La Syrie, l’Iran, le Venezuela, Cuba, la Russie... : dans chaque pays occidental, ces États plus ou moins mis au ban de la communauté internationale ont besoin de relais pour leur propagande : ils l’ont trouvé dans le tandem Dieudonné-Meyssan.
Qu’allait-il donc chercher au Liban et en Syrie, Dieudonné, en cette fin août 2006 ? Quel sens donner à l’hyperactivité de cette petite nébuleuse antisioniste radicale qui, autour de sa personne, semble réussir à faire cohabiter des hommes et femmes venus de l’extrême gauche, des islamistes et des gens d’extrême droite, unis dans la détestation de l’État hébreu et pour qui Beyrouth, Damas et Téhéran sont comme hier Pékin et Tirana pour la génération maoïste ? Dieudonné s’est donc rendu en délégation à Beyrouth et Damas, du 28 au 31 août. Il était accompagné par son directeur de campagne, Marc Robert, ancien membre du Front national ; par l’écrivain Alain Soral ; par un membre de son bureau de campagne nommé Ahmed Moualek ; et par le président du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan. Il a rencontré la quasi-totalité des dirigeants politiques libanais, depuis les responsables du Hezbollah jusqu’aux chrétiens alliés de Damas et Téhéran que sont le président Lahoud et son prédécesseur, le général Aoun. Il a été reçu dans la capitale syrienne par un vice-ministre des affaires étrangères, et a obtenu audience du président vénézuélien Chavez, qui se trouvait là. Bref, un niveau d’écoute sans aucun rapport avec le fait que Dieudonné ne détient aucun mandat électif et n’est même pas encore un candidat réel à l’élection présidentielle de 2007. Que le comédien-agitateur aime rencontrer des gens importants, c’est certain. Pourtant, la raison de cet accueil hors normes est autre. Elle est politique, et dictée par l’actualité de l’été 2006.
Retour en arrière sur le 18 novembre 2005, à Bruxelles, où le Réseau Voltaire vient d’organiser une conférence intitulée « Axis for Peace ». Ceux qui y ont participé représentent la coalition des antisionismes antagonistes : des complotistes d’extrême droite et des communistes staliniens ; des hommes d’ultra-gauche et des dirigeants du Parti Ouvrier Européen ; et Dieudonné lui-même. Si la réunion est davantage qu’anecdotique, c’est que des États, ou des intérêts importants à l’intérieur de certains appareils d’État, l’ont soutenue, l’ont diffusée dans leurs médias, y ont participé. Ce sont la Syrie, l’Iran, le Venezuela, Cuba, et une partie de l’appareil d’État russe composée des nationalistes inféodés à Poutine. Si l’anti-américanisme est leur religion commune, le soutien à la « résistance irakienne » et aux Palestiniens radicaux figure dans leur credo.
Dans chaque pays occidental, ces États plus ou moins mis au ban de la communauté internationale ont besoin de relais pour leur propagande : ils l’ont trouvé dans le tandem Dieudonné-Meyssan. C’est ainsi que, depuis un an, sont apparus sur les différents sites liés à Dieudonné des interventions de responsables du parti russe d’extrême droite Rodina, plusieurs articles reprenant les déclarations du président Chavez qui accuse l’administration américaine d’avoir organisé les attentats du 11-Septembre, et divers textes fort peu critiques envers les déclarations du président iranien Ahmadinejad sur Israël et la Shoah.
Une coalition anti-israélienne des « États voyous » et de leurs amis, voilà la rationalité politique de cette alliance. Mais pourquoi un voyage au Liban en août 2006 ? Pour Dieudonné, l’intérêt est évident : dans les banlieues, pour les plus radicaux des jeunes issus de l’immigration qu’il souhaite toucher, l’affrontement entre le Hezbollah et Israël est un tournant. Désormais, Ben Laden est passé de mode, Arafat tombé dans l’oubli, et c’est tout juste si le Hamas n’est pas décrié comme capitulard ; mais le Hezbollah et Nasrallah sont « tendance », et le négationniste guide suprême de Téhéran donne le ton de l’anti-impérialisme. La résistance palestinienne désormais, vue de Paris, c’est le Parti de Dieu et lui seul. Et le responsable du Théâtre de la Main d’Or n’est pas seul à tenir ce raisonnement : dans les associations pro-palestiniennes, nombreux sont ceux désormais pour qui le Fatah et l’Autorité palestinienne font figures de tièdes, et qui ne jurent plus que par la milice chiite.
Le Hezbollah et ses soutiens de Damas et de Téhéran, justement, sont fédérateurs. Ce qui explique un aspect proprement stupéfiant du voyage de Dieudonné à Beyrouth : la présence à ses côtés d’un ancien dirigeant du mouvement d’ultra-droite GUD, nommé Frédéric Chatillon, dont les amitiés syriennes sont anciennes et notoires, et dont le parcours politique a croisé dans les années 90 Roger Garaudy, la librairie néo-nazie Ogmios et ses bailleurs de fonds iraniens, ainsi que quelques cadres du Front national.
La présence de Chatillon dans la délégation n’était évidemment pas mentionnée par le bureau de campagne de Dieudonné, et l’on doit à un autre site Internet encore plus radicalement antisioniste que celui de Dieudonné, Quibla.net, d’avoir vendu la mèche. Visiblement, dans ce petit monde, une question commence à être posée : pourquoi, après avoir choisi comme directeur de campagne un ancien militant du Front national (qui ne se cache pas de l’avoir été), Dieudonné s’associe-t-il à un des cadres les plus connus de l’ultra-droite ? Pourquoi appelle-t-il de ses vœux une présence de Le Pen au second tour de la présidentielle, et pourquoi donne-t-il une interview en ce sens au mensuel d’extrême droite Le Choc du Mois ?
Non accessoirement, la présence de Thierry Meyssan aux côtés des ultra-droitiers amis de Dieudonné signifie-t-elle que le nouveau ciment de la coalition des radicalités n’est plus la croyance au bon vieux « complot judéo-maçonnique », mais la croyance au « complot judéo-américain », qui se manifesterait à la fois par la mise en scène des événements du 11-Septembre et par tout ce que font et disent Israël ainsi que les communautés juives de par le monde ? Avec cette différence fondamentale que, si le complot judéo-maçonnique n’a plus guère d’adeptes que dans les églises lefebvristes et les groupuscules rances de la « droite nationale », la thématique du « complot judéo-américain » émane du sommet de plusieurs États et trouve de plus en plus d’adeptes dans une gauche alternative qui reprend de la vigueur.
Source : L’Arche, n° 582, octobre 2006.
Qu’allait-il donc chercher au Liban et en Syrie, Dieudonné, en cette fin août 2006 ? Quel sens donner à l’hyperactivité de cette petite nébuleuse antisioniste radicale qui, autour de sa personne, semble réussir à faire cohabiter des hommes et femmes venus de l’extrême gauche, des islamistes et des gens d’extrême droite, unis dans la détestation de l’État hébreu et pour qui Beyrouth, Damas et Téhéran sont comme hier Pékin et Tirana pour la génération maoïste ? Dieudonné s’est donc rendu en délégation à Beyrouth et Damas, du 28 au 31 août. Il était accompagné par son directeur de campagne, Marc Robert, ancien membre du Front national ; par l’écrivain Alain Soral ; par un membre de son bureau de campagne nommé Ahmed Moualek ; et par le président du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan. Il a rencontré la quasi-totalité des dirigeants politiques libanais, depuis les responsables du Hezbollah jusqu’aux chrétiens alliés de Damas et Téhéran que sont le président Lahoud et son prédécesseur, le général Aoun. Il a été reçu dans la capitale syrienne par un vice-ministre des affaires étrangères, et a obtenu audience du président vénézuélien Chavez, qui se trouvait là. Bref, un niveau d’écoute sans aucun rapport avec le fait que Dieudonné ne détient aucun mandat électif et n’est même pas encore un candidat réel à l’élection présidentielle de 2007. Que le comédien-agitateur aime rencontrer des gens importants, c’est certain. Pourtant, la raison de cet accueil hors normes est autre. Elle est politique, et dictée par l’actualité de l’été 2006.
Retour en arrière sur le 18 novembre 2005, à Bruxelles, où le Réseau Voltaire vient d’organiser une conférence intitulée « Axis for Peace ». Ceux qui y ont participé représentent la coalition des antisionismes antagonistes : des complotistes d’extrême droite et des communistes staliniens ; des hommes d’ultra-gauche et des dirigeants du Parti Ouvrier Européen ; et Dieudonné lui-même. Si la réunion est davantage qu’anecdotique, c’est que des États, ou des intérêts importants à l’intérieur de certains appareils d’État, l’ont soutenue, l’ont diffusée dans leurs médias, y ont participé. Ce sont la Syrie, l’Iran, le Venezuela, Cuba, et une partie de l’appareil d’État russe composée des nationalistes inféodés à Poutine. Si l’anti-américanisme est leur religion commune, le soutien à la « résistance irakienne » et aux Palestiniens radicaux figure dans leur credo.
Dans chaque pays occidental, ces États plus ou moins mis au ban de la communauté internationale ont besoin de relais pour leur propagande : ils l’ont trouvé dans le tandem Dieudonné-Meyssan. C’est ainsi que, depuis un an, sont apparus sur les différents sites liés à Dieudonné des interventions de responsables du parti russe d’extrême droite Rodina, plusieurs articles reprenant les déclarations du président Chavez qui accuse l’administration américaine d’avoir organisé les attentats du 11-Septembre, et divers textes fort peu critiques envers les déclarations du président iranien Ahmadinejad sur Israël et la Shoah.
Une coalition anti-israélienne des « États voyous » et de leurs amis, voilà la rationalité politique de cette alliance. Mais pourquoi un voyage au Liban en août 2006 ? Pour Dieudonné, l’intérêt est évident : dans les banlieues, pour les plus radicaux des jeunes issus de l’immigration qu’il souhaite toucher, l’affrontement entre le Hezbollah et Israël est un tournant. Désormais, Ben Laden est passé de mode, Arafat tombé dans l’oubli, et c’est tout juste si le Hamas n’est pas décrié comme capitulard ; mais le Hezbollah et Nasrallah sont « tendance », et le négationniste guide suprême de Téhéran donne le ton de l’anti-impérialisme. La résistance palestinienne désormais, vue de Paris, c’est le Parti de Dieu et lui seul. Et le responsable du Théâtre de la Main d’Or n’est pas seul à tenir ce raisonnement : dans les associations pro-palestiniennes, nombreux sont ceux désormais pour qui le Fatah et l’Autorité palestinienne font figures de tièdes, et qui ne jurent plus que par la milice chiite.
Le Hezbollah et ses soutiens de Damas et de Téhéran, justement, sont fédérateurs. Ce qui explique un aspect proprement stupéfiant du voyage de Dieudonné à Beyrouth : la présence à ses côtés d’un ancien dirigeant du mouvement d’ultra-droite GUD, nommé Frédéric Chatillon, dont les amitiés syriennes sont anciennes et notoires, et dont le parcours politique a croisé dans les années 90 Roger Garaudy, la librairie néo-nazie Ogmios et ses bailleurs de fonds iraniens, ainsi que quelques cadres du Front national.
La présence de Chatillon dans la délégation n’était évidemment pas mentionnée par le bureau de campagne de Dieudonné, et l’on doit à un autre site Internet encore plus radicalement antisioniste que celui de Dieudonné, Quibla.net, d’avoir vendu la mèche. Visiblement, dans ce petit monde, une question commence à être posée : pourquoi, après avoir choisi comme directeur de campagne un ancien militant du Front national (qui ne se cache pas de l’avoir été), Dieudonné s’associe-t-il à un des cadres les plus connus de l’ultra-droite ? Pourquoi appelle-t-il de ses vœux une présence de Le Pen au second tour de la présidentielle, et pourquoi donne-t-il une interview en ce sens au mensuel d’extrême droite Le Choc du Mois ?
Non accessoirement, la présence de Thierry Meyssan aux côtés des ultra-droitiers amis de Dieudonné signifie-t-elle que le nouveau ciment de la coalition des radicalités n’est plus la croyance au bon vieux « complot judéo-maçonnique », mais la croyance au « complot judéo-américain », qui se manifesterait à la fois par la mise en scène des événements du 11-Septembre et par tout ce que font et disent Israël ainsi que les communautés juives de par le monde ? Avec cette différence fondamentale que, si le complot judéo-maçonnique n’a plus guère d’adeptes que dans les églises lefebvristes et les groupuscules rances de la « droite nationale », la thématique du « complot judéo-américain » émane du sommet de plusieurs États et trouve de plus en plus d’adeptes dans une gauche alternative qui reprend de la vigueur.
Source : L’Arche, n° 582, octobre 2006.
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