Imaginez qu’au lendemain d’un emballement hystérique sur Twitter, un canard se mette à titrer des choses comme « Céline Dion consomme-t-elle du sang d’enfants ? » ou « Brigitte Macron est-elle un homme ? » en s’abstenant de répondre aux questions que posent ces titres.
« Je ne crois pas que Dieu aurait permis de si terribles effets pour une si petite cause. Les prisons sont pleines, les juges les plus éminents siègent à Salem et l’ombre de la potence est là. Il me paraît juste de penser à une cause proportionnée à cet appareil. » (Arthur Miller, Les Sorcières de Salem, 1952).
Je vous demande, cher lecteur, de vous mettre cinq minutes à ma place.
Vous travaillez pour un petit média que vous avez créé il y a quinze ans et portez depuis à bout de bras. Un service de presse en ligne édité par une association loi de 1901 à but non lucratif et animé par une petite équipe de collaborateurs moins motivés par leurs perspectives de carrière que par leur engagement. Un site internet unique en son genre qui met un point d’honneur à mettre tous ses contenus en libre accès, gratuitement. Vous travaillez pour Conspiracy Watch.
Cette activité, à la fois ingrate et chronophage, vous n’avez jamais vraiment cherché à la « monétiser » : vous n’avez pas créé de formule payante pour abonnés, n’avez pas lancé de cagnotte en ligne et n’avez pas non plus eu recours à l’hébergement de contenus sponsorisés. D’ailleurs, pendant dix ans, vous avez animé ce site bénévolement. Et c’est parce qu’une noble institution privée (mais reconnue d’utilité publique), vous a proposé de soutenir financièrement votre projet que vous en êtes arrivé à en faire votre activité professionnelle à part entière.
Vous travaillez sur le complotisme, c’est-à-dire sur une thématique située au carrefour des mouvances les plus extrémistes et les plus toxiques qu’on puisse imaginer : racistes, intégristes, sectaires voire terroristes. Votre site fait ainsi l’objet de cyberattaques. On lance contre vous des procédures-bâillons. Mais par-dessus tout, cette activité vous vaut, de longue date, d’être conspué quotidiennement sur les réseaux sociaux. On vous fait comprendre qu’on a votre adresse. On vous menace. On diffame vos proches. Vous êtes obligé de travailler dans un endroit sécurisé tandis que, tous les jours, votre nom est traîné dans la boue par des gens qui rêvent littéralement de danser sur votre tombe.
Il y a deux ans, l’État a lancé un appel à projets ayant tout particulièrement pour objectif de lutter contre les discours complotistes en ligne. L’association éditrice de Conspiracy Watch est l’un des 17 lauréats de cet appel à projets. Or, voici qu’une enquête administrative est déclenchée sur la manière dont des fonds publics attribués à l’une de ces 17 associations (qui n’a rien à voir avec la vôtre) ont été utilisés. La presse s’en empare, l’affaire devient politique, la justice est saisie, les oppositions réclament la mise en place de commissions d’enquête parlementaires...
Flairant une occasion d’amalgamer votre nom à un scandale potentiel de détournement de fonds publics, la complosphère déclenche contre vous une campagne de harcèlement d’une rare violence. Des milliers et des milliers de messages en quelques jours.
Vous n’avez rien à vous reprocher, le projet pour lequel votre association a obtenu un soutien financier a été examiné, il a reçu quitus de l’administration, tout est en règles mais l’opportunité est trop belle. Contre vous, et contre vous seulement, on fait flèche de tout bois. On vous accuse trompeusement d’avoir été personnellement « payé » des dizaines de milliers d’euros pour un travail inexistant, on vous accuse d’avoir piqué dans la caisse et l’on vous somme plusieurs fois par jour de « rendre l’argent » tandis que des attaques d’un antisémitisme virulent se mêlent aux messages qui vous promettent la guillotine.
Cet acharnement contre vous, cette passion mise à tenter de vous abattre est l’une des meilleures preuves de l’efficacité de votre travail, l’un des signes manifestes que votre action mérite précisément d’être soutenue.
Or, voici qu’une partie de la presse, plutôt que d’enquêter sur les ressorts de ce lynchage ignoble, décide d’enquêter sur votre compte, vérifiant le mot décidément inspiré de Salman Rushdie : « Mentez une fois à propos de quelqu’un et beaucoup ne vous croiront pas. Répétez le même mensonge un million de fois et c’est l’homme sur qui vous avez menti que plus personne ne croira. »
Vous êtes alors contacté par un jeune journaliste missionné en urgence par sa rédaction (celle de CheckNews, le service de journalisme à la demande du journal Libération, dont Conspiracy Watch relaie fréquemment le travail) pour enquêter sur la manière dont ont été employés les fonds publics dont votre association a bénéficié. Votre association seule, pas les autres – notez bien. Car c’est avant tout votre association, et pas les autres, qui est prise pour cible par les complotistes. Prime aux lyncheurs, double peine pour ceux qui leur résistent.
Le jeune homme a beau être poli et sympathique, la démarche vous dépite. La lecture de Kafka vous a rendu bien trop familier de l’engrenage diabolique qui est en train de se mettre en place sous vos yeux pour que vous en négligiez la nocivité. Vous êtes enclin à y voir une concession à l’abject esprit de maccarthysme que les réseaux sociaux sont en train d’imprimer à l’époque, mais vous vous dites que c’est aussi peut-être là l’occasion d’être lavé des soupçons que la rumeur colporte sur votre compte depuis des jours.
Pour l’avoir observé pendant des années et avoir écrit un petit livre sur la question qui vient justement d’être publié, vous savez mieux que quiconque la puissance destructrice de cet adage : « il n’y a pas de fumée sans feu ». Vous optez donc pour la transparence. Afin que la fumée se dissipe et que tout le monde puisse constater qu’il n’y a pas de feu, vous ouvrez les fenêtres et la porte de votre bureau au jeune journaliste. Vous répondez à toutes ses questions, lui produisez les documents qu’il souhaite consulter pour qu’il les passe au peigne fin. Vous vérifiez vos relevés bancaires pour ne pas risquer de lui donner un chiffre incorrect (vous vous doutez que la moindre erreur pourrait être retenue contre vous). Cela représente un temps précieux que vous pourriez passer à remplir votre mission. Mais vous le prenez quand même car vous nourrissez l’espoir que votre confrère et sa rédaction s’appliqueront à disperser les soupçons qui pèsent sur votre personne, vous permettant de refermer ce chapitre pénible.
L’article est finalement publié et, même si, entre les lignes, il vous disculpe, il en ressort comme une impression d’inachevé. L’article est en effet intitulé : « Rudy Reichstadt, fondateur du site anti-complotiste Conspiracy Watch, a-t-il indûment bénéficié du Fonds Marianne ? ». Il est assorti de votre photo. Seulement voilà : aucun passage de ce texte ne répond à la question posée.
(Imaginez qu’au lendemain d’un emballement hystérique de plusieurs jours sur Twitter, un canard se mette à titrer des choses comme « Céline Dion consomme-t-elle du sang d’enfants ? », « Bill Gates veut-il nous implanter des nanopuces sous la peau ? » ou « Brigitte Macron est-elle un homme ? » en s’abstenant de répondre aux questions que posent ces titres. Puis transposez.)
Dans l’article que CheckNews vous consacre, vous cherchez en vain un paragraphe, une ligne, répondant sans détour à la question de savoir si vous avez « indûment bénéficié du Fonds Marianne ». Vous cherchez, sans le trouver, le mot « non ». Ce mot, pourtant, CheckNews le connaît. Petit échantillon : « Non, le taux de chômage en France n’est pas au plus bas depuis 40 ans, comme l’affirme le parti présidentiel Renaissance » (14 février 2023) ; « Non, cette gigantesque faille n’a rien à voir avec le séisme en Turquie » (20 février 2023) ; « Non, "des tas de branches" professionnelles ne payent pas les salariés en dessous du smic, comme l’a affirmé Emmanuel Macron » (23 mars 2023) ; « Non, Emmanuel Macron n’a pas promulgué la loi retraites au milieu de la nuit » (16 avril 2023)…
C’est donc en conscience qu’on s’est abstenu d’écrire : « Non, Rudy Reichstadt n’a pas indûment bénéficié du Fonds Marianne ». Comme si je restais suspect, coincé au purgatoire sans savoir ce que j’aurais dû faire pour qu’on ne m’y oublie pas. En sachant en revanche que cette cauteleuse indécision donnera à mes diffamateurs un argument supplémentaire pour attenter à mon honneur et salir le travail sans équivalent que nous réalisons ma petite équipe et moi.
Mise à jour du 30/10/2023 :
Le 30 mai 2023, la commission d’enquête du Sénat a auditionné conjointement Abdennour Bidar, président de Fraternité Générale, Xavier Desmaison, président de Civic Fab, et Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme, ces trois associations ayant déjà une expérience de collaboration avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) avant l’appel à projets fonds Marianne. L’objectif de cette audition était d’éclairer le Sénat sur la manière dont cet appel à projets avait été mis en œuvre du côté des acteurs associatifs. Lors de la remise de son rapport le 6 juillet 2023, la commission d’enquête du Sénat a souligné, par la voix de son rapporteur, que ces acteurs associatifs avait fait « un travail de fond qui ne saurait être mis en cause ».
De son côté, l’Inspection générale de l’administration (IGA) a interrogé les responsables des 17 associations lauréates du fonds Marianne. Son rapport est également accessible en ligne depuis le 6 juillet et montre que l’Observatoire du conspirationnisme fait partie des associations qui ont le mieux géré les aides publiques qui lui ont été accordées.
Le communiqué de presse de l’IGA indique notamment que son rapport « établit qu’à l’exception notable des deux associations déjà mises en causes [l’USEPPM et Reconstruire le commun], les associations bénéficiaires du fonds Marianne se sont révélées être des partenaires investis, pertinents et courageux. »
Quant aux médias qui ont enquêté sur le fonds Marianne, ils ont montré que l’Observatoire du conspirationnisme était, de loin, la structure qui avait été la plus transparente pendant cette séquence. Ainsi, le service CheckNews de Libération a souligné dans un article du 15 juin 2023 que Rudy Reichstadt « [avait] totalement joué le jeu de la transparence ». Et d’ajouter :
« Nous savons que l’association [Observatoire du conspirationnisme], depuis l’article, a été l’objet d’attaques de la part des complotistes, souvent sans aucun rapport – voire en contradiction – avec le contenu de notre enquête. Ce harcèlement est injustifiable. Il est d’autant plus odieux quand il s’assortit de menaces et de propos antisémites comme cela a été le cas. »
Enfin, dans le compte-rendu qu’elle a donné de l’audition devant la commission d’enquête sénatoriale de Fraternité générale, de Civic Fab et de l’Observatoire du conspirationnisme, la chaîne Public Sénat souligne que ces trois associations ont détaillé le bon usage de leurs subventions.
Malgré ces mises au point, les propos diffamatoires à l'encontre de Rudy Reichstadt et de Conspiracy Watch n'ont pas cessé.
Ainsi, dans son numéro 203 d'août-septembre 2023, le bimestriel d'extrême droite Éléments a colporté sur Rudy Reichstadt la rumeur infamante et mensongère selon laquelle il se serait personnellement « rempli les poches » « grâce au fonds Marianne ». La rédaction d'Éléments a été contrainte, sous peine de poursuites judiciaires, de publier en page 4 de son numéro d'octobre-novembre 2023 le droit de réponse suivant :
Le 24 octobre 2023, François Vaneeckhoutte, l’auteur de l’article de CheckNews (Libération) du 19 avril 2023 intitulé « Rudy Reichstadt, fondateur du site anti-complotiste Conspiracy Watch, a-t-il indûment bénéficié du Fonds Marianne ? » a répondu à Kamil Abderrahman, chroniqueur pour le site Le Média, qui avait incriminé Rudy Reichstadt sur la base du titre de son article [archive]. Il écrit :
« Comme indiqué dans l'article, ni la qualité du dossier de candidature de [Conspiracy Watch] au fonds Marianne, ni le travail de l’association ne sont remis en cause. Les notices d'information promises ont bien été réalisées, il n'y a pas de débat là-dessus. Idem, [Rudy Reichstadt] avait été totalement transparent quant aux dépenses engagées pour le projet […]. Bref, pour répondre à votre question, [...] : non, Rudy Reichstadt n'a ni bénéficié indûment du fonds Marianne (puisqu'il rentrait dans les critères), ni croqué dans la subvention. »
Il se trouve, @kamilabderrahmn, que je suis l'auteur de cet article.
Et que la réponse est non (1/n). https://t.co/3ovD7kiD2L
— François Vaneeckhoutte (@FrancoisVnk) October 24, 2023
« Je ne crois pas que Dieu aurait permis de si terribles effets pour une si petite cause. Les prisons sont pleines, les juges les plus éminents siègent à Salem et l’ombre de la potence est là. Il me paraît juste de penser à une cause proportionnée à cet appareil. » (Arthur Miller, Les Sorcières de Salem, 1952).
Je vous demande, cher lecteur, de vous mettre cinq minutes à ma place.
Vous travaillez pour un petit média que vous avez créé il y a quinze ans et portez depuis à bout de bras. Un service de presse en ligne édité par une association loi de 1901 à but non lucratif et animé par une petite équipe de collaborateurs moins motivés par leurs perspectives de carrière que par leur engagement. Un site internet unique en son genre qui met un point d’honneur à mettre tous ses contenus en libre accès, gratuitement. Vous travaillez pour Conspiracy Watch.
Cette activité, à la fois ingrate et chronophage, vous n’avez jamais vraiment cherché à la « monétiser » : vous n’avez pas créé de formule payante pour abonnés, n’avez pas lancé de cagnotte en ligne et n’avez pas non plus eu recours à l’hébergement de contenus sponsorisés. D’ailleurs, pendant dix ans, vous avez animé ce site bénévolement. Et c’est parce qu’une noble institution privée (mais reconnue d’utilité publique), vous a proposé de soutenir financièrement votre projet que vous en êtes arrivé à en faire votre activité professionnelle à part entière.
Vous travaillez sur le complotisme, c’est-à-dire sur une thématique située au carrefour des mouvances les plus extrémistes et les plus toxiques qu’on puisse imaginer : racistes, intégristes, sectaires voire terroristes. Votre site fait ainsi l’objet de cyberattaques. On lance contre vous des procédures-bâillons. Mais par-dessus tout, cette activité vous vaut, de longue date, d’être conspué quotidiennement sur les réseaux sociaux. On vous fait comprendre qu’on a votre adresse. On vous menace. On diffame vos proches. Vous êtes obligé de travailler dans un endroit sécurisé tandis que, tous les jours, votre nom est traîné dans la boue par des gens qui rêvent littéralement de danser sur votre tombe.
Il y a deux ans, l’État a lancé un appel à projets ayant tout particulièrement pour objectif de lutter contre les discours complotistes en ligne. L’association éditrice de Conspiracy Watch est l’un des 17 lauréats de cet appel à projets. Or, voici qu’une enquête administrative est déclenchée sur la manière dont des fonds publics attribués à l’une de ces 17 associations (qui n’a rien à voir avec la vôtre) ont été utilisés. La presse s’en empare, l’affaire devient politique, la justice est saisie, les oppositions réclament la mise en place de commissions d’enquête parlementaires...
Flairant une occasion d’amalgamer votre nom à un scandale potentiel de détournement de fonds publics, la complosphère déclenche contre vous une campagne de harcèlement d’une rare violence. Des milliers et des milliers de messages en quelques jours.
Vous n’avez rien à vous reprocher, le projet pour lequel votre association a obtenu un soutien financier a été examiné, il a reçu quitus de l’administration, tout est en règles mais l’opportunité est trop belle. Contre vous, et contre vous seulement, on fait flèche de tout bois. On vous accuse trompeusement d’avoir été personnellement « payé » des dizaines de milliers d’euros pour un travail inexistant, on vous accuse d’avoir piqué dans la caisse et l’on vous somme plusieurs fois par jour de « rendre l’argent » tandis que des attaques d’un antisémitisme virulent se mêlent aux messages qui vous promettent la guillotine.
Cet acharnement contre vous, cette passion mise à tenter de vous abattre est l’une des meilleures preuves de l’efficacité de votre travail, l’un des signes manifestes que votre action mérite précisément d’être soutenue.
Or, voici qu’une partie de la presse, plutôt que d’enquêter sur les ressorts de ce lynchage ignoble, décide d’enquêter sur votre compte, vérifiant le mot décidément inspiré de Salman Rushdie : « Mentez une fois à propos de quelqu’un et beaucoup ne vous croiront pas. Répétez le même mensonge un million de fois et c’est l’homme sur qui vous avez menti que plus personne ne croira. »
Vous êtes alors contacté par un jeune journaliste missionné en urgence par sa rédaction (celle de CheckNews, le service de journalisme à la demande du journal Libération, dont Conspiracy Watch relaie fréquemment le travail) pour enquêter sur la manière dont ont été employés les fonds publics dont votre association a bénéficié. Votre association seule, pas les autres – notez bien. Car c’est avant tout votre association, et pas les autres, qui est prise pour cible par les complotistes. Prime aux lyncheurs, double peine pour ceux qui leur résistent.
Le jeune homme a beau être poli et sympathique, la démarche vous dépite. La lecture de Kafka vous a rendu bien trop familier de l’engrenage diabolique qui est en train de se mettre en place sous vos yeux pour que vous en négligiez la nocivité. Vous êtes enclin à y voir une concession à l’abject esprit de maccarthysme que les réseaux sociaux sont en train d’imprimer à l’époque, mais vous vous dites que c’est aussi peut-être là l’occasion d’être lavé des soupçons que la rumeur colporte sur votre compte depuis des jours.
Pour l’avoir observé pendant des années et avoir écrit un petit livre sur la question qui vient justement d’être publié, vous savez mieux que quiconque la puissance destructrice de cet adage : « il n’y a pas de fumée sans feu ». Vous optez donc pour la transparence. Afin que la fumée se dissipe et que tout le monde puisse constater qu’il n’y a pas de feu, vous ouvrez les fenêtres et la porte de votre bureau au jeune journaliste. Vous répondez à toutes ses questions, lui produisez les documents qu’il souhaite consulter pour qu’il les passe au peigne fin. Vous vérifiez vos relevés bancaires pour ne pas risquer de lui donner un chiffre incorrect (vous vous doutez que la moindre erreur pourrait être retenue contre vous). Cela représente un temps précieux que vous pourriez passer à remplir votre mission. Mais vous le prenez quand même car vous nourrissez l’espoir que votre confrère et sa rédaction s’appliqueront à disperser les soupçons qui pèsent sur votre personne, vous permettant de refermer ce chapitre pénible.
L’article est finalement publié et, même si, entre les lignes, il vous disculpe, il en ressort comme une impression d’inachevé. L’article est en effet intitulé : « Rudy Reichstadt, fondateur du site anti-complotiste Conspiracy Watch, a-t-il indûment bénéficié du Fonds Marianne ? ». Il est assorti de votre photo. Seulement voilà : aucun passage de ce texte ne répond à la question posée.
(Imaginez qu’au lendemain d’un emballement hystérique de plusieurs jours sur Twitter, un canard se mette à titrer des choses comme « Céline Dion consomme-t-elle du sang d’enfants ? », « Bill Gates veut-il nous implanter des nanopuces sous la peau ? » ou « Brigitte Macron est-elle un homme ? » en s’abstenant de répondre aux questions que posent ces titres. Puis transposez.)
Dans l’article que CheckNews vous consacre, vous cherchez en vain un paragraphe, une ligne, répondant sans détour à la question de savoir si vous avez « indûment bénéficié du Fonds Marianne ». Vous cherchez, sans le trouver, le mot « non ». Ce mot, pourtant, CheckNews le connaît. Petit échantillon : « Non, le taux de chômage en France n’est pas au plus bas depuis 40 ans, comme l’affirme le parti présidentiel Renaissance » (14 février 2023) ; « Non, cette gigantesque faille n’a rien à voir avec le séisme en Turquie » (20 février 2023) ; « Non, "des tas de branches" professionnelles ne payent pas les salariés en dessous du smic, comme l’a affirmé Emmanuel Macron » (23 mars 2023) ; « Non, Emmanuel Macron n’a pas promulgué la loi retraites au milieu de la nuit » (16 avril 2023)…
C’est donc en conscience qu’on s’est abstenu d’écrire : « Non, Rudy Reichstadt n’a pas indûment bénéficié du Fonds Marianne ». Comme si je restais suspect, coincé au purgatoire sans savoir ce que j’aurais dû faire pour qu’on ne m’y oublie pas. En sachant en revanche que cette cauteleuse indécision donnera à mes diffamateurs un argument supplémentaire pour attenter à mon honneur et salir le travail sans équivalent que nous réalisons ma petite équipe et moi.
Mise à jour du 30/10/2023 :
Le 30 mai 2023, la commission d’enquête du Sénat a auditionné conjointement Abdennour Bidar, président de Fraternité Générale, Xavier Desmaison, président de Civic Fab, et Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme, ces trois associations ayant déjà une expérience de collaboration avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) avant l’appel à projets fonds Marianne. L’objectif de cette audition était d’éclairer le Sénat sur la manière dont cet appel à projets avait été mis en œuvre du côté des acteurs associatifs. Lors de la remise de son rapport le 6 juillet 2023, la commission d’enquête du Sénat a souligné, par la voix de son rapporteur, que ces acteurs associatifs avait fait « un travail de fond qui ne saurait être mis en cause ».
De son côté, l’Inspection générale de l’administration (IGA) a interrogé les responsables des 17 associations lauréates du fonds Marianne. Son rapport est également accessible en ligne depuis le 6 juillet et montre que l’Observatoire du conspirationnisme fait partie des associations qui ont le mieux géré les aides publiques qui lui ont été accordées.
Le communiqué de presse de l’IGA indique notamment que son rapport « établit qu’à l’exception notable des deux associations déjà mises en causes [l’USEPPM et Reconstruire le commun], les associations bénéficiaires du fonds Marianne se sont révélées être des partenaires investis, pertinents et courageux. »
Quant aux médias qui ont enquêté sur le fonds Marianne, ils ont montré que l’Observatoire du conspirationnisme était, de loin, la structure qui avait été la plus transparente pendant cette séquence. Ainsi, le service CheckNews de Libération a souligné dans un article du 15 juin 2023 que Rudy Reichstadt « [avait] totalement joué le jeu de la transparence ». Et d’ajouter :
« Nous savons que l’association [Observatoire du conspirationnisme], depuis l’article, a été l’objet d’attaques de la part des complotistes, souvent sans aucun rapport – voire en contradiction – avec le contenu de notre enquête. Ce harcèlement est injustifiable. Il est d’autant plus odieux quand il s’assortit de menaces et de propos antisémites comme cela a été le cas. »
Enfin, dans le compte-rendu qu’elle a donné de l’audition devant la commission d’enquête sénatoriale de Fraternité générale, de Civic Fab et de l’Observatoire du conspirationnisme, la chaîne Public Sénat souligne que ces trois associations ont détaillé le bon usage de leurs subventions.
Malgré ces mises au point, les propos diffamatoires à l'encontre de Rudy Reichstadt et de Conspiracy Watch n'ont pas cessé.
Ainsi, dans son numéro 203 d'août-septembre 2023, le bimestriel d'extrême droite Éléments a colporté sur Rudy Reichstadt la rumeur infamante et mensongère selon laquelle il se serait personnellement « rempli les poches » « grâce au fonds Marianne ». La rédaction d'Éléments a été contrainte, sous peine de poursuites judiciaires, de publier en page 4 de son numéro d'octobre-novembre 2023 le droit de réponse suivant :
Le 24 octobre 2023, François Vaneeckhoutte, l’auteur de l’article de CheckNews (Libération) du 19 avril 2023 intitulé « Rudy Reichstadt, fondateur du site anti-complotiste Conspiracy Watch, a-t-il indûment bénéficié du Fonds Marianne ? » a répondu à Kamil Abderrahman, chroniqueur pour le site Le Média, qui avait incriminé Rudy Reichstadt sur la base du titre de son article [archive]. Il écrit :
« Comme indiqué dans l'article, ni la qualité du dossier de candidature de [Conspiracy Watch] au fonds Marianne, ni le travail de l’association ne sont remis en cause. Les notices d'information promises ont bien été réalisées, il n'y a pas de débat là-dessus. Idem, [Rudy Reichstadt] avait été totalement transparent quant aux dépenses engagées pour le projet […]. Bref, pour répondre à votre question, [...] : non, Rudy Reichstadt n'a ni bénéficié indûment du fonds Marianne (puisqu'il rentrait dans les critères), ni croqué dans la subvention. »
Il se trouve, @kamilabderrahmn, que je suis l'auteur de cet article.
Et que la réponse est non (1/n). https://t.co/3ovD7kiD2L
— François Vaneeckhoutte (@FrancoisVnk) October 24, 2023
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