Des conspirationnistes se mettent à dénoncer la théorie du complot. Faut-il s'en étonner ?
Les électeurs de Donald Trump sont plus sensibles que les autres aux théories du complot. Selon une étude d’opinion de l’institut YouGov pour The Economist réalisée entre le 17 et le 20 décembre 2016, ils sont par exemple 31% (contre 18% parmi les électeurs d'Hillary Clinton) à penser qu’il a été démontré qu’il existait un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme. La moitié des partisans du milliardaire continuent par ailleurs de penser que Barack Obama est né au Kenya bien que Donald Trump ait lui-même concédé – après avoir défendu cette théorie du complot pendant des années – que le président démocrate était bien né aux Etats-Unis. Plus frappant encore : 62% des électeurs de Trump pensent que « des millions de votes illégaux » ont été comptabilisés lors de l’élection présidentielle du 8 novembre dernier (ils sont 25% côté démocrate). Des chiffres stupéfiants si l’on songe que les électeurs républicains ont a priori moins de raison objective d’être séduits par cette thèse : leur candidat n'a-t-il pas remporté le scrutin malgré les 2 millions de suffrages d’avance qui se sont portés sur sa rivale du Parti démocrate ?
Le même phénomène est observable sur la complosphère : les théories du complot les plus saugrenues y sont allégrement développées tout au long de l’année mais l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines est rejetée avec la dernière énergie, malgré les éléments troublants qui ont été portés sur la place publique.
Un paradoxe ? Vraiment ?!
Comment rendre compte de ce paradoxe ? En commençant par comprendre qu'il n'en est pas un, que le conspirationnisme est aux antipodes du doute méthodique et du libre examen et qu'il demeure, en toutes circonstances, éminemment sélectif - ce qui devrait achever de tordre le cou à cette idée-reçue selon laquelle le conspirationnisme procéderait avant tout d’une (saine ?) réaction aux mensonges politiques. Très perméables aux théories du complot, les électeurs de Trump s’accommodent ainsi fort bien des mensonges de leur candidat, de sa manière de travestir les faits, de ses approximations et de ses exagérations.
Ne visant pas à informer mais à manipuler, la propagande fait feu de tout bois. Elle émarge alternativement, au gré de ses besoins, dans la colonne du complotisme et dans celle de la dénonciation du complotisme. C'est alors qu'on assiste à cette configuration rare où des médias notoirement complotistes s’émeuvent des soupçons de piratage qui pèsent sur la Russie de Vladimir Poutine en les raillant comme une simple « théorie du complot ». Ainsi les médias russes RT ou Sputnik, le site néoconservateur Dreuz.info (qui diagnostiqua un « délire conspirationniste » chez Hillary Clinton) ou encore Alex Jones, pape du complotisme ultra-conservateur américain et fervent soutien de Trump :
Absolutely no evidence has been produced to substantiate the conspiracy theory. https://t.co/HjrCd1dnAQ
— Alex Jones (@RealAlexJones) 12 décembre 2016
Donald Trump lui-même, que l'on a connu moins précautionneux en matière de théories du complot, n'hésite pas à tweeter en ce sens :
Can you imagine if the election results were the opposite and WE tried to play the Russia/CIA card. It would be called conspiracy theory!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 décembre 2016
Des millions d’Américains intoxiqués par les théories du complot prétendent que Barack Obama est musulman et qu’il est né au Kenya. Quelle serait leur réaction si pesait sur sa personne le quart des soupçons qui pèsent sur Donald Trump ? « Dans des circonstances similaires, combien de temps aurait-il fallu pour qu’Obama soit désigné comme un traître pour avoir défendu un pays qui a tenté de contrecarrer notre processus électoral démocratique » s’interroge la journaliste américaine Kathleen Parker dans une tribune intitulée « Si Obama est musulman, Trump est-il un espion russe ? ».
Accuser Donald Trump d'avoir participé sciemment à des opérations de déstabilisation fomentées par le Kremlin nécessite des preuves qui, à l'heure actuelle, n'existent pas. En attendant, rien n'interdit de s'interroger sur l'ampleur de l'entreprise de subversion des régimes démocratiques menée par la Russie, aux Etats-Unis aussi bien qu'en Europe. Répudier une telle réalité en la rangeant sur l'étagère des lubies complotistes n'est pas une manière de se prémunir contre les théories du complot mais de brouiller la différence fondamentale qui peut exister entre le doute raisonnable et le refus obstiné des faits qui, précisément, caractérise toute théorie du complot.
Les électeurs de Donald Trump sont plus sensibles que les autres aux théories du complot. Selon une étude d’opinion de l’institut YouGov pour The Economist réalisée entre le 17 et le 20 décembre 2016, ils sont par exemple 31% (contre 18% parmi les électeurs d'Hillary Clinton) à penser qu’il a été démontré qu’il existait un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme. La moitié des partisans du milliardaire continuent par ailleurs de penser que Barack Obama est né au Kenya bien que Donald Trump ait lui-même concédé – après avoir défendu cette théorie du complot pendant des années – que le président démocrate était bien né aux Etats-Unis. Plus frappant encore : 62% des électeurs de Trump pensent que « des millions de votes illégaux » ont été comptabilisés lors de l’élection présidentielle du 8 novembre dernier (ils sont 25% côté démocrate). Des chiffres stupéfiants si l’on songe que les électeurs républicains ont a priori moins de raison objective d’être séduits par cette thèse : leur candidat n'a-t-il pas remporté le scrutin malgré les 2 millions de suffrages d’avance qui se sont portés sur sa rivale du Parti démocrate ?
Le même phénomène est observable sur la complosphère : les théories du complot les plus saugrenues y sont allégrement développées tout au long de l’année mais l’hypothèse que le Kremlin ait pu influencer les élections américaines est rejetée avec la dernière énergie, malgré les éléments troublants qui ont été portés sur la place publique.
Un paradoxe ? Vraiment ?!
Comment rendre compte de ce paradoxe ? En commençant par comprendre qu'il n'en est pas un, que le conspirationnisme est aux antipodes du doute méthodique et du libre examen et qu'il demeure, en toutes circonstances, éminemment sélectif - ce qui devrait achever de tordre le cou à cette idée-reçue selon laquelle le conspirationnisme procéderait avant tout d’une (saine ?) réaction aux mensonges politiques. Très perméables aux théories du complot, les électeurs de Trump s’accommodent ainsi fort bien des mensonges de leur candidat, de sa manière de travestir les faits, de ses approximations et de ses exagérations.
Ne visant pas à informer mais à manipuler, la propagande fait feu de tout bois. Elle émarge alternativement, au gré de ses besoins, dans la colonne du complotisme et dans celle de la dénonciation du complotisme. C'est alors qu'on assiste à cette configuration rare où des médias notoirement complotistes s’émeuvent des soupçons de piratage qui pèsent sur la Russie de Vladimir Poutine en les raillant comme une simple « théorie du complot ». Ainsi les médias russes RT ou Sputnik, le site néoconservateur Dreuz.info (qui diagnostiqua un « délire conspirationniste » chez Hillary Clinton) ou encore Alex Jones, pape du complotisme ultra-conservateur américain et fervent soutien de Trump :
Absolutely no evidence has been produced to substantiate the conspiracy theory. https://t.co/HjrCd1dnAQ
— Alex Jones (@RealAlexJones) 12 décembre 2016
Donald Trump lui-même, que l'on a connu moins précautionneux en matière de théories du complot, n'hésite pas à tweeter en ce sens :
Can you imagine if the election results were the opposite and WE tried to play the Russia/CIA card. It would be called conspiracy theory!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 décembre 2016
Des millions d’Américains intoxiqués par les théories du complot prétendent que Barack Obama est musulman et qu’il est né au Kenya. Quelle serait leur réaction si pesait sur sa personne le quart des soupçons qui pèsent sur Donald Trump ? « Dans des circonstances similaires, combien de temps aurait-il fallu pour qu’Obama soit désigné comme un traître pour avoir défendu un pays qui a tenté de contrecarrer notre processus électoral démocratique » s’interroge la journaliste américaine Kathleen Parker dans une tribune intitulée « Si Obama est musulman, Trump est-il un espion russe ? ».
Accuser Donald Trump d'avoir participé sciemment à des opérations de déstabilisation fomentées par le Kremlin nécessite des preuves qui, à l'heure actuelle, n'existent pas. En attendant, rien n'interdit de s'interroger sur l'ampleur de l'entreprise de subversion des régimes démocratiques menée par la Russie, aux Etats-Unis aussi bien qu'en Europe. Répudier une telle réalité en la rangeant sur l'étagère des lubies complotistes n'est pas une manière de se prémunir contre les théories du complot mais de brouiller la différence fondamentale qui peut exister entre le doute raisonnable et le refus obstiné des faits qui, précisément, caractérise toute théorie du complot.
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