Depuis quelques années, ce pharmacien de profession est l’un des visages d’un mouvement de défiance vis-à-vis de la vaccination qui, de la gauche écologiste à la droite souverainiste, transcende les clivages politiques. Jusqu’aux confins de la réinfosphère soralienne…
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Serge Rader est un homme engagé. Conseiller national et expert « médicaments » auprès de Nicolas Dupont-Aignan, cet ex-pharmacien s’est présenté aux élections législatives de 2012 sous les couleurs de Debout la République (devenu Debout la France) puis, deux ans plus tard, aux élections européennes, toujours pour le compte de la formation souverainiste. Un engagement partisan ne faisant qu’un avec sa croisade anti-vaccinale et qui éclaire d’un jour nouveau le soutien accordé au Pr. Henri Joyeux par Nicolas Dupont-Aignan ou les positions tonitruantes du président de Debout la France sur l’extension de la vaccination infantile obligatoire à 11 vaccins [1].
Membre de l’équipe nationale du Parti pour la Santé (qui dénonce « l’administration totalitaire de la santé » (sic) et poursuit l’objectif de « rétablir la liberté thérapeutique des médecins et soignants et la liberté de choix des traitements préventifs ou curatifs des citoyens y compris malades »), Serge Rader n’a pas toujours été la figure médiatique de l’anti-vaccination qu’il est devenu au cours de ces dernières années. Une vidéo de son interview par TV Libertés, l’un des fleurons de la « réinfosphère » d’extrême droite, datée de janvier 2016, cumule à ce jour pas moins de 195 000 vues sur Facebook, grâce à la page complotiste « Touche pas à mon gosse » qui en a assuré une diffusion virale, et plus de 76 000 vues sur YouTube. Celui qui se décrit volontiers comme un « lanceur d’alerte » précise n’avoir jamais « remis en question la politique vaccinale » à l'époque où son métier était de vendre des vaccins :
« J’ai été, comme un mouton, élevé à la sauce industrielle. Et moi-même je me suis vacciné. Mais comme j’ai un esprit critique un peu poussé, j’ai tout remis en question à la naissance de mon petit-fils ».
Depuis 2014, le nom de Serge Rader est en bonne place sur le site fondé par Robert Ménard et Emmanuelle Duverger, Boulevard Voltaire, ainsi que sur la très extrême-droitière Radio Courtoisie et d’autres médias dits « alternatifs ». Ce qui ne l’empêche pas de co-signer, en 2015, un livre sur le « racket des laboratoires pharmaceutiques » avec l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi, ouvrage publié par Les Petits matins [2], une maison d’édition clairement ancrée à gauche. C’est dire à quel point la cause anti-vaccinale transcende les clivages politiques traditionnels.
Dans une émission de trois heures diffusée sur Radio Courtoisie le 22 septembre dernier et enregistrée au début de l’été, l’ancien pharmacien dénonce les « mensonges » répandus dans les médias au sujet des vaccins, des mensonges qui, selon lui, sont « orchestrés par les porte-voix des laboratoires ». Il le dit d’ailleurs sans ambages : la publication, fin juin, d’un appel de 200 grands noms de la médecine destiné à soutenir le projet d’extension vaccinale proposé par la ministre de la Santé Agnès Buzyn est pour lui la marque que « le lobby industriel des laboratoires de vaccins a encore frappé » (sic).
Parmi les principaux arguments développés par le conférencier figure en bonne place la circonstance que des traces de nanoparticules de métaux lourds (plomb, nickel, fer, zinc…) ont été observés dans des vaccins. Mais le militant anti-vaccination se garde bien d’indiquer que les nanoparticules concernées n’ont pas les mêmes propriétés que l’élément chimique dont elles sont issues et que ces traces de métaux sont présentes à des concentrations si faibles qu'elles ne sauraient, jusqu’à preuve scientifique du contraire, remettre en cause la sécurité des vaccins.
Sur Boulevard Voltaire, Rader confie ne pas croire « du tout à l’information transparente des autorités » car pour lui, « tout est verrouillé par le lobby industriel ». Exemple ? « Ils disent qu’il y a une réduction de la couverture pour la rougeole. C’est entièrement faux ». Est-ce exact ? Dans un document mis en ligne sur le site du Ministère de la Santé le 6 juillet 2017, on lit :
« L’élimination de la rougeole nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95 % chez le jeune enfant. En France, ce niveau n’a jamais été atteint depuis l’intégration de cette vaccination dans le calendrier vaccinal, ce qui explique l’épidémie qui a provoqué des milliers de cas entre 2008 et 2011 ».
On apprend que la couverture vaccinale de la rougeole est à 78 % à 2 ans et que si la couverture vaccinale était suffisante (soit à 95%), on éviterait 11 000 cas par an, 5 complications neurologiques et 2 décès ainsi que 3950 journées d’hospitalisation. Des informations que Boulevard Voltaire ne se soucie apparemment guère de porter à la connaissance de ses lecteurs.
Pour son dernier livre, co-écrit avec Antonietta Gatti et Stefano Montanari, un couple de chercheurs italiens militant contre la vaccination et dont les travaux sont particulièrement controversés comme le rappelle Le Monde, Serge Rader a enchaîné les interviews et conférences.
Comme le 2 octobre, à Paris, à l’invitation du Cercle Aristote, une association fondée et animée par Pierre-Yves Rougeyron, assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser, élu en 2014 sur la liste « Front national – Rassemblement Bleu Marine » d’Ile-de-France.
Ou le 23 septembre dernier, à Lille (cf. ci-dessous). Chose notable : la conférence était annoncée sur Égalité & Réconciliation (E&R), Kontre Kulture ainsi que sur le site de la section lilloise de l’association soralienne (E&R Lille)… et seulement sur ces sites, tous parties prenantes de la galaxie soralienne. La conférence de Serge Rader était organisée à l’instigation de « Culture populaire » dont l’adresse de contact (culturepopulaire@outlook.fr) reprend exactement le même type d’adresse que celle d’E&R Lille et dont le nom fait allusion à l’association soralienne éponyme active, elle, à Nice. A cela, il faut ajouter que le visuel associé à l’annonce de l’événement n’est disponible en grand format que sur le site d’E&R. Des éléments qui suggèrent un artifice fait pour dissimuler que le conseiller « médicaments » de Nicolas Dupont-Aignan a en réalité été invité par E&R Lille au travers d’un groupe-écran n’ayant pas de véritable existence autonome. Les amis d’Alain Soral seraient-ils trop sulfureux pour Serge Rader ?
Une enquête publiée l’année dernière [3] et menée par les chercheurs du Vaccine Confidence Project (« Projet confiance dans les vaccins ») avec plusieurs collaborations montre que les Français (4/10) sont les « premiers à penser que les vaccins ne sont pas sûrs » ; un record mondial, et une donnée en nette augmentation depuis 2012.
La République est-elle soumise au lobby pharmaceutique ? Les laboratoires font-ils la loi en France comme l'affirmait encore récemment Nicolas Dupont-Aignan ? Nous avons posé la question au Pr. Philippe Sansonetti, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur et auteur de Vaccins, pourquoi ils sont indispensables (éd. Odile Jacob, 2017). Pour lui, « cet argument complotiste est brandi non pour aider à moraliser une tendance vers un modèle de "santé business" que personne ne veut, mais simplement pour détruire le principe et la place de la vaccination dans la santé publique nationale et globale. C'est le rôle et l'honneur de l'Etat de défendre la santé de ses concitoyens contre des dérives aberrantes. Ces 11 vaccins sont essentiels pour la santé de nos enfants. Quant aux industriels, ce ne sont ni des anges, ni des philanthropes. Ce n'est pas leur rôle dans un système capitaliste et qui fera nos médicaments et vaccins si nous suivons M. Dupont-Aignan dans son trip mortifère ? ».
Notes :
[1] Sur Twitter, Nicolas Dupont-Aignan n’a pas hésité à dénoncer le « lobby pharmaceutique au pouvoir » (4 juillet 2017) ou encore un « gouvernement prêt à sacrifier la santé de nos enfants au profit des lobbies pharmaceutiques » (6 juillet 2017). Le 14 septembre, il déclarait sur BFM TV : « J'aimerais que dans mon pays, la France, ce ne soit pas les laboratoires pharmaceutiques qui fassent la loi ».
[2] Michèle Rivasi, Serge Rader & Marie-Odile Bertella-Geffroy, Le Racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir, éd. Les petits matins, 2015.
[3] Les questions ont été posées entre septembre et décembre 2015 à plus de 65 000 personnes dans 67 pays.
Voir aussi :
Conseiller santé de Marine Le Pen... et fan de Meyssan et de Faurisson
Un proche de Thierry Meyssan rejoint les rangs du parti de Nicolas Dupont-Aignan
Serge Rader est un homme engagé. Conseiller national et expert « médicaments » auprès de Nicolas Dupont-Aignan, cet ex-pharmacien s’est présenté aux élections législatives de 2012 sous les couleurs de Debout la République (devenu Debout la France) puis, deux ans plus tard, aux élections européennes, toujours pour le compte de la formation souverainiste. Un engagement partisan ne faisant qu’un avec sa croisade anti-vaccinale et qui éclaire d’un jour nouveau le soutien accordé au Pr. Henri Joyeux par Nicolas Dupont-Aignan ou les positions tonitruantes du président de Debout la France sur l’extension de la vaccination infantile obligatoire à 11 vaccins [1].
Membre de l’équipe nationale du Parti pour la Santé (qui dénonce « l’administration totalitaire de la santé » (sic) et poursuit l’objectif de « rétablir la liberté thérapeutique des médecins et soignants et la liberté de choix des traitements préventifs ou curatifs des citoyens y compris malades »), Serge Rader n’a pas toujours été la figure médiatique de l’anti-vaccination qu’il est devenu au cours de ces dernières années. Une vidéo de son interview par TV Libertés, l’un des fleurons de la « réinfosphère » d’extrême droite, datée de janvier 2016, cumule à ce jour pas moins de 195 000 vues sur Facebook, grâce à la page complotiste « Touche pas à mon gosse » qui en a assuré une diffusion virale, et plus de 76 000 vues sur YouTube. Celui qui se décrit volontiers comme un « lanceur d’alerte » précise n’avoir jamais « remis en question la politique vaccinale » à l'époque où son métier était de vendre des vaccins :
« J’ai été, comme un mouton, élevé à la sauce industrielle. Et moi-même je me suis vacciné. Mais comme j’ai un esprit critique un peu poussé, j’ai tout remis en question à la naissance de mon petit-fils ».
Depuis 2014, le nom de Serge Rader est en bonne place sur le site fondé par Robert Ménard et Emmanuelle Duverger, Boulevard Voltaire, ainsi que sur la très extrême-droitière Radio Courtoisie et d’autres médias dits « alternatifs ». Ce qui ne l’empêche pas de co-signer, en 2015, un livre sur le « racket des laboratoires pharmaceutiques » avec l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi, ouvrage publié par Les Petits matins [2], une maison d’édition clairement ancrée à gauche. C’est dire à quel point la cause anti-vaccinale transcende les clivages politiques traditionnels.
Dans une émission de trois heures diffusée sur Radio Courtoisie le 22 septembre dernier et enregistrée au début de l’été, l’ancien pharmacien dénonce les « mensonges » répandus dans les médias au sujet des vaccins, des mensonges qui, selon lui, sont « orchestrés par les porte-voix des laboratoires ». Il le dit d’ailleurs sans ambages : la publication, fin juin, d’un appel de 200 grands noms de la médecine destiné à soutenir le projet d’extension vaccinale proposé par la ministre de la Santé Agnès Buzyn est pour lui la marque que « le lobby industriel des laboratoires de vaccins a encore frappé » (sic).
Parmi les principaux arguments développés par le conférencier figure en bonne place la circonstance que des traces de nanoparticules de métaux lourds (plomb, nickel, fer, zinc…) ont été observés dans des vaccins. Mais le militant anti-vaccination se garde bien d’indiquer que les nanoparticules concernées n’ont pas les mêmes propriétés que l’élément chimique dont elles sont issues et que ces traces de métaux sont présentes à des concentrations si faibles qu'elles ne sauraient, jusqu’à preuve scientifique du contraire, remettre en cause la sécurité des vaccins.
Sur Boulevard Voltaire, Rader confie ne pas croire « du tout à l’information transparente des autorités » car pour lui, « tout est verrouillé par le lobby industriel ». Exemple ? « Ils disent qu’il y a une réduction de la couverture pour la rougeole. C’est entièrement faux ». Est-ce exact ? Dans un document mis en ligne sur le site du Ministère de la Santé le 6 juillet 2017, on lit :
« L’élimination de la rougeole nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95 % chez le jeune enfant. En France, ce niveau n’a jamais été atteint depuis l’intégration de cette vaccination dans le calendrier vaccinal, ce qui explique l’épidémie qui a provoqué des milliers de cas entre 2008 et 2011 ».
On apprend que la couverture vaccinale de la rougeole est à 78 % à 2 ans et que si la couverture vaccinale était suffisante (soit à 95%), on éviterait 11 000 cas par an, 5 complications neurologiques et 2 décès ainsi que 3950 journées d’hospitalisation. Des informations que Boulevard Voltaire ne se soucie apparemment guère de porter à la connaissance de ses lecteurs.
Pour son dernier livre, co-écrit avec Antonietta Gatti et Stefano Montanari, un couple de chercheurs italiens militant contre la vaccination et dont les travaux sont particulièrement controversés comme le rappelle Le Monde, Serge Rader a enchaîné les interviews et conférences.
Comme le 2 octobre, à Paris, à l’invitation du Cercle Aristote, une association fondée et animée par Pierre-Yves Rougeyron, assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser, élu en 2014 sur la liste « Front national – Rassemblement Bleu Marine » d’Ile-de-France.
Ou le 23 septembre dernier, à Lille (cf. ci-dessous). Chose notable : la conférence était annoncée sur Égalité & Réconciliation (E&R), Kontre Kulture ainsi que sur le site de la section lilloise de l’association soralienne (E&R Lille)… et seulement sur ces sites, tous parties prenantes de la galaxie soralienne. La conférence de Serge Rader était organisée à l’instigation de « Culture populaire » dont l’adresse de contact (culturepopulaire@outlook.fr) reprend exactement le même type d’adresse que celle d’E&R Lille et dont le nom fait allusion à l’association soralienne éponyme active, elle, à Nice. A cela, il faut ajouter que le visuel associé à l’annonce de l’événement n’est disponible en grand format que sur le site d’E&R. Des éléments qui suggèrent un artifice fait pour dissimuler que le conseiller « médicaments » de Nicolas Dupont-Aignan a en réalité été invité par E&R Lille au travers d’un groupe-écran n’ayant pas de véritable existence autonome. Les amis d’Alain Soral seraient-ils trop sulfureux pour Serge Rader ?
Une enquête publiée l’année dernière [3] et menée par les chercheurs du Vaccine Confidence Project (« Projet confiance dans les vaccins ») avec plusieurs collaborations montre que les Français (4/10) sont les « premiers à penser que les vaccins ne sont pas sûrs » ; un record mondial, et une donnée en nette augmentation depuis 2012.
La République est-elle soumise au lobby pharmaceutique ? Les laboratoires font-ils la loi en France comme l'affirmait encore récemment Nicolas Dupont-Aignan ? Nous avons posé la question au Pr. Philippe Sansonetti, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur et auteur de Vaccins, pourquoi ils sont indispensables (éd. Odile Jacob, 2017). Pour lui, « cet argument complotiste est brandi non pour aider à moraliser une tendance vers un modèle de "santé business" que personne ne veut, mais simplement pour détruire le principe et la place de la vaccination dans la santé publique nationale et globale. C'est le rôle et l'honneur de l'Etat de défendre la santé de ses concitoyens contre des dérives aberrantes. Ces 11 vaccins sont essentiels pour la santé de nos enfants. Quant aux industriels, ce ne sont ni des anges, ni des philanthropes. Ce n'est pas leur rôle dans un système capitaliste et qui fera nos médicaments et vaccins si nous suivons M. Dupont-Aignan dans son trip mortifère ? ».
Notes :
[1] Sur Twitter, Nicolas Dupont-Aignan n’a pas hésité à dénoncer le « lobby pharmaceutique au pouvoir » (4 juillet 2017) ou encore un « gouvernement prêt à sacrifier la santé de nos enfants au profit des lobbies pharmaceutiques » (6 juillet 2017). Le 14 septembre, il déclarait sur BFM TV : « J'aimerais que dans mon pays, la France, ce ne soit pas les laboratoires pharmaceutiques qui fassent la loi ».
[2] Michèle Rivasi, Serge Rader & Marie-Odile Bertella-Geffroy, Le Racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir, éd. Les petits matins, 2015.
[3] Les questions ont été posées entre septembre et décembre 2015 à plus de 65 000 personnes dans 67 pays.
Voir aussi :
Conseiller santé de Marine Le Pen... et fan de Meyssan et de Faurisson
Un proche de Thierry Meyssan rejoint les rangs du parti de Nicolas Dupont-Aignan
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