Il semble que la rédaction du site Marianne2.fr – qu’on aura connu mieux inspirée – a cru judicieux de relayer en tête de sa page d’accueil un texte du blogueur Slovar sur les familles les plus riches de France, et de l’intituler « Fortune : le retour des 200 Familles ». Faut-il rappeler que Le retour des 200 familles est le titre d’un ouvrage de l’idéologue antisémite Henry Coston publié en 1960 ? Apparemment oui.
Tout comme il n'aurait pas été inutile d'indiquer que le thème des « deux cents familles qui tirent en coulisses les ficelles de la presse et de la politique » s’inscrit pleinement dans ce que l’historien André Gueslin appelle les « mythologies de l’argent » (Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine, Economica, 2007), qui n’en finissent pas de hanter notre imaginaire politique. Depuis la Révolution, on n’a cessé de prêter aux « nantis », un pouvoir démesuré relevant davantage de la légende que des faits, ainsi que le montre Pierre Birnbaum dans Le peuple et les gros. Histoire d'un mythe (Hachette Littérature, coll. Pluriel, 1979 ; rééd. 1995). Cette idéologie démagogique, qui exploite les frustrations et les peurs et fait fi de toute complexité, a fait les choux gras du poujadisme (défense des « petits »), puis du lepénisme (critique de « l’establishment »). Elle a contribué à unir extrême droite et extrême gauche dans une commune dénonciation de la démocratie représentative.
Enfin, cette formule des « deux cents familles » aurait-elle connu pareil succès sans le renfort d’un puissant courant antisémite, très vivace dans l’entre-deux-guerres ? Serait-elle passée à la postérité si elle n’avait pas partie liée avec la recherche éternelle de boucs émissaires ? Aurait-elle inspiré le titre d’un de ses livres à Henry Coston si le mythe qu'elle désigne n’était pas venu conforter les fantasmes des pourfendeurs de la « finance juive » ?
Pour aller plus loin :
* André Gueslin, Mythologies de l’argent. Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine (XIXe-XXe siècles), Economica, 2007.
* Jean Garrigues, Les patrons et la politique. De Schneider à Seillière, Perrin, 2002.
* Pierre Birnbaum, Le peuple et les gros. Histoire d'un mythe, Hachette Littérature, coll. Pluriel, 1979 ; rééd. 1995. Lire la critique de Daniel Bermond dans L'Express.
* René Sédillot, Les deux cents familles, Perrin, coll. Vérités et légendes, 1988.
Il semble que la rédaction du site Marianne2.fr – qu’on aura connu mieux inspirée – a cru judicieux de relayer en tête de sa page d’accueil un texte du blogueur Slovar sur les familles les plus riches de France, et de l’intituler « Fortune : le retour des 200 Familles ». Faut-il rappeler que Le retour des 200 familles est le titre d’un ouvrage de l’idéologue antisémite Henry Coston publié en 1960 ? Apparemment oui.
Tout comme il n'aurait pas été inutile d'indiquer que le thème des « deux cents familles qui tirent en coulisses les ficelles de la presse et de la politique » s’inscrit pleinement dans ce que l’historien André Gueslin appelle les « mythologies de l’argent » (Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine, Economica, 2007), qui n’en finissent pas de hanter notre imaginaire politique. Depuis la Révolution, on n’a cessé de prêter aux « nantis », un pouvoir démesuré relevant davantage de la légende que des faits, ainsi que le montre Pierre Birnbaum dans Le peuple et les gros. Histoire d'un mythe (Hachette Littérature, coll. Pluriel, 1979 ; rééd. 1995). Cette idéologie démagogique, qui exploite les frustrations et les peurs et fait fi de toute complexité, a fait les choux gras du poujadisme (défense des « petits »), puis du lepénisme (critique de « l’establishment »). Elle a contribué à unir extrême droite et extrême gauche dans une commune dénonciation de la démocratie représentative.
Enfin, cette formule des « deux cents familles » aurait-elle connu pareil succès sans le renfort d’un puissant courant antisémite, très vivace dans l’entre-deux-guerres ? Serait-elle passée à la postérité si elle n’avait pas partie liée avec la recherche éternelle de boucs émissaires ? Aurait-elle inspiré le titre d’un de ses livres à Henry Coston si le mythe qu'elle désigne n’était pas venu conforter les fantasmes des pourfendeurs de la « finance juive » ?
Pour aller plus loin :
* André Gueslin, Mythologies de l’argent. Essai sur l’histoire des représentations de la richesse et de la pauvreté dans la France contemporaine (XIXe-XXe siècles), Economica, 2007.
* Jean Garrigues, Les patrons et la politique. De Schneider à Seillière, Perrin, 2002.
* Pierre Birnbaum, Le peuple et les gros. Histoire d'un mythe, Hachette Littérature, coll. Pluriel, 1979 ; rééd. 1995. Lire la critique de Daniel Bermond dans L'Express.
* René Sédillot, Les deux cents familles, Perrin, coll. Vérités et légendes, 1988.
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