Entretien avec Justin Vaïsse, agrégé et docteur en histoire, spécialiste de la vie politique américaine, directeur de recherche à la Brookings Institution de Washington.
Conspiracy Watch : Spécialiste des Etats-Unis, vous venez de publier une Histoire du néoconservatisme aux États-Unis (éditions Odile Jacob, octobre 2008). Selon vous, pour quelles raisons les néoconservateurs déclenchent-ils les passions ?
Justin Vaïsse : Comme tout groupe intellectuel et politique à l'identité mal connue et mal comprise, les néoconservateurs ont fait l'objet d'innombrables fantasmes et de théories du complot. Et ce, alors même que toutes leurs idées, même les plus contestables, sont écrites noir sur blanc dans des revues accessibles par tous, et qu'ils se sont exprimés abondamment sur leur vision du monde, avec une grande clarté, depuis des années. Ils ont bien un aspect clanique, qui tient notamment à des liens de famille nombreux entre certaines des figures importants de ce courant, et au fait qu'ils ne s'attaquent jamais entre eux. Mais pour le reste, ils sont aussi ouverts et transparents qu'on peut l'être. Et beaucoup moins influents que ce que leurs opposants prétendent. Je crois d'une part que leur nom, avec le préfixe "néo", est une invitation aux fantasmes (le "néo" sent le soufre : néo-nazi, néo-fondamentaliste, etc.) ; d'ailleurs, c'est plus mystérieux et plus séduisant – et ça fait plus savant – de parler des "néoconservateurs" que des "conservateurs", même si ce n'est pas la même chose, peu importe. Je crois d'autre part que le pouvoir de l'idéologie, l'influence des idées sur la politique, et en particulier sur les affaires de guerre et de paix, déclenche une excitation particulière chez certains, peut-être le sentiment d'avoir une clé de l'histoire, une source identifiable de la marche du monde, une explication qui dissipe la complexité des choses.
C. W. : Mais alors, qui sont-ils vraiment ?
J. V. : Commençons par dire ce qu'ils ne sont pas, tant cette erreur est répandue, jusque dans les colonnes du Figaro ou du Monde (1) : ce ne sont pas des conservateurs. Le mouvement conservateur américain moderne est né à droite en 1955, autour de William Buckley et sa National Review, et à ce moment, les futurs néoconservateurs le considèrent comme une excentricité, une bizarrerie qui se situe en-dehors de leur univers. Plus tard, dans les années 1980 notamment, les néoconservateurs se rapprochent bel et bien du vaste mouvement conservateur – qui rassemble les conservateurs fiscaux, les libertariens, la droite chrétienne, etc. – à travers la politique étrangère et la personne de Ronald Reagan, et à travers la lutte commune contre les libéraux (au sens américain), mais sans s'y fondre complètement, en conservant toujours leur différence.
Une autre précision : ce n'est pas un mouvement politicien, il n'y a ni élus, ni électeurs portant l'étiquette "néoconservateurs", et il n'y a pas de base économique, ethnique, religieuse ou régionale. C'est tout au plus un courant de pensée intellectuel, peu structuré. Surtout, l'étiquette "néoconservateur" fait penser à une identité bien définie, alors que c'est l'inverse : cette étiquette désigne des réalités très différentes au cours des âges.
Ceux qui ont été traités de "nouveaux conservateurs" par leurs ennemis au tournant des années 1960 et 1970 étaient en fait des intellectuels, pour la plupart sociologues et politologues, qui s'inquiétaient des tournants pris par le libéralisme au cours de cette décennie tumultueuse, en particulier des grands programmes sociaux de guerre à la pauvreté qui leur semblaient utopiques et contre-productifs. Ils étaient toujours des libéraux, mais refusaient cette évolution vers un dénigrement de l'expérience américaine par la Nouvelle Gauche, et le remplacement des thèmes traditionnels de progrès social par les nouvelles questions d'identité (orientation sexuelle et libération des mœurs ; minorités, quotas et discrimination positive ; usage des drogues ; etc.). Remarquez bien qu'ils restaient plutôt à gauche et ne s'intéressaient pas à la politique étrangère.
Ce n'est qu'au cours du deuxième âge du néoconservatisme que cette question apparaît, au sein d'un autre groupe : non plus des intellectuels new-yorkais, mais des acteurs politiques de Washington, des démocrates, qui refusent la "gauchisation" de leur parti, sa tentation isolationniste, et la politique de Détente avec l'URSS qui l'accompagne, et prêchent un retour à la tradition de Roosevelt, Truman ou Kennedy : progès social concret à l'intérieur, anti-communisme musclé à l'extérieur. En 1980, ces "Scoop Jackson Democrats" (du nom de leur héros le sénateur démocrate Scoop Jackson) déséspèrent de leur parti et franchissent le pas : ils vont travailler pour Ronald Reagan, qui propose une politique étrangère "faucon" et une plus gande "clarté morale" dans la lutte contre l'URSS.
Les néoconservateurs récents, ceux du troisième âge, sont surtout les héritiers du deuxième âge : après une traversée du désert consécutive à la chute du Mur de Berlin, un nouvel avatar du néoconservatisme apparaît, cette fois clairement à droite, côté républicain, et presque exclusivement centré sur la politique étrangère. Les néoconservateurs des années 1990 et 2000 veulent une Amérique active à l'étranger, une Amérique qui façonne le système international plutôt que de laisser d'autres forces, éventuellement malveillantes, le faire, et une Amérique qui favorise la démocratie, car seul ce régime assure la paix et la sécurité sur le long terme.
C. W. : Quelle a été leur véritable influence sur la politique étrangère de George W. Bush ?
J. V. : La politique de George W. Bush, en particulier la guerre en Irak, a été en partie influencée par le néoconservatisme, mais en partie seulement. D'abord, les plus hauts responsables de sa politique étrangère n'étaient pas néoconservateurs : ni Condoleezza Rice, ni Colin Powell évidemment, mais pas non plus Donald Rumsfeld ou Dick Cheney, même si ces derniers ont été des relais de certaines de leurs thèses. Concernant George Bush lui-même, qui est après tout la personne clé ici, plusieurs influences ont compté, dont celle des néoconservateurs qui ont proposé une vision stratégique cohérente après le 11-Septembre, mais aussi celle de sa foi évangélique, et celle de ses conseillers "faucons" (comme Rumsfeld et Cheney justement, ou encore John Bolton) qui ne partageaient pas la vision néoconservatrice dans son ensemble. Bref, le rôle des néoconservateurs est loin d'être exclusif. D'ailleurs, il faut bien voir qu'ils ont toujours été minoritaires à Washington, et que leurs relations avec l'administration Bush ont souvent été tendues, notamment avec Donald Rumsfeld qui voulait mettre le moins de moyens possibles dans l'invasion de l'Iraq pour en faire un cas d'école de la transformation des forces. Si l'idée d'envahir l'Irak était mauvaise, à leur crédit, les néoconservateurs ont toujours demandé des moyens beaucoup plus importants pour que l'opération réussisse, et ont attaqué Rumsfeld, parfois violemment, sur ce thème.
C. W. : Existe-il, selon vous, un néoconservatisme « à la française » ?
J. V. : C'est tentant de faire un parallèle sur le plan de la politique étrangère : des intellectuels de gauche qui réagissent contre ce qu'ils perçoivent être les excès et les fourvoiements de la gauche, récusent le tiers-mondisme et le dénigrement de l'Occident, insistent sur la démocratie, sur la "clarté morale" (l'expression n'est pas employée en France) et soutiennent la guerre en Irak… sur le plan intérieur aussi c'est tentant: les commentaires d'Alain Finkielkraut pendant les violences urbaines de 2005 font penser à la réaction des représentants du premier âge du néoconservatisme (Pat Moynihan ou Norman Podhoretz par exemple) expliquant vers 1965-1970, lors des émeutes urbaines aux Etats-Unis, qu'on ne pouvait pas excuser n'importe quelle conduite sous prétexte qu'il s'agissait de Noirs des ghettos (ou de jeunes immigrés ou enfants d'immigrés des zones défavorisées), et que c'est l'expérience républicaine (ou l'expérience américaine) qui était attaquée. Mais malgré ces cousinages, les rapprochements sont vite trompeurs : chaque âge du néoconservatisme est intrinsèquement américain, c'est une réaction à la situation spécifique des Etats-Unis dans les années 1960, dans les années 1970 et dans les années 1990, pas une doctrine intellectuelle universelle transposable partout (sauf à en faire une boîte à outils abstraite, avec un filet tellement large que cela ne veut plus dire grand-chose).
C. W. : Les néoconservateurs ont-ils eux-mêmes leur théories du complot ?
J. V. : En quelque sorte, oui, c'est ça qui est amusant : plusieurs d'entre eux, autour de l'American Enterprise Institute, ont soutenu les thèses farfelues de Laurie Mylroie, qui prétendait que Saddam Hussein était derrière le premier attentat contre le World Trade Center en 1993, et derrière tous les attentats qui ont suivi, y compris celui d'Oklahoma City en 1995 perpétré par des Américains anti-fédéraux, et bien sûr derrière le 11-Septembre. L'intuition de départ n'a rien d'absurde, puisque Saddam avait commandité un attentat contre Bush père en 1993, mais aucun élément tangible ne vient la corroborer, sinon des raisonnements tirés par les cheveux, et le consensus unanime des professionnels se fait rapidement sur l'absence de lien entre l'Irak et les terroristes d'al Qaeda. Cela ne l'a pas empêchée de publier son ouvrage fantaisiste, Richard Perle de le décrire comme « un livre remarquable et tout à fait convaincant », et James Woolsey (ancien directeur de la CIA - NDLR) de l'appuyer, à tel point que Paul Wolfowitz envoie ce dernier en mission spéciale en Grande-Bretagne, fin 2001, pour vérifier l'une des allégations de Mylroie.
Notes :
(1) cf. Alain Laurent, « Les vraies origines du néoconservatisme », Le Figaro, 16 octobre 2004 et, plus récemment, Sylvain Cypel, « L'échec intellectuel du néoconservatisme », Le Monde, 22 novembre 2008.
Voir aussi :
* Les missionnaires bottés de la démocratie, par Justin Vaïsse, Le Monde, 9 septembre 2004.
* Le site personnel de Justin Vaïsse et son blog sur Rue89.
* Le site compagnon du livre, Histoire du néoconservatisme aux Etats-Unis, chapitres par chapitres.
Conspiracy Watch : Spécialiste des Etats-Unis, vous venez de publier une Histoire du néoconservatisme aux États-Unis (éditions Odile Jacob, octobre 2008). Selon vous, pour quelles raisons les néoconservateurs déclenchent-ils les passions ?
Justin Vaïsse : Comme tout groupe intellectuel et politique à l'identité mal connue et mal comprise, les néoconservateurs ont fait l'objet d'innombrables fantasmes et de théories du complot. Et ce, alors même que toutes leurs idées, même les plus contestables, sont écrites noir sur blanc dans des revues accessibles par tous, et qu'ils se sont exprimés abondamment sur leur vision du monde, avec une grande clarté, depuis des années. Ils ont bien un aspect clanique, qui tient notamment à des liens de famille nombreux entre certaines des figures importants de ce courant, et au fait qu'ils ne s'attaquent jamais entre eux. Mais pour le reste, ils sont aussi ouverts et transparents qu'on peut l'être. Et beaucoup moins influents que ce que leurs opposants prétendent. Je crois d'une part que leur nom, avec le préfixe "néo", est une invitation aux fantasmes (le "néo" sent le soufre : néo-nazi, néo-fondamentaliste, etc.) ; d'ailleurs, c'est plus mystérieux et plus séduisant – et ça fait plus savant – de parler des "néoconservateurs" que des "conservateurs", même si ce n'est pas la même chose, peu importe. Je crois d'autre part que le pouvoir de l'idéologie, l'influence des idées sur la politique, et en particulier sur les affaires de guerre et de paix, déclenche une excitation particulière chez certains, peut-être le sentiment d'avoir une clé de l'histoire, une source identifiable de la marche du monde, une explication qui dissipe la complexité des choses.
C. W. : Mais alors, qui sont-ils vraiment ?
J. V. : Commençons par dire ce qu'ils ne sont pas, tant cette erreur est répandue, jusque dans les colonnes du Figaro ou du Monde (1) : ce ne sont pas des conservateurs. Le mouvement conservateur américain moderne est né à droite en 1955, autour de William Buckley et sa National Review, et à ce moment, les futurs néoconservateurs le considèrent comme une excentricité, une bizarrerie qui se situe en-dehors de leur univers. Plus tard, dans les années 1980 notamment, les néoconservateurs se rapprochent bel et bien du vaste mouvement conservateur – qui rassemble les conservateurs fiscaux, les libertariens, la droite chrétienne, etc. – à travers la politique étrangère et la personne de Ronald Reagan, et à travers la lutte commune contre les libéraux (au sens américain), mais sans s'y fondre complètement, en conservant toujours leur différence.
Une autre précision : ce n'est pas un mouvement politicien, il n'y a ni élus, ni électeurs portant l'étiquette "néoconservateurs", et il n'y a pas de base économique, ethnique, religieuse ou régionale. C'est tout au plus un courant de pensée intellectuel, peu structuré. Surtout, l'étiquette "néoconservateur" fait penser à une identité bien définie, alors que c'est l'inverse : cette étiquette désigne des réalités très différentes au cours des âges.
Ceux qui ont été traités de "nouveaux conservateurs" par leurs ennemis au tournant des années 1960 et 1970 étaient en fait des intellectuels, pour la plupart sociologues et politologues, qui s'inquiétaient des tournants pris par le libéralisme au cours de cette décennie tumultueuse, en particulier des grands programmes sociaux de guerre à la pauvreté qui leur semblaient utopiques et contre-productifs. Ils étaient toujours des libéraux, mais refusaient cette évolution vers un dénigrement de l'expérience américaine par la Nouvelle Gauche, et le remplacement des thèmes traditionnels de progrès social par les nouvelles questions d'identité (orientation sexuelle et libération des mœurs ; minorités, quotas et discrimination positive ; usage des drogues ; etc.). Remarquez bien qu'ils restaient plutôt à gauche et ne s'intéressaient pas à la politique étrangère.
Ce n'est qu'au cours du deuxième âge du néoconservatisme que cette question apparaît, au sein d'un autre groupe : non plus des intellectuels new-yorkais, mais des acteurs politiques de Washington, des démocrates, qui refusent la "gauchisation" de leur parti, sa tentation isolationniste, et la politique de Détente avec l'URSS qui l'accompagne, et prêchent un retour à la tradition de Roosevelt, Truman ou Kennedy : progès social concret à l'intérieur, anti-communisme musclé à l'extérieur. En 1980, ces "Scoop Jackson Democrats" (du nom de leur héros le sénateur démocrate Scoop Jackson) déséspèrent de leur parti et franchissent le pas : ils vont travailler pour Ronald Reagan, qui propose une politique étrangère "faucon" et une plus gande "clarté morale" dans la lutte contre l'URSS.
Les néoconservateurs récents, ceux du troisième âge, sont surtout les héritiers du deuxième âge : après une traversée du désert consécutive à la chute du Mur de Berlin, un nouvel avatar du néoconservatisme apparaît, cette fois clairement à droite, côté républicain, et presque exclusivement centré sur la politique étrangère. Les néoconservateurs des années 1990 et 2000 veulent une Amérique active à l'étranger, une Amérique qui façonne le système international plutôt que de laisser d'autres forces, éventuellement malveillantes, le faire, et une Amérique qui favorise la démocratie, car seul ce régime assure la paix et la sécurité sur le long terme.
C. W. : Quelle a été leur véritable influence sur la politique étrangère de George W. Bush ?
J. V. : La politique de George W. Bush, en particulier la guerre en Irak, a été en partie influencée par le néoconservatisme, mais en partie seulement. D'abord, les plus hauts responsables de sa politique étrangère n'étaient pas néoconservateurs : ni Condoleezza Rice, ni Colin Powell évidemment, mais pas non plus Donald Rumsfeld ou Dick Cheney, même si ces derniers ont été des relais de certaines de leurs thèses. Concernant George Bush lui-même, qui est après tout la personne clé ici, plusieurs influences ont compté, dont celle des néoconservateurs qui ont proposé une vision stratégique cohérente après le 11-Septembre, mais aussi celle de sa foi évangélique, et celle de ses conseillers "faucons" (comme Rumsfeld et Cheney justement, ou encore John Bolton) qui ne partageaient pas la vision néoconservatrice dans son ensemble. Bref, le rôle des néoconservateurs est loin d'être exclusif. D'ailleurs, il faut bien voir qu'ils ont toujours été minoritaires à Washington, et que leurs relations avec l'administration Bush ont souvent été tendues, notamment avec Donald Rumsfeld qui voulait mettre le moins de moyens possibles dans l'invasion de l'Iraq pour en faire un cas d'école de la transformation des forces. Si l'idée d'envahir l'Irak était mauvaise, à leur crédit, les néoconservateurs ont toujours demandé des moyens beaucoup plus importants pour que l'opération réussisse, et ont attaqué Rumsfeld, parfois violemment, sur ce thème.
C. W. : Existe-il, selon vous, un néoconservatisme « à la française » ?
J. V. : C'est tentant de faire un parallèle sur le plan de la politique étrangère : des intellectuels de gauche qui réagissent contre ce qu'ils perçoivent être les excès et les fourvoiements de la gauche, récusent le tiers-mondisme et le dénigrement de l'Occident, insistent sur la démocratie, sur la "clarté morale" (l'expression n'est pas employée en France) et soutiennent la guerre en Irak… sur le plan intérieur aussi c'est tentant: les commentaires d'Alain Finkielkraut pendant les violences urbaines de 2005 font penser à la réaction des représentants du premier âge du néoconservatisme (Pat Moynihan ou Norman Podhoretz par exemple) expliquant vers 1965-1970, lors des émeutes urbaines aux Etats-Unis, qu'on ne pouvait pas excuser n'importe quelle conduite sous prétexte qu'il s'agissait de Noirs des ghettos (ou de jeunes immigrés ou enfants d'immigrés des zones défavorisées), et que c'est l'expérience républicaine (ou l'expérience américaine) qui était attaquée. Mais malgré ces cousinages, les rapprochements sont vite trompeurs : chaque âge du néoconservatisme est intrinsèquement américain, c'est une réaction à la situation spécifique des Etats-Unis dans les années 1960, dans les années 1970 et dans les années 1990, pas une doctrine intellectuelle universelle transposable partout (sauf à en faire une boîte à outils abstraite, avec un filet tellement large que cela ne veut plus dire grand-chose).
C. W. : Les néoconservateurs ont-ils eux-mêmes leur théories du complot ?
J. V. : En quelque sorte, oui, c'est ça qui est amusant : plusieurs d'entre eux, autour de l'American Enterprise Institute, ont soutenu les thèses farfelues de Laurie Mylroie, qui prétendait que Saddam Hussein était derrière le premier attentat contre le World Trade Center en 1993, et derrière tous les attentats qui ont suivi, y compris celui d'Oklahoma City en 1995 perpétré par des Américains anti-fédéraux, et bien sûr derrière le 11-Septembre. L'intuition de départ n'a rien d'absurde, puisque Saddam avait commandité un attentat contre Bush père en 1993, mais aucun élément tangible ne vient la corroborer, sinon des raisonnements tirés par les cheveux, et le consensus unanime des professionnels se fait rapidement sur l'absence de lien entre l'Irak et les terroristes d'al Qaeda. Cela ne l'a pas empêchée de publier son ouvrage fantaisiste, Richard Perle de le décrire comme « un livre remarquable et tout à fait convaincant », et James Woolsey (ancien directeur de la CIA - NDLR) de l'appuyer, à tel point que Paul Wolfowitz envoie ce dernier en mission spéciale en Grande-Bretagne, fin 2001, pour vérifier l'une des allégations de Mylroie.
Notes :
(1) cf. Alain Laurent, « Les vraies origines du néoconservatisme », Le Figaro, 16 octobre 2004 et, plus récemment, Sylvain Cypel, « L'échec intellectuel du néoconservatisme », Le Monde, 22 novembre 2008.
Voir aussi :
* Les missionnaires bottés de la démocratie, par Justin Vaïsse, Le Monde, 9 septembre 2004.
* Le site personnel de Justin Vaïsse et son blog sur Rue89.
* Le site compagnon du livre, Histoire du néoconservatisme aux Etats-Unis, chapitres par chapitres.
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