Quel rôle joue Internet dans la propagation des mythes complotistes ? Internet est une immense agora sans règle. II n’est pas question de déplorer la liberté d’expression et l’élargissement de la communication qu’il rend possibles. Il s’agit de reconnaître que cette liberté pose de nombreux et graves problèmes. Elle donne une audience à la moindre rumeur, elle autorise la délation, permet aux dénonciations les plus délirantes de circuler. C’est sur le Net, où l’on peut lire les
Protocoles des Sages de Sion, que le négationnisme s’est longtemps déversé et épanoui, quelles que soient les législations nationales qui interdisent la publication de certains livres ou périodiques. Or le négationnisme à la Faurisson est l’une des principales formes contemporaines de complotisme.
Sans le Net, la culture complotiste n’aurait ni la même résonance ni la même intensité. Dans la structure même du Net, il y a l’idée que l’on accède à ce qui n’est pas dans les journaux, ou à ce qu’ils cachent. Le Net est censé dire le vrai sans fard. Son postulat est que les journalistes mentent ou dissimulent les faits. Et que les hommes politiques ne sont pas crédibles. Le premier allumé venu, affirmant que tout est affaire de sociétés secrètes, de réseaux et de complots criminels, trouve une audience non négligeable.
L’un des pamphlets ésotéro-complotistes les plus vendus au cours des années 80,
Les Sociétés secrètes et leur pouvoir au XXème siècle (1re édition allemande, 1993), traduit en anglais en 1995 et connu en France sous le titre
Livre jaune n° 5, (1997, 2001), a fait le tour du monde grâce aux multiples sites qui l’ont mis en ligne, en tout ou partie. L’ouvrage s’inspire expressément des
Protocoles (qu’il cite longuement ou résume), des pamphlets conspirationnistes américains ou canadiens (
William Guy Carr, Gary Allen, etc.), des thèmes majeurs de l’ufologie d’épouvante (les extraterrestres colonisateurs et prédateurs) et flirte avec le négationnisme. L’auteur de ces pamphlets (le
Livre jaune n° 5 a été suivi d’un n° 6 et d’un n° 7), un guérisseur allemand nommé
Jan Udo Holey (né en 1967), signant sous le pseudonyme de Jan van Helsing, doit essentiellement son audience au Net, où s’étale la publication pour ses ouvrages dans diverses langues. Dans le
Livre jaune n° 7 (2004), Holey consacre un chapitre au Prieuré de Sion, affirmant au passage que
« des membres de cet ordre ont fait partie des Illuminati ». La source est la même chez Holey et chez Dan Brown :
L’Enigme sacrée.