Figure de la mouvance covido-complotiste, le pharmacologue semble aujourd'hui sous l'emprise d'un homme d'affaires manipulateur, ce qui inquiète jusqu'à ses partisans de la première heure.
Il est l'homme qui affirmait que le virus du Covid-19 avait été « fabriqué par l'Institut Pasteur » : Jean-Bernard Fourtillan, l'une des figures les plus fantasques de la sphère covidosceptique, était devenu l'un de ses « martyrs » après son bref internement en psychiatrie en décembre 2020. Mais ses soutiens les plus fidèles s’inquiètent aujourd'hui de sa disparition et affirment que le pharmacologue serait tombé sous l’emprise d’un homme d’affaire mythomane et peu scrupuleux...
Pharmacien de formation et professeur agrégé de chimie thérapeutique, Jean-Bernard Fourtillan est convaincu d’avoir découvert, en 1994, avec l’aide de la Vierge, la valentonine, une hormone miraculeuse pour le traitement des maladies neurodégénératives, comme celles de Parkinson ou d'Alzheimer. En 2007, il interrompt ses travaux sur la valentonine, mais se décide finalement à les reprendre sept ans plus tard, grâce à « l’intervention de Sœur Josefa », une religieuse espagnole du Sacré-Cœur de Jésus... morte en 1923. Pour mettre en œuvre sa vision, il s'associe au professeur Henri Joyeux, figure influente de la mouvance antivax en France et fondateur du site Familles Santé Prévention. Fervents catholiques, les deux retraités sont alors en première ligne dans le combat contre l'extension l'obligation vaccinale pour les enfants de 0 à 2 ans, assimilée à un « crime contre l'humanité ».
Ensemble, ils lancent le Fonds Josefa, qui servira de paravent pour lever des fonds, recruter 400 patients atteints d'Alzheimer ou de Parkinson et leur administrer, en toute clandestinité, dans une abbaye proche de Poitiers, un patch cutané de valentonine. En échange, une partie au moins de ces patients verse des sommes, parfois conséquentes, au Fonds Josefa. Informée à l'été 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) interdit immédiatement ces essais cliniques illégaux et « proches du charlatanisme », avant que le parquet de Paris n'ouvre une information judiciaire pour « abus de faiblesse » et « exercice illégal de la profession de pharmacien ». Mis en examen dans cette affaire, Henri Joyeux s'est depuis largement désolidarisé du professeur Fourtillan et affirme n'avoir « jamais co-fondé le fonds Josefa ».
Quelques mois plus tard débute la crise du Covid-19. Elle va inspirer l'extravagant professeur. Le 6 mai 2020, il adresse un courrier aux présidents Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine :
« Les acteurs du Nouvel Ordre Mondial, tels Bill Gates et ses alliés − aux premiers rangs desquels figurent le président Emmanuel Macron et son gouvernement, l’Institut Pasteur, Sanofi, GSK, Pfizer et MSD, avec la complicité de la plupart des agences de santé, de Google, Facebook, Tesla et de nombreux experts corrompus − projettent de réduire et de contrôler la population mondiale, en cherchant à imposer des vaccins dangereux et mortifères, dont la toxicité connue est volontairement cachée ».
Si sa lettre restera sans réponse, le septuagénaire découvre soudainement la notoriété à l'automne 2020, grâce à l'immense succès du film complotiste Hold-Up (plus de 12 millions de vues), film dans lequel il témoigne en réitérant ses accusations farfelues contre l’Institut Pasteur, qui porte plainte contre X pour diffamation. Fourtillan de son côté affirme avoir lui-même porté plainte contre l'Institut pour « mensonges et crime contre l'humanité en bande organisée », sans qu'il soit possible d'attester la réalité d'une telle démarche.
Alors qu’il refuse de se rendre aux convocations de la justice qui enquête sur ses essais cliniques sauvages, le Pr Fourtillan est interpellé le 7 décembre 2020. Trouvé « très exalté » par le psychiatre qui l'examine, il est interné trois jours plus tard en hôpital psychiatrique, sans que sa famille ou son avocat ne s’y opposent. La complosphère, elle, entre en ébullition contre ce qu'elle perçoit comme une mesure de la « dictature sanitaire », comparant le sort du professeur à celui des dissidents placés dans des hôpitaux psychiatriques par l’URSS des années 1970. FranceSoir, par exemple, s'indigne : « Après la censure, la liberté d'expression, les convocations des médecins à l'ordre pour diverses raisons, les menaces de mort contre le Pr Raoult, nous assistons à une privation de liberté par internement contre son gré du Pr Fourtillan. Où va-t-on s'arrêter ? » Une centaine de soutiens manifestent même devant l’hôpital psychiatrique pour demander sa libération, qui intervient finalement au bout d'une semaine d'internement.
Mais les figures de la mouvance covidosceptique n’embrayent pas : ses collectifs, comme l’association Bon Sens, ses leaders les plus en vue, Louis Fouché, Christian Perronne ou Alexandra Henrion-Caude, alors au zénith de leur influence, tiennent à distance le pharmacologue et ses théories délirantes et ne s'engagent pas dans sa défense. Des voix se font même entendre, au sein de la mouvance, pour questionner son équilibre mental. Jean-Daniel Metzger, blogueur antivax et promoteur d’une médecine « alternative et spirituelle », qualifie par exemple sa thèse de « surréaliste » et « paranoïaque », concluant que le pharmacien a « pété les plombs » et dénonçant le « groupe de dingos qui papillonne autour de Fourtillan ».
Car ses soutiens se recrutent alors parmi les figures les plus caricaturales de la complosphère, comme Stan Maillaud, ancien gendarme, radié de l'armée, spécialisé dans la dénonciation de prétendus « réseaux pédocriminels et sataniques », Grégory Pasqueille, multirécidiviste, poursuivi plusieurs fois pour incitation à la haine, à la violence ou à l’émeute, l'ancien présentateur de télé Richard Boutry, la youtubeuse suisse Chloé Frammery, le pharmacien antivax Serge Rader (décédé après une hospitalisation liée au Covid) ou encore « l'urinothérapeute » Christian Tal Schaller.
N'ayant pas respecté les conditions de son contrôle judiciaire dans l'affaire des essais cliniques sauvages, Fourtillan est de nouveau arrêté au printemps 2021 et cette fois-ci incarcéré à la prison de la Santé à Paris, pour quelques semaines. Alors que ses tribulations judiciaires se poursuivent, en 2021 et surtout en 2022, le pharmacien, de plus en plus isolé, reçoit le soutien sans faille de Frédéric Chaumont, relai des thèses QAnon et animateur des chaînes en ligne Jasper Mader et AgoraTV. Invité plus d’une dizaine de fois sur le plateau de ces chaînes conspirationnistes, le septuagénaire y tient, sous l’œil impavide de Chaumont, des propos de plus en plus désordonnés et extravagants. Le 24 décembre 2021, par exemple, il affirme que Donald Trump dirige toujours secrètement les États-Unis et que Joe Biden (en fonction depuis janvier 2021), n’a jamais été au pouvoir puisqu’il aurait été enfermé dans une cave et remplacé « par un sosie ». Fourtillan poursuit en expliquant qu’Emmanuel Macron est en réalité mort « en décembre 2018 » et qu’il a été, lui aussi, remplacé par un sosie. « D’ici le 15 janvier » prochain, promet-il, toute la vérité devrait être annoncée au monde, prélude à l’avènement d’un « monde nouveau, un monde d’amour, un monde de paix », dans lequel « les criminels vont tous être exécutés »...
Mais en juin 2022, Fourtillan rompt tout contact avec ses soutiens et disparaît des écrans radars. Alertés par des appels de fonds pour financer la valentonine, ceux-ci découvrent assez vite qu’un autre « dingo » a pris en main le professeur : Cédric Pierrot, entrepreneur nébuleux et affabulateur, lié de près au groupuscule complotiste radical CNT, le Conseil National de Transition, qui se prétend « seule autorité légitime de la France ». Pierrot figure parmi les signataires des statuts d'association déposés par le « CNT Canal-Historique », branche née après la scission interne du CNT de l'été 2021 et l'exclusion de son fondateur, le naturopathe Éric Fiorile. En juillet 2020, au cours d'un des nombreux lives vidéos fleuves de membres du CNT, Cédric Pierrot affirmait par exemple être un colonel de la DGSE, pour laquelle il aurait « effectué 272 missions ».
Malgré ses déboires judiciaires, Jean-Bernard Fourtillan n’a quant à lui pas renoncé à commercialiser la valentonine, son hormone miracle. Lorsque Cédric Pierrot lui propose en 2022 de prendre en main la production des patchs de valentonine et leur financement, le septuagénaire se laisse convaincre. Séduit, il lui confie les rênes de la SodeVal (Société d’exploitation de la Valentonine), qu'il avait fondée en 2017. Via la plateforme Ayomi, « première intelligence artificielle permettant d'obtenir un financement », ils lancent une levée de fonds avec un objectif de 500 000 euros. Pour les investisseurs, un ticket d'entrée minimum à 400 euros, mais la promesse de participer à « la promotion de la santé et du bien-être à l'échelle mondiale », ainsi qu'une alléchante valorisation après investissement de l'entreprise, mystérieusement fixée à 10 millions d'euros. Entre temps, pour échapper à l’œil sévère des autorités sanitaires, « l'ImuPatch » du professeur est devenu « un complément alimentaire physiologique » plutôt qu'un médicament. Pierrot promet une mise sur le marché rapide, évoque « l'obtention de 46 brevets dans 156 pays », fait croire qu’il a obtenu l’autorisation de la FDA, l’autorité de santé américaine, ou encore qu’il pourrait obtenir des aides de l’État français, dans le cadre de France 2030, pour la production de « 50 biothérapies » et la création de nombreux emplois.
Les anciens amis de Fourtillan, au premier rang desquels Frédéric Chaumont, s'inquiètent maintenant de voir le pharmacologue plongé dans une relation exclusive avec Cédric Pierrot, qui semble relever de l'emprise. Abus de faiblesse, escroquerie, manipulation : dans une vidéo, un ancien proche, Didier Julien Garofalo, dénonce cette relation et admet que le professeur « n’est plus en état ». Comme pour leur répondre, Pierrot et Fourtillan apparaissent finalement, en mars 2024, dans une vidéo commune. L'obscur entrepreneur se défend de manipuler le professeur, tout en affirmant avoir eu « besoin de faire du ménage » et d'« enlever un peu les personnes » autour de lui.
Visiblement sous le charme, avec la présence mutique de son épouse derrière son épaule, Fourtillan écoute, mais semble diminué, presque désorienté. Il exprime ensuite sa gratitude envers Pierrot, confirmant que désormais « l’un ne va pas sans l’autre » et parlant « de tout partager ». Fourtillan dit même que, bien que leur rencontre ne date que de 2022, Pierrot l'aurait en fait « protégé depuis de nombreuses années », se mettant « à agir à partir de 2020, quand ils ont essayé de me flinguer » : en creux, on comprend que le professeur a gobé les fables de barbouzeries de Cédric Pierrot. De son côté, l'entrepreneur affiche sa confiance, affirmant avoir le soutien d'un « nombre incommensurable d'investisseurs étrangers » pour leur ImuPatch, « ausculté de A à Z par de nombreuses entités étrangères, les plus puissantes du monde ».
Mais le 16 avril 2024, l’ANSM siffle finalement la fin de partie et interdit à la SodeVal, dans un souci « de police sanitaire », de faire la publicité ou l’exploitation de ses patchs transdermiques, « présenté de manière infondée comme ayant des vertus “préventives et curatives révolutionnaires pour la santé”. » Depuis, la collecte en ligne a été supsendue et la SodeVal, Fourtillan ainsi que son nouveau mentor sont retombés dans le silence.
Ironie de l’histoire : parmi les motifs multiples de la mise en examen du Pr Fourtillan, suite à l’essai clinique illégal de 2019, figurait « l’abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable ».
Il est l'homme qui affirmait que le virus du Covid-19 avait été « fabriqué par l'Institut Pasteur » : Jean-Bernard Fourtillan, l'une des figures les plus fantasques de la sphère covidosceptique, était devenu l'un de ses « martyrs » après son bref internement en psychiatrie en décembre 2020. Mais ses soutiens les plus fidèles s’inquiètent aujourd'hui de sa disparition et affirment que le pharmacologue serait tombé sous l’emprise d’un homme d’affaire mythomane et peu scrupuleux...
Pharmacien de formation et professeur agrégé de chimie thérapeutique, Jean-Bernard Fourtillan est convaincu d’avoir découvert, en 1994, avec l’aide de la Vierge, la valentonine, une hormone miraculeuse pour le traitement des maladies neurodégénératives, comme celles de Parkinson ou d'Alzheimer. En 2007, il interrompt ses travaux sur la valentonine, mais se décide finalement à les reprendre sept ans plus tard, grâce à « l’intervention de Sœur Josefa », une religieuse espagnole du Sacré-Cœur de Jésus... morte en 1923. Pour mettre en œuvre sa vision, il s'associe au professeur Henri Joyeux, figure influente de la mouvance antivax en France et fondateur du site Familles Santé Prévention. Fervents catholiques, les deux retraités sont alors en première ligne dans le combat contre l'extension l'obligation vaccinale pour les enfants de 0 à 2 ans, assimilée à un « crime contre l'humanité ».
Ensemble, ils lancent le Fonds Josefa, qui servira de paravent pour lever des fonds, recruter 400 patients atteints d'Alzheimer ou de Parkinson et leur administrer, en toute clandestinité, dans une abbaye proche de Poitiers, un patch cutané de valentonine. En échange, une partie au moins de ces patients verse des sommes, parfois conséquentes, au Fonds Josefa. Informée à l'été 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) interdit immédiatement ces essais cliniques illégaux et « proches du charlatanisme », avant que le parquet de Paris n'ouvre une information judiciaire pour « abus de faiblesse » et « exercice illégal de la profession de pharmacien ». Mis en examen dans cette affaire, Henri Joyeux s'est depuis largement désolidarisé du professeur Fourtillan et affirme n'avoir « jamais co-fondé le fonds Josefa ».
Quelques mois plus tard débute la crise du Covid-19. Elle va inspirer l'extravagant professeur. Le 6 mai 2020, il adresse un courrier aux présidents Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine :
« Les acteurs du Nouvel Ordre Mondial, tels Bill Gates et ses alliés − aux premiers rangs desquels figurent le président Emmanuel Macron et son gouvernement, l’Institut Pasteur, Sanofi, GSK, Pfizer et MSD, avec la complicité de la plupart des agences de santé, de Google, Facebook, Tesla et de nombreux experts corrompus − projettent de réduire et de contrôler la population mondiale, en cherchant à imposer des vaccins dangereux et mortifères, dont la toxicité connue est volontairement cachée ».
Si sa lettre restera sans réponse, le septuagénaire découvre soudainement la notoriété à l'automne 2020, grâce à l'immense succès du film complotiste Hold-Up (plus de 12 millions de vues), film dans lequel il témoigne en réitérant ses accusations farfelues contre l’Institut Pasteur, qui porte plainte contre X pour diffamation. Fourtillan de son côté affirme avoir lui-même porté plainte contre l'Institut pour « mensonges et crime contre l'humanité en bande organisée », sans qu'il soit possible d'attester la réalité d'une telle démarche.
Alors qu’il refuse de se rendre aux convocations de la justice qui enquête sur ses essais cliniques sauvages, le Pr Fourtillan est interpellé le 7 décembre 2020. Trouvé « très exalté » par le psychiatre qui l'examine, il est interné trois jours plus tard en hôpital psychiatrique, sans que sa famille ou son avocat ne s’y opposent. La complosphère, elle, entre en ébullition contre ce qu'elle perçoit comme une mesure de la « dictature sanitaire », comparant le sort du professeur à celui des dissidents placés dans des hôpitaux psychiatriques par l’URSS des années 1970. FranceSoir, par exemple, s'indigne : « Après la censure, la liberté d'expression, les convocations des médecins à l'ordre pour diverses raisons, les menaces de mort contre le Pr Raoult, nous assistons à une privation de liberté par internement contre son gré du Pr Fourtillan. Où va-t-on s'arrêter ? » Une centaine de soutiens manifestent même devant l’hôpital psychiatrique pour demander sa libération, qui intervient finalement au bout d'une semaine d'internement.
Mais les figures de la mouvance covidosceptique n’embrayent pas : ses collectifs, comme l’association Bon Sens, ses leaders les plus en vue, Louis Fouché, Christian Perronne ou Alexandra Henrion-Caude, alors au zénith de leur influence, tiennent à distance le pharmacologue et ses théories délirantes et ne s'engagent pas dans sa défense. Des voix se font même entendre, au sein de la mouvance, pour questionner son équilibre mental. Jean-Daniel Metzger, blogueur antivax et promoteur d’une médecine « alternative et spirituelle », qualifie par exemple sa thèse de « surréaliste » et « paranoïaque », concluant que le pharmacien a « pété les plombs » et dénonçant le « groupe de dingos qui papillonne autour de Fourtillan ».
Car ses soutiens se recrutent alors parmi les figures les plus caricaturales de la complosphère, comme Stan Maillaud, ancien gendarme, radié de l'armée, spécialisé dans la dénonciation de prétendus « réseaux pédocriminels et sataniques », Grégory Pasqueille, multirécidiviste, poursuivi plusieurs fois pour incitation à la haine, à la violence ou à l’émeute, l'ancien présentateur de télé Richard Boutry, la youtubeuse suisse Chloé Frammery, le pharmacien antivax Serge Rader (décédé après une hospitalisation liée au Covid) ou encore « l'urinothérapeute » Christian Tal Schaller.
N'ayant pas respecté les conditions de son contrôle judiciaire dans l'affaire des essais cliniques sauvages, Fourtillan est de nouveau arrêté au printemps 2021 et cette fois-ci incarcéré à la prison de la Santé à Paris, pour quelques semaines. Alors que ses tribulations judiciaires se poursuivent, en 2021 et surtout en 2022, le pharmacien, de plus en plus isolé, reçoit le soutien sans faille de Frédéric Chaumont, relai des thèses QAnon et animateur des chaînes en ligne Jasper Mader et AgoraTV. Invité plus d’une dizaine de fois sur le plateau de ces chaînes conspirationnistes, le septuagénaire y tient, sous l’œil impavide de Chaumont, des propos de plus en plus désordonnés et extravagants. Le 24 décembre 2021, par exemple, il affirme que Donald Trump dirige toujours secrètement les États-Unis et que Joe Biden (en fonction depuis janvier 2021), n’a jamais été au pouvoir puisqu’il aurait été enfermé dans une cave et remplacé « par un sosie ». Fourtillan poursuit en expliquant qu’Emmanuel Macron est en réalité mort « en décembre 2018 » et qu’il a été, lui aussi, remplacé par un sosie. « D’ici le 15 janvier » prochain, promet-il, toute la vérité devrait être annoncée au monde, prélude à l’avènement d’un « monde nouveau, un monde d’amour, un monde de paix », dans lequel « les criminels vont tous être exécutés »...
Mais en juin 2022, Fourtillan rompt tout contact avec ses soutiens et disparaît des écrans radars. Alertés par des appels de fonds pour financer la valentonine, ceux-ci découvrent assez vite qu’un autre « dingo » a pris en main le professeur : Cédric Pierrot, entrepreneur nébuleux et affabulateur, lié de près au groupuscule complotiste radical CNT, le Conseil National de Transition, qui se prétend « seule autorité légitime de la France ». Pierrot figure parmi les signataires des statuts d'association déposés par le « CNT Canal-Historique », branche née après la scission interne du CNT de l'été 2021 et l'exclusion de son fondateur, le naturopathe Éric Fiorile. En juillet 2020, au cours d'un des nombreux lives vidéos fleuves de membres du CNT, Cédric Pierrot affirmait par exemple être un colonel de la DGSE, pour laquelle il aurait « effectué 272 missions ».
Malgré ses déboires judiciaires, Jean-Bernard Fourtillan n’a quant à lui pas renoncé à commercialiser la valentonine, son hormone miracle. Lorsque Cédric Pierrot lui propose en 2022 de prendre en main la production des patchs de valentonine et leur financement, le septuagénaire se laisse convaincre. Séduit, il lui confie les rênes de la SodeVal (Société d’exploitation de la Valentonine), qu'il avait fondée en 2017. Via la plateforme Ayomi, « première intelligence artificielle permettant d'obtenir un financement », ils lancent une levée de fonds avec un objectif de 500 000 euros. Pour les investisseurs, un ticket d'entrée minimum à 400 euros, mais la promesse de participer à « la promotion de la santé et du bien-être à l'échelle mondiale », ainsi qu'une alléchante valorisation après investissement de l'entreprise, mystérieusement fixée à 10 millions d'euros. Entre temps, pour échapper à l’œil sévère des autorités sanitaires, « l'ImuPatch » du professeur est devenu « un complément alimentaire physiologique » plutôt qu'un médicament. Pierrot promet une mise sur le marché rapide, évoque « l'obtention de 46 brevets dans 156 pays », fait croire qu’il a obtenu l’autorisation de la FDA, l’autorité de santé américaine, ou encore qu’il pourrait obtenir des aides de l’État français, dans le cadre de France 2030, pour la production de « 50 biothérapies » et la création de nombreux emplois.
Les anciens amis de Fourtillan, au premier rang desquels Frédéric Chaumont, s'inquiètent maintenant de voir le pharmacologue plongé dans une relation exclusive avec Cédric Pierrot, qui semble relever de l'emprise. Abus de faiblesse, escroquerie, manipulation : dans une vidéo, un ancien proche, Didier Julien Garofalo, dénonce cette relation et admet que le professeur « n’est plus en état ». Comme pour leur répondre, Pierrot et Fourtillan apparaissent finalement, en mars 2024, dans une vidéo commune. L'obscur entrepreneur se défend de manipuler le professeur, tout en affirmant avoir eu « besoin de faire du ménage » et d'« enlever un peu les personnes » autour de lui.
Visiblement sous le charme, avec la présence mutique de son épouse derrière son épaule, Fourtillan écoute, mais semble diminué, presque désorienté. Il exprime ensuite sa gratitude envers Pierrot, confirmant que désormais « l’un ne va pas sans l’autre » et parlant « de tout partager ». Fourtillan dit même que, bien que leur rencontre ne date que de 2022, Pierrot l'aurait en fait « protégé depuis de nombreuses années », se mettant « à agir à partir de 2020, quand ils ont essayé de me flinguer » : en creux, on comprend que le professeur a gobé les fables de barbouzeries de Cédric Pierrot. De son côté, l'entrepreneur affiche sa confiance, affirmant avoir le soutien d'un « nombre incommensurable d'investisseurs étrangers » pour leur ImuPatch, « ausculté de A à Z par de nombreuses entités étrangères, les plus puissantes du monde ».
Mais le 16 avril 2024, l’ANSM siffle finalement la fin de partie et interdit à la SodeVal, dans un souci « de police sanitaire », de faire la publicité ou l’exploitation de ses patchs transdermiques, « présenté de manière infondée comme ayant des vertus “préventives et curatives révolutionnaires pour la santé”. » Depuis, la collecte en ligne a été supsendue et la SodeVal, Fourtillan ainsi que son nouveau mentor sont retombés dans le silence.
Ironie de l’histoire : parmi les motifs multiples de la mise en examen du Pr Fourtillan, suite à l’essai clinique illégal de 2019, figurait « l’abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable ».
Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.