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Hofstadter : « L’angoisse du pseudo-conservateur »

Publié par La Rédaction11 novembre 2012, ,

AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Richard Hofstadter, Le style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique, © François Bourin Editeur, Paris, septembre 2012 (préface de Philippe Raynaud ; traduit de l'anglais par Julien Charnay). Il est protégé par le droit d'auteur. Merci à François Bourin Editeur d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

Le mélange d’instabilité, de suspicion et de peur qui s’est manifesté au cours des différentes phases de la révolte pseudo-conservatrice témoigne de l’angoisse qu’éprouve le pseudo-conservateur* en tant que citoyen. Il croit vivre dans un monde où il est victime d’espionnage, de complots et de trahisons – un monde selon toute vraisemblance destiné à une ruine totale. Il a le sentiment qu’on est venu arbitrairement et scandaleusement empiéter sur ses libertés. Il désapprouve presque tout ce que la vie politique américaine a produit au cours de ces vingt dernières années. La seule évocation de Franklin D. Roosevelt l’emplit de haine. Il est profondément inquiet de voir les États-Unis participer aux instances de l’ONU, qui n’est jamais qu’une organisation maléfique à ses yeux. Son pays, si faible à l’en croire, est toujours sur le point de s’effondrer, victime de la subversion; et pourtant il a le sentiment que l’Amérique est toute-puissante, si bien que tout ce qui ferait échec à la poursuite de ses objectifs –par exemple, en Orient– ne peut être mis que sur le compte de la trahison, et en aucune façon être lié à d’éventuelles faiblesses. Plus amer que les autres citoyens à l’égard de notre engagement dans les guerres du passé, il semble en même temps être le dernier à se soucier de la façon dont la prochaine guerre pourrait être évitée. Il rejette bien sûr le communisme soviétique, comme chacun d’entre nous, mais se distingue par un faible intérêt, et souvent une hostilité farouche, envers toute mesure réaliste susceptible de renforcer la position des États-Unis vis-à-vis de la Russie. Il préfère de loin s’intéresser aux affaires intérieures, où le communisme est faible, plutôt qu’aux régions du monde où il est vraiment puissant et menaçant. Il n’a que faire des nations démocratiques d’Europe occidentale, celles-ci semblant bien plus attiser sa colère que les pays du bloc soviétique ; il est par ailleurs opposé à tous les «plans cadeaux» destinés à aider et renforcer ces nations. En fait, il conteste pratiquement toutes les dépenses du gouvernement fédéral et la plupart de ses actions, à l’exception des commissions d’enquête parlementaires. Néanmoins, ses propos ne sont pas toujours aussi outranciers que ceux proférés par cet orateur à la tribune du Freedom Congress, imputant la majeure partie des problèmes de la nation à cet «horrible», cet «infect» texte qu’est le 16e amendement de la Constitution [concernant l’impôt sur le revenu].

 

* Pour Hofstadter, les « pseudo-conservateurs » sont ces électeurs de la droite radicale qui, tout en se réclamant du conservatisme, sont en réalité « étrangers à l’esprit de modération et de compromis associé au vrai conservatisme ».

 

Voir aussi :

Pourquoi il est urgent de lire « Le Style paranoïaque » de Richard Hofstadter

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AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Richard Hofstadter, Le style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique, © François Bourin Editeur, Paris, septembre 2012 (préface de Philippe Raynaud ; traduit de l'anglais par Julien Charnay). Il est protégé par le droit d'auteur. Merci à François Bourin Editeur d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

Le mélange d’instabilité, de suspicion et de peur qui s’est manifesté au cours des différentes phases de la révolte pseudo-conservatrice témoigne de l’angoisse qu’éprouve le pseudo-conservateur* en tant que citoyen. Il croit vivre dans un monde où il est victime d’espionnage, de complots et de trahisons – un monde selon toute vraisemblance destiné à une ruine totale. Il a le sentiment qu’on est venu arbitrairement et scandaleusement empiéter sur ses libertés. Il désapprouve presque tout ce que la vie politique américaine a produit au cours de ces vingt dernières années. La seule évocation de Franklin D. Roosevelt l’emplit de haine. Il est profondément inquiet de voir les États-Unis participer aux instances de l’ONU, qui n’est jamais qu’une organisation maléfique à ses yeux. Son pays, si faible à l’en croire, est toujours sur le point de s’effondrer, victime de la subversion; et pourtant il a le sentiment que l’Amérique est toute-puissante, si bien que tout ce qui ferait échec à la poursuite de ses objectifs –par exemple, en Orient– ne peut être mis que sur le compte de la trahison, et en aucune façon être lié à d’éventuelles faiblesses. Plus amer que les autres citoyens à l’égard de notre engagement dans les guerres du passé, il semble en même temps être le dernier à se soucier de la façon dont la prochaine guerre pourrait être évitée. Il rejette bien sûr le communisme soviétique, comme chacun d’entre nous, mais se distingue par un faible intérêt, et souvent une hostilité farouche, envers toute mesure réaliste susceptible de renforcer la position des États-Unis vis-à-vis de la Russie. Il préfère de loin s’intéresser aux affaires intérieures, où le communisme est faible, plutôt qu’aux régions du monde où il est vraiment puissant et menaçant. Il n’a que faire des nations démocratiques d’Europe occidentale, celles-ci semblant bien plus attiser sa colère que les pays du bloc soviétique ; il est par ailleurs opposé à tous les «plans cadeaux» destinés à aider et renforcer ces nations. En fait, il conteste pratiquement toutes les dépenses du gouvernement fédéral et la plupart de ses actions, à l’exception des commissions d’enquête parlementaires. Néanmoins, ses propos ne sont pas toujours aussi outranciers que ceux proférés par cet orateur à la tribune du Freedom Congress, imputant la majeure partie des problèmes de la nation à cet «horrible», cet «infect» texte qu’est le 16e amendement de la Constitution [concernant l’impôt sur le revenu].

 

* Pour Hofstadter, les « pseudo-conservateurs » sont ces électeurs de la droite radicale qui, tout en se réclamant du conservatisme, sont en réalité « étrangers à l’esprit de modération et de compromis associé au vrai conservatisme ».

 

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Pourquoi il est urgent de lire « Le Style paranoïaque » de Richard Hofstadter

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