Le chercheur Olivier Klein décortique les ressorts psychosociologiques ayant permis à une vidéo complotiste publiée il y a deux semaines de devenir particulièrement virale.
« Il n’y a pas de pandémie. Le confinement s’inscrit dans un complot visant à nous vendre un vaccin très onéreux qui injecte des nanopuces permettant de nous surveiller, le tout dans le cadre d’un gouvernement totalitaire mondial. Les États seraient de mèche avec les grandes entreprises pharmaceutiques pour ruiner la classe moyenne au profit des élites. Le confinement permet de nous isoler et de nous amollir afin d’accepter de prendre ce vaccin. La peur est utilisée comme une arme par le gouvernement à cette fin. Le gouvernement cherche par ailleurs à éliminer les plus âgés afin d’économiser sur les retraites » : voici la thèse d’une longue vidéo de près de 45 minutes intitulée « Coronavirus - se soumettre ou se mettre debout », que je viens de visualiser sur YouTube et qui bénéficie à ce jour d’une audience spectaculaire puisqu'elle totalise plus de 820 000 vues. Son auteur est un Belge du nom de Jean-Jacques Crèvecœur (dont on trouve un portrait ici).
J’avais consacré le premier épisode de cette série aux « théories du complot » entourant la Covid-19 de façon très générale. Ici, mon objectif est de décortiquer un discours articulant une telle théorie en essayant de comprendre comment son auteur fait « passer la pilule ». Car la thèse qui précède est, vous l’admettrez, assez audacieuse. Elle n’est pas présentée en quelques phrases mais est développée tout au long de la vidéo. Comment Crèvecœur fait-il pour convaincre son audience ? Car, au vu des commentaires et du nombre de vues, qui suppose un large partage, il semble convaincre beaucoup de monde. Le décryptage de cette vidéo nous permet de mieux comprendre comment opère ce type d'argumentaire.
L’une des techniques utilisées consiste à se mettre à la hauteur de son audience. Il n’est pas là pour nous diffuser la vérité infuse, contrairement aux médecins et autres experts dont il se défie dès la première phrase. Non, il nous respecte, nous considère comme des gens intelligents. C’est dans cet esprit que ses vidéos s’appellent des « conversations » (alors qu'il s'agit de monologues). Il nous dit aussi qu’il nous propose des « faits » dont on peut juger par nous-mêmes. Il soulève également quelques questions que nous pourrions nous poser en regard de sa thèse (« Il y a quand même beaucoup de morts en Italie ») et les considère comme légitimes. Bref, contrairement aux autorités, « il ne nous prend pas pour des imbéciles » et valorise donc son audience, dès lors plus encline à l'écouter.
Une seconde technique consiste à asseoir sa crédibilité : il se présente comme « scientifique », bien qu'il ait, quelques minutes plus tôt, fait comprendre ses réserves quant à la parole émanant des experts. Il affirme avoir analysé la manipulation depuis de longues années et effectué un travail colossal (plus de 60 heures par semaine pour récolter des faits - qu’il ne nous communiquera jamais). Il se présente aussi comme une « victime » : contacté en 1994 par le Palais Royal belge pour influencer les médias (au vu de sa grande expérience en manipulation !), il aurait refusé et serait depuis l’objet d’un véritable harcèlement des médias et de l’État belge. Il répète aussi à plusieurs reprises être prêt à aller en prison pour défendre ses idées. Bref, il est simultanément compétent, travailleur, courageux et vertueux, ce qui devrait rendre son discours particulièrement crédible.
Remarquons que ceci permet également de détourner toute attaque à son égard : si on le « harcèle » ou le dénigre, ce n’est pas pour des raisons légitimes, mais parce que nous contribuons à un effort collectif de persécution. Au passage, il est piquant que pour expliquer l'intérêt que lui porte le Palais Royal, il se présente comme « spécialiste de la manipulation », courant le risque de discréditer l'ensemble de son discours.
Il se présente aussi comme un « sceptique ». Bien qu’il ait critiqué l’instrumentalisation d’autres épidémies, en ce qui concerne celle du coronavirus, il se serait d’abord dit qu’il s’agissait ici « d’une vraie pandémie » avant de devoir se rendre à l’évidence. Ce faisant, il se montre crédible mais du même coup, il valorise aussi son audience : si vous aussi vous doutez, c’est normal. J’étais dans votre situation il y a quelques mois. Il se présente donc comme l’individu « éclairé » qui peut montrer la voie à suivre à son audience et qui est, somme toute, semblable à elle (avec quelques longueurs d'avance).
Le fait d'asseoir son autorité de façon si emphatique est précisément le contraire de l'approche scientifique qu'il prétend défendre. Cette dernière se fonde en effet sur l'idée qu'une conclusion doit pouvoir être inférée par des observateurs indépendants à partir de l'observation empirique. Ce n'est pas parce que c'est Pasteur qui dit qu'il a développé un vaccin contre la rage qu'on le croit sur parole. De même, il recourt volontiers aux pétitions de principe : en nous disant très rapidement qu'il se demande comment l'État a pu mettre au point un mensonge aussi énorme et inventer une pseudo-pandémie comme celle-là il nous fait accepter comme thèse ce qu'il conviendrait de démontrer ! Le complot en lui-même n'est en effet pas questionné : l'étonnement ne porte que sur l'énormité de celui-ci. L'audience est donc poussée à admettre d'emblée qu'il y a manipulation, comme si cela allait de soi ; reste à se demander comment celle-ci a pu être orchestrée de la sorte.
Enfin, Crèvecœur fait un usage abondant de la comparaison avec le nazisme, image du mal absolu. Le confinement nous placerait dans un « camp de concentration » (nos domiciles !). Les responsables politiques devraient faire l’objet d’un « procès de Nuremberg ». Les gens qui l’accusent de complotisme sont, sans le savoir, influencés par Joseph Goebbels, qui aurait inventé le terme de « théorie du complot » (ce n'est pas le cas, le terme étant usité dès la fin du XIXe siècle).
Tout ceci est bien beau mais n’offre aucun fait pour étayer la thèse qui semble très ambitieuse.
Lorsqu’il s’agit de communiquer des faits, Crèvecœur signale souvent qu’il dispose d’informateurs secrets et que sa thèse se fonde donc en partie sur des informations qu’il ne peut pas divulguer publiquement.
Toutefois, il nous fait état de quelques faits concrets étayant sa thèse :
Remarquons tout d’abord que, considéré isolément, chacun des faits proposés peut être interprété de diverses façons et qu’aucun n’établit l’existence d’un quelconque complot mondial. Par ailleurs, plusieurs d’entre eux résistent difficilement à l’examen.
Un des éléments qui permet de distinguer des théories du complot de véritables complots est précisément le fait qu'elles se fondent sur un faisceau de faits distincts, des « données éparses » (voir ici). En revanche, la révélation de véritables complots (comme le Watergate par exemple) repose sur des enquêtes approfondies et des faits articulés entre eux, corroborés par de nombreuses sources. A cet égard, Crèvecœur ne nous donne aucun fait montrant qu’un vaccin existerait, qu’il est possible d’injecter des puces avec un vaccin ou que les gouvernements chinois, danois, français, belge… seraient tous unis dans une politique de confinement en concertation avec des firmes pharmaceutiques. Voyant les atermoiements des différents gouvernements pour parvenir au confinement et la difficulté, ne fût-ce qu’au sein d’un seul pays, pour parvenir à un consensus, on peut se demander comment un tel accord mondial aurait été possible.
En nous présentant tous ces arguments, Crèvecœur nous met mal à l’aise : nous nous serions « fait avoir ». Non seulement le confinement nous contraint, crée de l’insécurité mais surtout, nous avons été bernés. Crèvecœur nous explique l'origine de notre peur (instiguée par les « élites » pour nous amollir) et apporte la lumière. Plus encore, il nous offre une solution : nous devons tous sortir de chez nous et nous révolter collectivement. Grâce à cela, nous pourrons retrouver une estime de nous-mêmes comme des « agents » actifs et pas uniquement des victimes passives de la situation.
Ce faisant, il nous offre aussi la possibilité de faire partie d'une communauté (que l'on peut rejoindre en cliquant sur un lien sous sa vidéo). Il nous offre du « lien social », un sentiment d'appartenance, à un moment où nombre d'entre nous sont isolés et fragilisés par la crise. Nous avons vu dans d'autres billets (épisodes 6 et 8 plus particulièrement) combien un tel sentiment était fondamental pour le bien-être.
A mon sens, c’est là qu’il faut trouver la clé du succès de son message : en répondant à l’incertitude anxiogène, il nous offre de l’espoir, il nous donne une possibilité d’action. Il apparaît comme le « messie » de la fausse pandémie et nous invite à être des héros.
Par ailleurs, l’audience dispose d’un moyen simple de se « sentir mieux » : diffuser la vidéo à son entourage et, à son tour, comme Crèvecœur, l’éclairer sur la mystification dont elle est l’objet. Par la même occasion, elle se sentira profondément altruiste. Je suis convaincu que pour comprendre le succès d’une telle vidéo, c’est là qu’il faut chercher : elle nous permet de répondre à notre malaise d’une façon active, efficace et à peu de frais (il suffit de la partager).
A cet égard, si on s'inquiète des effets délétères de ce type de message sur le respect des mesures de confinement, se contenter de démonter les arguments ne suffit pas. Il importe de répondre au malaise qu'utilise Crèvecœur pour inciter à une action positive et valorisante qui (selon moi) explique la popularité de sa vidéo.
Au passage, on peut se demander quel intérêt anime Crèvecœur. Ce dernier se présente comme désintéressé et désireux d'éclairer son audience. Il signale toutefois à plusieurs reprises que l’on peut accéder à davantage d’informations et aux documents étayant certaines de ses affirmations via sa « chaîne privée ». Lorsqu’effectivement on se rend sur celle-ci, on ne voit nulle trace de ces prétendus documents mais on nous propose différentes formations payantes. Il suffit que, parmi les 800 000 personnes qui visionnent sa vidéo, 0,13% s’inscrivent à sa formation « formule complète » pour que notre homme empoche plus d'un million d’euros. Mais je n'oserais avancer que cette démarche soit un complot ourdi par Crèvecœur pour arrondir ses fins de mois.
Source : Olivier Klein, « Psychologie sociale du coronavirus (épisode 13): Le complotisme, meilleur des anxiolytiques ? », blog « Nous et les Autres », 20 avril 2020.
Voir aussi :
Qui sont vraiment les conspirationnistes « anti-vaccination » ?
« Il n’y a pas de pandémie. Le confinement s’inscrit dans un complot visant à nous vendre un vaccin très onéreux qui injecte des nanopuces permettant de nous surveiller, le tout dans le cadre d’un gouvernement totalitaire mondial. Les États seraient de mèche avec les grandes entreprises pharmaceutiques pour ruiner la classe moyenne au profit des élites. Le confinement permet de nous isoler et de nous amollir afin d’accepter de prendre ce vaccin. La peur est utilisée comme une arme par le gouvernement à cette fin. Le gouvernement cherche par ailleurs à éliminer les plus âgés afin d’économiser sur les retraites » : voici la thèse d’une longue vidéo de près de 45 minutes intitulée « Coronavirus - se soumettre ou se mettre debout », que je viens de visualiser sur YouTube et qui bénéficie à ce jour d’une audience spectaculaire puisqu'elle totalise plus de 820 000 vues. Son auteur est un Belge du nom de Jean-Jacques Crèvecœur (dont on trouve un portrait ici).
J’avais consacré le premier épisode de cette série aux « théories du complot » entourant la Covid-19 de façon très générale. Ici, mon objectif est de décortiquer un discours articulant une telle théorie en essayant de comprendre comment son auteur fait « passer la pilule ». Car la thèse qui précède est, vous l’admettrez, assez audacieuse. Elle n’est pas présentée en quelques phrases mais est développée tout au long de la vidéo. Comment Crèvecœur fait-il pour convaincre son audience ? Car, au vu des commentaires et du nombre de vues, qui suppose un large partage, il semble convaincre beaucoup de monde. Le décryptage de cette vidéo nous permet de mieux comprendre comment opère ce type d'argumentaire.
L’une des techniques utilisées consiste à se mettre à la hauteur de son audience. Il n’est pas là pour nous diffuser la vérité infuse, contrairement aux médecins et autres experts dont il se défie dès la première phrase. Non, il nous respecte, nous considère comme des gens intelligents. C’est dans cet esprit que ses vidéos s’appellent des « conversations » (alors qu'il s'agit de monologues). Il nous dit aussi qu’il nous propose des « faits » dont on peut juger par nous-mêmes. Il soulève également quelques questions que nous pourrions nous poser en regard de sa thèse (« Il y a quand même beaucoup de morts en Italie ») et les considère comme légitimes. Bref, contrairement aux autorités, « il ne nous prend pas pour des imbéciles » et valorise donc son audience, dès lors plus encline à l'écouter.
Une seconde technique consiste à asseoir sa crédibilité : il se présente comme « scientifique », bien qu'il ait, quelques minutes plus tôt, fait comprendre ses réserves quant à la parole émanant des experts. Il affirme avoir analysé la manipulation depuis de longues années et effectué un travail colossal (plus de 60 heures par semaine pour récolter des faits - qu’il ne nous communiquera jamais). Il se présente aussi comme une « victime » : contacté en 1994 par le Palais Royal belge pour influencer les médias (au vu de sa grande expérience en manipulation !), il aurait refusé et serait depuis l’objet d’un véritable harcèlement des médias et de l’État belge. Il répète aussi à plusieurs reprises être prêt à aller en prison pour défendre ses idées. Bref, il est simultanément compétent, travailleur, courageux et vertueux, ce qui devrait rendre son discours particulièrement crédible.
Remarquons que ceci permet également de détourner toute attaque à son égard : si on le « harcèle » ou le dénigre, ce n’est pas pour des raisons légitimes, mais parce que nous contribuons à un effort collectif de persécution. Au passage, il est piquant que pour expliquer l'intérêt que lui porte le Palais Royal, il se présente comme « spécialiste de la manipulation », courant le risque de discréditer l'ensemble de son discours.
Il se présente aussi comme un « sceptique ». Bien qu’il ait critiqué l’instrumentalisation d’autres épidémies, en ce qui concerne celle du coronavirus, il se serait d’abord dit qu’il s’agissait ici « d’une vraie pandémie » avant de devoir se rendre à l’évidence. Ce faisant, il se montre crédible mais du même coup, il valorise aussi son audience : si vous aussi vous doutez, c’est normal. J’étais dans votre situation il y a quelques mois. Il se présente donc comme l’individu « éclairé » qui peut montrer la voie à suivre à son audience et qui est, somme toute, semblable à elle (avec quelques longueurs d'avance).
Le fait d'asseoir son autorité de façon si emphatique est précisément le contraire de l'approche scientifique qu'il prétend défendre. Cette dernière se fonde en effet sur l'idée qu'une conclusion doit pouvoir être inférée par des observateurs indépendants à partir de l'observation empirique. Ce n'est pas parce que c'est Pasteur qui dit qu'il a développé un vaccin contre la rage qu'on le croit sur parole. De même, il recourt volontiers aux pétitions de principe : en nous disant très rapidement qu'il se demande comment l'État a pu mettre au point un mensonge aussi énorme et inventer une pseudo-pandémie comme celle-là il nous fait accepter comme thèse ce qu'il conviendrait de démontrer ! Le complot en lui-même n'est en effet pas questionné : l'étonnement ne porte que sur l'énormité de celui-ci. L'audience est donc poussée à admettre d'emblée qu'il y a manipulation, comme si cela allait de soi ; reste à se demander comment celle-ci a pu être orchestrée de la sorte.
Enfin, Crèvecœur fait un usage abondant de la comparaison avec le nazisme, image du mal absolu. Le confinement nous placerait dans un « camp de concentration » (nos domiciles !). Les responsables politiques devraient faire l’objet d’un « procès de Nuremberg ». Les gens qui l’accusent de complotisme sont, sans le savoir, influencés par Joseph Goebbels, qui aurait inventé le terme de « théorie du complot » (ce n'est pas le cas, le terme étant usité dès la fin du XIXe siècle).
Tout ceci est bien beau mais n’offre aucun fait pour étayer la thèse qui semble très ambitieuse.
Lorsqu’il s’agit de communiquer des faits, Crèvecœur signale souvent qu’il dispose d’informateurs secrets et que sa thèse se fonde donc en partie sur des informations qu’il ne peut pas divulguer publiquement.
Toutefois, il nous fait état de quelques faits concrets étayant sa thèse :
Remarquons tout d’abord que, considéré isolément, chacun des faits proposés peut être interprété de diverses façons et qu’aucun n’établit l’existence d’un quelconque complot mondial. Par ailleurs, plusieurs d’entre eux résistent difficilement à l’examen.
Un des éléments qui permet de distinguer des théories du complot de véritables complots est précisément le fait qu'elles se fondent sur un faisceau de faits distincts, des « données éparses » (voir ici). En revanche, la révélation de véritables complots (comme le Watergate par exemple) repose sur des enquêtes approfondies et des faits articulés entre eux, corroborés par de nombreuses sources. A cet égard, Crèvecœur ne nous donne aucun fait montrant qu’un vaccin existerait, qu’il est possible d’injecter des puces avec un vaccin ou que les gouvernements chinois, danois, français, belge… seraient tous unis dans une politique de confinement en concertation avec des firmes pharmaceutiques. Voyant les atermoiements des différents gouvernements pour parvenir au confinement et la difficulté, ne fût-ce qu’au sein d’un seul pays, pour parvenir à un consensus, on peut se demander comment un tel accord mondial aurait été possible.
En nous présentant tous ces arguments, Crèvecœur nous met mal à l’aise : nous nous serions « fait avoir ». Non seulement le confinement nous contraint, crée de l’insécurité mais surtout, nous avons été bernés. Crèvecœur nous explique l'origine de notre peur (instiguée par les « élites » pour nous amollir) et apporte la lumière. Plus encore, il nous offre une solution : nous devons tous sortir de chez nous et nous révolter collectivement. Grâce à cela, nous pourrons retrouver une estime de nous-mêmes comme des « agents » actifs et pas uniquement des victimes passives de la situation.
Ce faisant, il nous offre aussi la possibilité de faire partie d'une communauté (que l'on peut rejoindre en cliquant sur un lien sous sa vidéo). Il nous offre du « lien social », un sentiment d'appartenance, à un moment où nombre d'entre nous sont isolés et fragilisés par la crise. Nous avons vu dans d'autres billets (épisodes 6 et 8 plus particulièrement) combien un tel sentiment était fondamental pour le bien-être.
A mon sens, c’est là qu’il faut trouver la clé du succès de son message : en répondant à l’incertitude anxiogène, il nous offre de l’espoir, il nous donne une possibilité d’action. Il apparaît comme le « messie » de la fausse pandémie et nous invite à être des héros.
Par ailleurs, l’audience dispose d’un moyen simple de se « sentir mieux » : diffuser la vidéo à son entourage et, à son tour, comme Crèvecœur, l’éclairer sur la mystification dont elle est l’objet. Par la même occasion, elle se sentira profondément altruiste. Je suis convaincu que pour comprendre le succès d’une telle vidéo, c’est là qu’il faut chercher : elle nous permet de répondre à notre malaise d’une façon active, efficace et à peu de frais (il suffit de la partager).
A cet égard, si on s'inquiète des effets délétères de ce type de message sur le respect des mesures de confinement, se contenter de démonter les arguments ne suffit pas. Il importe de répondre au malaise qu'utilise Crèvecœur pour inciter à une action positive et valorisante qui (selon moi) explique la popularité de sa vidéo.
Au passage, on peut se demander quel intérêt anime Crèvecœur. Ce dernier se présente comme désintéressé et désireux d'éclairer son audience. Il signale toutefois à plusieurs reprises que l’on peut accéder à davantage d’informations et aux documents étayant certaines de ses affirmations via sa « chaîne privée ». Lorsqu’effectivement on se rend sur celle-ci, on ne voit nulle trace de ces prétendus documents mais on nous propose différentes formations payantes. Il suffit que, parmi les 800 000 personnes qui visionnent sa vidéo, 0,13% s’inscrivent à sa formation « formule complète » pour que notre homme empoche plus d'un million d’euros. Mais je n'oserais avancer que cette démarche soit un complot ourdi par Crèvecœur pour arrondir ses fins de mois.
Source : Olivier Klein, « Psychologie sociale du coronavirus (épisode 13): Le complotisme, meilleur des anxiolytiques ? », blog « Nous et les Autres », 20 avril 2020.
Voir aussi :
Qui sont vraiment les conspirationnistes « anti-vaccination » ?
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