent à [l’] atteindre […] dans sa réputation». Etait-il vraiment nécessaire que Libération en tire prétexte pour accuser à son tour Bernard Cazeneuve de céder aux sirènes du complotisme ? Ne peut-on pas, là aussi, regretter l’usage d’un tel terme dirigé contre un ministre de la République qui ne saurait être confondu avec le premier théoricien du complot venu ? Ne peut-on, dans le même temps, trouver malvenue sa dénonciation de «campagnes de presse» là où, de toute évidence, Libération se contente d’assumer le rôle que lui assigne son statut d’acteur du quatrième pouvoir ?

Ni la presse ni le Gouvernement, cibles de choix des complotistes patentés, ne sortent grandis d’une telle séquence. Morale de l’histoire : cessons de gloser sur le complotisme présumé des uns et des autres à partir de matériaux aussi fragiles. Ne contribuons pas à faire du «complotisme» une étiquette infamante parmi d’autres. Utiliser ce mot de manière aussi peu fondée pour délégitimer un détracteur est en réalité une manière d’œuvrer à sa démonétisation et de rendre, au final, un fier service à tous ceux – vrais imposteurs et autres désinformateurs professionnels – qui prospèrent sur la montée contemporaine du complotisme.

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Dans une enquête publiée aujourd’hui, Libération accuse le ministre de l’Intérieur d’avoir menti s’agissant de la sécurisation de la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet dernier. Riposte immédiate de Bernard Cazeneuve : Libération utilise des «procédés qui empruntent aux ressorts du complotisme» et cherche à l’atteindre «dans sa réputation». Dans un édito en forme de «c’est celui qui dit qui l’est», Johan Hufnagel, directeur délégué de Libération, suggère que c’est Bernard Cazeneuve qui est victime d’«une poussée de complotisme».

Première observation : on peut regretter que le ministre de l’Intérieur ne se soit pas abstenu d’user du terme «complotisme» sans préciser la différence de nature qu’il peut y avoir entre un journal comme Libération et les médias authentiquement complotistes qui prolifèrent sur la Toile. Surtout dans un moment où la prévention «des risques d'emprise complotiste» est constitutive des actions que le Gouvernement cherche à mettre en oeuvre pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme.

Remarquons cependant que Bernard Cazeneuve n’accuse pas la rédaction de Libération d’être complotiste, comme le suggère le titre de l’édito de Johan Hufnagel. Dans un contexte où Libération lui reproche rien moins que d’avoir diffusé «un mensonge», de surcroît en une de son édition, le locataire de la place Beauvau a cru devoir dénoncer des «procédés qui empruntent aux ressorts du complotisme», ce qui n’est pas exactement la même chose que de mettre sur le même plan Libération et, mettons, Egalité & Réconciliation.

Le ministre a également laissé entendre que Libération était partie prenante «de campagnes politiques ou de presse qui visent à [l’] atteindre […] dans sa réputation». Etait-il vraiment nécessaire que Libération en tire prétexte pour accuser à son tour Bernard Cazeneuve de céder aux sirènes du complotisme ? Ne peut-on pas, là aussi, regretter l’usage d’un tel terme dirigé contre un ministre de la République qui ne saurait être confondu avec le premier théoricien du complot venu ? Ne peut-on, dans le même temps, trouver malvenue sa dénonciation de «campagnes de presse» là où, de toute évidence, Libération se contente d’assumer le rôle que lui assigne son statut d’acteur du quatrième pouvoir ?

Ni la presse ni le Gouvernement, cibles de choix des complotistes patentés, ne sortent grandis d’une telle séquence. Morale de l’histoire : cessons de gloser sur le complotisme présumé des uns et des autres à partir de matériaux aussi fragiles. Ne contribuons pas à faire du «complotisme» une étiquette infamante parmi d’autres. Utiliser ce mot de manière aussi peu fondée pour délégitimer un détracteur est en réalité une manière d’œuvrer à sa démonétisation et de rendre, au final, un fier service à tous ceux – vrais imposteurs et autres désinformateurs professionnels – qui prospèrent sur la montée contemporaine du complotisme.

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