Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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L’Internet Research Agency (IRA) est une entreprise russe localisée à Saint-Pétersbourg, en réalité une « usine à trolls » financée par le Kremlin, dont l’existence a été révélée dès 2013, d’abord par des journalistes russes se faisant passer pour des candidats à un poste. La presse régionale, notamment finlandaise et polonaise, s’est ensuite emparée du sujet, puis la presse internationale, le renseignement américain, et enfin le procureur spécial Robert Mueller, qui dans le cadre de son enquête sur l’ingérence russe a, en février 2018, inculpé l’IRA et les deux entreprises détenues par Evgueni Prigojine qui l’ont créée (Concord Catering et Concord Management and Consulting), ainsi que 13 individus dont Prigojine lui-même.

L’IRA est notamment accusée d’avoir mené une opération d’influence durant la campagne électorale américaine. Enregistrée en juillet 2013, elle aurait commencé à viser les États-Unis autour du mois d’avril 2014 et recevait ses fonds (1,25 million de dollars par mois pendant la campagne) via 14 compagnies affiliées à Concord. En 2015, des centaines de jeunes Russes y étaient employés, travaillant 12 heures par jour de façon très compartimentée : des blogueurs écrivant des billets, des rédacteurs de nouvelles faisant référence aux billets en question, des trolls faisant des commentaires et des communicants pour diffuser l’ensemble sur les réseaux sociaux. Ils étaient formés aux positions du Kremlin sur tous les débats dans lesquels ils intervenaient et un « bureau étranger » les briefait sur l’état du débat américain sur les sujets clivants qu’il s’agissait d’exacerber (racisme, armes à feu, immigration, LGBT, impôts, etc.).

Par le biais de faux comptes et de bots, quelques dizaines de personnes ont ainsi pu en atteindre 150 millions via Facebook et Instagram. À elle seule, l’IRA contrôlait, sur Twitter, 3 814 comptes humains et 50 258 bots, avec lesquels 1,4 million d’Américains ont interagi et au moins 470 comptes Facebook (avec 100 000 dollars dépensés en publicité) ayant atteint au moins 126 millions d’Américains. L’acte d’accusation du procureur spécial américain donne des informations détaillées sur le fonctionnement de l’agence, mais n’accuse pas le gouvernement russe, ni ne reconnaît que l’IRA a réussi à influencer le vote.

L’attention internationale dont l’IRA fait l’objet depuis plusieurs années semble ne pas gêner le Kremlin. En 2017, l’agence a même déménagé pour s’agrandir, passant de 4 000 à 12 000 m² de bureaux. En devenant la vitrine d’un phénomène, elle détourne l’attention des autres usines à trolls, présentes ailleurs sur le territoire russe, voire à l’étranger. L’IRA n’est pas un cas isolé, et ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt.

 

Source : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Alexandre Escorcia, Marine Guillaume et Janaina Herrera, Les Manipulations de l’information : un défi pour nos démocraties, rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées, Paris, août 2018, pp. 87-88.

 

Pour aller plus loin :

(Dernière mise à jour le 14/09/2020)

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L’Internet Research Agency (IRA) est une entreprise russe localisée à Saint-Pétersbourg, en réalité une « usine à trolls » financée par le Kremlin, dont l’existence a été révélée dès 2013, d’abord par des journalistes russes se faisant passer pour des candidats à un poste. La presse régionale, notamment finlandaise et polonaise, s’est ensuite emparée du sujet, puis la presse internationale, le renseignement américain, et enfin le procureur spécial Robert Mueller, qui dans le cadre de son enquête sur l’ingérence russe a, en février 2018, inculpé l’IRA et les deux entreprises détenues par Evgueni Prigojine qui l’ont créée (Concord Catering et Concord Management and Consulting), ainsi que 13 individus dont Prigojine lui-même.

L’IRA est notamment accusée d’avoir mené une opération d’influence durant la campagne électorale américaine. Enregistrée en juillet 2013, elle aurait commencé à viser les États-Unis autour du mois d’avril 2014 et recevait ses fonds (1,25 million de dollars par mois pendant la campagne) via 14 compagnies affiliées à Concord. En 2015, des centaines de jeunes Russes y étaient employés, travaillant 12 heures par jour de façon très compartimentée : des blogueurs écrivant des billets, des rédacteurs de nouvelles faisant référence aux billets en question, des trolls faisant des commentaires et des communicants pour diffuser l’ensemble sur les réseaux sociaux. Ils étaient formés aux positions du Kremlin sur tous les débats dans lesquels ils intervenaient et un « bureau étranger » les briefait sur l’état du débat américain sur les sujets clivants qu’il s’agissait d’exacerber (racisme, armes à feu, immigration, LGBT, impôts, etc.).

Par le biais de faux comptes et de bots, quelques dizaines de personnes ont ainsi pu en atteindre 150 millions via Facebook et Instagram. À elle seule, l’IRA contrôlait, sur Twitter, 3 814 comptes humains et 50 258 bots, avec lesquels 1,4 million d’Américains ont interagi et au moins 470 comptes Facebook (avec 100 000 dollars dépensés en publicité) ayant atteint au moins 126 millions d’Américains. L’acte d’accusation du procureur spécial américain donne des informations détaillées sur le fonctionnement de l’agence, mais n’accuse pas le gouvernement russe, ni ne reconnaît que l’IRA a réussi à influencer le vote.

L’attention internationale dont l’IRA fait l’objet depuis plusieurs années semble ne pas gêner le Kremlin. En 2017, l’agence a même déménagé pour s’agrandir, passant de 4 000 à 12 000 m² de bureaux. En devenant la vitrine d’un phénomène, elle détourne l’attention des autres usines à trolls, présentes ailleurs sur le territoire russe, voire à l’étranger. L’IRA n’est pas un cas isolé, et ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt.

 

Source : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Alexandre Escorcia, Marine Guillaume et Janaina Herrera, Les Manipulations de l’information : un défi pour nos démocraties, rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées, Paris, août 2018, pp. 87-88.

 

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