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Le club Bilderberg nourrit des fantasmes paranoïaques ridicules

[LU SUR LE WEB] Ce dimanche s'est achevée la réunion annuelle du club Bilderberg en Suisse. L'organisation est souvent accusée d'être un gouvernement mondial occulte des puissants du monde entier. Mais pour le politologue Olivier Roy, qui a participé à cette dernière réunion, cette vision du club relève du pur fantasme paranoïaque.

Olivier Roy (crédits : RTS, 19 septembre 2001).

Atlantico : Vous figurez sur la liste des membres du très secret club Bilderberg publiée en fin de semaine dernière par la presse, à l’occasion du congrès annuel de l'organisation à Saint-Moritz, en Suisse. Ce club, où figurent de nombreuses personnalités économiques et politiques, est accusé de « diriger » les affaires du monde. Qu’en est-il exactement ?

Olivier Roy : Je n’étais qu’invité par le club Bilderberg. Il existe un comité de membres permanents, mais je n’en fais pas partie. Je n’en ai pas les moyens ! Pour ce qui est du contenu des réunions, la règle consiste à ne rien en dire : je ne pourrais donc pas vous répondre à ce propos.

On peut toutefois parler de ce que j’ai pu lire à l’occasion de la tenue du dernier congrès du club Bilderberg : sur Internet, vous voyez écrites des choses telles que « la liste des membres du club Bilderberg a fuité », alors que le club a publié la liste sur son propre site ! La réunion « secrète » de Saint-Moritz était annoncée sur le site depuis deux mois. Quant à l’argument sur le secret des discussions : la liste des thèmes abordés figure sur le site de l’organisation et c’est effectivement de ces questions dont nous avons parlé.

Mais les médias traditionnels sont bombardés d’emails disant « pourquoi vous n’en parlez pas ? Vous êtes donc dans la connivence ? ». Alors ils publient des articles…

L’histoire des « anti-Bilderberg » est intéressante. A l’origine, dans les années 1950, elle est le fait de ce que j’appellerais « l’extrême-droite américaine ». Par exemple, le journaliste Jim Tucker, qui a dans les 70 ans aujourd’hui, a toujours été là. Cette extrême-droite américaine pense que le gouvernement américain a été remplacé par un gouvernement mondial, que les dirigeants américains ne sont que des marionnettes aux mains des Francs-maçons et des juifs. Selon les plus « allumés » d’entre eux, cette conspiration mondiale remonterait au XVIIIème siècle avec les Illuminatis, une société secrète d’Allemagne du Sud dont Bilderberg serait l’expression finale ; un club favorable à la destruction des gouvernements nationaux et à l’établissement d’un ordre mondial au profit du grand capital, des juifs et des francs-maçons.

Dans les années 1990, cette théorie du gouvernement secret du monde est passée dans l’extrême-gauche européenne, avec un peu moins d’antisémitisme et une interprétation différente du rôle que jouerait la CIA : l’extrême-droite américaine pense que la CIA est une organisation patriote qui essaie de lutter contre Bilderberg mais n’y arrive pas, alors que l’extrême-gauche européenne pense que la CIA fait partie du complot.

Puis, se sont ajoutés les complotistes post 11 septembre, toujours sur ce même thème « on nous cache tout, on nous dit rien ». Plus récemment, le journaliste Daniel Estulin a écrit un livre à succès intitulé La véritable histoire du Groupe Bilderberg, publié dans de nombreuses langues, et qui fait preuve d’un délire paranoïaque total. Enfin, à l’occasion de la dernière réunion en Suisse à laquelle je faisais partie, la Ligue du Nord italienne et le CDU suisse, c’est-à-dire la droite populiste, ont rejoint la liste des anti-Bilderberg.

Nous avons donc aujourd’hui à faire à un groupement qui unit à la fois l’extrême-droite américaine, une extrême-gauche européenne anti-mondialisation et la droite populiste, notamment suisse. Cela procède d’une vision paranoïaque de la crise des États-nations où l’on cherche les responsables physiques de la mondialisation. Le club Bilderberg serait dans ce cadre un lieu de prise de décisions secrètes, sur qui sera le prochain Président américain, français, le taux d’intérêt interbancaires, etc.

Atlantico : C’est le cas ?

O. R. : (rires) Non, Bilderberg n’est pas un lieu de décision, c’est juste un club. [...]

Lire la suite sur le site Atlantico.fr.

 

Voir aussi :

Bilderberg 2010 : ce que vous ne lirez pas ailleurs

Fidel contre le Bilderberg : le castrisme est-il soluble dans le conspirationnisme ?

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