Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Le Net et la rumeur

Publié par Le Monde13 avril 2004, ,

Oui, un avion s'est bel et bien écrasé sur le Pentagone, à Washington, le 11 septembre, après que deux autres eurent détruit les tours du World Trade Center à New York. Oui, le ministère américain de la défense a été attaqué par des terroristes qui avaient choisi de lancer contre lui un Boeing 757. Oui, cinquante-huit passagers et six membres d'équipage ont été tués pour avoir pris, ce jour-là, le vol 77 d'American Airlines en direction de Los Angeles.

On n'aurait pas besoin de rappeler ces quelques données, établies par les enquêtes les moins contestables, si une rumeur, propagée sur le Net par un petit groupe qui s'est donné le nom de Réseau Voltaire, ne soutenait la thèse contraire : pour lui, aucun avion n'a touché le Pentagone le 11 septembre et seule l'explosion d'une bombe déposée à l'intérieur du bâtiment a pu provoquer l'incendie meurtrier. On devine les implications de cette théorie, exposée depuis par Thierry Meyssan, seul animateur de l'autoproclamé « Réseau » Voltaire : si l'attaque est venue de l'intérieur, et non de l'extérieur, elle est le résultat d'un complot ourdi par les éléments les plus extrémistes de l'armée américaine, qui voulaient obtenir le feu vert du président pour se lancer à l'assaut de l'Afghanistan et bientôt de l'Irak. Selon la même logique, les attentats contre le World Trade Center auraient bénéficié de la complicité d'une partie de l'appareil d'Etat américain, et la piste Ben Laden ne serait qu'une fausse piste destinée à détourner les soupçons.

Cette thèse ne saurait être prise comme une hypothèse parmi d'autres : elle est tout simplement révisionniste, affirmant que l'histoire réelle que décrivent les médias et sur laquelle agissent les politiques n'est qu'un récit factice, totalement fabriqué et inventé. Comme le montre notre contre-enquête, c'est l'inverse qui est vrai : le Réseau Voltaire raconte, en l'espèce, n'importe quoi. Des témoins ont vu l'avion avant qu'il ne s'écrase sur le Pentagone, une photo a même montré un morceau de fuselage à une centaine de mètres de l'immeuble. Pour le reste, les experts expliquent que l'appareil s'est pulvérisé sous la violence du choc. La parole des experts n'est certes pas d'Evangile, et il est bon qu'elle soit contestée par les citoyens. Encore faut-il que cette contestation s'appuie sur des critères de rigueur où tous les faits sont pris en compte. Or la rumeur du 11 septembre laisse de côté tout ce qui ne va pas dans le sens que souhaitent ses propagateurs. Comme si la réalité n'était qu'affaire d'opinion et de jugement, comme si elle n'avait aucune consistance factuelle objective indépendamment des parti-pris subjectifs.

L'information est un travail, avec ses règles, ses apprentissages, ses vérifications. Grâce à la liberté qu'offre le Net, certains croient pouvoir s'en émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des autres médias. S'ils se font ainsi une notoriété, c'est hélas au détriment de la liberté, qu'ils discréditent, et de la démocratie, qu'ils rabaissent à un jeu d'ombres où le complot serait partout et la vérité nulle part. Pauvre Voltaire !

Source : Le Monde, édito du 21 mars 2002.

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Oui, un avion s'est bel et bien écrasé sur le Pentagone, à Washington, le 11 septembre, après que deux autres eurent détruit les tours du World Trade Center à New York. Oui, le ministère américain de la défense a été attaqué par des terroristes qui avaient choisi de lancer contre lui un Boeing 757. Oui, cinquante-huit passagers et six membres d'équipage ont été tués pour avoir pris, ce jour-là, le vol 77 d'American Airlines en direction de Los Angeles.

On n'aurait pas besoin de rappeler ces quelques données, établies par les enquêtes les moins contestables, si une rumeur, propagée sur le Net par un petit groupe qui s'est donné le nom de Réseau Voltaire, ne soutenait la thèse contraire : pour lui, aucun avion n'a touché le Pentagone le 11 septembre et seule l'explosion d'une bombe déposée à l'intérieur du bâtiment a pu provoquer l'incendie meurtrier. On devine les implications de cette théorie, exposée depuis par Thierry Meyssan, seul animateur de l'autoproclamé « Réseau » Voltaire : si l'attaque est venue de l'intérieur, et non de l'extérieur, elle est le résultat d'un complot ourdi par les éléments les plus extrémistes de l'armée américaine, qui voulaient obtenir le feu vert du président pour se lancer à l'assaut de l'Afghanistan et bientôt de l'Irak. Selon la même logique, les attentats contre le World Trade Center auraient bénéficié de la complicité d'une partie de l'appareil d'Etat américain, et la piste Ben Laden ne serait qu'une fausse piste destinée à détourner les soupçons.

Cette thèse ne saurait être prise comme une hypothèse parmi d'autres : elle est tout simplement révisionniste, affirmant que l'histoire réelle que décrivent les médias et sur laquelle agissent les politiques n'est qu'un récit factice, totalement fabriqué et inventé. Comme le montre notre contre-enquête, c'est l'inverse qui est vrai : le Réseau Voltaire raconte, en l'espèce, n'importe quoi. Des témoins ont vu l'avion avant qu'il ne s'écrase sur le Pentagone, une photo a même montré un morceau de fuselage à une centaine de mètres de l'immeuble. Pour le reste, les experts expliquent que l'appareil s'est pulvérisé sous la violence du choc. La parole des experts n'est certes pas d'Evangile, et il est bon qu'elle soit contestée par les citoyens. Encore faut-il que cette contestation s'appuie sur des critères de rigueur où tous les faits sont pris en compte. Or la rumeur du 11 septembre laisse de côté tout ce qui ne va pas dans le sens que souhaitent ses propagateurs. Comme si la réalité n'était qu'affaire d'opinion et de jugement, comme si elle n'avait aucune consistance factuelle objective indépendamment des parti-pris subjectifs.

L'information est un travail, avec ses règles, ses apprentissages, ses vérifications. Grâce à la liberté qu'offre le Net, certains croient pouvoir s'en émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des autres médias. S'ils se font ainsi une notoriété, c'est hélas au détriment de la liberté, qu'ils discréditent, et de la démocratie, qu'ils rabaissent à un jeu d'ombres où le complot serait partout et la vérité nulle part. Pauvre Voltaire !

Source : Le Monde, édito du 21 mars 2002.

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