Lire Magazine Littéraire nous invite dans son dernier hors-série à retrouver une hygiène du doute. Un précieux viatique par les temps qui courent... à n'en pas douter !
Il irrigue la philosophie, les sciences et la littérature. Il est la pierre angulaire du cartésianisme et, nous dit Marylin Maeso, « le prix à payer pour qui aspire à la lucidité ». Le doute est au coeur de la pensée occidentale aussi bien que de l'action politique. Selon le psychanalyste Alain Abelhauser, auteur d'Un doute infini (Seuil, 2020), il peut même être une « forme d'éthique » voire un « art de vivre ». Flaubert en faisait sa seule religion. Il n'a en tous cas jamais été aussi fréquemment invoqué ; par ceux qui s'en réclament pour déguiser leurs certitudes obsessionnelles autant que par ceux qui les combattent.
De Pyrrhon à Étienne Klein en passant par Rabelais, Montaigne, Cervantès, Descartes, Nietzsche et Clément Rosset, le numéro spécial que Lire Magazine Littéraire consacre à « L'éloge du doute » ne pouvait en effet décidément pas escamoter la question du complotisme, cette suspicion dogmatique qui usurpe le prestige associé à la pensée critique pour se parer des atours avantageux du scepticisme.
Comme le rappelle Silvia Mancini, directrice de l'Institut d'histoire et anthropologie des religions à Lausanne, « quand les gens sont exposés au malheur, confrontés à l'angoisse de la précarité, ils ressentent la nécessité d'inscrire leur existence dans une trame ordonnée où "tout fait sens". » D'où découle, probablement, la séduction croissante exercée par les théories du complot et la revendication subséquente d'un droit de douter radicalement de la réalité commune. Une réalité commune qui, ainsi que l'explique le sociologue Luc Boltanski, auteur de Énigmes et complots (Gallimard/NRF, 2012), « n'est pas tissée que d'expériences individuelles [mais] est faite aussi par des cadres collectifs mis en place par les sociétés, par exemple l'État-nation. »
Tout en s'insurgeant contre la transformation trop fréquente de mots tels que « populisme » ou « complotisme » en « étiquettes bien pratiques pour éluder les problèmes », la politologue Chloé Morin convient que « le complotisme est une forme malade de l'esprit critique » qui, selon elle, trouverait principalement son origine dans une « extrême défiance à l'égard des élites. »
Le lecteur trouvera dans les 98 pages de ce hors-série de Lire – auquel Conspiracy Watch a apporté sa contribution – d'innombrables autres pistes pour penser le doute et « douter juste » avec, notamment, Barbara Cassin, Antoine Compagnon, Boris Cyrulnik, Aurélie Jean ou encore Marie Nimier.
Laissons le mot de la fin à Woody Allen : « Le doute me ronge. Et si tout n'était qu'illusion ? Si rien n'existait ? Dans ce cas, j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher. »
Voir aussi :
Il irrigue la philosophie, les sciences et la littérature. Il est la pierre angulaire du cartésianisme et, nous dit Marylin Maeso, « le prix à payer pour qui aspire à la lucidité ». Le doute est au coeur de la pensée occidentale aussi bien que de l'action politique. Selon le psychanalyste Alain Abelhauser, auteur d'Un doute infini (Seuil, 2020), il peut même être une « forme d'éthique » voire un « art de vivre ». Flaubert en faisait sa seule religion. Il n'a en tous cas jamais été aussi fréquemment invoqué ; par ceux qui s'en réclament pour déguiser leurs certitudes obsessionnelles autant que par ceux qui les combattent.
De Pyrrhon à Étienne Klein en passant par Rabelais, Montaigne, Cervantès, Descartes, Nietzsche et Clément Rosset, le numéro spécial que Lire Magazine Littéraire consacre à « L'éloge du doute » ne pouvait en effet décidément pas escamoter la question du complotisme, cette suspicion dogmatique qui usurpe le prestige associé à la pensée critique pour se parer des atours avantageux du scepticisme.
Comme le rappelle Silvia Mancini, directrice de l'Institut d'histoire et anthropologie des religions à Lausanne, « quand les gens sont exposés au malheur, confrontés à l'angoisse de la précarité, ils ressentent la nécessité d'inscrire leur existence dans une trame ordonnée où "tout fait sens". » D'où découle, probablement, la séduction croissante exercée par les théories du complot et la revendication subséquente d'un droit de douter radicalement de la réalité commune. Une réalité commune qui, ainsi que l'explique le sociologue Luc Boltanski, auteur de Énigmes et complots (Gallimard/NRF, 2012), « n'est pas tissée que d'expériences individuelles [mais] est faite aussi par des cadres collectifs mis en place par les sociétés, par exemple l'État-nation. »
Tout en s'insurgeant contre la transformation trop fréquente de mots tels que « populisme » ou « complotisme » en « étiquettes bien pratiques pour éluder les problèmes », la politologue Chloé Morin convient que « le complotisme est une forme malade de l'esprit critique » qui, selon elle, trouverait principalement son origine dans une « extrême défiance à l'égard des élites. »
Le lecteur trouvera dans les 98 pages de ce hors-série de Lire – auquel Conspiracy Watch a apporté sa contribution – d'innombrables autres pistes pour penser le doute et « douter juste » avec, notamment, Barbara Cassin, Antoine Compagnon, Boris Cyrulnik, Aurélie Jean ou encore Marie Nimier.
Laissons le mot de la fin à Woody Allen : « Le doute me ronge. Et si tout n'était qu'illusion ? Si rien n'existait ? Dans ce cas, j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher. »
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