Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Du « complot juif » au « complot sioniste » (1917-1939)

Publié par La Rédaction03 septembre 2008,

La croyance à la «conspiration juive mondiale» voit dans le complot, qu'il soit Jésuite, franc maçon ou juif, la clé de l’Histoire... À la fin du XIXe siècle, les Jésuites, victimes eux mêmes de ces théories conspirationnistes, conduisent en France la campagne de démonisation des Juifs. Cette campagne, sur le fond, n'innove guère, tant elle ne fait que poursuivre sur la lancée de l'abbé Barruel, l'un des plus solides agents intellectuels de la contre révolution à la fin du XVIIIe siècle, qui voulait voir à l'oeuvre, dans les mutations en cours, péril maçonnique et péril Juif mêlés...

Le thème du «complot sioniste» hérite de cette vision. Il se structure au moment du premier congrès sioniste tenu à Bâle en août 1897, alors que la France commence à être déchirée par l'Affaire Dreyfus. Le congrès, réuni par Théodore Herzl, rend précisément l'Affaire intelligible, il permet d'«élucider» cette réalité opaque... Les Jésuites, les premiers, lancent ce thème en février 1898 dans leur organe la Civilta Cattolica. Du «complot juif», les Jésuites passent vite au «complot sioniste mondial», et ouvrent, ce faisant, la voie à la carrière fabuleuse d'un faux dont ils ne sont pourtant pas les auteurs, les Protocoles des Sages de Sion, probablement rédigés à Paris, vers 1898, par des agents tsaristes de l'Okhrana (la police politique secrète du régime russe).

Un de ces propagandistes, le Russe Nilus, lance la version antisioniste et non seulement antijuive des Protocoles. Après la Première Guerre mondiale, dans le contexte d'un antibolchevisme exacerbé, les Protocoles commencent leur tour du monde pour mettre en place une vision conspirationniste de l'Histoire (révolution bolchevique = révolution juive) qui rende compte des ébranlements vécus par les contemporains depuis le 2 août 1914... À une «race juive» minoritaire, dominatrice et conspiratrice s'oppose l'immense masse d'une humanité dominée. Le conflit entre Juifs et non Juifs s'est déplacé du terrain religieux au conflit racial. L’un des propagandistes du temps, Léon de Poncins, directeur de la Revue internationale des sociétés secrètes, écrit en 1932 dans Les Juifs, maîtres du monde : «Quinze millions d'hommes, hommes intelligents, hommes tenaces, hommes passionnés, unis, malgré leurs divergences intestines, contre le monde des non Juifs par les liens de la race, de la religion et de l'intérêt, mettent au service d'un rêve messianique le plus froid des positivismes et travaillent, consciemment ou inconsciemment, à instaurer une conception du monde antagoniste de celle qui fut pendant 2 000 ans l'idéal de la civilisation occidentale. 15 millions d'hommes qui ont sur l'opinion publique une influence hors de toute proportion avec leur importance numérique parce qu'ils occupent les centres vitaux de la pensée et de l'action occidentale.»

Pour cet antisionisme balbutiant des années de l'entre deux guerres, le Juif est l'ennemi du genre humain et son influence est démesurée. Démasquer sa place exorbitante, c'est éclairer le monde et lui rendre son âme. Cette diabolisation du sionisme naissant subsume sous un seul terme, sous un seul et même danger, tous les sujets d'un monde récemment ébranlé et qui égrène ses plaintes et ses peurs : la guerre, le capitalisme («les gros»), le communisme («les soviets»), etc. Certes, pour tromper son monde, le sionisme ne se présente encore que sous la forme bénigne d'un nationalisme ; il faut pourtant aller au delà de cette banale volonté d'édifier un État pour deviner l'«entreprise de domination mondiale»... C'est pourquoi les Protocoles des Sages de Sion sont désormais tenus comme les minutes des séances secrètes du 1er congrès sioniste de 1897. Dès 1917, Nilus évoque l'origine «sioniste» du « document » tandis qu'en 1924 leur éditeur allemand, Theodor Fritsch, titre lui, carrément, Les Protocoles sionistes.

On aurait pu croire cette «thèse» définitivement enterrée par la Shoah : c'eût été ne pas comprendre le fonctionnement du mythe. En 1954, l'Anglais Creagh Scott définit le sionisme comme la «branche militante de la Juiverie mondiale, et (...) donc son instrument pour la domination mondiale». Peu importe la réalité politique et historique du nationalisme juif : la raison marque là ses limites face à un système de pensée tautologique, clos sur lui même, où la réponse précède la question et où l'essence explique l'existence. Guerroyer contre ce faux que sont les Protocoles ou s'insurger contre cette démonisation du sionisme sont de peu d'effet : une pensée délirante retourne toute critique en bien fondé de ses assertions. Ainsi, soutenir que les Protocoles sont un faux est un effort vain, tant sa mise à plat et la démonstration parallèle de l'irréalité des «complots» sont transformées en preuves de leur bien fondé... Cet antisionisme arc bouté sur les Protocoles, renoue avec l'essentialisme raciste : si la nature éternelle du Juif c'est le mal, le sionisme n'en est que le dernier et le plus visible avatar... Dans Le Péril juif, publié en 1924, Roger Lambelin note : «En fait, on peut dire que le sionisme, organisé par Th. Herzl, et bien avant le mandat conféré à l'Angleterre de donner à Jérusalem un "home" aux Hébreux, a doté la race d'un véritable gouvernement, c'est à dire d'un organe de direction et de centralisation. Lors de l'affaire Dreyfus, n'y avait-il pas un chef d'orchestre invisible qui réglait les démarches (...) ?» (p. 21). En 1931, L. Fry, pseudonyme d'une Russe blanche, Mme Chichmarev, écrit dans Le Retour des flots vers l’Orient. Le Juif, notre maître (ce sont là ses lignes de conclusion) : «L'Organisation sioniste mondiale ou Agence juive ou Alliance israélite universelle (quel que soit le nom qu'elle porte) n'est autre chose au fond que le Kahal avec ses 18 siècles d'expérience accumulée. Ses buts et ses principes, qu'ils soient enveloppés dans le mysticisme du Talmud ou brutalement exposés dans les Protocoles, sont les mêmes aujourd'hui que sous l'Empire romain». Un peu plus haut dans le livre, L. Fry écrivait que «... la guerre a apporté au sionisme une richesse passée sous silence et l'acc
omplissement d'un but immédiat»
.

On note déjà, avant guerre, deux formes d'antisionisme : d'une part, le nationalisme juif est dénoncé en ce qu'il empêcherait l'assimilation des Juifs aux sociétés environnantes. Mais, d'autre part, le sionisme est dénoncé aussi comme complot visant à la domination du monde... Le «nationalisme juif» ne serait là qu'un «prétexte». Brunton, dans la Revue internationale des sociétés secrètes, écrit en août 1934 que «le sionisme vise à la constitution en Palestine d'un État qui sera un centre d'inspiration et de direction pour le judaïsme mondial (...). La fondation de l'État juif en Palestine serait un pas décisif vers l'établissement d'un règne universel de justice dont Israël serait le juge.»

Cet antisionisme, d'inspiration largement chrétienne, est en place longtemps avant la création de l'État d'Israël, voire longtemps avant la déclaration Balfour (1917). Ainsi repère t on ses premières traces aux environs des années 1880 dans le journal La Croix, avant même que le mot «sionisme» fût forgé (1891).

Avant la Seconde Guerre mondiale, dans les milieux ultras du catholicisme et de l'antibolchevisme, la mission historique du sionisme (rétablir l'indépendance politique du peuple juif) est transmuée en un programme de conquête du monde dont l'État juif serait, demain, le cerveau et la base territoriale... Ce projet de domination fournit la clé de l'histoire mondiale, l'Histoire étant une suite de catastrophes dont les Juifs seraient l'origine. Ainsi Roger Lambelin souligne-t-il l'intérêt de la déclaration Balfour, publiée le 2 novembre 1917 : «La date et la déclaration méritent d'être retenues. Elles marquent l'origine d'une période de l'histoire du monde.» Cette domination n'est qu'une aspiration au mal, puisque telle est l'essence du Juif : le même Lambelin, en 1928, met en garde : «Seule l'idée du mal à causer à tout ce qui est étranger à sa race donne une cohésion sérieuse à ce peuple (...). Le retour à Jérusalem correspondait aux aspirations ancestrales de la race (...). L'orgueil de la race est le meilleur ciment de la solidité de cette reconstitution catastrophique».

Les tenants de la thèse du complot fantasment à l'envi sur la concordance chronologique entre la déclaration Balfour (2 novembre 1917) et la prise du pouvoir par les bolcheviks (7 novembre 1917) : le bolchevisme haï n'est ainsi que le dernier avatar du vieux «complot juif» et le premier surgeon du très moderne «complot sioniste mondial», lequel veut faire de Jérusalem, écrit encore Lambelin «un centre spirituel et un poste de commandement» grâce auxquels «ce peuple d'Israël est doté d'une puissance qui lui permet de tout entreprendre et de tout oser».

Vingt ans avant la création de l'État juif, Lambelin dénonce la «double allégeance» des Juifs du monde entier et propose de se protéger de ces traîtres en puissance : «N'organise-t-on pas entre nations les défenses contre certaines maladies contagieuses ?». Cette récurrence bacillaire fera son chemin pour devenir lutte vitale contre les bacilles et les poux. On sait la logique de ces mots.

Le sionisme met à jour, écrit Lambelin, la «perversité d'Israël» et son «impérialisme». Il démontre, renchérit Léon de Poncins, la cohésion de ce peuple, de cette nation (les deux termes sont employés indistinctement), démasquant enfin ces Juifs qui s'avancent dissimulés au milieu des peuples qui les accueillent. Il éclaire la «vraie nature» du judaïsme, écrit Hitler dans Mein Kampf (1925), celle d'une «entité biologique» et non d'une seule confession religieuse.

Cette vision du sionisme comme cœur du «complot mondial Juif» persiste après la Seconde Guerre mondiale, l'État d'Israël étant devenu aux yeux de l'extrême droite l'une des clés ultimes de l'histoire humaine, l'explication finale de ce sentiment de décadence et d'imminence de la catastrophe qui est au coeur de la passion antisémite.

Source : Georges Bensoussan, « Négationnisme et antisionnisme: récurrences et convergences des discours du rejet », Revue d'histoire de la Shoah, n° 166, mai-août 1999, © Centre de documentation juive contemporaine 1999, article reproduit sur le site anti-rev.org (Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation).

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La croyance à la «conspiration juive mondiale» voit dans le complot, qu'il soit Jésuite, franc maçon ou juif, la clé de l’Histoire... À la fin du XIXe siècle, les Jésuites, victimes eux mêmes de ces théories conspirationnistes, conduisent en France la campagne de démonisation des Juifs. Cette campagne, sur le fond, n'innove guère, tant elle ne fait que poursuivre sur la lancée de l'abbé Barruel, l'un des plus solides agents intellectuels de la contre révolution à la fin du XVIIIe siècle, qui voulait voir à l'oeuvre, dans les mutations en cours, péril maçonnique et péril Juif mêlés...

Le thème du «complot sioniste» hérite de cette vision. Il se structure au moment du premier congrès sioniste tenu à Bâle en août 1897, alors que la France commence à être déchirée par l'Affaire Dreyfus. Le congrès, réuni par Théodore Herzl, rend précisément l'Affaire intelligible, il permet d'«élucider» cette réalité opaque... Les Jésuites, les premiers, lancent ce thème en février 1898 dans leur organe la Civilta Cattolica. Du «complot juif», les Jésuites passent vite au «complot sioniste mondial», et ouvrent, ce faisant, la voie à la carrière fabuleuse d'un faux dont ils ne sont pourtant pas les auteurs, les Protocoles des Sages de Sion, probablement rédigés à Paris, vers 1898, par des agents tsaristes de l'Okhrana (la police politique secrète du régime russe).

Un de ces propagandistes, le Russe Nilus, lance la version antisioniste et non seulement antijuive des Protocoles. Après la Première Guerre mondiale, dans le contexte d'un antibolchevisme exacerbé, les Protocoles commencent leur tour du monde pour mettre en place une vision conspirationniste de l'Histoire (révolution bolchevique = révolution juive) qui rende compte des ébranlements vécus par les contemporains depuis le 2 août 1914... À une «race juive» minoritaire, dominatrice et conspiratrice s'oppose l'immense masse d'une humanité dominée. Le conflit entre Juifs et non Juifs s'est déplacé du terrain religieux au conflit racial. L’un des propagandistes du temps, Léon de Poncins, directeur de la Revue internationale des sociétés secrètes, écrit en 1932 dans Les Juifs, maîtres du monde : «Quinze millions d'hommes, hommes intelligents, hommes tenaces, hommes passionnés, unis, malgré leurs divergences intestines, contre le monde des non Juifs par les liens de la race, de la religion et de l'intérêt, mettent au service d'un rêve messianique le plus froid des positivismes et travaillent, consciemment ou inconsciemment, à instaurer une conception du monde antagoniste de celle qui fut pendant 2 000 ans l'idéal de la civilisation occidentale. 15 millions d'hommes qui ont sur l'opinion publique une influence hors de toute proportion avec leur importance numérique parce qu'ils occupent les centres vitaux de la pensée et de l'action occidentale.»

Pour cet antisionisme balbutiant des années de l'entre deux guerres, le Juif est l'ennemi du genre humain et son influence est démesurée. Démasquer sa place exorbitante, c'est éclairer le monde et lui rendre son âme. Cette diabolisation du sionisme naissant subsume sous un seul terme, sous un seul et même danger, tous les sujets d'un monde récemment ébranlé et qui égrène ses plaintes et ses peurs : la guerre, le capitalisme («les gros»), le communisme («les soviets»), etc. Certes, pour tromper son monde, le sionisme ne se présente encore que sous la forme bénigne d'un nationalisme ; il faut pourtant aller au delà de cette banale volonté d'édifier un État pour deviner l'«entreprise de domination mondiale»... C'est pourquoi les Protocoles des Sages de Sion sont désormais tenus comme les minutes des séances secrètes du 1er congrès sioniste de 1897. Dès 1917, Nilus évoque l'origine «sioniste» du « document » tandis qu'en 1924 leur éditeur allemand, Theodor Fritsch, titre lui, carrément, Les Protocoles sionistes.

On aurait pu croire cette «thèse» définitivement enterrée par la Shoah : c'eût été ne pas comprendre le fonctionnement du mythe. En 1954, l'Anglais Creagh Scott définit le sionisme comme la «branche militante de la Juiverie mondiale, et (...) donc son instrument pour la domination mondiale». Peu importe la réalité politique et historique du nationalisme juif : la raison marque là ses limites face à un système de pensée tautologique, clos sur lui même, où la réponse précède la question et où l'essence explique l'existence. Guerroyer contre ce faux que sont les Protocoles ou s'insurger contre cette démonisation du sionisme sont de peu d'effet : une pensée délirante retourne toute critique en bien fondé de ses assertions. Ainsi, soutenir que les Protocoles sont un faux est un effort vain, tant sa mise à plat et la démonstration parallèle de l'irréalité des «complots» sont transformées en preuves de leur bien fondé... Cet antisionisme arc bouté sur les Protocoles, renoue avec l'essentialisme raciste : si la nature éternelle du Juif c'est le mal, le sionisme n'en est que le dernier et le plus visible avatar... Dans Le Péril juif, publié en 1924, Roger Lambelin note : «En fait, on peut dire que le sionisme, organisé par Th. Herzl, et bien avant le mandat conféré à l'Angleterre de donner à Jérusalem un "home" aux Hébreux, a doté la race d'un véritable gouvernement, c'est à dire d'un organe de direction et de centralisation. Lors de l'affaire Dreyfus, n'y avait-il pas un chef d'orchestre invisible qui réglait les démarches (...) ?» (p. 21). En 1931, L. Fry, pseudonyme d'une Russe blanche, Mme Chichmarev, écrit dans Le Retour des flots vers l’Orient. Le Juif, notre maître (ce sont là ses lignes de conclusion) : «L'Organisation sioniste mondiale ou Agence juive ou Alliance israélite universelle (quel que soit le nom qu'elle porte) n'est autre chose au fond que le Kahal avec ses 18 siècles d'expérience accumulée. Ses buts et ses principes, qu'ils soient enveloppés dans le mysticisme du Talmud ou brutalement exposés dans les Protocoles, sont les mêmes aujourd'hui que sous l'Empire romain». Un peu plus haut dans le livre, L. Fry écrivait que «... la guerre a apporté au sionisme une richesse passée sous silence et l'acc
omplissement d'un but immédiat»
.

On note déjà, avant guerre, deux formes d'antisionisme : d'une part, le nationalisme juif est dénoncé en ce qu'il empêcherait l'assimilation des Juifs aux sociétés environnantes. Mais, d'autre part, le sionisme est dénoncé aussi comme complot visant à la domination du monde... Le «nationalisme juif» ne serait là qu'un «prétexte». Brunton, dans la Revue internationale des sociétés secrètes, écrit en août 1934 que «le sionisme vise à la constitution en Palestine d'un État qui sera un centre d'inspiration et de direction pour le judaïsme mondial (...). La fondation de l'État juif en Palestine serait un pas décisif vers l'établissement d'un règne universel de justice dont Israël serait le juge.»

Cet antisionisme, d'inspiration largement chrétienne, est en place longtemps avant la création de l'État d'Israël, voire longtemps avant la déclaration Balfour (1917). Ainsi repère t on ses premières traces aux environs des années 1880 dans le journal La Croix, avant même que le mot «sionisme» fût forgé (1891).

Avant la Seconde Guerre mondiale, dans les milieux ultras du catholicisme et de l'antibolchevisme, la mission historique du sionisme (rétablir l'indépendance politique du peuple juif) est transmuée en un programme de conquête du monde dont l'État juif serait, demain, le cerveau et la base territoriale... Ce projet de domination fournit la clé de l'histoire mondiale, l'Histoire étant une suite de catastrophes dont les Juifs seraient l'origine. Ainsi Roger Lambelin souligne-t-il l'intérêt de la déclaration Balfour, publiée le 2 novembre 1917 : «La date et la déclaration méritent d'être retenues. Elles marquent l'origine d'une période de l'histoire du monde.» Cette domination n'est qu'une aspiration au mal, puisque telle est l'essence du Juif : le même Lambelin, en 1928, met en garde : «Seule l'idée du mal à causer à tout ce qui est étranger à sa race donne une cohésion sérieuse à ce peuple (...). Le retour à Jérusalem correspondait aux aspirations ancestrales de la race (...). L'orgueil de la race est le meilleur ciment de la solidité de cette reconstitution catastrophique».

Les tenants de la thèse du complot fantasment à l'envi sur la concordance chronologique entre la déclaration Balfour (2 novembre 1917) et la prise du pouvoir par les bolcheviks (7 novembre 1917) : le bolchevisme haï n'est ainsi que le dernier avatar du vieux «complot juif» et le premier surgeon du très moderne «complot sioniste mondial», lequel veut faire de Jérusalem, écrit encore Lambelin «un centre spirituel et un poste de commandement» grâce auxquels «ce peuple d'Israël est doté d'une puissance qui lui permet de tout entreprendre et de tout oser».

Vingt ans avant la création de l'État juif, Lambelin dénonce la «double allégeance» des Juifs du monde entier et propose de se protéger de ces traîtres en puissance : «N'organise-t-on pas entre nations les défenses contre certaines maladies contagieuses ?». Cette récurrence bacillaire fera son chemin pour devenir lutte vitale contre les bacilles et les poux. On sait la logique de ces mots.

Le sionisme met à jour, écrit Lambelin, la «perversité d'Israël» et son «impérialisme». Il démontre, renchérit Léon de Poncins, la cohésion de ce peuple, de cette nation (les deux termes sont employés indistinctement), démasquant enfin ces Juifs qui s'avancent dissimulés au milieu des peuples qui les accueillent. Il éclaire la «vraie nature» du judaïsme, écrit Hitler dans Mein Kampf (1925), celle d'une «entité biologique» et non d'une seule confession religieuse.

Cette vision du sionisme comme cœur du «complot mondial Juif» persiste après la Seconde Guerre mondiale, l'État d'Israël étant devenu aux yeux de l'extrême droite l'une des clés ultimes de l'histoire humaine, l'explication finale de ce sentiment de décadence et d'imminence de la catastrophe qui est au coeur de la passion antisémite.

Source : Georges Bensoussan, « Négationnisme et antisionnisme: récurrences et convergences des discours du rejet », Revue d'histoire de la Shoah, n° 166, mai-août 1999, © Centre de documentation juive contemporaine 1999, article reproduit sur le site anti-rev.org (Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation).

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