LU SUR LE WEB : Pour faire reculer le conspirationnisme, Loïc Nicolas (Université Libre de Bruxelles) plaide pour la mise en place de cours de rhétorique. Car lorsqu’on ne dispose pas des mots pour faire partager son avis ou exprimer son désaccord, lorsqu’on est frustré de ne pas pouvoir ou savoir prendre la parole devant les autres, on bascule beaucoup plus facilement dans l’invective.
Nous vivons une époque extrêmement complexe et troublée. Cette complexité est source d’inquiétudes et d’interrogations, notamment quant à l’avenir de la démocratie et de la paix et, pour utiliser un gros mot, quant au « sens de l’Histoire » (la grande, mais aussi la petite, celle qui traverse le quotidien de tout un chacun). Conflits armés, attaques terroristes, tensions religieuses, crise économique, défi climatique… chaque jour, tout nous rappelle combien nos vies sont fragiles ; combien notre existence collective est incertaine ; combien nous sommes vulnérables. À l’heure de l’information en continu, il est impossible d’y échapper.
En même temps, ce rappel permanent de notre impuissance fait violence à notre condition de Modernes. Cela met en péril notre désir acharné de transparence, d’ordre et de performance. Nous aimerions avoir vraiment prise sur les événements du monde et n’être pas fragiles. Nous aspirons à la sécurité, qu’elle soit physique, sociale, professionnelle, familiale ou encore émotionnelle. Mais, sans arrêt, le monde et l’Histoire nous renvoient une autre image de nous-mêmes : celle d’individus dont la compréhension des choses est forcément limitée, partielle, douteuse et chaotique. Cette position, disons-le, n’est confortable pour personne. Face à un monde en crise, les théories du complot offrent alors une échappatoire facile et rassurante. (...)
Voir aussi :
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Les Rhétoriques de la conspiration (Emmanuelle Danblon & Loïc Nicolas dir.)