Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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FranceSoir : dans les rouages d’une machine à cyberharceler

Publié par La Rédaction25 septembre 2024, ,

Depuis l’éviction de ses derniers journalistes et son virage complotiste, le propriétaire de FranceSoir, Xavier Azalbert, a transformé le média en outil de désinformation sous couvert de « journalisme citoyen ». Plusieurs victimes, qui ont pour certaines saisi la justice, témoignent. Enquête.

Illustration CW.

Il a bien changé, le journal fondé en novembre 1944 par des résistants, rapidement rejoints par sa figure de proue Pierre Lazareff. Ayant pris le contrôle du titre en 2014, puis licencié fin 2019 les journalistes grévistes qui réclamaient l’application de leur convention collective, son propriétaire Xavier Azalbert fonce pied au plancher sur l’autoroute du complotisme et du cyberharcèlement. Depuis l’apparition du Covid-19 et des mesures sanitaires associées, à partir de mars 2020, l’homme d’affaires a transformé l’ancien France-Soir en un média conspirationniste à succès allant jusqu'à dénoncer une « fausse pandémie » – en violation de la Charte de déontologie journalistique de Munich qu’il cite pourtant à longueur d’articles et d’interventions.

Après avoir pris fait et cause pour le professeur Didier Raoult, dont le traitement « miracle » s’est avéré inefficace et dangereux, FranceSoir embauche un ancien journaliste de France Télévisions, le complotiste Richard Boutry, pour animer l’émission Le défi de la vérité, au micro duquel les personnalités conspirationnistes se succèdent. En janvier 2021, une tribune du chanteur Francis Lalanne y appelle l’armée à renverser Emmanuel Macron. En septembre de la même année, une autre tribune, anonyme cette fois-ci, y cible des médecins et scientifiques en déclarant que « la veuve [la guillotine − ndlr] s’impatiente ». Tout cela n’est pourtant qu’un préambule, car Xavier Azalbert va aller beaucoup plus loin.

Chantage

En novembre 2022, FranceSoir va profiter de la séparation conflictuelle du fondateur du site de fact-checking Fact & Furious, Antoine Daoust, pour lancer une campagne de cyberharcèlement contre lui ainsi que sa colocataire et future compagne, « Yogina ». C’est sous ce pseudonyme qu’elle publie des analyses sur les dérives sectaires et conspirationnistes du yoga. Selon Yogina et Antoine Daoust, son ex-épouse, Malika, les avait menacés de représailles si Antoine Daoust, qui avait déménagé chez Yogina, ne rentrait pas à la maison.

Antoine Daoust, qui a quitté le domicile conjugal en laissant derrière lui son ordinateur et son téléphone, ne sait pas encore que Malika va les récupérer et les transmettre à Xavier Azalbert pour exploitation. Le 22 novembre 2022, son ex-épouse, à qui Antoine a demandé le divorce –elle aurait alors annoncé le déclenchement de représailles – donne une interview de 45 minutes chez le vidéaste complotiste Idriss Aberkane, accusant son conjoint d’être un menteur, un manipulateur et un homme violent.

Selon une ordonnance sur les mesures provisoires du juge aux affaires familiales (JAF) du tribunal judiciaire de Castres datée du 17 février 2023, consultée par Conspiracy Watch, « le conflit perdure encore à ce jour, alimenté notamment par Madame Malika K. qui s'est manifestement rapprochée de réseaux conspirationnistes pour dénoncer publiquement les violences conjugales qu'elle dit avoir subies de la part de son époux, ce dernier étant connu pour être dans l'opposition à ces réseaux de par son activité de jounaliste spécialisé dans le fact-checking, qu'il vient d'abandonner en raison des répercussions de cette affaire. »

Comme dévoilé par le service CheckNews de Libération, Antoine Daoust et Yogina reçoivent peu après une visite à domicile du complotiste Gérard Camberlin, qui rappelle Daoust le lendemain – lequel l’enregistre depuis le commissariat où il se trouve alors. Camberlin − qui se présente sous le pseudonyme de « Christophe Marchand » – est en compagnie de Xavier Azalbert. Celui-ci propose un arrangement : racheter Fact & Furious. Azalbert, sur le point de perdre son agrément de service de presse en ligne (SPEL) – décision finalement confirmée par la justice administrative en août 2024 – compte vraisemblablement sur cette opération pour le récupérer. C’est donc une tentative de chantage que subit Antoine Daoust, qui livre également son témoignage sur son site lofficine.eu. Il y publie l'enregistrement intégral de l'échange téléphonique qu'il a eu avec les deux hommes. Un document édifiant...

« Gérard Camberlin, avant de partir, a pris en photo ma boîte aux lettres avec le nom de ma marque de lingerie, le nom d’Antoine, il a [manifestement] fait [des recherches sur Internet] et il a retrouvé mon compte Instagram, témoigne Yogina. Je suppose qu’il a scrollé mon compte et identifié mes clients pour les afficher et les harceler. On a dû déménager dans un Airbnb. J’ai fini aux urgences avec plusieurs jours d’ITT suite au harcèlement d’Azalbert. Quand ils s’attaquent au nom de tes parents, à tes clients, tu te demandes jusqu’où ça va aller. Ils ont arrêté de me harceler mais je vis avec Antoine [qui subit toujours ce harcèlement – ndlr]. »

Le 28 novembre 2022, FranceSoir publie la première d’une série de quatre pseudo-enquêtes sur Fact & Furious, accompagnées de multiples interviews et d’innombrables tweets publiés par les comptes de FranceSoir, Xavier Azalbert et Fact & Serious. Ce dernier compte, présenté sur le site de FranceSoir comme le « service de fact-checking factuel et sérieux de FranceSoir.fr un média libre, indépendant et autonome respectant la charte de Munich » (sic) se spécialise dans le doxxing et les accusations diffamatoires et se voit fréquemment retweeté par Xavier Azalbert. Il servira également à lancer des accusations infondées contre Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, qui a porté plainte pour diffamation. Daoust dénombre, à ce jour, au moins 153 publications à son sujet...

Les publications de FranceSoir et d'Azalbert accusent pêle-mêle le « menteur » et « manipulateur » Antoine Daoust de multiples infractions pénales (violences conjugales, ventes de faux tests PCR), montent en épingle ses échanges privés et comparent Yogina à une actrice pornographique adepte du BDSM, dévoilant au passage de multiples données personnelles : état-civil, identité des parents, photos et correspondances privées, etc. « J’ai dû changer trois fois de travail, des collaborateurs m’ont demandé si j’avais [vraiment] vendu des faux tests PCR et tabassé ma femme, explique Antoine Daoust à Conspiracy Watch. La spécialité d’Azalbert (et Aberkane), c’est l’empoisonnement du puits, et la première victime d’Azalbert, c’est la vérité. »

Quand une avocate complotiste instrumentalise un divorce conflictuel

Selon nos informations, la nébuleuse FranceSoir s’est immiscée de façon plus pernicieuse dans la vie du fondateur de Fact & Furious. Depuis novembre 2022 , l’avocate Diane Protat représente Malika Daoust dans la procédure de divorce. Or, Protat compte notamment parmi ses clients FranceSoir, l’association antivax Bon Sens (présidée par... Xavier Azalbert), ainsi que les collectifs complotistes VERITY France et Où est mon cycle ? Selon Antoine Daoust, l’avocate lui aurait proposé un divorce à l’amiable en échange de la cession de Fact & Furious à son ex-femme.

Elle aurait aussi tenté d’obtenir de la justice les comptes de sa société et ses relevés téléphoniques, tandis que des informations transmises à Protat par l’avocat d’Antoine Daoust ont mystérieusement fuité chez Xavier Azalbert, telles que le nom de son nouvel employeur et la date de la signature de son contrat. Elle aurait également versé au dossier des articles de FranceSoir pour appuyer sa demande de divorce pour faute. Un enquêteur social est d’ailleurs venu vérifier si Antoine Daoust et Yogina pratiquaient le libertinage et le BDSM...

L’avocate s’en serait également prise à l’enquêteur social pour cause de désaccord avec ses conclusions. Le divorce n’est toujours pas prononcé car Diane Protat multiplierait les demandes de renvoi. Mais surtout, elle œuvrerait pour qu’Antoine Daoust ne voit plus sa fille, désormais convaincue que son père est un menteur et un manipulateur.

Celle-ci serait désormais prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) suite à la saisine du juge des enfants par Antoine Daoust, qui a aussi porté plainte contre Malika Daoust pour violence sur sa fille, consécutivement à des échanges avec cette dernière que Conspiracy Watch a pu consulter. Par ailleurs, c’est Diane Protat qui aurait convaincu Malika Daoust de ne plus payer son loyer, débouchant sur l’expulsion d’elle et de sa fille, selon une décision de justice consultée par Conspiracy Watch. Acculé, le fondateur de Fact & Furious a fait une tentative de suicide, fin décembre 2023.

« Depuis la séparation, je n’ai toujours pas revu ma fille. J’avais obtenu de la JAF la mise en place de visites médiatisées que j'avais moi même demandées, mais Diane Protat faisait pression sur le centre pour que ma fille ne s’y présente pas, relate-t-il à Conspiracy Watch. [Au même moment] Xavier Azalbert a affiché ma mère sur les réseaux sociaux, pour moi c’était plus tenable, [on se demande] jusqu’où il va aller, avec la justice qui traîne les pieds, au bout d’un moment on ne voit plus d’issue. Moi je voulais en terminer, j’ai ingéré tout un tas de médicaments, j’ai prévenu [Yogina] qui m’a dit d’aller aux urgences, où j’ai été pris en charge. »

Selon nos informations, Antoine Daoust et Yogina ont déposé plusieurs plaintes en justice contre Xavier Azalbert. La première, pour cyberharcèlement, suite à un signalement Pharos d’un internaute. La seconde, pour intrusion dans un système de données, divulgation de données personnelles et harcèlement. Celle-ci cible notamment la diffusion d’une capture d’écran – contenant des informations personnelles de Yogina – du logiciel MEDIALOG+ auquel seuls les employés de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) sont censés avoir accès. Le couple a également fait citer Xavier Azalbert pour diffamation devant le tribunal judiciaire de Versailles : la dernière audience, qui devait se tenir le 16 septembre, a été renvoyée au mois d'octobre. Leur avocat évoque une « obsession morbide » de Xavier Azalbert à leur encontre.

Contacté par Conspiracy Watch, Xavier Azalbert nous a répondu par l’intermédiaire de son avocat. Indiquant « être par principe respectueux du droit à l’information et à sa diffusion […], [il aurait] volontiers consenti à répondre directement [à Conspiracy Watch] » mais estime « que les faits et éléments mis en avant contre lesquels il s’inscrit en faux, ainsi que la tournure des questions qui en découlent, lui sont présentés d'une part avec un doigt pour le moins accusateur, et d'autre part de manière déloyale et fallacieuse. » Considérant nos méthodes « révélatrices d’un travail journalistique mené à charge à son encontre ayant notamment pour but sous-jacent d’alimenter des procédures judiciaires le visant directement » – notamment la procédure intentée par le directeur de Conspiracy Watch Rudy Reichstadt – il prévient « qu’il se montrera particulièrement attentif à la teneur de l’article à venir ».

Contactée, Diane Protat n’a pas répondu à nos questions dans les délais impartis.

Combien de victimes ?

Le biologiste Alexander Samuel s’est retrouvé dans le viseur de FranceSoir selon un mode opératoire similaire. Lors de sa participation au mouvement des Gilets jaunes, il s’est intéressé aux effets du gaz lacrymogène sur les manifestants via « Shirelle David » (de son vrai nom Lily Landau) du groupe « SOS ONU ». En désaccord avec les prélèvements sanguins effectués en manifestation par Samuel, elle se retourne ensuite contre lui et saisit même la justice.

« [En novembre 2023] elle a décidé de porter plainte contre moi pour antisémitisme, FranceSoir s’en est aussitôt emparé et ils ont fait une interview d’une heure avec elle », témoigne Alexander Samuel.

« Esteban », anciennement « Stalec », un complotiste repenti, a quant à lui dévoilé au public l’existence de groupes Twitter privés, notamment le « groupe CIA » auxquels participaient Xavier Azalbert et de hauts responsables de l’IHU-Méditerranée de Didier Raoult (Eric Chabrière, Yanis Roussel, etc.) pour coordonner la diffusion de fausses informations et le cyberharcèlement de leurs adversaires. Esteban y était notamment chargé d’enregistrer les passages TV de personnalités complotistes et de les diffuser.

Une fois devenu « lanceur d’alerte », Esteban a lui aussi été ciblé par Xavier Azalbert et FranceSoir, via une plainte pour « violation des correspondances » pour laquelle il a été relaxé en mars 2022, ainsi que par des vagues de harcèlement. « On m’a envoyé des photos de la porte d’entrée de chez moi, ils sont venus me voir à mon travail, j’ai été obligé de déménager, témoigne-t-il auprès de Conspiracy Watch. Depuis ça va mieux – même si je reçois toujours des insultes ».

De nombreuses autres personnes – médecins, scientifiques, fact-checkers et journalistes – ont été ciblées par Xavier Azalbert et FranceSoir. « Nombreux sont ceux qui ne signent plus leurs articles, déclare Antoine Daoust. Je pense notamment à ceux du service CheckNews de Libé. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Il reste encore quelques "résistants" comme Olivier Hertel, Victor Garcia, ou Antoine Beau pour ne citer qu'eux. Les journalistes ont peur d'écrire sur les figures du conspirationnisme. C'est parce que cette peur est légitime que cela rend le sujet anormalement grave. »

Contactées par Conspiracy Watch, certaines personnes n’ont pas souhaité témoigner en raison de l’impact psychologique délétère que ces vagues de harcèlement ont eu sur elles. Mais selon nos informations, plusieurs d’entre elles réfléchissent désormais à saisir la justice à leur tour, pour en finir avec l’impunité.

 

(Mise à jour du 10/10/2024 : Brièvement citée dans cet article, Lili Landau nous a fait parvenir le 30 septembre 2024 le droit de réponse ci-joint. Elle fait valoir qu'il est « faux » d'affirmer que Monsieur Alexander Samuel s'est intéressé aux effets du gaz lacrymogène par son entremise et qu'il est inexact d'affirmer qu'elle a saisi la justice suite à des prélèvements sanguins effectués en manifestation. Elle rappelle également avoir été contactée par FranceSoir et avoir « accepté de répondre à leurs questions après avoir vérifié l’histoire du journal fondé par des résistants durant la seconde guerre mondiale ». Contrairement à ce qu'elle prétend, notre rédaction n'a jamais été destinataire d'éléments circonstanciés ou probants permettant d'établir que Monsieur Alexander Samuel se serait rendu coupable de « complotisme antisémite ».)

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Il a bien changé, le journal fondé en novembre 1944 par des résistants, rapidement rejoints par sa figure de proue Pierre Lazareff. Ayant pris le contrôle du titre en 2014, puis licencié fin 2019 les journalistes grévistes qui réclamaient l’application de leur convention collective, son propriétaire Xavier Azalbert fonce pied au plancher sur l’autoroute du complotisme et du cyberharcèlement. Depuis l’apparition du Covid-19 et des mesures sanitaires associées, à partir de mars 2020, l’homme d’affaires a transformé l’ancien France-Soir en un média conspirationniste à succès allant jusqu'à dénoncer une « fausse pandémie » – en violation de la Charte de déontologie journalistique de Munich qu’il cite pourtant à longueur d’articles et d’interventions.

Après avoir pris fait et cause pour le professeur Didier Raoult, dont le traitement « miracle » s’est avéré inefficace et dangereux, FranceSoir embauche un ancien journaliste de France Télévisions, le complotiste Richard Boutry, pour animer l’émission Le défi de la vérité, au micro duquel les personnalités conspirationnistes se succèdent. En janvier 2021, une tribune du chanteur Francis Lalanne y appelle l’armée à renverser Emmanuel Macron. En septembre de la même année, une autre tribune, anonyme cette fois-ci, y cible des médecins et scientifiques en déclarant que « la veuve [la guillotine − ndlr] s’impatiente ». Tout cela n’est pourtant qu’un préambule, car Xavier Azalbert va aller beaucoup plus loin.

Chantage

En novembre 2022, FranceSoir va profiter de la séparation conflictuelle du fondateur du site de fact-checking Fact & Furious, Antoine Daoust, pour lancer une campagne de cyberharcèlement contre lui ainsi que sa colocataire et future compagne, « Yogina ». C’est sous ce pseudonyme qu’elle publie des analyses sur les dérives sectaires et conspirationnistes du yoga. Selon Yogina et Antoine Daoust, son ex-épouse, Malika, les avait menacés de représailles si Antoine Daoust, qui avait déménagé chez Yogina, ne rentrait pas à la maison.

Antoine Daoust, qui a quitté le domicile conjugal en laissant derrière lui son ordinateur et son téléphone, ne sait pas encore que Malika va les récupérer et les transmettre à Xavier Azalbert pour exploitation. Le 22 novembre 2022, son ex-épouse, à qui Antoine a demandé le divorce –elle aurait alors annoncé le déclenchement de représailles – donne une interview de 45 minutes chez le vidéaste complotiste Idriss Aberkane, accusant son conjoint d’être un menteur, un manipulateur et un homme violent.

Selon une ordonnance sur les mesures provisoires du juge aux affaires familiales (JAF) du tribunal judiciaire de Castres datée du 17 février 2023, consultée par Conspiracy Watch, « le conflit perdure encore à ce jour, alimenté notamment par Madame Malika K. qui s'est manifestement rapprochée de réseaux conspirationnistes pour dénoncer publiquement les violences conjugales qu'elle dit avoir subies de la part de son époux, ce dernier étant connu pour être dans l'opposition à ces réseaux de par son activité de jounaliste spécialisé dans le fact-checking, qu'il vient d'abandonner en raison des répercussions de cette affaire. »

Comme dévoilé par le service CheckNews de Libération, Antoine Daoust et Yogina reçoivent peu après une visite à domicile du complotiste Gérard Camberlin, qui rappelle Daoust le lendemain – lequel l’enregistre depuis le commissariat où il se trouve alors. Camberlin − qui se présente sous le pseudonyme de « Christophe Marchand » – est en compagnie de Xavier Azalbert. Celui-ci propose un arrangement : racheter Fact & Furious. Azalbert, sur le point de perdre son agrément de service de presse en ligne (SPEL) – décision finalement confirmée par la justice administrative en août 2024 – compte vraisemblablement sur cette opération pour le récupérer. C’est donc une tentative de chantage que subit Antoine Daoust, qui livre également son témoignage sur son site lofficine.eu. Il y publie l'enregistrement intégral de l'échange téléphonique qu'il a eu avec les deux hommes. Un document édifiant...

« Gérard Camberlin, avant de partir, a pris en photo ma boîte aux lettres avec le nom de ma marque de lingerie, le nom d’Antoine, il a [manifestement] fait [des recherches sur Internet] et il a retrouvé mon compte Instagram, témoigne Yogina. Je suppose qu’il a scrollé mon compte et identifié mes clients pour les afficher et les harceler. On a dû déménager dans un Airbnb. J’ai fini aux urgences avec plusieurs jours d’ITT suite au harcèlement d’Azalbert. Quand ils s’attaquent au nom de tes parents, à tes clients, tu te demandes jusqu’où ça va aller. Ils ont arrêté de me harceler mais je vis avec Antoine [qui subit toujours ce harcèlement – ndlr]. »

Le 28 novembre 2022, FranceSoir publie la première d’une série de quatre pseudo-enquêtes sur Fact & Furious, accompagnées de multiples interviews et d’innombrables tweets publiés par les comptes de FranceSoir, Xavier Azalbert et Fact & Serious. Ce dernier compte, présenté sur le site de FranceSoir comme le « service de fact-checking factuel et sérieux de FranceSoir.fr un média libre, indépendant et autonome respectant la charte de Munich » (sic) se spécialise dans le doxxing et les accusations diffamatoires et se voit fréquemment retweeté par Xavier Azalbert. Il servira également à lancer des accusations infondées contre Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, qui a porté plainte pour diffamation. Daoust dénombre, à ce jour, au moins 153 publications à son sujet...

Les publications de FranceSoir et d'Azalbert accusent pêle-mêle le « menteur » et « manipulateur » Antoine Daoust de multiples infractions pénales (violences conjugales, ventes de faux tests PCR), montent en épingle ses échanges privés et comparent Yogina à une actrice pornographique adepte du BDSM, dévoilant au passage de multiples données personnelles : état-civil, identité des parents, photos et correspondances privées, etc. « J’ai dû changer trois fois de travail, des collaborateurs m’ont demandé si j’avais [vraiment] vendu des faux tests PCR et tabassé ma femme, explique Antoine Daoust à Conspiracy Watch. La spécialité d’Azalbert (et Aberkane), c’est l’empoisonnement du puits, et la première victime d’Azalbert, c’est la vérité. »

Quand une avocate complotiste instrumentalise un divorce conflictuel

Selon nos informations, la nébuleuse FranceSoir s’est immiscée de façon plus pernicieuse dans la vie du fondateur de Fact & Furious. Depuis novembre 2022 , l’avocate Diane Protat représente Malika Daoust dans la procédure de divorce. Or, Protat compte notamment parmi ses clients FranceSoir, l’association antivax Bon Sens (présidée par... Xavier Azalbert), ainsi que les collectifs complotistes VERITY France et Où est mon cycle ? Selon Antoine Daoust, l’avocate lui aurait proposé un divorce à l’amiable en échange de la cession de Fact & Furious à son ex-femme.

Elle aurait aussi tenté d’obtenir de la justice les comptes de sa société et ses relevés téléphoniques, tandis que des informations transmises à Protat par l’avocat d’Antoine Daoust ont mystérieusement fuité chez Xavier Azalbert, telles que le nom de son nouvel employeur et la date de la signature de son contrat. Elle aurait également versé au dossier des articles de FranceSoir pour appuyer sa demande de divorce pour faute. Un enquêteur social est d’ailleurs venu vérifier si Antoine Daoust et Yogina pratiquaient le libertinage et le BDSM...

L’avocate s’en serait également prise à l’enquêteur social pour cause de désaccord avec ses conclusions. Le divorce n’est toujours pas prononcé car Diane Protat multiplierait les demandes de renvoi. Mais surtout, elle œuvrerait pour qu’Antoine Daoust ne voit plus sa fille, désormais convaincue que son père est un menteur et un manipulateur.

Celle-ci serait désormais prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) suite à la saisine du juge des enfants par Antoine Daoust, qui a aussi porté plainte contre Malika Daoust pour violence sur sa fille, consécutivement à des échanges avec cette dernière que Conspiracy Watch a pu consulter. Par ailleurs, c’est Diane Protat qui aurait convaincu Malika Daoust de ne plus payer son loyer, débouchant sur l’expulsion d’elle et de sa fille, selon une décision de justice consultée par Conspiracy Watch. Acculé, le fondateur de Fact & Furious a fait une tentative de suicide, fin décembre 2023.

« Depuis la séparation, je n’ai toujours pas revu ma fille. J’avais obtenu de la JAF la mise en place de visites médiatisées que j'avais moi même demandées, mais Diane Protat faisait pression sur le centre pour que ma fille ne s’y présente pas, relate-t-il à Conspiracy Watch. [Au même moment] Xavier Azalbert a affiché ma mère sur les réseaux sociaux, pour moi c’était plus tenable, [on se demande] jusqu’où il va aller, avec la justice qui traîne les pieds, au bout d’un moment on ne voit plus d’issue. Moi je voulais en terminer, j’ai ingéré tout un tas de médicaments, j’ai prévenu [Yogina] qui m’a dit d’aller aux urgences, où j’ai été pris en charge. »

Selon nos informations, Antoine Daoust et Yogina ont déposé plusieurs plaintes en justice contre Xavier Azalbert. La première, pour cyberharcèlement, suite à un signalement Pharos d’un internaute. La seconde, pour intrusion dans un système de données, divulgation de données personnelles et harcèlement. Celle-ci cible notamment la diffusion d’une capture d’écran – contenant des informations personnelles de Yogina – du logiciel MEDIALOG+ auquel seuls les employés de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) sont censés avoir accès. Le couple a également fait citer Xavier Azalbert pour diffamation devant le tribunal judiciaire de Versailles : la dernière audience, qui devait se tenir le 16 septembre, a été renvoyée au mois d'octobre. Leur avocat évoque une « obsession morbide » de Xavier Azalbert à leur encontre.

Contacté par Conspiracy Watch, Xavier Azalbert nous a répondu par l’intermédiaire de son avocat. Indiquant « être par principe respectueux du droit à l’information et à sa diffusion […], [il aurait] volontiers consenti à répondre directement [à Conspiracy Watch] » mais estime « que les faits et éléments mis en avant contre lesquels il s’inscrit en faux, ainsi que la tournure des questions qui en découlent, lui sont présentés d'une part avec un doigt pour le moins accusateur, et d'autre part de manière déloyale et fallacieuse. » Considérant nos méthodes « révélatrices d’un travail journalistique mené à charge à son encontre ayant notamment pour but sous-jacent d’alimenter des procédures judiciaires le visant directement » – notamment la procédure intentée par le directeur de Conspiracy Watch Rudy Reichstadt – il prévient « qu’il se montrera particulièrement attentif à la teneur de l’article à venir ».

Contactée, Diane Protat n’a pas répondu à nos questions dans les délais impartis.

Combien de victimes ?

Le biologiste Alexander Samuel s’est retrouvé dans le viseur de FranceSoir selon un mode opératoire similaire. Lors de sa participation au mouvement des Gilets jaunes, il s’est intéressé aux effets du gaz lacrymogène sur les manifestants via « Shirelle David » (de son vrai nom Lily Landau) du groupe « SOS ONU ». En désaccord avec les prélèvements sanguins effectués en manifestation par Samuel, elle se retourne ensuite contre lui et saisit même la justice.

« [En novembre 2023] elle a décidé de porter plainte contre moi pour antisémitisme, FranceSoir s’en est aussitôt emparé et ils ont fait une interview d’une heure avec elle », témoigne Alexander Samuel.

« Esteban », anciennement « Stalec », un complotiste repenti, a quant à lui dévoilé au public l’existence de groupes Twitter privés, notamment le « groupe CIA » auxquels participaient Xavier Azalbert et de hauts responsables de l’IHU-Méditerranée de Didier Raoult (Eric Chabrière, Yanis Roussel, etc.) pour coordonner la diffusion de fausses informations et le cyberharcèlement de leurs adversaires. Esteban y était notamment chargé d’enregistrer les passages TV de personnalités complotistes et de les diffuser.

Une fois devenu « lanceur d’alerte », Esteban a lui aussi été ciblé par Xavier Azalbert et FranceSoir, via une plainte pour « violation des correspondances » pour laquelle il a été relaxé en mars 2022, ainsi que par des vagues de harcèlement. « On m’a envoyé des photos de la porte d’entrée de chez moi, ils sont venus me voir à mon travail, j’ai été obligé de déménager, témoigne-t-il auprès de Conspiracy Watch. Depuis ça va mieux – même si je reçois toujours des insultes ».

De nombreuses autres personnes – médecins, scientifiques, fact-checkers et journalistes – ont été ciblées par Xavier Azalbert et FranceSoir. « Nombreux sont ceux qui ne signent plus leurs articles, déclare Antoine Daoust. Je pense notamment à ceux du service CheckNews de Libé. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Il reste encore quelques "résistants" comme Olivier Hertel, Victor Garcia, ou Antoine Beau pour ne citer qu'eux. Les journalistes ont peur d'écrire sur les figures du conspirationnisme. C'est parce que cette peur est légitime que cela rend le sujet anormalement grave. »

Contactées par Conspiracy Watch, certaines personnes n’ont pas souhaité témoigner en raison de l’impact psychologique délétère que ces vagues de harcèlement ont eu sur elles. Mais selon nos informations, plusieurs d’entre elles réfléchissent désormais à saisir la justice à leur tour, pour en finir avec l’impunité.

 

(Mise à jour du 10/10/2024 : Brièvement citée dans cet article, Lili Landau nous a fait parvenir le 30 septembre 2024 le droit de réponse ci-joint. Elle fait valoir qu'il est « faux » d'affirmer que Monsieur Alexander Samuel s'est intéressé aux effets du gaz lacrymogène par son entremise et qu'il est inexact d'affirmer qu'elle a saisi la justice suite à des prélèvements sanguins effectués en manifestation. Elle rappelle également avoir été contactée par FranceSoir et avoir « accepté de répondre à leurs questions après avoir vérifié l’histoire du journal fondé par des résistants durant la seconde guerre mondiale ». Contrairement à ce qu'elle prétend, notre rédaction n'a jamais été destinataire d'éléments circonstanciés ou probants permettant d'établir que Monsieur Alexander Samuel se serait rendu coupable de « complotisme antisémite ».)

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