Entre images d’archives et reconstitutions, « La Fabrique du mensonge », de Joachim Lang, raconte l'ascension et le déclin du Troisième Reich sous le regard obstiné de son ministre de la Propagande. Une approche documentaire qui tient ses promesses et incite à rester vigilant.
Un château de cartes bâti sur des cendres. Tel est l’édifice construit par « La Fabrique du mensonge ». Le dernier long-métrage de Joachim Lang s’ouvre sur le feu. Celui des autodafés de 1938 ? Ou celui qui, en 1945, fait disparaître les horreurs du Troisième Reich ? Peu importe. Ces flammes calcinent les rues de l’Allemagne hitlérienne. Une Allemagne modelée par son ministre de la Propagande, le Docteur Joseph Goebbels, le maître artisan du mensonge totalitaire dans sa variante nazie.
« La Fabrique du mensonge » raconte l'ascension et le déclin du régime national-socialiste de son point de vue. « Une démarche risquée mais nécessaire » indique le film en guise de mise en garde. Un film qui, pour se prémunir de toute forme d’apologie, opte pour le ton documentaire. Entre images d’archives et reconstitutions, Joachim Lang plonge le spectateur dans la vie privée et publique de celui qui fut sans doute le dignitaire nazi le plus proche d’Adolf Hitler.
Joseph Goebbels (Robert Stadlober) est un idéologue convaincu et ambitieux. Entre 1938 et 1945, il fera tout pour défendre le « mythe du Führer » et, avec lui, la mythologie qui le rend viable : la bonne famille aryenne, la hiérarchie des « races » et, bien sûr, le tout puissant bouc émissaire. Le Juif. « Nous restons fidèles à la vérité tant qu’elle nous sert » serine le ministre. Qu’importe la réalité. C’est le prix à payer pour falsifier l’Histoire.
Joseph Goebbels récite son discours devant son miroir, devant ses enfants, puis devant les membres du parti, enfin devant le peuple allemand. Jusqu’à justifier la « guerre totale » en 1943 au Palais des Sports de Berlin.
La propagande est un exercice de « séduction » (ce que rend bien le titre original du film, « Führer und Verführer », en français : « Le Guide et le Séducteur »). Et le Docteur Goebbels séduit les masses comme il séduit les femmes − sauf peut-être la sienne (Franziska Weisz en intimidante Magda Goebbels) : à force d’insistance et à grands renforts d’artifices techniques. Dans les rues, dans la presse, au cinéma, sa mythologie endoctrine les imaginaires et isole les ennemis : en 1940, Le Juif Süss et Le Juif éternel, « chefs-d'œuvre propagandistes » dépeignant un monde où les Juifs contrôlent secrètement l’économie et la politique, sont salués à la Mostra de Venise. La diabolisation antisémite y est supervisée, à la réplique près, par le Docteur.
Une affaire de contrôle donc. Et c’est là que le bât blesse. Sous son sourire carnassier et son éloquence de bon petit soldat, Joseph Goebbels est un nerveux idolâtre. Le château de cartes minutieusement édifié s’écroule sous les images implacables de la réalité. Pour lui, celles de la défaite. Pour nous, celles de l’horreur : la découverte des camps de la mort et des charniers par les Alliés à l’aube de 1945 ; les images de Berlin ravagée par les bombes ; les innombrables morts civils.
La propagande a cela de commun avec le complotisme : elle prend l'initiateur à son propre jeu. Le propagandiste finit lui aussi par être mystifié par son fantasme. Dans les deux cas, le retour à la réalité est cruel. Pour Joseph Goebbels, il est insoutenable. Le ministre de la Propagande du Reich se suicide avec sa femme dans un bunker de Berlin le 1er mai 1945. Avant cela, ils assassineront leurs six enfants.
« La Fabrique du mensonge » est un film efficace dans l’image et le propos. Il rejoint le très remarqué « La Zone d’Intérêt » (Jonathan Glazer, 2023) dans ces œuvres d’atmosphère à la fois distanciées et glaçantes sur la barbarie nazie. L’approche documentaire recentre, sans effets superflus. Surtout, elle tend un miroir vers notre présent. Du début à la fin, Joachim Lang invite explicitement à démasquer les démagogues d’aujourd’hui. Comme l'atteste son recours à cette citation de Primo Levi : « C’est arrivé. Et cela peut encore arriver. Telle est l’essence de ce que nous avons à dire ». Le message est clair.
Un château de cartes bâti sur des cendres. Tel est l’édifice construit par « La Fabrique du mensonge ». Le dernier long-métrage de Joachim Lang s’ouvre sur le feu. Celui des autodafés de 1938 ? Ou celui qui, en 1945, fait disparaître les horreurs du Troisième Reich ? Peu importe. Ces flammes calcinent les rues de l’Allemagne hitlérienne. Une Allemagne modelée par son ministre de la Propagande, le Docteur Joseph Goebbels, le maître artisan du mensonge totalitaire dans sa variante nazie.
« La Fabrique du mensonge » raconte l'ascension et le déclin du régime national-socialiste de son point de vue. « Une démarche risquée mais nécessaire » indique le film en guise de mise en garde. Un film qui, pour se prémunir de toute forme d’apologie, opte pour le ton documentaire. Entre images d’archives et reconstitutions, Joachim Lang plonge le spectateur dans la vie privée et publique de celui qui fut sans doute le dignitaire nazi le plus proche d’Adolf Hitler.
Joseph Goebbels (Robert Stadlober) est un idéologue convaincu et ambitieux. Entre 1938 et 1945, il fera tout pour défendre le « mythe du Führer » et, avec lui, la mythologie qui le rend viable : la bonne famille aryenne, la hiérarchie des « races » et, bien sûr, le tout puissant bouc émissaire. Le Juif. « Nous restons fidèles à la vérité tant qu’elle nous sert » serine le ministre. Qu’importe la réalité. C’est le prix à payer pour falsifier l’Histoire.
Joseph Goebbels récite son discours devant son miroir, devant ses enfants, puis devant les membres du parti, enfin devant le peuple allemand. Jusqu’à justifier la « guerre totale » en 1943 au Palais des Sports de Berlin.
La propagande est un exercice de « séduction » (ce que rend bien le titre original du film, « Führer und Verführer », en français : « Le Guide et le Séducteur »). Et le Docteur Goebbels séduit les masses comme il séduit les femmes − sauf peut-être la sienne (Franziska Weisz en intimidante Magda Goebbels) : à force d’insistance et à grands renforts d’artifices techniques. Dans les rues, dans la presse, au cinéma, sa mythologie endoctrine les imaginaires et isole les ennemis : en 1940, Le Juif Süss et Le Juif éternel, « chefs-d'œuvre propagandistes » dépeignant un monde où les Juifs contrôlent secrètement l’économie et la politique, sont salués à la Mostra de Venise. La diabolisation antisémite y est supervisée, à la réplique près, par le Docteur.
Une affaire de contrôle donc. Et c’est là que le bât blesse. Sous son sourire carnassier et son éloquence de bon petit soldat, Joseph Goebbels est un nerveux idolâtre. Le château de cartes minutieusement édifié s’écroule sous les images implacables de la réalité. Pour lui, celles de la défaite. Pour nous, celles de l’horreur : la découverte des camps de la mort et des charniers par les Alliés à l’aube de 1945 ; les images de Berlin ravagée par les bombes ; les innombrables morts civils.
La propagande a cela de commun avec le complotisme : elle prend l'initiateur à son propre jeu. Le propagandiste finit lui aussi par être mystifié par son fantasme. Dans les deux cas, le retour à la réalité est cruel. Pour Joseph Goebbels, il est insoutenable. Le ministre de la Propagande du Reich se suicide avec sa femme dans un bunker de Berlin le 1er mai 1945. Avant cela, ils assassineront leurs six enfants.
« La Fabrique du mensonge » est un film efficace dans l’image et le propos. Il rejoint le très remarqué « La Zone d’Intérêt » (Jonathan Glazer, 2023) dans ces œuvres d’atmosphère à la fois distanciées et glaçantes sur la barbarie nazie. L’approche documentaire recentre, sans effets superflus. Surtout, elle tend un miroir vers notre présent. Du début à la fin, Joachim Lang invite explicitement à démasquer les démagogues d’aujourd’hui. Comme l'atteste son recours à cette citation de Primo Levi : « C’est arrivé. Et cela peut encore arriver. Telle est l’essence de ce que nous avons à dire ». Le message est clair.
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