L’anthropologue Denis Duclos signe un excellent article dans le Monde diplomatique du mois de septembre 2009, intitulé « Psychose de la grippe, miroir des sociétés » (pp. 1, 18-19). Directeur de recherche au CNRS, spécialiste des « grandes peurs » qui traversent les sociétés (il est l'auteur de Le Complexe du loup-garou, éd. Pocket, 1998), Duclos consacre la dernière partie de son texte à la propagation, via Internet, des rumeurs les plus infondées accusant l’OMS, Barack Obama, David Rockfeller, George Soros ou les « Illuminati » – ces « nouveaux monstres imaginaires de l’histoire mondialisée » – d'être à l'origine d'un diabolique projet de réduction de la population mondiale. Autrement dit : un génocide.
L'auteur revient ainsi sur le cas de Jane Burgermeister, cette journaliste autrichienne qui a fait un coup d'éclat en déposant plainte dans son pays contre des laboratoires pharmaceutiques qu'elle accuse d'avoir élaboré « une arme biologique de destruction massive (...) dans l’intention de provoquer une pandémie mondiale de grippe aviaire, et afin de tirer profit de cette pandémie ». Obsédée par la théorie du complot, Burgermeister prétend également que la campagne de vaccination contre la grippe A, organisée selon elle par les « Illuminati » et le groupe Bilderberg, n'aurait d'autre but que « d’inoculer aux peuples un "mélange" de virus aviaires et porcins », toujours afin « de tuer un grand nombre de personnes ». Pour Duclos, ces fantasmes complotistes ne reposent sur rien de sérieux et renouent « avec des phénomènes d’agitation démagogique déjà parfois liés aux épidémies dont on accusait les étrangers et les Juifs ».
En effet, le scénario d’une vaste purge démographique fomentée par les puissants manque singulièrement de cohérence : « une diminution brutale de la population aggraverait la crise économique en cours, ferait chuter les productions, les emplois et leurs revenus, imposerait des régimes autoritaires. Il serait absurde d’imputer cet objectif aux "affreux capitalistes", qui ont au contraire constamment besoin de se nourrir de tout type de croissance et d’aspirer à toujours plus de "relance" ».Quant aux hypothétiques tentatives de manipuler « des virus dans le but de les rendre encore plus mortels (par exemple dans le cadre d’un "bioterrorisme" privé ou étatique), il est (...) important de souligner [leur] caractère irréaliste [dans la mesure où] de telles manipulations n’auraient que peu de chances d’obtenir l’efficacité d’une mutation naturelle. En général d’ailleurs, les disséminations accidentelles d’organismes modifiés "s’éteignent" dans des contextes qui leur sont presque toujours défavorables ».
La défiance irrationnelle à l'égard de toute campagne de vaccination constitue un autre danger, qui peut avoir des effets désastreux en matière de santé publique. Duclos estime ainsi qu'« il serait dommage, voire stupide, que, comme au Nigeria, nous devions subir un redémarrage fulgurant de la poliomyélite parmi les enfants, au seul motif que nous aurions développé une méfiance paranoïaque à l’égard des "vaccinateurs-empoisonneurs" ».
Enfin, Duclos considère que ces théories du complot ont quelque chose de profondément nauséabond : « prêter aux fonctionnaires nationaux ou internationaux des intentions obscures, voire criminelles, pouvant aller jusqu’à préparer – de connivence avec les laboratoires pharmaceutiques – un génocide mondial en vue de diminuer la population "en excédent", est non seulement une parfaite absurdité mais une incitation à la haine, voire un appel au lynchage ».
Voir aussi, sur Conspiracy Watch :
* Grippe A(H1N1) : Rue89 et Arrêt sur images enquêtent sur les rumeurs complotistes
* La journaliste hollandaise, la grippe A et le ''complot juif''
* La théorie du complot, plus rapide que la grippe porcine
L’anthropologue Denis Duclos signe un excellent article dans le Monde diplomatique du mois de septembre 2009, intitulé « Psychose de la grippe, miroir des sociétés » (pp. 1, 18-19). Directeur de recherche au CNRS, spécialiste des « grandes peurs » qui traversent les sociétés (il est l'auteur de Le Complexe du loup-garou, éd. Pocket, 1998), Duclos consacre la dernière partie de son texte à la propagation, via Internet, des rumeurs les plus infondées accusant l’OMS, Barack Obama, David Rockfeller, George Soros ou les « Illuminati » – ces « nouveaux monstres imaginaires de l’histoire mondialisée » – d'être à l'origine d'un diabolique projet de réduction de la population mondiale. Autrement dit : un génocide.
L'auteur revient ainsi sur le cas de Jane Burgermeister, cette journaliste autrichienne qui a fait un coup d'éclat en déposant plainte dans son pays contre des laboratoires pharmaceutiques qu'elle accuse d'avoir élaboré « une arme biologique de destruction massive (...) dans l’intention de provoquer une pandémie mondiale de grippe aviaire, et afin de tirer profit de cette pandémie ». Obsédée par la théorie du complot, Burgermeister prétend également que la campagne de vaccination contre la grippe A, organisée selon elle par les « Illuminati » et le groupe Bilderberg, n'aurait d'autre but que « d’inoculer aux peuples un "mélange" de virus aviaires et porcins », toujours afin « de tuer un grand nombre de personnes ». Pour Duclos, ces fantasmes complotistes ne reposent sur rien de sérieux et renouent « avec des phénomènes d’agitation démagogique déjà parfois liés aux épidémies dont on accusait les étrangers et les Juifs ».
En effet, le scénario d’une vaste purge démographique fomentée par les puissants manque singulièrement de cohérence : « une diminution brutale de la population aggraverait la crise économique en cours, ferait chuter les productions, les emplois et leurs revenus, imposerait des régimes autoritaires. Il serait absurde d’imputer cet objectif aux "affreux capitalistes", qui ont au contraire constamment besoin de se nourrir de tout type de croissance et d’aspirer à toujours plus de "relance" ».Quant aux hypothétiques tentatives de manipuler « des virus dans le but de les rendre encore plus mortels (par exemple dans le cadre d’un "bioterrorisme" privé ou étatique), il est (...) important de souligner [leur] caractère irréaliste [dans la mesure où] de telles manipulations n’auraient que peu de chances d’obtenir l’efficacité d’une mutation naturelle. En général d’ailleurs, les disséminations accidentelles d’organismes modifiés "s’éteignent" dans des contextes qui leur sont presque toujours défavorables ».
La défiance irrationnelle à l'égard de toute campagne de vaccination constitue un autre danger, qui peut avoir des effets désastreux en matière de santé publique. Duclos estime ainsi qu'« il serait dommage, voire stupide, que, comme au Nigeria, nous devions subir un redémarrage fulgurant de la poliomyélite parmi les enfants, au seul motif que nous aurions développé une méfiance paranoïaque à l’égard des "vaccinateurs-empoisonneurs" ».
Enfin, Duclos considère que ces théories du complot ont quelque chose de profondément nauséabond : « prêter aux fonctionnaires nationaux ou internationaux des intentions obscures, voire criminelles, pouvant aller jusqu’à préparer – de connivence avec les laboratoires pharmaceutiques – un génocide mondial en vue de diminuer la population "en excédent", est non seulement une parfaite absurdité mais une incitation à la haine, voire un appel au lynchage ».
Voir aussi, sur Conspiracy Watch :
* Grippe A(H1N1) : Rue89 et Arrêt sur images enquêtent sur les rumeurs complotistes
* La journaliste hollandaise, la grippe A et le ''complot juif''
* La théorie du complot, plus rapide que la grippe porcine
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