Dans le cadre du cycle Urgence de débattre, le 17 février 2016, l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès organisait une conférence sur le thème du complot, animée par Rudy Reichstadt, avec les interventions de Mathieu Foulot, Mathias Girel et Iannis Roder.
Le complotisme est un sujet d’actualité préoccupant. En effet, l’islamisme radical entretient des rapports étroits avec l’imaginaire du complot. Selon Rudy Reichstadt, les grandes thématiques complotistes contemporaines sont non seulement utilisées comme outil de recrutement par les djihadistes, mais sont également au cœur de la doctrine de l’islamisme radical. Le fantasme d’un « complot contre l’islam » renforcé par l’idée d’une « alliance judéo-croisée » permet de justifier leurs actes meurtriers, dès lors considérés comme relevant de la légitime défense.
Iannis Roder met en avant le lien entre conspirationnisme et radicalisation. L’adhésion à des thèses conspirationnistes peut être un premier signe de radicalisation, notamment politique. Il prend l’exemple de ses élèves à Saint-Denis qui, pour beaucoup, sont très méfiants envers les médias. Bien que ses élèves perçoivent les grands médias comme menteurs et manipulateurs, peu sont capables d’expliquer la motivation derrière de tels mensonges. Aux yeux de Iannis Roder, si ce type de discours ne semble pas dangereux, il témoigne d’une certaine vision du monde et de l’adhésion possible à d’autres thèses conspirationnistes plus violentes. Toutes les théories du complot de peuvent pas être mises sur le même plan. Les plus dangereuses sont celles qui donnent une lecture de l’histoire puisqu’elles impliquent une finalité, et donc un ennemi absolu. Iannis Roder s’interroge sur la capacité critique de la jeunesse face à une offre d’information jamais vue auparavant, et insiste sur l’importance de former des esprits libres. Pour lui, l’enseignant a un rôle clé dans cette formation des esprits. Il doit faire comprendre à ses élèves comment se construit l’information et comment s’écrit l’histoire.
Mathias Girel travaille depuis plusieurs années sur la manière dont la connaissance peut être produite et fragilisée. En partant du livre de Robert Proctor, La conspiration des industriels du tabac, il signale que les théories du complot les plus radicales sont des machines à produire et à vendre du doute. Mathias Girel réfléchit à comment démonter ces théories aux conséquences politiques et sociales. Cela commence par un travail de définition. Comprendre ce qu’est une conspiration permet de ne pas tomber dans ses variantes imaginaires et hyperboliques. Une conspiration est « l’action explicitement concertée d’un petit groupe qui agit au nom d’une finalité moralement ou légalement répréhensible et à l’insu du plus grand nombre ». En remplissant chacun de ces termes avec un contenu empirique, tout en gardant en tête qu’une conspiration à grande échelle est improbable, il est alors possible de distinguer ce qui est de l’ordre du complot et ce qui est de l’ordre de l’enquête. Mathias Girel souligne le fait que les complotistes cherchent à donner de hautes intentions à des actions ordinaires, qu’eux seuls savent interpréter. Néanmoins, tant que le doute n’est pas relié à des intentions trop hautes et délirantes, il peut être employé à de meilleures fins telles que la production de lien social.
Les quatre intervenants terminent la conférence en discutant des bienfaits et des désavantages de débattre publiquement avec des complotistes. S’ils s’y refusent par respect de la vérité, ils reconnaissent que ce choix permet aux complotistes de se placer en victime, de crier à la censure et de dénoncer une « histoire officielle ». Le lien entre relativisme et conspirationisme est également évoqué, tout comme celui entre conspirationisme et antisémitisme.
Source : Fondation Jean-Jaurès, 24 août 2016.
Dans le cadre du cycle Urgence de débattre, le 17 février 2016, l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès organisait une conférence sur le thème du complot, animée par Rudy Reichstadt, avec les interventions de Mathieu Foulot, Mathias Girel et Iannis Roder.
Le complotisme est un sujet d’actualité préoccupant. En effet, l’islamisme radical entretient des rapports étroits avec l’imaginaire du complot. Selon Rudy Reichstadt, les grandes thématiques complotistes contemporaines sont non seulement utilisées comme outil de recrutement par les djihadistes, mais sont également au cœur de la doctrine de l’islamisme radical. Le fantasme d’un « complot contre l’islam » renforcé par l’idée d’une « alliance judéo-croisée » permet de justifier leurs actes meurtriers, dès lors considérés comme relevant de la légitime défense.
Iannis Roder met en avant le lien entre conspirationnisme et radicalisation. L’adhésion à des thèses conspirationnistes peut être un premier signe de radicalisation, notamment politique. Il prend l’exemple de ses élèves à Saint-Denis qui, pour beaucoup, sont très méfiants envers les médias. Bien que ses élèves perçoivent les grands médias comme menteurs et manipulateurs, peu sont capables d’expliquer la motivation derrière de tels mensonges. Aux yeux de Iannis Roder, si ce type de discours ne semble pas dangereux, il témoigne d’une certaine vision du monde et de l’adhésion possible à d’autres thèses conspirationnistes plus violentes. Toutes les théories du complot de peuvent pas être mises sur le même plan. Les plus dangereuses sont celles qui donnent une lecture de l’histoire puisqu’elles impliquent une finalité, et donc un ennemi absolu. Iannis Roder s’interroge sur la capacité critique de la jeunesse face à une offre d’information jamais vue auparavant, et insiste sur l’importance de former des esprits libres. Pour lui, l’enseignant a un rôle clé dans cette formation des esprits. Il doit faire comprendre à ses élèves comment se construit l’information et comment s’écrit l’histoire.
Mathias Girel travaille depuis plusieurs années sur la manière dont la connaissance peut être produite et fragilisée. En partant du livre de Robert Proctor, La conspiration des industriels du tabac, il signale que les théories du complot les plus radicales sont des machines à produire et à vendre du doute. Mathias Girel réfléchit à comment démonter ces théories aux conséquences politiques et sociales. Cela commence par un travail de définition. Comprendre ce qu’est une conspiration permet de ne pas tomber dans ses variantes imaginaires et hyperboliques. Une conspiration est « l’action explicitement concertée d’un petit groupe qui agit au nom d’une finalité moralement ou légalement répréhensible et à l’insu du plus grand nombre ». En remplissant chacun de ces termes avec un contenu empirique, tout en gardant en tête qu’une conspiration à grande échelle est improbable, il est alors possible de distinguer ce qui est de l’ordre du complot et ce qui est de l’ordre de l’enquête. Mathias Girel souligne le fait que les complotistes cherchent à donner de hautes intentions à des actions ordinaires, qu’eux seuls savent interpréter. Néanmoins, tant que le doute n’est pas relié à des intentions trop hautes et délirantes, il peut être employé à de meilleures fins telles que la production de lien social.
Les quatre intervenants terminent la conférence en discutant des bienfaits et des désavantages de débattre publiquement avec des complotistes. S’ils s’y refusent par respect de la vérité, ils reconnaissent que ce choix permet aux complotistes de se placer en victime, de crier à la censure et de dénoncer une « histoire officielle ». Le lien entre relativisme et conspirationisme est également évoqué, tout comme celui entre conspirationisme et antisémitisme.
Source : Fondation Jean-Jaurès, 24 août 2016.
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