Lors du congrès de refondation de son parti, Marine Le Pen a dénoncé « le nouvel ordre mondial »... : un mythe politique présent aussi bien à l'extrême droite que dans l'idéologie islamiste à laquelle la présidente du FN prétend pourtant s'opposer.
Dimanche 11 mars 2018, à l’occasion du 16ème congrès du Front national (FN), Marine Le Pen s’est livré à une subreptice dénonciation du « nouvel ordre mondial » qu’elle a immédiatement identifié à un « nouvel ordre marchand », notion boiteuse qui ne semble n’avoir d’autre fonction ici que d’atténuer la portée de son emprunt au registre complotiste : « Chacun est invité par le nouvel ordre mondial, par le nouvel ordre marchand, à n’obéir qu’à ses désirs, à ses désirs illimités » a-t-elle déclamé après avoir renvoyé dos-à-dos « le mondialisme et l’islamisme », « deux idéologies qui veulent dominer le monde ».
Dans son livre Pour que vive la France (éd. J. Grancher, 2012), la présidente du FN faisait déjà allusion à un « nouvel ordre mondialiste » ayant «pour trait principal de nier l’utilité des nations » et « qui vise à façonner un nouvel homme sorte d’homo mondialisus, vivant hors sol, sans identité autre que celle du consommateur global ».
La dénonciation du « mondialisme » est un lieu commun de la rhétorique de l’extrême droite. Le politologue Jean-Yves Camus rappelle que « le terme "mondialisme" est un néologisme apparu au début des années 1980 dans les milieux complotistes de l’extrême-droite anti-juive […] pour désigner l’action soi-disant concertée de sociétés secrètes, de groupes d’intérêts économiques ou de lobbies pour arriver à l’instauration d’un gouvernement mondial ». Au cours de la dernière décennie, le thème a été abondamment traité par des figures de la mouvance dite de la « Dissidence » comme Alain Soral ou Pierre Hillard, auteur de La marche irrésistible du nouvel ordre mondial (Éd. François-Xavier de Guibert, 2007).
Le thème du « Nouvel Ordre Mondial » (ou « New World Order » en anglais), a été inventé dans la frange la plus violemment anticommuniste de la droite américaine. Auteure de La société parano (Payot, 2005), Véronique Campion-Vincent écrit que « le nouvel ordre mondial avait commencé à être dénoncé dans les années 1950 par les milieux conservateurs américains (et particulièrement par la John Birch Society). Il s’agissait alors du complot communiste de domination de la planète, complot animé par l’Union soviétique instrumentalisant les Nations unies ». En 1971, le best-seller du journaliste conservateur Gary Allen, None Dare Call It Conspiracy [« Personne n’ose appeler ça une conspiration »], popularise l’expression auprès du public américain en en faisant le nom de code d’un vaste complot communiste international.
Dans les années 1990, l’expression va commencer à revêtir une seconde acception : sans être dépouillée de sa dimension complotiste, elle va être de plus en plus clairement assimilée à l’impérialisme américain et au système capitaliste en général, comme en témoigne l’ouvrage de Noam Chomsky, World Orders, Old and New (1997).
L’heure n’est plus au « Péril rouge » mais à la contestation du « projet mondialiste » et de ses instruments supposés : des think tanks et forums de discussion comme la Commission Trilatérale, le Groupe de Bilderberg ou le Council on Foreign Relations sont pointés du doigt, accusés de hâter la transformation du monde en une dictature « oligarchique ». Lorsqu’il n’est pas considéré comme un programme d’inspiration « sataniste » ou « illuminati », le « nouvel ordre mondial » est perçu comme un projet d’inspiration « sioniste », voire... « talmudique ».
Plusieurs idéologues islamistes ont ainsi intégré à leur doctrine le thème du « nouvel ordre mondial » et de la menace mortelle qu'il ferait peser sur l'islam. La revue de l’Etat islamique, Rumiyah, reprend ainsi à son compte la dénonciation du « nouvel ordre mondial ». Comme le font également Abou Moussab al-Souri, l’un des théoriciens d’Al-Qaïda, ou le prédicateur Hani Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans.
Ironie de l’histoire : en s'abandonnant à la dénonciation d'un fantasmatique « nouvel ordre mondial », la présidente du FN adhère à un système de représentations commun à l’extrême droite occidentale et à une idéologie islamiste qu’elle prétend pourtant être la plus à même de tenir en échec.
Lors du congrès de refondation de son parti, Marine Le Pen a dénoncé « le nouvel ordre mondial »... : un mythe politique présent aussi bien à l'extrême droite que dans l'idéologie islamiste à laquelle la présidente du FN prétend pourtant s'opposer.
Dimanche 11 mars 2018, à l’occasion du 16ème congrès du Front national (FN), Marine Le Pen s’est livré à une subreptice dénonciation du « nouvel ordre mondial » qu’elle a immédiatement identifié à un « nouvel ordre marchand », notion boiteuse qui ne semble n’avoir d’autre fonction ici que d’atténuer la portée de son emprunt au registre complotiste : « Chacun est invité par le nouvel ordre mondial, par le nouvel ordre marchand, à n’obéir qu’à ses désirs, à ses désirs illimités » a-t-elle déclamé après avoir renvoyé dos-à-dos « le mondialisme et l’islamisme », « deux idéologies qui veulent dominer le monde ».
Dans son livre Pour que vive la France (éd. J. Grancher, 2012), la présidente du FN faisait déjà allusion à un « nouvel ordre mondialiste » ayant «pour trait principal de nier l’utilité des nations » et « qui vise à façonner un nouvel homme sorte d’homo mondialisus, vivant hors sol, sans identité autre que celle du consommateur global ».
La dénonciation du « mondialisme » est un lieu commun de la rhétorique de l’extrême droite. Le politologue Jean-Yves Camus rappelle que « le terme "mondialisme" est un néologisme apparu au début des années 1980 dans les milieux complotistes de l’extrême-droite anti-juive […] pour désigner l’action soi-disant concertée de sociétés secrètes, de groupes d’intérêts économiques ou de lobbies pour arriver à l’instauration d’un gouvernement mondial ». Au cours de la dernière décennie, le thème a été abondamment traité par des figures de la mouvance dite de la « Dissidence » comme Alain Soral ou Pierre Hillard, auteur de La marche irrésistible du nouvel ordre mondial (Éd. François-Xavier de Guibert, 2007).
Le thème du « Nouvel Ordre Mondial » (ou « New World Order » en anglais), a été inventé dans la frange la plus violemment anticommuniste de la droite américaine. Auteure de La société parano (Payot, 2005), Véronique Campion-Vincent écrit que « le nouvel ordre mondial avait commencé à être dénoncé dans les années 1950 par les milieux conservateurs américains (et particulièrement par la John Birch Society). Il s’agissait alors du complot communiste de domination de la planète, complot animé par l’Union soviétique instrumentalisant les Nations unies ». En 1971, le best-seller du journaliste conservateur Gary Allen, None Dare Call It Conspiracy [« Personne n’ose appeler ça une conspiration »], popularise l’expression auprès du public américain en en faisant le nom de code d’un vaste complot communiste international.
Dans les années 1990, l’expression va commencer à revêtir une seconde acception : sans être dépouillée de sa dimension complotiste, elle va être de plus en plus clairement assimilée à l’impérialisme américain et au système capitaliste en général, comme en témoigne l’ouvrage de Noam Chomsky, World Orders, Old and New (1997).
L’heure n’est plus au « Péril rouge » mais à la contestation du « projet mondialiste » et de ses instruments supposés : des think tanks et forums de discussion comme la Commission Trilatérale, le Groupe de Bilderberg ou le Council on Foreign Relations sont pointés du doigt, accusés de hâter la transformation du monde en une dictature « oligarchique ». Lorsqu’il n’est pas considéré comme un programme d’inspiration « sataniste » ou « illuminati », le « nouvel ordre mondial » est perçu comme un projet d’inspiration « sioniste », voire... « talmudique ».
Plusieurs idéologues islamistes ont ainsi intégré à leur doctrine le thème du « nouvel ordre mondial » et de la menace mortelle qu'il ferait peser sur l'islam. La revue de l’Etat islamique, Rumiyah, reprend ainsi à son compte la dénonciation du « nouvel ordre mondial ». Comme le font également Abou Moussab al-Souri, l’un des théoriciens d’Al-Qaïda, ou le prédicateur Hani Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans.
Ironie de l’histoire : en s'abandonnant à la dénonciation d'un fantasmatique « nouvel ordre mondial », la présidente du FN adhère à un système de représentations commun à l’extrême droite occidentale et à une idéologie islamiste qu’elle prétend pourtant être la plus à même de tenir en échec.
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