Avant d'intégrer le Rassemblement national (RN), Antoine Mellies, aujourd'hui candidat à la mairie de Givors, a fait ses premières armes au sein de la mouvance soralo-dieudonniste. Un engagement qui interroge au regard de la ligne officielle prônée par le parti de Marine Le Pen...
Au cours des derniers mois, plusieurs articles ont mis en avant l'ascension rapide du responsable RN départemental du Rhône, Antoine Mellies, qui est aujourd'hui candidat à la mairie de Givors. Ce proche de Marion Maréchal à qui, rappelle Le Figaro, « le RN doit sa plus belle prise à gauche » (il a débauché de la France insoumise son ancien camarade de promo à la fac de droit de Lyon 3, André Kotarac), vote pour la première fois en 2007. Pour Nicolas Sarkozy.
Deux ans plus tard, le jeune homme – il est alors âgé de 20 ans – se rapproche d'Égalité & Réconciliation (E&R), l'association créée deux ans plus tôt par Alain Soral.
Pendant quelques mois, Antoine Mellies milite activement aux côtés du Parti Anti Sioniste (PAS) aux élections européennes. On l'aperçoit ainsi dans une vidéo du PAS en compagnie de Yahia Gouasmi, Alain Soral et Dieudonné M'Bala M'Bala.
Fin 2015, Lyon Capitale était déjà revenu sur ces quelques minutes filmées et tournées au moment des élections européennes de 2009. Le mois dernier, c'est la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) qui en faisait état dans un tweet.
Créé début 2009 et présidé par Yahia Gouasmi, le PAS – une émanation du Centre Zahra France, fermé en 2018 pour propagande favorisant le djihad armé – se revendique comme « le porte-étendard du combat contre le sionisme ». Un « sionisme » défini comme « le mal de notre époque, [qui] gangrène notre nation, soumet les gouvernements et les peuples, martyrise les innocents et corrompt nos sociétés ».
Dans le cadre des élections européennes de 2009, Dieudonné M’Bala M’Bala emmène la Liste antisioniste en Île-de-France sur laquelle figurent, en plus de Soral et Gouasmi, des personnalités telles que Maria Poumier, Ginette Skandrani, Pierre Panet, Ahmed Moualek ou encore Christian Cotten. Peu de temps avant, en décembre 2008, le polémiste antisémite a provoqué un tollé en invitant sur la scène du Zénith de Paris le chef de file des négationnistes français, Robert Faurisson, afin de lui décerner un « prix de l’infréquentabilité et de l’insolence ». Alain Soral, Dieudonné et leurs compagnons de route sont donc loin d'être des inconnus lorsqu'Antoine Mellies s'engage à leurs côtés. A la même période, fin juin 2009, le jeune étudiant en droit signe un article dans L'Action française (n°2773), le bulletin du parti maurrassien.
Dix ans plus tard, c'est en ces termes qu'Antoine Mellies commente son passage par E&R :
« A l’époque, Soral était clivant mais avait pignon sur rue, il avait été chroniqueur d’Ardisson, il venait du PCF… J’ai vite pris mes distances. Le côté "antisionistes de tous pays unissez-vous", ce n’était pas mon obsession ».
En 2010, Mellies adhère au Front national de la jeunesse (FNJ), où il est responsable de la formation politique et des argumentaires. Il est notamment l’auteur d'un article intitulé : « Le mariage homosexuel, combat des lobbies, pas des homosexuels ».
Nostalgie et « lobby juif »
Dans Enquête au cœur du nouveau Front national (Nouveau Monde éditions, 2012), Sylvain Crépon souligne que Mellies a rejoint le FN parce qu'il était convaincu de la stérilité politique du groupuscule soralien... « même s'il parle avec nostalgie des débats et rencontres qu’il a pu y faire ». Et Crépon de préciser que le jeune frontiste, alors, « n'hésite [...] pas à dénoncer l'existence d'un lobby juif en France ».
Est-ce la raison pour laquelle Mellies refuse, en 2011, au micro de France Inter, de répondre à la question de Guillaume Erner sur les commentaires « plus que douteux [de Jean-Marie Le Pen] sur la Seconde Guerre mondiale » ? En septembre 1987, le président du FN avait qualifié l’existence des chambres à gaz de « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Mellies prétend qu'il « laisse ça à tous ceux qui veulent en débattre ». Face à l'insistance du journaliste, il dit avoir été « heurté » mais ne « comprend pas que ça ait autant occupé le débat »... Des propos et un parcours qui n'empêchent pas Mellies de devenir, en 2014, l'assistant parlementaire de Steeve Briois et de poursuivre son ascension au sein du parti lepéniste : en juillet 2019, le trentenaire est nommé à la tête de la fédération RN du Rhône au sein de laquelle il doit piloter les campagnes municipales et métropolitaines de mars 2020.
Un mois avant son élection à la présidence du FN en 2011, Marine Le Pen annonçait sa ligne de conduite :
« Je suis opposée à voir revenir dans le FN des groupuscules radicaux, caricaturaux, anachroniques. Entre les catholiques [intégristes - ndlr], les pétainistes et les obsédés de la Shoah, ça ne me paraît pas cohérent. Le FN ne servira pas de caisse de résonance à leurs obsessions ».
Au sein du FN, plusieurs font les frais de leur engagement. Parmi eux, Yvan Benedetti qui, à l'automne 2010, passe devant la commission de discipline du FN. L'objet de cette convocation ? La double appartenance de Benedetti au FN et à L'Oeuvre française, groupuscule pétainiste et négationniste. Quelques mois plus tard, il est exclu en raison de ses déclarations à une journaliste à laquelle il déclare être « antisioniste, antisémite et antijuif ». Dans leur ouvrage, Histoire du Front national (Tallandier, 2013), David Doucet et Dominique Albertini font état d'un autre élément motivant cette exclusion : Benedetti aurait agressé Antoine Mellies !
Les mises à l'écart et exclusions – temporaires ou définitives – de brebis galeuses paraissent insuffisantes à détourner résolument le FN/RN de thématiques complotistes que, du reste, ses sympathisants plébiscitent. A maintes occasions ces dernières années (par exemple ici ou là), le parti d'extrême droite s'est illustré avec une régularité confondante par des dérapages et erreurs de casting qui semblent comme découler d'une implacable fatalité. Le fait qu'Antoine Mellies puisse incarner la « nouvelle génération » du RN n'en fournit-il pas encore une preuve ?
Voir aussi :
Le nouveau président du FN aurait accrédité des thèses négationnistes
Négationnisme : les propos ayant provoqué la démission de Benoît Loeuillet du FN
Avant d'intégrer le Rassemblement national (RN), Antoine Mellies, aujourd'hui candidat à la mairie de Givors, a fait ses premières armes au sein de la mouvance soralo-dieudonniste. Un engagement qui interroge au regard de la ligne officielle prônée par le parti de Marine Le Pen...
Au cours des derniers mois, plusieurs articles ont mis en avant l'ascension rapide du responsable RN départemental du Rhône, Antoine Mellies, qui est aujourd'hui candidat à la mairie de Givors. Ce proche de Marion Maréchal à qui, rappelle Le Figaro, « le RN doit sa plus belle prise à gauche » (il a débauché de la France insoumise son ancien camarade de promo à la fac de droit de Lyon 3, André Kotarac), vote pour la première fois en 2007. Pour Nicolas Sarkozy.
Deux ans plus tard, le jeune homme – il est alors âgé de 20 ans – se rapproche d'Égalité & Réconciliation (E&R), l'association créée deux ans plus tôt par Alain Soral.
Pendant quelques mois, Antoine Mellies milite activement aux côtés du Parti Anti Sioniste (PAS) aux élections européennes. On l'aperçoit ainsi dans une vidéo du PAS en compagnie de Yahia Gouasmi, Alain Soral et Dieudonné M'Bala M'Bala.
Fin 2015, Lyon Capitale était déjà revenu sur ces quelques minutes filmées et tournées au moment des élections européennes de 2009. Le mois dernier, c'est la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) qui en faisait état dans un tweet.
Créé début 2009 et présidé par Yahia Gouasmi, le PAS – une émanation du Centre Zahra France, fermé en 2018 pour propagande favorisant le djihad armé – se revendique comme « le porte-étendard du combat contre le sionisme ». Un « sionisme » défini comme « le mal de notre époque, [qui] gangrène notre nation, soumet les gouvernements et les peuples, martyrise les innocents et corrompt nos sociétés ».
Dans le cadre des élections européennes de 2009, Dieudonné M’Bala M’Bala emmène la Liste antisioniste en Île-de-France sur laquelle figurent, en plus de Soral et Gouasmi, des personnalités telles que Maria Poumier, Ginette Skandrani, Pierre Panet, Ahmed Moualek ou encore Christian Cotten. Peu de temps avant, en décembre 2008, le polémiste antisémite a provoqué un tollé en invitant sur la scène du Zénith de Paris le chef de file des négationnistes français, Robert Faurisson, afin de lui décerner un « prix de l’infréquentabilité et de l’insolence ». Alain Soral, Dieudonné et leurs compagnons de route sont donc loin d'être des inconnus lorsqu'Antoine Mellies s'engage à leurs côtés. A la même période, fin juin 2009, le jeune étudiant en droit signe un article dans L'Action française (n°2773), le bulletin du parti maurrassien.
Dix ans plus tard, c'est en ces termes qu'Antoine Mellies commente son passage par E&R :
« A l’époque, Soral était clivant mais avait pignon sur rue, il avait été chroniqueur d’Ardisson, il venait du PCF… J’ai vite pris mes distances. Le côté "antisionistes de tous pays unissez-vous", ce n’était pas mon obsession ».
En 2010, Mellies adhère au Front national de la jeunesse (FNJ), où il est responsable de la formation politique et des argumentaires. Il est notamment l’auteur d'un article intitulé : « Le mariage homosexuel, combat des lobbies, pas des homosexuels ».
Nostalgie et « lobby juif »
Dans Enquête au cœur du nouveau Front national (Nouveau Monde éditions, 2012), Sylvain Crépon souligne que Mellies a rejoint le FN parce qu'il était convaincu de la stérilité politique du groupuscule soralien... « même s'il parle avec nostalgie des débats et rencontres qu’il a pu y faire ». Et Crépon de préciser que le jeune frontiste, alors, « n'hésite [...] pas à dénoncer l'existence d'un lobby juif en France ».
Est-ce la raison pour laquelle Mellies refuse, en 2011, au micro de France Inter, de répondre à la question de Guillaume Erner sur les commentaires « plus que douteux [de Jean-Marie Le Pen] sur la Seconde Guerre mondiale » ? En septembre 1987, le président du FN avait qualifié l’existence des chambres à gaz de « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Mellies prétend qu'il « laisse ça à tous ceux qui veulent en débattre ». Face à l'insistance du journaliste, il dit avoir été « heurté » mais ne « comprend pas que ça ait autant occupé le débat »... Des propos et un parcours qui n'empêchent pas Mellies de devenir, en 2014, l'assistant parlementaire de Steeve Briois et de poursuivre son ascension au sein du parti lepéniste : en juillet 2019, le trentenaire est nommé à la tête de la fédération RN du Rhône au sein de laquelle il doit piloter les campagnes municipales et métropolitaines de mars 2020.
Un mois avant son élection à la présidence du FN en 2011, Marine Le Pen annonçait sa ligne de conduite :
« Je suis opposée à voir revenir dans le FN des groupuscules radicaux, caricaturaux, anachroniques. Entre les catholiques [intégristes - ndlr], les pétainistes et les obsédés de la Shoah, ça ne me paraît pas cohérent. Le FN ne servira pas de caisse de résonance à leurs obsessions ».
Au sein du FN, plusieurs font les frais de leur engagement. Parmi eux, Yvan Benedetti qui, à l'automne 2010, passe devant la commission de discipline du FN. L'objet de cette convocation ? La double appartenance de Benedetti au FN et à L'Oeuvre française, groupuscule pétainiste et négationniste. Quelques mois plus tard, il est exclu en raison de ses déclarations à une journaliste à laquelle il déclare être « antisioniste, antisémite et antijuif ». Dans leur ouvrage, Histoire du Front national (Tallandier, 2013), David Doucet et Dominique Albertini font état d'un autre élément motivant cette exclusion : Benedetti aurait agressé Antoine Mellies !
Les mises à l'écart et exclusions – temporaires ou définitives – de brebis galeuses paraissent insuffisantes à détourner résolument le FN/RN de thématiques complotistes que, du reste, ses sympathisants plébiscitent. A maintes occasions ces dernières années (par exemple ici ou là), le parti d'extrême droite s'est illustré avec une régularité confondante par des dérapages et erreurs de casting qui semblent comme découler d'une implacable fatalité. Le fait qu'Antoine Mellies puisse incarner la « nouvelle génération » du RN n'en fournit-il pas encore une preuve ?
Voir aussi :
Le nouveau président du FN aurait accrédité des thèses négationnistes
Négationnisme : les propos ayant provoqué la démission de Benoît Loeuillet du FN
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