Un lieu commun sur
Richard Wagner voudrait que
Das Judenthum in der Musik (1850), son laborieux factum antisémite, récupéré par la propagande nazie et enseigné sur les bancs du IIIe Reich, ne soit qu’un accident de parcours qu’il convient d’écarter d’un geste dégoûté pour mieux célébrer l’immense artiste. Un lieu commun inverse veut qu’
Adolf Hitler – qui l’a laissé entendre – n’aurait pu jouer les rédempteurs aryens s’il n’avait voué un culte à Wagner, dont l’antisémitisme transpire dans le
Ring et dans cette allégorie du génie populaire allemand qu’est
Les Maîtres chanteurs.
« Quiconque désire comprendre le national-socialisme, dira d’ailleurs Hitler à Rauschning,
doit d’abord connaître Wagner ». À la suite d’
Adorno et au nom de l’antifascisme, il semble qu’on en soit venu à soutenir l’inverse : que le nazisme était en germe dans
Parsifal. Comme disait
Thomas Mann,
« il y a beaucoup de Hitler dans Wagner ». Les représentants de la
« musique dégénérée » s’en feront l’écho en rejetant les codes wagnériens, voire en les tournant en dérision : c’est à Hindemith, honni par le Reich, que l’on doit l’irrévérencieux Prélude du
Hollandais volant joué à vue par un orchestre thermal de second rang à 7 heures du matin.
Outre sa froide objectivité, le mérite de Pierre-André Taguieff, dont l’ouvrage fait d’emblée figure d’étude de référence, est d’introduire complexité, ambiguïté et lucidité dans ces schémas réducteurs dont il est si ardu de s’extraire (Daniel Barenboïm, qui le premier a dirigé Wagner en Israël, en sait quelque chose). (...)
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