Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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La couverture très sélective des mouvements de protestation par Russia Today

Publié par La Rédaction25 septembre 2019

1 vidéo sur 5 mise en ligne par RT France entre le 17 novembre 2018 et le 9 septembre 2019 concerne le mouvement des Gilets jaunes. Dans le même temps, le public de la chaîne russe ne pourra pas compter sur elle pour être informé de ce qui se passe vraiment en Russie.

Source : EUvsDisinfo

L’été de protestations anti-Kremlin à Moscou étant passé, EUvsDisinfo,un projet porté et financé par l’Union européenne pour contrer les campagnes de désinformation en provenance de la Russie, s’est penché sur la couverture médiatique de cette crise par les médias russes gouvernementaux. Rappelons que les candidats de l'opposition n'ayant pas eu le droit de se présenter aux élections des membres du Parlement de Moscou, les Moscovites ont commencé à descendre dans la rue le 14 juillet. Il s’agissait des manifestations les plus importantes depuis 2011-2012 ; à cette époque, les Russes avaient protesté contre la fraude électorale et les médias pro-Kremlin n’avaient pu se permettre de les ignorer. À l’été 2019, la couverture des manifestations à Moscou a été toute autre, comme le montre cette brève mais édifiante étude.

Moscou vs Hongkong

La couverture des manifestations qui se sont déroulées à Moscou, à Hongkong et en France a été comparée à partir des vidéos publiées sur les comptes YouTube du média Russia Today (RT), financé par l’État russe. Comme ces différentes manifestations ont connu des durées très variables, le nombre des vidéos diffusées a été divisé par le nombre de jours sur lesquels se sont étendus les mouvements respectifs.

S'agissant des manifestations de Moscou, il ressort qu'entre le 14 juillet et le 9 septembre 2019, la chaîne YouTube de RT Deutsch a publié six vidéos, RT France trois et RT International (en langue anglaise) une seule. En additionnant ces chiffres et en divisant le résultat par le nombre de jours correspondant, soit 57, on obtient un résultat de 0,18 vidéo par jour.

Si l’on s’intéresse à présent aux manifestations à Hongkong, qui ont débuté le 31 mars 2019, lorsqu'ont commencé les manifestations contre les projets autorisant l'extradition de l'île vers la Chine continentale de personnes considérées comme des « fugitifs », on constate qu’en l'espace de 162 jours, les chaînes YouTube de RT ont publié un total de 229 vidéos en anglais, en espagnol, français, italien et allemand. Cela donne le chiffre de 1,41 vidéo par jour, soit une couverture 7,8 fois plus importante que pour les événements de Moscou.

Plus de 6 vidéos par jour sur le mouvement des Gilets jaunes

La plus grande différence en termes de couverture médiatique apparaît lorsque l’on compare les manifestations à Moscou avec celles du mouvement des Gilets jaunes en France. Ce dernier a débuté le 17 novembre 2018 et, pendant les 296 jours suivants, soit jusqu’au 9 septembre 2019, les chaînes YouTube de RT ont produit un total de 1 973 vidéos sur ces manifestations, soit 6,6 vidéos par jour ! Il faut noter que sur les 1 973 vidéos, 1 522 proviennent de la seule chaîne YouTube RT France. Ce nombre représente en outre 22% des 6 944 vidéos que RT France a publiées sur sa chaîne YouTube entre le 17 novembre 2018 et le 9 septembre 2019.

On peut donc en conclure que les manifestations de Gilets jaunes ont été 37 fois plus couvertes par les chaînes YouTube de RT que les manifestations de Moscou.

La désinformation en action

Les médias pro-Kremlin s'adressant à l’opinion russe ont, pour la plupart, commencé par ignorer les manifestations moscovites. Très vite toutefois, des sources pro-Kremlin ont lancé une campagne qui présentait les manifestants comme des éléments extérieurs à la région de Moscou. Margarita Simonyan, rédactrice en chef de Sputnik, Rossiya Segodnya et RT, a ainsi tweeté le 27 juillet 2019 le message suivant :

« Selon les responsables de la sécurité, 3 500 personnes participent au rassemblement, parmi lesquels 700 sont des journalistes et des blogueurs (parmi lesquels les nôtres, par exemple) et environ 2 000 ne sont pas moscovites ni de la région du Grand Moscou. »

Les médias gouvernementaux ont minimisé le nombre des manifestants et répandu des accusations selon lesquelles ils participaient à un complot étranger. Le 2 août, l’institut de sondage VTsIOM a publié les résultats d’une enquête d'opinion dont il ressort que 70% de la population soutenait la répression policière. L’orientation des questions et l’interprétation de ses résultats ont cependant été efficacement critiquées par Meduza, un média indépendant en langue russe basé à Riga.

Un certain nombre de médias russes indépendants ont finalement proposé une couverture en direct des événements afin de contrer la désinformation du Kremlin. Le journal indépendant russe The Insider a par exemple pointé le fait que la police faisait officiellement état de 3 500 manifestants alors qu’un rapport d’arrestation de la même autorité policière, concernant la journaliste de Novaya Gazeta, Ilya Azar, en mentionnait 10 000…

« Exemplifier les faiblesses des sociétés occidentales »

Interrogé en janvier dernier par L’Express, Maxime Audinet, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), resituait la question de la couverture par la Russie du mouvement des Gilets jaunes dans la stratégie globale suivante :

« L'objectif des médias russes internationaux, qui rejoignent sur ce point l'un des axes de la politique étrangère russe, est […] de relativiser les fondements normatifs des démocraties libérales occidentales et la puissance d'attraction de leur modèle social. Placer une loupe sur ces mouvements permet de théâtraliser les fractures sociales et d'exemplifier les faiblesses des sociétés occidentales. »

On pourrait mettre en lien cette analyse de l’auteur, qui explique que ces médias ne cherchent même pas à être la voix de la Russie puisqu’« ils savent que cela n'aurait qu'un effet très marginal, voir nul, en particulier auprès des audiences occidentales », avec un message qu’avait publié le compte Twitter parodique « Dark Poutine » au printemps 2017 : « le but de Russia Today est de s’assurer que vous n'ayez aucune idée de ce qui se passe réellement dans la Russie aujourd'hui ». Il semble qu’en la matière, par-delà la parodie, cet objectif ait été largement atteint.

 

Voir aussi :

https://www.conspiracywatch.info/russia-today

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Source : EUvsDisinfo

L’été de protestations anti-Kremlin à Moscou étant passé, EUvsDisinfo,un projet porté et financé par l’Union européenne pour contrer les campagnes de désinformation en provenance de la Russie, s’est penché sur la couverture médiatique de cette crise par les médias russes gouvernementaux. Rappelons que les candidats de l'opposition n'ayant pas eu le droit de se présenter aux élections des membres du Parlement de Moscou, les Moscovites ont commencé à descendre dans la rue le 14 juillet. Il s’agissait des manifestations les plus importantes depuis 2011-2012 ; à cette époque, les Russes avaient protesté contre la fraude électorale et les médias pro-Kremlin n’avaient pu se permettre de les ignorer. À l’été 2019, la couverture des manifestations à Moscou a été toute autre, comme le montre cette brève mais édifiante étude.

Moscou vs Hongkong

La couverture des manifestations qui se sont déroulées à Moscou, à Hongkong et en France a été comparée à partir des vidéos publiées sur les comptes YouTube du média Russia Today (RT), financé par l’État russe. Comme ces différentes manifestations ont connu des durées très variables, le nombre des vidéos diffusées a été divisé par le nombre de jours sur lesquels se sont étendus les mouvements respectifs.

S'agissant des manifestations de Moscou, il ressort qu'entre le 14 juillet et le 9 septembre 2019, la chaîne YouTube de RT Deutsch a publié six vidéos, RT France trois et RT International (en langue anglaise) une seule. En additionnant ces chiffres et en divisant le résultat par le nombre de jours correspondant, soit 57, on obtient un résultat de 0,18 vidéo par jour.

Si l’on s’intéresse à présent aux manifestations à Hongkong, qui ont débuté le 31 mars 2019, lorsqu'ont commencé les manifestations contre les projets autorisant l'extradition de l'île vers la Chine continentale de personnes considérées comme des « fugitifs », on constate qu’en l'espace de 162 jours, les chaînes YouTube de RT ont publié un total de 229 vidéos en anglais, en espagnol, français, italien et allemand. Cela donne le chiffre de 1,41 vidéo par jour, soit une couverture 7,8 fois plus importante que pour les événements de Moscou.

Plus de 6 vidéos par jour sur le mouvement des Gilets jaunes

La plus grande différence en termes de couverture médiatique apparaît lorsque l’on compare les manifestations à Moscou avec celles du mouvement des Gilets jaunes en France. Ce dernier a débuté le 17 novembre 2018 et, pendant les 296 jours suivants, soit jusqu’au 9 septembre 2019, les chaînes YouTube de RT ont produit un total de 1 973 vidéos sur ces manifestations, soit 6,6 vidéos par jour ! Il faut noter que sur les 1 973 vidéos, 1 522 proviennent de la seule chaîne YouTube RT France. Ce nombre représente en outre 22% des 6 944 vidéos que RT France a publiées sur sa chaîne YouTube entre le 17 novembre 2018 et le 9 septembre 2019.

On peut donc en conclure que les manifestations de Gilets jaunes ont été 37 fois plus couvertes par les chaînes YouTube de RT que les manifestations de Moscou.

La désinformation en action

Les médias pro-Kremlin s'adressant à l’opinion russe ont, pour la plupart, commencé par ignorer les manifestations moscovites. Très vite toutefois, des sources pro-Kremlin ont lancé une campagne qui présentait les manifestants comme des éléments extérieurs à la région de Moscou. Margarita Simonyan, rédactrice en chef de Sputnik, Rossiya Segodnya et RT, a ainsi tweeté le 27 juillet 2019 le message suivant :

« Selon les responsables de la sécurité, 3 500 personnes participent au rassemblement, parmi lesquels 700 sont des journalistes et des blogueurs (parmi lesquels les nôtres, par exemple) et environ 2 000 ne sont pas moscovites ni de la région du Grand Moscou. »

Les médias gouvernementaux ont minimisé le nombre des manifestants et répandu des accusations selon lesquelles ils participaient à un complot étranger. Le 2 août, l’institut de sondage VTsIOM a publié les résultats d’une enquête d'opinion dont il ressort que 70% de la population soutenait la répression policière. L’orientation des questions et l’interprétation de ses résultats ont cependant été efficacement critiquées par Meduza, un média indépendant en langue russe basé à Riga.

Un certain nombre de médias russes indépendants ont finalement proposé une couverture en direct des événements afin de contrer la désinformation du Kremlin. Le journal indépendant russe The Insider a par exemple pointé le fait que la police faisait officiellement état de 3 500 manifestants alors qu’un rapport d’arrestation de la même autorité policière, concernant la journaliste de Novaya Gazeta, Ilya Azar, en mentionnait 10 000…

« Exemplifier les faiblesses des sociétés occidentales »

Interrogé en janvier dernier par L’Express, Maxime Audinet, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), resituait la question de la couverture par la Russie du mouvement des Gilets jaunes dans la stratégie globale suivante :

« L'objectif des médias russes internationaux, qui rejoignent sur ce point l'un des axes de la politique étrangère russe, est […] de relativiser les fondements normatifs des démocraties libérales occidentales et la puissance d'attraction de leur modèle social. Placer une loupe sur ces mouvements permet de théâtraliser les fractures sociales et d'exemplifier les faiblesses des sociétés occidentales. »

On pourrait mettre en lien cette analyse de l’auteur, qui explique que ces médias ne cherchent même pas à être la voix de la Russie puisqu’« ils savent que cela n'aurait qu'un effet très marginal, voir nul, en particulier auprès des audiences occidentales », avec un message qu’avait publié le compte Twitter parodique « Dark Poutine » au printemps 2017 : « le but de Russia Today est de s’assurer que vous n'ayez aucune idée de ce qui se passe réellement dans la Russie aujourd'hui ». Il semble qu’en la matière, par-delà la parodie, cet objectif ait été largement atteint.

 

Voir aussi :

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